Chapitre 8 : Il a quoi votre copain ?
Meghan
Peu de temps après mon appel, c'est un Peter outrecuidant qui passe me chercher au bar.
Mon statut d'obligée a suscité chez lui une vague d'orgueil démesuré que je décèle dans chaque parcelle de son être. Sourire présomptueux, regard flambard et démarche bêcheuse.
— Vous ne pouvez déjà plus vous passer de moi, hein...
Réflexe incontrôlable, je lève les yeux au ciel, mais ne desserre pas mes lèvres pincées pour m'en défendre.
— Oh nooon ! Vous avez viré jupe et talons ! Toutes ces dernières heures à fantasmer dessus pour rien... Je suis déçu, Meghan O'Hara.
Tu m'étonnes que je me sois changée ! Et d'une, je n'en pouvais plus d'être fagotée ainsi, de deux, je vais passer les prochaines heures avec hormones-man, et de trois, je terminerai cette délicieuse journée chez le roi des ours, lequel n'a vraiment pas eu l'air de me prendre au sérieux, ainsi accoutrée. Donc exit la tenue de bureau pour une, disons, plus décontract'. Carolyn m'a permis de disposer d'une des chambres qu'elle loue au premier étage, dans laquelle j'ai rapidement passé un jean, un pull en laine blanc et mes vieilles boots en cuir marron.
— On y va ? préféré-je en finir.
Je remercie chaleureusement Carolyn pour le temps qu'elle m'a consacré, lui promettant de repasser dès que possible, et salue dans le vide les trois clients qui ont été rejoints par d'autres tout aussi mutiques, avant de me saisir de ma valise.
— Laissez.
Peter m'arrache mon bagage des mains et ouvre la marche vers la sortie.
Une fois dehors, il le range dans le coffre de son 4x4, puis regagne sa place de conducteur. Toujours sur le trottoir, je bloque toute avancée et anticipe avec morosité ce qui m'attend avec lui. Sérieusement, je suis épuisée et ne suis plus d'humeur à encaisser son numéro de paon. Dieu sait que je regorge d'humour, mais j'ai aussi mes limites. Et quand je vois l'échec annoncé pour ce séjour, avec à la clé, celui de ma courte carrière professionnelle au sein de « Juneau Trip », je n'ai plus du tout envie de rire.
— Vous vouliez que je vous ouvre la porte peut-être ? me tire Peter de mon marasme en abaissant la vitre passagère. Désolé, Princesse, mais on est un peu bourru par ici.
Conservant ma froideur et mon silence, je grimpe à ses côtés.
— On dirait qu'il y a un truc qui vous chiffonne, Meghan. Il y a un problème ?
Peter perd son sourire tout en gardant le regard vissé sur moi.
Je le soutiens quelques secondes, avant d'enfin joindre la parole à mon air glacial.
— Ouais, et un sérieux même. Vous.
— Quoi ? explose-t-il littéralement de rire. Mais qu'est-ce que j'ai fait ?
— Écoutez, ce n'est pas vraiment mon genre de mâcher mes mots, et je m'en excuse à l'avance, mais là tout de suite, je ne vais pas vous épargner. Je suis une femme plutôt fière, une battante, et j'estime ne pas avoir à faire mes preuves. Je suis une sportive hors pair, j'ai été élevée dans un endroit retiré et plus que sauvage, et j'ai déjà voyagé dans des lieux classés comme les plus dangereux au monde. Je n'aime pas la drague outrancière, et la vôtre l'est. J'ai absolument besoin de repartir d'ici avec du concret et pour l'instant, c'est la merde.
Je termine ma tirade, essoufflée, mais ne dévie pas une seule seconde mes yeux des siens. J'affronte sa réaction, sans me soucier de l'avoir blessé ou pas.
— Wow. Je rêve ou votre accusation ne m'était pas qu'adressée ?
— Quoi ? lâché-je à mon tour.
— La drague outrancière, OK, je prends, mais pour ce qui est du reste, mon petit doigt me dit que Kal est plus concerné que moi. Il a été pas cool à ce point ?
Cette fois, je détourne mon visage vexé et le garde bloqué face à moi. Je m'enfonce dans mon siège et boucle ma ceinture.
Peter secoue la tête et démarre la voiture.
— Je suis désolé si j'ai été un peu lourd. Quant à Kal...
— Un peu ? ne puis-je retenir. J'ai un fiancé, je vous signale !
