Chapitre 15

Yukino


Bien que ça fasse deux bonnes années que je n'avais pas vu Haru, je ne parviens pas à me réjouir totalement de sa venue dans notre classe. Évidemment je suis heureuse de le revoir mais... l'intention cachée de son entrée en scène me perturbe au plus haut point. 


- Nous accueillons un nouvel élève aujourd'hui, je t'en prie présentes toi.

- Bonjour tout le monde, je suis Haru Ikumi.


Son sourire professionnel ne devient sincère que lorsque son regard se pose sur moi, et bien que mal à l'aise je le lui rends avec un peu moins d'enthousiasme.


- Vous vous connaissez ? Demande Nagisa.

- C'est mon ami d'enfance.

- Toute mes condoléances, rigole Rio en se moquant de moi, avançant sa main pour tapoter l'épaule d'Haru.


Avant même que ses doigts ne le touchent, l'assassin avait déjà attrapé son bras et elle se retrouve projetée au sol, immobilisée par la prise d'Haru sur son membre. Mon sang ne fait qu'un tour et jure en me précipitant vers eux, m'interposant de justesse avant que l'imbécile de service ne finisse par vraiment lui casser le bras.


- Putain mais t'es taré ! s'exclame Terasaka, qui se précipite vers la blonde toujours étalée au sol, le visage contorsionné par la douleur.

- Merde désolé je- c'était un réflexe, s'excuse mon ami en relâchant Rio.

- Haru, je te l'ai déjà dit. Contrôle toi, ordonnais-je d'une voix froide.


Il serre les dents mais se penche tout de même vers mon amie, qui elle essaie de se relever péniblement en le regardant comme s'il était une bombe prête à exploser à tout moment. L'assassin lui tend la main, s'excusant une nouvelle fois, mais elle l'ignore et s'appuie sur Nagisa pour se remettre sur pied. Ce type est un véritable monstre, je n'en reviens pas qu'il se soit autant amélioré depuis la dernière fois. Il a été vraiment rapide sur cette prise.


En parlant de vitesse, pourquoi Koro-sensei ne l'en a pas empêché ? 


D'habitude il n'aurait pas hésité à se placer devant pour protéger ses élèves, non ?


Un frisson de mauvais augure traverse mon corps et je me tourne lentement vers notre professeur qui n'avait toujours rien dit, debout derrière son bureau. Mon regard croise le sien mais son expression ne change pas. Qu'est-ce que ça voulait dire ? Je déglutis. D'un seul coup, un gong résonne dans ma tête. Les bruits sont étouffés, l'air est de plus en plus irrespirable et le sol se met à bouger, ou peut-être que c'est mon corps qui tremble, à ce stade je ne sais plus, je ne contrôle plus rien. Le reste de la pièce et des personnes présentes dans la salle ne semblent plus être avec moi, ou je ne semble plus être avec eux. J'entends que l'on appelle mon nom au loin, mais ce n'est pas assez fort pour me faire reprendre contact avec la réalité. Une réalisation me frappe soudainement comme un poing dans la figure.


La seule fois où je me suis déjà sentie comme ça, c'était le soir où nos parents ne sont pas rentrés.


- Yukino ! Hurle quelqu'un dans mon oreille, mot que j'entends si fort après mon moment de black out qu'il me fait sursauter violemment, relançant mon mal de crâne. Ca y est tu es de retour ? Putain tu m'as fait peur, chuchote Karma en me serrant dans ses bras.


Je papillonne des yeux quelques secondes, reprenant contact avec la réalité, alors qu'un tentacule se met à me tapoter la tête.


- Tout va bien, Yukino-chan ? Demande mon professeur.


Non. Ca ne va pas, mais alors pas du tout.


Ravalant les questions qui me brûlent la gorge, je souris faiblement.


- Oui ça va.

- Tu pleures pourtant.

- Ah, dis-je en portant ma main droite à mes joues, mouillées par mes larmes.


C'est peut être pour ça que le sol tremblait tout à l'heure.


J'essuie mon visage avec les manches de ma veste d'uniforme et mon petit ami resserre sa prise sur moi, déposant un bisou sur mon front.


- Tu veux rentrer ?

- Nan c'est bon, je suis pas en sucre non plus, répondis-je en grommelant avec une mauvaise foi évidente.

- Ca y est tu es de nouveau toi, sourit Karma avant de relâcher ses bras, remplaçant son câlin par nos petits doigts liés.

- Nono, tu... tu vas mieux ?


