CHAPITRE 5 - INSANE

- On va s'amuser.

Je n'ai même pas le temps de penser que sa phrase est louche qu'il avance brusquement, me faisant hurler de terreur. Je m'accroche de toutes mes forces à sa veste en cuir, mais rien y fait; je vais mourir à cause d'un fou-furieux-à-moto-pervers. J'enfouis mon visage dans son dos en marmonnant les quelques prières que je connais. Au moins, de cette façon, je me garantis un minimum le paradis. 

Je l'entends rire aux éclats pendant que je récite dans le désordre le machin du Père et du Saint-Esprit. Je lui donne en réponse une claque sur la nuque en m'accrochant tout autant à lui.

- Ralentis !! On va mourir !! hurlé-je.

- Il n'en est pas question, chérie.

Il accélère encore plus et je peine à respirer à cause du vent froid qui me fouette le visage. Il fait une série de détours dans les rues en dépassant la vitesse maximale inscrite sur les panneaux, contourne les voitures trop lentes à son goût et brûle au moins une dizaine de feux rouges.

- Mais bordel, t'es fou ou t'es fou !?

- Un peu des deux, crie-t-il par dessus le bruit du vent.

Je devine le sourire sur ses lèvres et ne peux empêcher celui qui étire les miennes. Finalement, il n'est vraiment pas si terrible, le nouveau. Il sait s'amuser... et briser la loi. Mais malgré cela, je garde mon visage collé contre sa veste et mes bras autour de sa taille tout au long du trajet. J'ai vraiment peur de faire un faux pas qui pourrait nous coûter nos vie. La vitesse folle avec laquelle il roule n'aide rien aussi.

- Regarde...

- Non...

- Allez, il ne faut pas que tu manques ça.

Je lève  péniblement latête et risque un regard sur le côté... et je suis éblouie par la vue qui s'offre à moi. Nous sommes en pleine ascension d'une montagne bordée par la mer. En altitude, la vue est juste incroyable. L'eau est turquoise vers le bord et plus on s'éloigne, plus c'est bleu. Il me lance un regard rapide de satisfaction par-dessus son épaule en fait vombrir le moteur pour accélérer encore. Je me recolle tout contre lui.

- C'est vraiment joli.

- Je sais.

- On va où ? demandé-je contre sa nuque.

- Tu verras.

- Pourquoi tous ces mystères !? Dis-moi !

- Tu sauras quand on y arrivera, je te dis ! fait-il avec une pointe d'agacement dans la voix.

Non, non, non, agace-toi pas, beau gosse. Pas maintenant. Je me suis pas amusée encore, là ! Puis, s'il en a déjà marre maintenant, il ne voudra probablement pas me ramener à l'école pour que je reprenne ma voiture. Oui, OK, un peu pragmatique aussi, mais c'est du sérieux. 'vais pas rester sur le haut d'une montagne toute seule sans savoir par où me diriger pour rentrer chez moi !

Au bout d'une vingtaine de minutes, nous parvenons au sommet... sur lequel il y a un espèce de nightclub assez bondé alors qu'il n'est que... midi. Ça nous a pris une heure pour arriver à cet endroit. Il roule encore un peu, se rapproche de la bâtisse et se gare sur le côté.

- Allez, débarque.

J'obtempère, hésitante, et dès que je remets les pieds sur terre, je manque de m'affaler de tout mon long... bon, 1m65, mais quand même. Je me rattrape au motocycle, les jambes flageolantes. Eidan me retire mon casque en souriant.

- Pas trop secouée ? Parce qu'il y a pire là-dedans.

Je lui jette un regard noir, reprends un semblant de contenance en le devançant et en replaçant mes cheveux ébourrifés par le casque et par le vent.

- Tout va bien, m'sieur. Allez, viens.

- Heu... Alexia ?

Je continue d'avancer vers le bâtiment en l'ignorant royalement.

- Alexia, l'entrée est par ici.

Je me tourne lentement vers lui et vois qu'il pointe dans une direction opposée à la mienne. Embarassée, le feu aux joues, je reviens vers lui en évitant soigneusement son regard. Je me plante devant lui, les yeux fermés en essayant de rassembler les parties restantes de ma fierté. Puis, je lève les yeux vers lui, au bout d'un moment, et remarque son petit sourire.