— Aïe. On y est, mon cœur est définitivement brisé, Meghan. Mais j'ai compris, je serai sage.
Je porte à nouveau mon attention sur lui et constate qu'il mime la souffrance, avant de se marrer. Cette fois, je me détends et le suis dans son humeur joyeuse, sans pour autant le lui montrer. Il n'empêche, même si c'est un mensonge, le coup du fiancé fonctionne, car Peter n'insiste plus. Il revêt en une seconde un masque de sagesse exemplaire.
Enfin, ce n'est pas vraiment un mensonge... J'avais bien un fiancé, il y a six mois encore, mais je l'ai viré de chez nous, après avoir découvert qu'il me trompait, et ce, à chacune de mes absences pour le boulot. Et comme je devais enchaîner plusieurs voyages, je n'ai pas voulu allonger sa liste de maîtresses plus qu'elle ne l'était déjà, alors j'ai arrêté là les frais... Plus sérieusement, cette histoire m'a détruite et me dévore encore, car j'étais profondément amoureuse de Charley, avec qui j'étais en couple depuis des années, et peut-être le suis-je toujours. Je ne sais pas, j'évite d'y penser, mais il faut croire que je ne lui suffisais pas. Son infidélité a été pitoyablement découverte et mon histoire d'amour s'est soldée par un drame d'une banalité presque vexante. Un soir, son téléphone a sonné, j'ai voulu répondre alors qu'il était sous la douche, c'était une certaine Anna. Je pensais qu'il s'agissait d'une de ses collègues, mais Anna n'a pas prononcé un mot, quand elle a entendu ma voix répéter des « allô » sans réponse, et a fini par raccrocher. Le smartphone étant déverrouillé, mon instinct féminin m'a soufflé de fouiller dans ses SMS. Il y avait tous ceux concernant la fameuse Anna, mais également ceux échangés avec Maya, Clarisse, Beth, Doris... Et une certitude, ils n'avaient rien de professionnels. Une scène de ménage en bonne et due forme a suivi, Charley s'est excusé, m'a juré qu'il m'aimait et qu'elles ne représentaient rien, que ça n'était que du sexe. C'est là que j'ai failli vomir. « Ça n'était que du sexe ». Sauf que pour moi, le sexe n'est pas un acte qu'on limite à un « rien ».
Charley était mon premier amant et mon seul amour, et je lui avais tout donné de moi, durant les quelques dix années que nous avons passées ensemble. Je n'ai pas supporté ses mensonges, et pire encore, son argumentation, et je l'ai foutu dehors dans la foulée. Il a bien cherché à se faire pardonner par la suite, me déclarant tous ses regrets les plus profonds, mais le mal était fait, et celui-ci n'est pas du genre à guérir. Et même si au départ, je lui ai servi le classique : « je prends de la distance pour réfléchir », cette trahison est pour moi irrévocable. N'ayant plus du tout de ses nouvelles, je suis heureuse de constater qu'il l'a enfin compris ; bon OK, je suis également un poil amère...
Je regarde à la dérobée Peter et prends soudainement conscience que j'ai incontestablement vu mon ex en lui. J'imagine que c'est ainsi que Charley s'est comporté avec toutes ces filles avec lesquelles il m'a trompée ; c'est probablement ce qui m'a insupporté chez Peter Brooks. Je devrais m'en excuser, mais il semble que ma confession l'ait rendu plus respectueux. Et puis après tout, je ne le connais pas et ne le reverrai plus, passé ce court séjour.
Après m'avoir fait faire un tour rapide de la ville en voiture, me pointant ses principaux centres d'intérêt, Peter longe une zone de la côte de l'île pour me montrer la vue époustouflante sur l'océan, et celle plus belle encore sur une partie de l'archipel Alexandre, laquelle ne compte pas moins de mille îles. Montagnes, bouts de terres émergés, forêts et eau à perte de vue composent le sublime tableau que je mitraille avec mon appareil photo. J'ai également droit à un cours d'Histoire sur l'invasion des Russes et les vestiges que les conflits ont laissés, qui ne manque pas de m'étonner tant le conteur est sérieux dans son exercice oratoire. Je le découvre tellement passionné par l'île sur laquelle il vit que je lui manifeste enfin un brin d'intérêt personnel.
— Vous travaillez pour la ville ?
— La ville ?
— Oui, l'office du tourisme ou un musée ou...