Le ton hésitant de mon ami d'enfance me fait tourner la tête vers lui et je soupire. J'avance la main qui n'est pas attachée à Karma vers sa tête, et le gifle le plus fortement possible. Le claquement résonne dans toute la pièce et les cris de surprise de mes camarades sont bien vite remplacés par un silence de plomb. Mon ami ne bouge toujours pas, ses mèches blondes cachant une bonne partie de son visage mais laissant sa joue rouge vif à découvert. Ses yeux sont baissés vers le sol, comme un enfant ayant fait une bêtise. La comparaison me ferait presque rire.


- C'est ce que je voulais faire depuis tout à l'heure, ça fait du bien, dis-je satisfaite. On est pas sur un champ de bataille ici Haru, Rio voulait juste te charrier, enfin me charrier, bref. Je sais que tu t'es déjà excusé, mais ça c'était pour avoir blessé mon amie. Maintenant si vous voulez bien vous serrer la main vous deux, qu'on en parle plus, hum ?


Le rire de Nakamura éclate soudainement dans la salle, laissant tout le monde se retourner vers elle. Elle finit par s'avancer hilare vers Haru, qui la regarde comme si elle était possédée.


- Salut Haru moi c'est Rio, rit-elle toujours en tendant la main.

- Euh... enchanté ?


L'hilarité de mon amie redouble et elle secoue vivement la main du blondinet qui ne sait vraiment plus où se mettre. Et honnêtement, cette scène est si drôle que je me retiens de rire depuis le début avec une main cachant ma bouche, mais j'ai le malheur de me tourner vers Karma. Il a les lèvres serrées et la mâchoire qui tremble tellement il a envie de se moquer d'eux et en voyant ça je ne peux pas m'empêcher de pouffer très peu discrètement. Mes yeux croisent celui de mon petit ami et c'est foutu. Mon ventre me fait mal tellement je rigole, et je ne suis pas la seule dans ce cas puisque Rio aussi se tient l'estomac.


- En fait c'est ça, vous êtes complètement tarés, conclut désespéramment Haru.


Le reste de la classe se joint à nous et même mon abruti d'ami d'enfance pouffe à son tour, bien que je doute que ce soit pour les mêmes raisons. Au lieu d'un « cette situation est quand même incroyable » c'est plus un « sortez moi de là, qu'est-ce que j'ai fait pour mériter ça » qui semble paraître dans son rire mais bon, tant pis pour lui. Il avait qu'à refuser la mission, puisqu'il va être coincé chez les fous pendant encore longtemps. Je parviendrais même a trouver quelque chose de bien dans sa venue ici et ma prise de conscience.


Point positif du black-out : finalement, les mecs sont pas si flippants que ça.


Ou c'est peut être parce que je sens que quelque chose de bien plus effrayant est sur le point d'arriver mais bon, foutu pour foutu. Au moins je parviens à relativiser, si on peut dire ça comme ça, sur la tentative de viol dont j'ai été victime. Même si je suis pas sûre que trouver ça "insignifiant" à côté de ce qui m'attend soit une bonne chose, ça reste une sorte de faible consolation. 


J'adore.


*****


- Est-ce que c'est vraiment indispensable qu'on révise la SVT ?

- Si tu veux ton diplôme il va bien falloir, Yuki-chan.


Un soupir à fendre l'âme quitte mes lèvres alors que Karma sort un à un les livres dont nous aurons besoin. Je veux bien comprendre que ce soit une matière qui compte pour le certificat de fin d'étude, mais est-ce que je peux pas la rattraper avec des notes d'autres matières ? Du genre les langues ou les maths ? Parce que concrètement, apprendre comment décortiquer une cuisse de grenouille ne m'avancera pas à grand-chose.


- Je sais ce que tu penses mais rappelle moi, qui voulait avoir de meilleurs résultats que moi ? Si tu ne travailles pas cette matière c'est sûr que tu ne me battra pas ~

- Qu'est ce que je ferais pas pour te faire ravaler ce sourire en coin, soupirais-je en sortant mes stylos et mon carnet, prête à prendre des note.

- Je dis ça je dis rien, mais tu peux toujours me faire fermer la bouche d'une autre façon, non ?


Le ton joueur que je détecte dans sa voix me donne envie de le frapper. Il est déjà magnifique, c'est pas la peine d'en rajouter avec une voix pareille. Sérieusement. Pour dire ce genre de choses en plus ? Pff.


- Tais toi et apprends moi.

- Quand tu veux ~

- Oh bordel- pas ça !


Son rire résonne dans la pièce alors qu'il sait pertinemment que je suis gênée de parler de ce genre de choses avec lui.


- Va te faire, Karma Akabane.

- Avec toi quand tu veux ma chérie ~


Je l'assomme quand ?

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