Chapitre I

— Roméo, arrête de hurler, souffla Hugo, excédé par le chant catastrophique de son ami.

Il entendit ce dernier rigoler comme un tordu et redoubler d'effort pour lui casser les oreilles. Jade lui demanda à son tour de baisser le ton pour lui éviter des ennuis avec ses voisins. Le brun se regarda dans le miroir de la salle de bain du locataire de l'appartement et fronça légèrement les sourcils en reniflant. Ses yeux étaient injectés de sang et les larmes les avaient tellement éclaircis qu'ils étaient désormais couleur vert eau. Son nez et ses joues, quant à eux, étaient rouges à force de trop les frotter. Voilà ce qui arrivait quand il restait seul trop longtemps depuis hier, il ne faisait que pleurer sans s'arrêter. Quelques coups frappés à la porte le sortirent de ses pensées et, après s'être assuré que sa serviette était bien nouée autour de sa taille, il alla ouvrir.

— Oulah ! T'en fais une de ses têtes !

— Le tact, tu connais, Roméo, soupira Jade avant de reporter son attention sur son ami dans la salle de bain, allez, viens te préparer, ça va te changer les idées.

— Mm...

En fait, Hugo savait que le seul moyen qu'il avait de se changer les idées était de se noyer dans le travail. Seul problème, tous ses cours et partiels étaient terminés, alors il ne pouvait pas. Il avait bien pensé à dessiner mais rien n'avait attiré son attention dans les modèles enregistrés sur son téléphone et il n'était pas parvenu à en faire un de lui-même. Alors il pensait, il réfléchissait et il pleurait. Heureusement pour lui, Axelle avait eu l'intelligence de ne lui envoyer aucun message et ne pas l'enfoncer un peu plus. Il avait mis ses parents au courant la veille, ainsi que son groupe d'amis en faisant fi du fait que son ex faisait elle-même partie de la discussion.

Il suivit son ami dans le salon/chambre et s'installa sur le canapé en trafiquant un peu la playlist sur le PC pour y mettre Save me, des BTS, afin de pouvoir déprimer en paix. Cependant, Roméo ne l'entendit pas de cette oreille et lui massacra chaque mots afin de lui tirer un léger sourire qui lui réchauffa légèrement le cœur. Il n'avait peut être aucun tact mais ça avait au moins le mérite de le mettre un peu de bonne humeur. Son regard se posa sur le visage légèrement rond de Jade qui le fixait à travers ses yeux chocolat bridés. Il haussa un sourcil à l'adresse de son ami pour savoir ce qui n'allait pas.

— Roméo a raison, c'est vrai que ta tête fait un peu peur... je vais m'en occuper.

— Pardon ?

— Maquillage, mon Gogo !

— Ne me donne pas ce surnom, grommela le brun en observant son ami prendre sa trousse à maquillage.

Le garçon aux cheveux rouges rigola plus franchement et, alors que le blond disparaissait dans la salle de bain, il s’assit à califourchon sur ses genoux pour lui refaire une petite beauté. Jade était un original, comme se plaisait à lui rappeler ses parents, mais ça ne faisait rien. Son look, si particulier et affirmé, provoquait et Hugo l'admirait pour cela. Le jeune homme lui appliqua une légère couche de fond de teint afin de cacher ses rougeurs puis un fin trait de liner sur ses yeux pour les faire ressortir derrière son loup. Il laissa cependant la coiffure de son ami comme elle l'était, c'est-à-dire dans tous les sens, car il trouvait que ça lui donnait un côté sexy. Quand il eût fini son œuvre, il se releva et demanda son approbation à Roméo qui sortait de la douche.

— Tu vas toutes les faire tomber, s'exclama ce dernier.

— C'est pas vraiment mon but...

— Roh ! Hugo ! Bois un peu et ça te décoincera, soupira-t-il en lui tendant une bière.

Le brun la saisi et s'exécuta après un temps d'hésitation. Il la but rapidement. Ce fut juste assez pour lui faire tourner la tête et le plonger dans un monde cotonneux où la douleur ne l'atteignait plus... 

