Cette après-midi, je m'arrête au Parker's pour me prendre un café avant d'aller me préparer pour un nouveau contrat. J'aime venir ici, et m'y ressourcer, même si Luna n'est pas avec moi. Elle rente bientôt, et j'ai hâte de pouvoir la retrouver. Elle a enchaîné plusieurs déplacements ces derniers temps, on ne s'est donc pas vu beaucoup.

J'attends ma commande au comptoir et subitement, mon épine dorsale frémit.

Il est là.

Derrière moi.

Je le devine avant même de me retourner.

Un mois s'est écoulé depuis que j'ai dansé avec Ace et il n'a cessé d'accaparer mon esprit.

Comment sait-il que c'est ici que je prends souvent mon café ? Ce n'est pas une coïncidence, j'en suis certaine !

Je perçois sa chaleur corporelle tout près de la mienne, je peux presque sentir son souffle au-dessus de mon épaule. Lentement, je me retourne et il m'offre à nouveau ce sourire si craquant.

—Ace, chuchoté-je.

—Cheryl. C'est une joie de vous revoir.

—Vous me faites suivre ?

—Pardon ? Non, je viens seulement prendre un café.

Il s'adosse à côté de moi au comptoir et passe commande. Je fronce les sourcils, pas dupe de ce qu'il m'a expliqué à l'instant.

—Où êtes-vous descendu ? le questionné-je.

—Au même hôtel où on s'est croisé il y a deux mois.

—Et vous venez prendre un café ici, à Schaerbeek alors que votre hôtel est au centre de Bruxelles ?

—J'étais en rendez-vous non loin d'ici.

—Oh.

—J'aurais aimé pouvoir continuer discuter avec vous, malheureusement, je ne fais qu'un saut en ces lieux le temps de m'acheter un café. Je dois repartir.

—Vous ne me devez aucune explication.

Il m'offre un nouveau sourire qui enflamme mes joues, se penche vers moi et chuchote :

—A bientôt.

Il prend son gobelet, paie la serveuse qui retourne vers d'autres clients. Il s'éloigne ensuite, je le fixe quitter les lieux, puis souffle tout en m'adossant au comptoir où j'y accroche mes doigts. Toute la tension retenue pendant qu'il était près de moi s'évapore. Mais pas le désir que j'avais à ce qu'il reste avec moi. Car oui, je le voulais, même s'il me perturbe et me chamboule. Je pose une main tremblante sur ma poitrine qui pulse contre ma cage thoracique. Autant nos entrevues ne sont pas programmées, autant il a un effet sur moi que je ne parviens pas à comprendre ni à contrôler.

—Ressaisis-toi, Cheryl, chuchoté-je à moi-même. Qu'est-ce qui te prend ?! Ce n'est qu'un mec...

Me le dire à voix haute ne m'aide pas, malheureusement. Ça me ferait même passer limite pour folle à parler toute seule.

Je revois dans ma tête son si beau regard hypnotique, son magnifique sourire empli de charme. J'entends encore sa voix de velours, grave, mais si douce.

Je soupire.

Comment ce mec a-t-il fait pour m'envoûter par sa simple présence ? Il me retourne complètement le cerveau sans même rien faire pour cela !

***

Assise au comptoir de l'hôtel où Mathieu descend chaque fois qu'il vient en Belgique, je patiente. Il a contacté l'agence hier, pour demander mes services. C'est toujours moi. Jamais une autre. Normalement, il ne devrait plus tarder, même si être en retard ne lui ressemble pas.

Le barman s'approche. Je relève la tête vers lui, comprenant que c'est à moi qu'il aimerait s'adresser.

—Monsieur Fournier s'excuse, mais il ne pourra pas vous rejoindre ce soir, il est retenue ailleurs pour affaires. Il vient de contacter l'hôtel pour vous prévenir.

—Ce n'est rien. Je vous remercie.

—Souhaitez-vous que j'appelle un taxi, madame ?

—Non, ça ira.

—Comme il vous plaira.

Il s'éloigne et discrètement, je souffle.

Il est rare qu'un client me fasse faux bon, mais cela arrive et je sais que pour Mathieu, ce n'était pas ce qu'il désirait. Il a toujours honoré nos contrats et s'il est retenu ailleurs, c'est contre sa volonté.

Tant pis. Ça sera pour une prochaine fois. Je vais en profiter pour me détendre chez moi.

Je termine mon verre et me lève, traverse la salle, passe à côté du salon pour atteindre les portes du hall. C'est à ce moment-là que je l'aperçois ; Ace. Je suis persuadée que ce n'est pas son véritable prénom, mais un pseudonyme qu'il utilise. Pourquoi ? Je n'en ai aucune idée. Je mentirais si je disais que je ne voudrais pas le savoir. Tout chez cet homme m'intrigue, surtout le fait qu'en sa présence, je ne me sens plus vraiment moi-même. Et pour cause, mon rythme cardiaque s'accélère alors qu'il a à peine posé les yeux sur moi.

Avant même que je décide de faire un pas vers la sortie, il se lève et me rejoint. Je suis tant happée par sa stature que je n'ordonne pas à mon corps de bouger, lui permettant de se rapprocher de moi.

Evidemment, lui, il est présent, contrairement à Mathieu.

—Bonsoir, Cheryl.

—Bonsoir.

—C'est une adorable surprise que de vous trouver ici, dans mon hôtel. Votre ami ne vous rejoint pas, ce soir ?