- Tu es une petite chose vraiment, vraiment sûre d'elle, en fait.

Je lui tire la langue comme une gamine et il pouffe. Je lui donne une tape sur l'épaule et lui tourne le dos en croisant les bras, énervée. L'instant d'après, je sens son souffle chaud sur sa nuque et sa main presser le bas de mon dos.

- Allez, viens que je te montre l'endroit.

Il garde une main protectrice dans mon dos, autant pour me guider que pour empêcher les hommes de m'aborder. Courroucée, je me tourne vers lui et pose un doigt sur son torse pour l'empêcher d'avancer.

- Je suis capable de m'occuper de moi-même, tu sais ?

Il croise les bras en plissant les yeux et replace ses cheveux soyeux.

- OK, Makaryan.

Il me contourne sans prévenir et commence à courir en me plantant là. Je pousse un petit cri lorsque je le perds de vue et que je me retrouve seule au beau milieu d'un troupeau d'hommes tatoués en chaleur.

- Eidaaan !! Reviens, merde !!

Je commence à courir, l'adrénaline me donnant une poussée d'énergie supplémentaire. Je bouscule des gens, manque de tomber, manque de mourir asphyxiée ( au secours, apportez du déodorant, c'est dégeuuuu ) et à peine franchis-je la grande porte à laquelle tout le monde à accès que la musique forte et l'odeur de l'alcool me parvient.

Lentement, je pénètre dans l'endroit en regardant autour de moi. Des femmes se trémoussent sur des hommes, d'autres sont assis au bar à boissons alors que d'autres sont assis à des tables et discutent. Une scène au dessus de laquelle est accrochée une boule lumineuse fait office de piste de danse. Le club est entièrement plongé dans le noir, je n'y vois presque rien, si ce n'est que la lumière de la piste qui m'éclaire un peu. La musique bat à son plein dans cet endroit, tout le monde est donc obligé de crier pour se faire entendre.

Un homme me bouscule.

- Hé, mais tu fais attention, quoi !

Il me déshabille du regard en un instant alors que ses yeux sont encore pleins de colère.

- Je.. désolée..

- Ouais, c'est ça, marmonne-t-il.

Eidan, je vais te massacrer. La brute s'éloigne pendant que je cherche encore le nouveau du regard... le voilà. Assis sur un siège près du bar. Je le rejoins d'un pas furieux et le retourne vers moi pendant qu'il finit son verre de bière ou peu importe.

- T'es fier de toi, là !?

- Ouais.

Je lui donne un coup sur le bras, mais, cette fois, c'est moi qui a mal. J'étouffe un gémissement de douleur en me frottant la main.

- C'est un bras ou une planche de bois, ça !?

- C'est des muscles, chérie.

Je remarque alors qu'il a enlevé sa veste... et que son t-shirt est noir aussi. Il me tire pour que je m'assois près de lui et commande deux shooters. J'observe ses bras musclés et complètement tatoués. Aucune parcelle de peau blanche n'est visible. Ses avant-bras et ses biceps sont couverts d'une multitude de dessins enchevêtrés l'un dans l'autre. Je remarque une rose noire avec quelque chose en latin écrit dessous.

- Qu'est-ce qui se passe ?

Je relève la tête et rencontre son regard scrutateur.

- Rien, juste, j'observais tes dessins.

Il baisse les yeux sur ses bras en souriant.

- J'ai décidé de faire de mon corps une oeuvre d'art. Ça te plait ? se moque-t-il.

Je lève les yeux au ciel pendant que le barman nous apporte nos boissons. Il m'en tend un, nous trinquons et avalons l'alcool d'un trait. Le shooter me brûle la gorge et pourtant me fait un bien fou. Ma vue se brouille un peu sous l'effet aphrodisiaque de la boisson pendant qu'Eidan se lève.

- Allez, on va danser.

Je le regarde, interloquée.

- Danser après tout le putain de trajet qu'on vient de faire !?

Il claque la langue avec un regard faussement désapprobateur.

- Ton language, jeune fille.

- T'es complètement dingue, tu sais ça ?

- Je sais, fait-il avec un sourire espiègle.

Et j'aime ça. Mais jamais je ne l'avouerai.



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