— Pas vraiment non, rit-il généreusement. Ce que je fais dans la vie n'a même rien à voir avec l'histoire de ce bout de terre. Je suis plutôt un artiste, moi !
Peter relève le menton dans ma direction, arquant un sourcil pour renforcer son air fier.
— Je tiens l'unique salon de coiffure de Sitka, mais je suis également le barbier et le seul tatoueur de l'île.
— Tout ça !? ne puis-je m'empêcher de constater à voix haute.
— Disons que j'ai quatre employés qui m'aident dans ces multifonctions, mais oui, j'offre tous ces services ! Même si je ne fais plus que de la gestion et ne me réserve que pour le tatouage.
— Oooh, soufflé-je admirative.
J'ai toujours rêvé de me faire tatouer, mais je n'ai jamais trouvé le dessin qui me ferait franchir le pas. Et plus que tout, je suis émerveillée par ce genre de talent, dont je ne dispose malheureusement pas. Mon niveau de dessin est proche de celui d'un enfant de cinq ans.
— D'ailleurs, le brun de vos cheveux est magnifique ! C'est quelle couleur ce reflet dans vos mèches ? Miel ?
— Euh... c'est naturel. Je n'ai jamais fait de... teinture de ma vie, marmonné-je, embarrassée d'avoir cette conversation avec cet homme.
C'est vachement intime, non ?
Après cet échange étrange – pour moi – nous laissons la musique couvrir nos silences. J'ai bien encore quelques questions concernant l'île, mais je dois avouer que je suis comme hypnotisée par le panorama, et je m'en tiens uniquement à ce que je vois, laissant en stand-by le pourquoi du comment.
Le paysage, désert de toute vie humaine, me rappelle avec émotion celui dans lequel j'ai grandi. Ce petit coin retiré en plein cœur de l'Alaska où mes parents, un peu roots, vivaient en totale autarcie. Tout y était très rudimentaire, mais j'y étais heureuse. Mon père m'amenait aussi souvent que possible chasser avec lui, m'apprenant les techniques adaptées à chaque gibier, et une fois rentrée, j'aidais ma mère à vider les bêtes, à les cuisiner, et à détourner leur peau, et même leurs os, pour confectionner tout un tas de choses qu'elle revendait par la suite. Mais alors que je n'avais que quatorze ans, mon père a été emporté par un cancer et il nous a été impossible de rester toutes les deux seules au milieu de la forêt. Ma mère a dû trouver un travail pour subvenir à nos besoins, et pour ça, il nous a fallu regagner la ville. Alors, c'est ce que nous avons fait, même si l'acclimatation a été difficile pour moi. Tout y était bruyant, agité et surpeuplé. Et puis progressivement, j'ai goûté aux plaisirs citadins, et j'ai fini par les aimer. L'école, les amies, Internet, le ciné, et Charley... Mais ce besoin des grands airs ne m'a jamais vraiment quittée et je pense que c'est ce qui a guidé mon projet professionnel. J'aurais pu revenir à la source et devenir chasseuse ou même guide, mais je voulais voir au-delà encore des forêts d'Alaska, découvrir d'autres merveilles du monde, et surtout, les faire partager.
— Est-ce que tout va bien ? me demande Peter.
— Oui, tout va parfaitement bien.
Je joins à mes dires un sourire aussi immense que sincère et pose ma tête contre la fenêtre entrouverte. L'air frais se faufile au-travers et vient balayer mes cheveux détachés. Les yeux fermés, je me délecte de l'odeur iodée et des cris des oiseaux marins, éloignant pour quelques secondes mes tourments et mes inquiétudes.
— Meghan, il faut que je vous dise quelque chose au sujet de Kal.
Quelques secondes, je disais...
— Je vous écoute, m'inquiété-je face à son ton morne.
Bazar, que va-t-il m'annoncer ? Que mon guide est un gros con ? Merci, ça je pense l'avoir deviné seule. Qu'il sort juste de taule pour triple meurtre sur des chargés de tour opérateur ? Aïe.
Peter arbore un faciès tendu et crispé, ce qui accroît mes scénarios les plus fous.
— Il... Kal... n'est plus lui-même depuis un certain temps, et je vous demande juste de... de rester prudente.