Une alarme dans ma tête se déclenche. Certes, il ne m'a aperçu qu'une fois en présence de Mathieu et il en a déjà déduit que c'était mon ami. Sait-il au moins ce que je fais avec ce client ? J'en doute. Ace n'a pas les ressources pour découvrir que je suis une Escort. Pour cela, il faut avoir certains contacts et savoir ce que l'on cherche.

—Comme vous pouvez le constater, je suis seule. J'allais rentrer.

—Joignez-vous à moi pour boire un verre.

—Je...

—Il me semble que vous avez du temps, non ?

Qu'il est perspicace ! Après tout, pourquoi pas. Je ne suis plus en service et ça n'engage à rien.

—Très bien.

Il m'offre ce sourire si craquant et m'invite à le suivre.

Je m'installe dans l'un des fauteuils, lui dans celui d'à côté et il me sert un verre de vin rouge. Je goûte. Il est délicieux !

—Vous aimez ?

—Il est exquis !

—Je suis de votre avis. J'ai ramené cette bouteille lors de mon dernier voyage en France du vignoble en Bourgogne.

—Je n'en ai encore jamais visité.

—Je me rends dans trois semaines au vignoble bordelais. Désirez-vous m'accompagner ?

Surprise par sa requête, je hausse des sourcils, ce qui lui tire un rire qui se répercute en moi.

—En tout bien tout honneur, je vous assure.

—Partir avec un inconnu, c'est se jeter dans le vide.

—Ou tout simplement passer un merveilleux moment en ne songeant ni au travail ni aux soucis du quotidien. Cela ne tient qu'à vous. Pour ma part, je serai heureux que vous vous joigniez à moi.

—En semaine ou week-end ?

—Samedi 2 juillet. J'y reste jusqu'au dimanche soir.

—Il faut que je voie avec mon boulot.

—Vous travaillez même le dimanche ?

—Cela m'arrive.

—Quel est votre métier ?

—Quel est le vôtre ?

Il ne répond pas, mais souris puis bois une nouvelle gorgée. Je fais de même puis décide qu'il est temps pour moi de rentrer. Avant de dire n'importe quoi à cet homme qui m'invite à partir avec lui dans un endroit inconnu avec lui qui est tout aussi inconnu pour moi.

—Je vais y réfléchir. Merci pour votre proposition.

—A bientôt, Cheryl.

Il est si sûr de me revoir. Après tout, il sait où me trouver, même si je ne me rends pas au Parker's tous les jours...

***

Cet endroit devient vraiment notre lieu de prédilection pour se rencontrer. La semaine dernière, je buvais un verre de vin dans le salon de son hôtel, et aujourd'hui, je suis installée à la même table qu'Ace au Parker's. Lorsque je suis entré dans le bâtiment, il était déjà assis et m'a proposé de le rejoindre. Sans réfléchir, j'ai accepté.

Etonnamment, j'ai parlé avec cet homme comme si je le connaissais depuis des années, alors qu'il n'en est rien. C'est cordial, respectueux et on en est venu à se tutoyer.

—Est-ce que je pourrais avoir ton numéro de portable ?

Je suspends ma tasse au bord de mes lèvres, comme interdite face à sa demande. Il boit tranquillement son café, comme si de rien n'était, et m'offre ensuite un sourire irrésistible. Mon cœur bat subitement plus fort.

Je ne m'étais pas attendue à ça.

Certes, sa compagnie est plaisante. On se voit beaucoup et j'ignore pourquoi j'accepte sa présence. Il me trouble et m'attire tout à la fois.

Inutile de me mentir. J'aime passer du temps avec lui. Il ne m'accule pas, ne me rends pas mal à l'aise. Une complicité naissante s'installe entre nous. Et surtout, ce n'est pas un client ! Je crois que c'est ce qui me freine. Je ne suis pas habituée à côtoyer des hommes en dehors du boulot.

Je baisse les yeux et me mordille la lèvre inférieure. Il m'invite d'abord à visiter un vignoble et maintenant, il souhaite avoir mon numéro de téléphone ! C'est beaucoup trop intimiste ! Je ne suis pas accoutumée à ce genre de contact. Je pourrai bien sûr lui octroyer ce qu'il demande, mais je sais au fond de moi que ce serait me mettre en danger. J'ignore d'où sort cet homme et ce qu'il me veut réellement.

Avec mes clients, c'est différent. Je sais d'avance ce qu'ils souhaitent et qu'ils ne sont en aucun cas une menace. Et surtout, je ne risque pas d'y laisser des plumes. Alors qu'avec Ace, c'est l'inconnu le plus total !

Je sursaute lorsque les doigts de Ace effleurent les miens. Mon pouls s'affole à nouveau – à croire qu'il ne fait que ça en présence de cet homme ! –, je redresse la tête et me perds un instant dans l'immensité du bleu de ses yeux. Il n'y a pas que la couleur qui me happe, mais la douceur qu'ils dégagent. Cela m'ébranle un peu plus.

—Tu me le donnes ?

—Pourquoi ?

—Pour notre voyage, dans deux semaines.

—Je n'ai pas encore accepté.

—C'est vrai. Que dois-je faire pour que tu m'accordes ce privilège de te joindre à moi lors de ce week-end ?

Mes lèvres s'étirent et sans que je ne réalise, je lance :

—Surprends-moi.

*****************************

Hello mes chatons ♥

La suite a tardé, mais comme je n'avais pas vos impressions sur ce que vous lisez, j'attendais un peu.

Ace et Cheryl se rapprochent un tout petit peu. Comment cela va tourner, à votre avis?

Des bisous ♥