Chapitre 4

Yukino


- Alors ce gage ?

- J'y réfléchis.


Marchant tranquillement vers notre salle de cours, j'observe Karma à la dérobée. Qu'est ce que je pourrais bien lui faire faire d'embêtant ou gênant... peut être quelque chose qui le marque dans sa dignité ? Oh ho !


- Karma ?

- Hum ?

- Tu as un costume de soubrette quelque part ?


Il s'étouffe avec sa salive, et finit par me répondre en voyant qu'il n'a pas le choix.


- Koro-sensei en a un...

- J'ai l'impression que ça ressasse de mauvais souvenirs, non ?

- Je te le fais pas si bien dire.


Mes lèvres se redressent un peu, et la manière dont je le regarde lui fait comprendre qu'il va y passer. J'aurais presque de la peine pour lui.


- Non, tout mais pas ça...

- Toute la journée. A partir du moment où on rentre en cours.


Victorieuse, je jubile discrètement sous ses protestations. Bon joueur, une fois arrivé devant le bâtiment, il va se déguiser comme je le lui ai demandé. Je m'installe à ma place et attends avec impatience son entrée. C'est honteux que le petit Karma s'assied à son bureau, baissant la tête pour se cacher derrière ses mèches. La classe n'en revient pas, et notre professeur non plus.


- Pouah, c'est quoi ce délire encore, crie l'un de nos camarades de classe, hilare.

- Je suis mort, t'as perdu un défi ou un truc du genre ?


Il hoche doucement la tête, et décide d'affronter cette épreuve avec le peu de dignité qu'il lui reste. Il se redresse et bombe le torse, clamant que la prochaine fois, c'est moi qui vais morfler, sous le rire des autres personnes présentes.


J'attends de voir ça.


- Qu'est ce que tu as perdu, hum ?


C'est Nakamura qui, se tenant le ventre, raconte notre petite escapade d'hier, ne cachant rien des détails gênants et peu indispensable à mon humble avis. Elle ne semble pas prête à en rester là, et d'un même mouvement, la soubrette et moi nous jetons sur elle pour tenter de récupérer son téléphone et la vidéo qu'elle s'apprêtait à montrer.


Mais c'est trop tard.


Toutes les têtes sont tournées vers ce minuscule appareil que je n'ai jamais autant maudit de ma vie, et la scène de la salle de bain fait le tour de la classe en moins de temps qu'il n'en faut pour dire ouf.


Ma vie est nulle.


On ne peut pas effacer cette foutue vidéo parce qu'elle a déjà pensé à faire des copies, et nous menace de publier ça sur les réseaux sociaux si on tente quoi que ce soit. Nous nous contentons donc de bouder en silence au fond de la salle, attendant de se faire attaquer par les remarques des autres.


- C'est trop chou !

- Depuis quand ils sont si proches ?

- Comment elle se fait maitris- ah bah non en fait !


Sans doute épuisé par les âneries que nous sortent nos camarades, Karma finit par se lever et partir vers la forêt. Tout aussi fatiguée que lui, je le suis sans rien dire. De toute manière il faut que je lui parle, et ce n'est pas avec les gosses de tout à l'heure que je pourrais avoir un moment de calme.


Karma


J'ai quitté la classe en étant lassé de leurs remarques stupides. Revoir cette vidéo me refait penser à mon échec face à elle, et j'ai beau être bon joueur, ça a quand même laissé un coup dans mon égo. Cette fille reste plus maligne qu'elle n'en a l'air, et je ne peux que soupirer à cette constatation. C'est à la fois terriblement frustrant et... intriguant ? Je semble de plus en plus intéressé par elle, et je n'arrive toujours pas à savoir si c'est une bonne ou une mauvaise chose.


- Tu en avais marre ?


Je tourne ma tête vers la nouvelle arrivée, qui s'assoit à mes côtés sur un tronc d'arbre.


- Toi aussi non ?

- C'est vrai... J'ai un truc à te demander d'ailleurs.


Inclinant la tête de côté, je lui fais savoir que je l'écoute.


- Est ce que tu pourrais m'aider à travailler ?

- Euh oui bien sûr... Mais pourquoi tu sembles si gênée pour un truc aussi normal ?

- Comment dire ça simplement...


Elle semble chercher ses mots, nerveuse, et finit par relever la tête et me regarde droit dans les yeux.


- Je ne suis jamais allée à l'école.

- Oh.


Surpris, je l'observe en haussant les sourcils.


- Pourquoi ?

- J'ai été formée très jeune en tant qu'assassin, donc...