Sur ces derniers mots, Peter tourne la tête dans ma direction et ancre quelques secondes ses iris azur aux miens. Son visage est si sérieux et son regard si profondément grave que j'ai l'impression d'avoir un autre Peter à mes côtés. Le séducteur, un peu relou mais rigolo, a laissé place à un homme bien plus austère. Un homme qui cache des choses qu'il ne semble pas décidé à me révéler. Cependant, je ne m'en tiens pas à cette mise en garde à demi prononcée et l'exhorte à développer.
— Qu'est-ce que vous voulez dire par « rester prudente » ? Il a quoi votre copain ?
Mais Peter conserve le silence et laisse à présent ses yeux rivés sur la route.
Je coupe le son de la radio et tourne complètement mon buste vers lui, répétant ma demande avec moins de douceur.
— Il a quoi votre copain ?
Peter libère un souffle excédé, mais finit par s'expliquer.
— Kal est quelque peu tourmenté et...
— Tourmenté ? Ça veut dire quoi ça, tourmenté ?
— Disons qu'il a vécu des choses difficiles et traumatisantes qui l'ont... Écoutez, il est encore secoué par toute cette histoire et parfois il... Ce que je veux dire c'est que...
— Mais bon sang, est-ce que vous allez finir une phrase un jour ? m'agacé-je pleinement. C'est quoi ? Une sorte de psychopathe !?
— Nooon, ricane-t-il, amer. Kal n'est pas un psychopathe, mais un gros con, à la limite du bizarre, ça ouais. Et si je me permets de le dire, c'est parce que c'est mon meilleur pote.
— Si ce n'est que ça, merci, mais j'en ai eu un vague aperçu tout à l'heure.
Je me rencogne contre mon siège et reporte mon attention sur la route qui ne cesse de serpenter, à m'en filer la nausée.
— Alors, en quoi je dois rester prudente ?
— Il me tuerait s'il savait que je balance ça... libère-t-il plus pour lui-même. Kal a un léger penchant pour... (il joint à ses paroles le geste de porter un verre à la bouche.) Je vous aime bien, Meghan, et vous demande juste d'être vigilante quand vous partirez en excursion avec lui.
Un guide qui picole ? Là, ça pue.
— Merde, je ne sais même pas pourquoi je vous ai raconté ça. Mais si après ce que je vous ai dit, vous voulez que je vous ramène à Sitka, je comprendrais.
Me ramener ? Certainement pas.
— Ça va aller, vous inquiétez pas pour moi. Vous n'imaginez même pas de quelles ressources je dispose ! Je prends un guide parce qu'il connaît les chemins à emprunter, mais question survie, il se pourrait que je sois bien plus balaise que votre super pote bizarre, fanfaronné-je avec suffisance.
— OK... Me voilà rassuré alors.
Peter retrouve son sourire et remonte le volume de la radio. Alors qu'elle diffuse « Wind of Change », un morceau du groupe Scorpions, je ferme les yeux quelques secondes et me laisse bercer par la mélodie envoûtante.
— Meghan. Meghan !
— Hein, quoi !?
— Nous sommes arrivés.
Lorsque je reprends conscience, je crains que le groupe Scorpions ait terminé de chanter depuis fort longtemps. Je mets un certain moment à me souvenir où je suis, mais également avec qui, et un temps plus long encore à saisir la portée des paroles de mon conducteur.
Ce dernier coupe le moteur de sa voiture qu'il a garée dans une allée sombre. Je constate que c'est surtout la nuit qui tombe, ainsi que la grande proximité d'une forêt, qui confèrent cette pénombre.
— Vous venez ? m'invite Peter avec délicatesse.
J'affirme d'un mouvement de tête et lisse par réflexe mes cheveux, les devinant éparpillés par ma sieste improvisée.
Lorsque je descends de voiture, je suis saisie par le froid. Je passe ma veste à capuche polaire et entoure mon buste de mes bras pour gagner de la chaleur supplémentaire.
Une fois mes yeux pleinement décollés, je les porte sur ce qui nous entoure. En plus des immenses conifères, je découvre face à nous un vaste lac. De ma place, en-dehors du rivage à quelques dizaines de mètres, il m'est impossible d'en distinguer les contours. Je continue mon observation et distingue rapidement sur le côté gauche du chemin un chalet en bois sur pilotis.
Peter sort ma valise de son coffre, tandis que je tends l'oreille, persuadée d'avoir perçu des cris et un bruit sourd, au milieu du silence qu'offre ce lieu absolument magique. En un millième de seconde, je ne peux m'empêcher d'associer ces grognements effrayants au profil sociopathe de mon hôte. Je l'imagine déjà en train de découper les restes des chargés opérateur qui ont eu le malheur d'être guidés par lui.