Il s'habilla ensuite avec les deux garçons, enfilant le costume de style victorien qu'ils avaient acheté la veille. Soit une veste longue noire au fin liseret vert sur les bords avec un pantalon assorti par dessus un veston noir lui aussi et une chemise blanche fermée par un délicat foulard vert pour lui. Le tout était complété par un loup dans les teintes de sa tenue, vert et noir donc, agrémenté de quelques plumes blanches et de paillettes argentées. Roméo, lui, avait opté pour une simple chemise blanche de style victorienne qu'il avait laissée ouverte sur son torse musclé avec un pantalon noir et un masque blanc. Quant à Jade, il avait préféré choisir un costume du même type que celui de Hugo mais dans des tons bleu et argent. Les trois jeunes hommes quittèrent la maison juste après avoir fini de se préparer et bu quelques verres. Ils rejoignirent le campus d'où partait les navettes pour aller au bal. Ce dernier se déroulait dans un manoir non loin de la ville. Quand ils arrivèrent sur place, Hugo présenta leurs invitations au vigile à l'entrée qui les laissa entrer à l'intérieur de l'énorme parc où il y avait déjà bon nombre de fumeur.

Les amis préférèrent aller directement à l'intérieur et boire à nouveau, deux pour s'amuser un peu plus et un simplement pour oublier la peine horrible qui lui rongeait le cœur. Au bout de quelques heures, Hugo n'avait pas daigné bouger du bar, enchaînant les verres de bières, alors que Jade et Roméo étaient partis danser sur la piste aménagée dans le centre du grand salon. Le brun faisait en sorte qu'aucune fille ne l'approche, peu importe qu'elle soit séduisante ou non, et l'alcool l'y aidait énormément puisqu'il était désormais assez ivre pour ne plus faire preuve de tact en repoussant les demoiselles. Il appela le barman, un jeune homme en redingote blanche et or passée par dessus un veston et un pantalon assortis et une chemise blanche nouée par un foulard blanc brodé d'or, pour avoir un nouveau verre. Sans qu'il n'y prête véritablement attention, son regard se posa sur lui et il détailla ses cheveux cuivrés qui retombaient sur son masque doré lui mangeant la moitié du visage, ne faisant ressortir que de délicats yeux couleur miel et une mâchoire carré aux lèvres légèrement pulpeuses. Il détourna le regard quand il remarqua qu'il le fixait depuis un peu trop longtemps mais cela ne sembla pas échapper au mystérieux jeune homme qui demanda en déposant le nouveau verre de bière devant lui :

— Voulez-vous être mon cavalier pour la prochaine danse, monsieur ?

— Un mec ? J'suis pas une tapette moi, mônsieur, répondit Hugo en ne pouvant retenir un petit rire, les joues rougies par l'alcool, puis t'es pas censé travailler ?

— Ah ça... ce n'est qu'un détail avec moi.

L'homme, qui avait vraisemblablement quelques années de plus que lui, dit quelques mots à son collègue avant de faire le tour du bar et s'approcher de Hugo. Une main ferme attrapa sa taille et, avant qu'il n'ait pu faire quoi que ce soit, l'étudiant se retrouva collé contre le corps du roux. Beaucoup trop près à son goût, à vrai dire, et cela suffit à faire redescendre toute l'ivresse qui s'était emparée de lui. Alors qu'il allait protester et se débattre comme un beau diable, il croisa les magnifiques yeux ambrés de son vis-à-vis qui lui faisaient mille promesses de nuit passionnée. Dieu seul savait à quel point il en manquait cruellement depuis hier. Sans même s'en rendre compte, il se retrouva collé à l'inconnu sur la piste de danse en train d'exécuter les pas d'un slow sensuel dans lequel il se laissa totalement aller, l'alcool aidant.

— Dis-moi ton prénom, petit agneau, chuchota-t-il à son oreille avant d'en mordiller le lobe.

— Hu-Hugo... Et...

— Tu n'as pas à le savoir, pour toi je suis juste le prince de ce bal, compris ?

— Quoi... ?

Le roux rigola légèrement en croisant le regard perdu que lui lança l'étudiant, et savoura les étranges reflets de ses iris selon la lumière environnante. Il glissa sa main à l'arrière de sa nuque pour caresser quelques cheveux sombres et repris la parole toujours en chuchotant :

— Tu vas voir, nous allons passer une excellente soirée. Mon petit agneau.

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