C'est sûr que ça tombe sous le sens. Elle est bien allée à l'école, mais elle n'apprenait pas ses tables de multiplications et ses conjugaisons. Elle apprenait à s'infiltrer chez les gens, les épier, tirer avec une arme à feu, les différentes méthodes qui existantes pour empoisonner ses cibles, ce genre de choses. Merveilleux en somme.


- Par contre je sais lire, écrire, parler plusieurs langues et tout ce qui touche à l'argent n'a plus de secrets pour moi. J'ai aussi quelques bases en informatique.

- C'est déjà un bon début. On peut oublier les maths, l'éco et les langues alors. Tu n'as qu'à venir chez moi quand tu n'as pas de missions et je ferais de mon mieux.


Mieux vaut que j'apprenne le plus vite possible ce qui m'attire chez cette fille, au-delà de sa personnalité et sa maturité bien trop avancée pour quelqu'un de notre âge. Elle m'intrigue trop pour que je ne laisse passer une opportunité pareille. Yukino me regarde de manière sceptique, et je lève un sourcil.


- Un problème ?

- Je pensais que tu te serais moqué de moi.

- A quoi ça aurait servi ? La classe E a reçu bien assez de moqueries pour toute une vie. Alors franchement, le jour où tu verras quelqu'un de cette classe se moquer des autres à cause de leur compétences scolaires, Koro-sensei aura détruit la Terre.


L'ombre d'un sourire se dessine sur son visage, et elle lève la tête vers la cime des arbres en fermant les yeux. Apaisée, elle ne bouge plus, et je me surprends à l'observer plus en détail. Le soleil se reflète sur sa peau légèrement bronzée, ses cheveux ondulent sous la brise et le peu de sourire qu'elle maintient la rend vraiment belle.


Ses yeux s'ouvrent, et elle se tourne vers moi.


- Quitte à sécher les cours, autant que l'on commence les révisions tout de suite non ?

- Laisse moi juste me changer d'abord.


Elle ricane et se retourne, fixant le sol, alors que je m'empresse d'enlever cette robe de soubrette que j'avais passé par dessus mon uniforme. Une fois fait, nous nous dirigeons vers notre immeuble dans un silence étonnamment apaisant.


*******


Après avoir travaillé toute la journée sur les sciences comme la physique et la svt, Yukino a déjà acquis les bases de ces matières. Sa vitesse d'apprentissage est monstrueuse, et lorsqu'elle se concentre, elle ne se disperse pas avant d'avoir fini sa tâche. Une qualité que j'aimerai bien posséder.


C'était assez animé, surtout quand son frère a appelé pour lui demander où elle est passée. Elle s'est bien dispensée de lui dire qu'entre deux cours nous faisions des parties de jeux vidéos qui ont eu tendance à s'éterniser. Elle est forte, mais mon niveau reste tout de même supérieur au sien, ce qui l'a bien fait jurer tout au long de nos parties. Son dictionnaire d'insultes est tellement grand que ça m'a plus d'une fois déconcentré, pour son plus grand bonheur.


Par contre, et ça c'est bien quelque chose que je retiendrai jusqu'à la fin de ma vie, ne jamais toucher à sa cuisine. Le visuel a toujours l'air appétissant mais le goût... je ne préfère pas parler du goût. Honnêtement, je n'ai jamais mangé quelque chose d'aussi immonde de ma vie.


Avec tout ça, il se fait tard et je n'ai toujours pas eu le temps de faire mes devoirs. Je n'en ai peut être pas l'air, mais je suis quand même un minimum studieux. Surtout quand j'ai un poulpe qui se déplace à Mach 20 comme professeur et qu'il ne demande rien d'autre qu'une occasion pour te ridiculiser en public. Ça forge le caractère.


- Tu t'es trompé. L'accent dans ce mot doit se mettre sur la deuxième syllabe.


Je me retourne et me retrouve nez à nez avec Yukino. Perdu dans mes pensées, je n'ai pas fait attention à mon cours et je me retrouve à faire de stupides erreurs d'inattention. Je n'en fais jamais en temps normal, mais évidemment lorsqu'elle est là, je n'y manque pas. Fais chier.


- J'étais dans la lune.

- Pas besoin de te justifier, répond elle, une lueur amusée dans les yeux.


Cette fille va me rendre fou un jour.


- Ce n'est pas ce que j'essayais de faire.

- Évidemment que non. J'y vais, à demain. Merci pour aujourd'hui.

- A demain.


Je la regarde partir en soupirant, et me remets au travail.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top