Peter me fait un signe de tête, me conviant à le suivre.
Nous contournons le cottage sur lequel je jette un œil curieux. Il n'a rien d'ostentatoire et me rappelle celui dans lequel je vivais avec mes parents. Le même bois chaud d'épicéa, le même porche qui fait probablement tout le tour de la maison. Lorsque les saisons le permettaient, mes parents et moi y dînions dessous et y prolongions nos soirées, écoutant les histoires de chasse, plus ou moins vraies, de mon père. La réminiscence des rires que nous partagions ensemble m'arrache un sourire aussi joyeux que peiné. Mais je suis vite ramenée dans le présent par les hurlements et les coups de hache – cette fois, j'en suis certaine – vers lesquels nous nous dirigeons. Et alors que nous passons le dernier angle du joli chalet, je me statufie, stupéfaite par le nouveau tableau que j'ai devant les yeux.
Pas de doudoune imbibée de café, pas de casquette sur la tête, mais je reconnais aisément la carrure imposante de mon guide. Non, il ne porte même rien d'autre qu'un jean. Et nom d'un ours en rut, quand je dis « rien d'autre », c'est vraiment rien d'autre ! Si ce ne sont les Timberland qu'il avait déjà aux pieds ce matin, ainsi qu'une paire de gants à ses mains.
Alors qu'il fait un froid à en geler mes tétons, Kal est torse nu et se déchaîne sur les morceaux de bois qu'il fend avec une force herculéenne. Les billes rondes d'émoi et la bouche entrouverte, je fixe, sans pouvoir m'en détacher, ses muscles galbés et luisants de sueur rouler sous l'effort. Je ne savais même pas qu'il existait autant de muscles ! Enfin, j'en ai bien vu à la télé et sur les photos de magazines, mais j'avais toujours pensé que Photoshop était derrière tout ça. Mais ce n'est pas la seule chose de ce physique si impressionnant qui paralyse mes fonctions cognitives. Je suis estomaquée face aux nombreux dessins qui ornent le buste parfait et les bras puissants de cet homme. Avec l'obscurité naissante, je ne suis pas en mesure de saisir trait pour trait chacun d'entre eux, mais je devine avec aisance celui tatoué sur son torse halé. Il est si grand qu'il occupe toute la surface de son buste. Dessiné de dos, un ange est recroquevillé sur lui-même, accroupi, la tête affaissée vers le sol dans un élan de désolation absolue, et ses ailes immenses sont déployées, ses plumes recouvrant ainsi quasiment toute la peau de Kal.
Je quitte son buste pour observer son visage, alors qu'il ne s'est toujours pas aperçu de notre présence. Des mèches brunes, trempées de transpiration, collent à son front et à ses joues barbues, et aucune expression ne semble habiter ses yeux pourtant grands ouverts sur le billot qu'il maltraite. Les traits que j'avais trouvés si beaux ce matin sont à présent tirés en une espèce de grimace horrifiée qui, si on la regarde de plus près, s'apparente à une souffrance bien plus profonde que celle liée à son activité. Je n'ai aucune idée des démons qui habitent cet homme, mais il émane de lui un quelque chose de dérangeant, presque bouleversant. Aussitôt, les paroles de Peter à l'égard de son ami me reviennent en mémoire et propulsent davantage cette sensation bizarre que j'éprouve à son encontre. Une espèce de mélange entre peur et... fascination.
OK, je suis célibataire depuis six petits mois et je crois que je suis en train de souffrir du syndrome du manque. C'est n'importe quoi ! Virez la belle gueule de ce type, et je suis certaine que je n'éprouverai plus du tout la même attirance... Il serait plus sensé que je me concentre sur tout ce qui a fait de lui, jusqu'à présent, un con qui fout la pétoche.
« Restez prudente ». Je valide.
Malgré notre arrivée, depuis plusieurs longues secondes, Kal ne nous voit toujours pas et continue inlassablement d'abattre sa hache sur le bois, comme s'il était totalement déconnecté de la réalité.
— Kal ! KAL !! hurle Peter à m'en réveiller aussi.
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Et voilà, nous avons pénétré dans l'antre de l'ours. A partir de là, plus de retour en arrière possible !
Que les festivités commencent ! :D
Bisous Kal-iente *
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