Chapitre 5

Yukino


A peine rentrée chez moi, je me précipite vers mon carnet de croquis, celui que Karma a voulu ouvrir quelques jours plus tôt. Je suis bien contente qu'il n'ait pas réussi, ce petit cahier renferme toutes mes pensées les plus profondes retranscrites en dessins, et j'ai tout sauf envie que quelqu'un mette la main dessus. Ce serait comme lire un journal intime.


Je prends une nouvelle page, et commence à dessiner ce qui me passe par la tête. L'inspiration me vient toute seule ce soir, et malheureusement pour moi, c'est le même sujet qu'hier. Et avant hier. Et le jour d'encore avant. Je n'ai pas envie de dessiner là dessus encore une fois, mais ma main bouge toute seule, et je dois bien reconnaître malgré moi que c'est un très bon sujet d'inspiration.


Je soupire et me résigne à continuer, sachant parfaitement que le résultat sera magnifique si j'arrive à retranscrire correctement l'image que j'ai en tête. Je ne vois pas le temps passer, et finis par me coucher bien trop tard alors qu'une journée de cours m'attends demain.


******


Putain je le savais. Je me suis endormie trop tard, et je finis par être en retard pour les cours. Ni une ni deux, j'enfile mon uniforme, prends un pain au lait ainsi que mon arme discrète favorite et pars en courant vers le collège.


Alors que je cours comme une dératée pour tenter d'être à l'heure, je croise ma soubrette préférée qui prends tout son temps et marche doucement vers la colline.


- Dépêche, on est en retard !

- J'ai l'habitude. Et puis on y sera à l'heure, t'inquiète pas...

- Mais bien sûr, dis je en soupirant. Viens avec moi au lieu de traîner des pieds !


J'attrape son bras au passage et le tire vers moi jusqu'à la pente de la mort. Il s'appuie totalement sur moi au début, me faisant jurer sous l'effort physique, puis finit par aller aussi vite que moi.


- Le dernier arrivé a un gage !


On se comporte comme de véritables gamins, mais ça suffit à nous motiver pour nous dépasser et aller plus vite encore. Nous nous retrouvons au coude à coude et arrivons en trombe devant la classe, qui sursaute en nous voyant débouler.


- Vous avez de la chance, nous allions commencer !


Je soupire de soulagement et Karma me tire la langue, comme pour me signifier « tu vois, je t'avais dit qu'on y arriverait ». Je lève les yeux au ciel et m'installe à ma place. Nous commençons la journée par des maths, et j'en profite pour me reposer un peu. Mine de rien, j'ai tout donné dans cette course et pour moi qui n'ai pas un très haut potentiel physique de base, j'ai brûlé toute mes réserves.


- Qui veut essayer de résoudre cette équation ? Yukino-chan peut être, au lieu de t'endormir au fond de la classe ?

- Bien Koro-sensei...


Je me lève péniblement de ma chaise sous le regard amusé de mon voisin. Karma se prend un regard noir, et je m'avance vers le tableau. Je m'arrête quelques instants devant celui ci, réfléchissant à la méthode la plus rapide, et finis par prendre une craie et écrire tranquillement mes calculs. En retournant à ma place, notre professeur me félicite.


- Je suis étonné que tu aies utilisé cette technique, Yukino-chan ! C'est d'un niveau bien plus avancé que ce que je voulais que tu fasses. Comment as tu appris ça ?

- Il faut bien que je sache gérer correctement mon argent en tant qu'assassin, sinon je suis sûre que mes supérieurs ne me donnerons pas toutes mes primes ! Et les pourcentages sont indispensables parce que ça dépend aussi du nombre de personnes à tuer, tout ça...


Le silence s'installe pendant tellement longtemps dans la pièce que j'ai l'impression d'avoir dit quelque chose de complètement dingue. Je me rends compte que c'est juste le temps qu'il faut pour que l'information fasse le tour de la classe lorsqu'ils se mettent tous à se moquer de moi.


- C'est seulement pour ça que tu es douée en maths ?

- C'est pas une raison suffisante ?


Sur cette bonne ambiance, nous reprenons les cours. Même si grâce à mon intervention tout le monde était un peu plus motivé pour travailler, nous avons tous laissé échapper un soupir de soulagement en entendant sonner la pause déjeuner. Je m'éclipse discrètement vers la forêt pendant que les autres mangent, et commence à mettre des couleurs sur le dessin que j'ai fais hier.


Alors que j'étais tranquillement en train de me demander quel déclinaison de noir irait mieux sur l'un des côtés, je sens une présence derrière moi. Par réflexe, j'attrape le petit pistolet que je laisse toujours caché dans les plis de ma jupe et me retourne pour me retrouver face à... Itona ?


- Qu'est ce que tu fais là, demandais-je en baissant mon arme.

- Je cherchais juste un endroit calme pour me poser.

- Ah. Désolée.


Je m'apprête partir lorsque je me rends compte que je ne trouve plus mon carnet. Relevant la tête, j'aperçois mon camarade de classe en train de feuilleter tranquillement ce qui s'apparente à mon journal intime. Je m'empresse de le lui reprendre, les joues en feu, et pas uniquement à cause de la colère.


- Tu t'intéresse à Karma ?

- Je m'intéresse à l'art, et il se trouve que malgré moi il est bien proportionné.


Je m'enfonce à une vitesse ahurissante.


Merveilleux.


- Ça devient marrant...

- Gnegnegne, c'est ça. Rends moi service et oublie ce que tu as vu, tu veux ?

- Et si j'ai pas envie ?

- Je vais te-


Coupée par la sonnerie de mon téléphone, je lui lance un regard noir et décroche.


- Oui ?

- Nouvelle mission. Cette fois ci, c'est un violeur. Il est dans la même ville, je t'envoie l'adresse. Le commanditaire demande une preuve de sa mort avec le collier que la cible porte. N'oublie pas.

- Compris.


Je soupire en raccrochant, et me tourne vers Itona.


- Tu peux les prévenir ?


Il hoche la tête et je le remercie de la même manière. Avant de partir, il glisse un pendentif dans ma poche que je garde sans réfléchir, et je fonce vers ma nouvelle cible.


- Appuie dessus si ça ne va pas, me crie t'il alors que je m'éloigne.

- J'essaierais d'y penser, je lui réponds.


*******


A quelques kilomètres de ma salle de classe, j'ai réussi à me positionner sur le toit d'un immeuble. Ça me facilite les choses, car même si je peux viser de loin je suis souvent gênée par les éventuels obstacles que peuvent rencontrer ma balle. A l'aide de mon viseur, j'observe le petit groupe de loin.


L'homme que je dois abattre est au centre, et semble plus que disposé à faire des conneries vu la manière dont il avive le moral des troupes. Soupirant en remarquant qu'ils sont pratiquement tous lycéens, j'arme mon jouet et me prépare silencieusement. Le calme habituel qui m'envahis me rassure, et je prends quelques secondes pour respirer profondément.


A la première ouverture, je tire. Ma balle fonce en plein dans la tête de ma cible, qui tombe lourdement sur le sol, mort. Ses acolytes se précipitent, et heureusement pour moi font exactement ce que j'avais espéré. Ils se séparent et partent dans différentes directions pour essayer de me trouver, laissant ainsi le mort surveillé par seulement cinq personnes. Pour récupérer le pendentif, j'avais besoin de moins de monde autour du cadavre pour prendre le moins de risques possibles.


Descendant de mon perchoir, j'ai la malchance de tomber sur l'un des gars du groupe. Avant qu'il n'ait pu me voir, je me glisse derrière lui et lui donne un coup de taser. Évanoui, il me tombe dessus et me me dépêche de le cacher dans l'immeuble duquel je viens de descendre. Je lui prends ses habits que je me dépêche de mettre et le laisse attaché en sous vêtements, camouflant mes longs cheveux avec une casquette, mon visage avec un masque, et repars le plus vite possible.


Plus je m'approche du centre du groupe et plus l'adrénaline monte. Petit à petit, je me fraie un chemin vers mon objectif, mais lorsque je pense enfin y parvenir, une armoire à glace me stoppe dans mon avancée.


- Une seconde, t'es qui toi ?


Je n'ai pas le temps de répondre quoi que ce soit que je me retrouve poussée au sol. Je laisse échapper un cri de surprise, et me maudis immédiatement. Ma voix ne laisse aucun doute quant à mon genre, et il semble que tous l'aient remarqué.


- Tiens tiens...


Les cinq hommes présents ne perdent pas de temps et m'encerclent, me laissant sans issues. Foutu pour foutu, je retire ma casquette pour élargir mon champ de vision, et ne tarde pas à attraper les couteaux que j'ai caché dans mes manches. Je ne les sors pas tout de suite, essayant de garder l'effet de surprise.


Le premier malfrat me saute dessus, tentant de m'attraper par derrière, mais je me baisse juste à temps et mets mes couteaux sous sa gorge.


- Ne bougez pas ou je l'égorge.


Les autres hommes cillent quelques secondes, puis finissent par sourire perversement et passent à l'attaque. Tout en jurant, j'enfonce mon couteau dans le ventre de celui que je tenais, lui infligeant une blessure bénigne mais suffisante pour l'immobiliser, et roule sur le côté pour échapper aux autres. Ma main attrape le revolver accroché à ma taille, et je réussis à tirer sur trois de mes assaillants avant de me faire faucher par le dernier.


Mon souffle se coupe, et je respire difficilement. Le pistolet que je tenais a été envoyé à une dizaine de mètres de mon emplacement, alors que celui qui m'a attaqué est bien plus proche. Je me tiens le ventre et il se baisse vers moi, me narguant de toute sa hauteur.


- Petite connasse, tu t'es bien occupée d'eux...


Il me tire par les cheveux, me forçant à me mettre debout, et je profite de cette brève ouverture pour lui donner un coup de genou le plus fort possible entre les jambes. Sa main me lâche et je me redresse, l'assommant correctement avec mon taser. Les jambes encore tremblantes, je récupère mon revolver et prends le collier au passage.


- Tu m'en auras bien fait baver...


Un bruit sourd retentit, et je me retourne. Devant moi, le reste de la bande arrive, et vu leurs têtes, je suis dans de beaux draps.


- Putain de bordel de merde.


Karma


Ça fait déjà un moment que Yukino est partie en mission, et je ne peux pas m'empêcher de m'inquiéter. Je sais bien que c'est une professionnelle, et que techniquement elle sait ce qu'elle fait, mais il semblerait que mon subconscient ne le comprenne pas. J'ai une sorte de mauvais pressentiment, et le problème c'est que mon instinct ne me trompe que rarement. Fais chier.


Je tourne la tête en entendant quelqu'un courir vers Karasuma-sensei.


- Il y a un problème avec Yukino.


Je déteste avoir toujours raison.


- Comment le sais tu ?

- Avant qu'elle ne parte, je lui ai donné un émetteur sur lequel appuyé si jamais quelque chose lui arrive.

- Où est elle ?


Nous nous mettons immédiatement en route vers le point GPS indiqué par le système d'Itona, en courant le plus vite possible.


- On se rapproche !


Nous tournons à l'angle de la dernière rue, et ce que nous voyons nous laisse sans voix.

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