❀ Chapitre 14 - Juste une mise au point ❀

Cela fait maintenant plusieurs jours que je reste cloîtrée chez moi, prétextant une mauvaise grippe auprès de mes meilleurs amis.

Je ne me sens pas capable de reprendre ma vie comme s'il ne s'était rien passé. Je n'ose plus sortir, de peur de me remémorer des bribes de mon agression, de peur que le mot « violée » apparaisse sur mon corps ainsi que sur mon front.

Mes journées passent et se ressemblent. Chaque matinée se déroule dans l'obscurité de ma chambre, où la seule source de lumière filtre entre mes volets. Je ne fais rien et attends juste que le temps défile, lasse.

Dans le moment présent, je suis affalée dans le canapé du salon en train de regarder une série en compagnie de mon oncle, qui ne me quitte pas d'une semelle. De temps à autre, lorsque je détache mon regard de l'écran de la télévision, je croise ses coups d'oeil inquiets. Je me sens mal à l'aise devant tant d'attention. J'en aurais été ravie habituellement. J'ai l'impression d'être une toute autre personne. Cette expérience m'a changée. À tout jamais.

La vibration de mon téléphone sur le coussin à sequins noirs à mes côtés me sort de cette routine quotidienne.

Un message de Brady s'affiche sur mon écran.

De : Brady

Je viens t'apporter les devoirs après les cours. J'espère que tu vas bien chouchou 💟

Je souris à la lecture de ce surnom. Lorsque nous étions ensemble, il affectionnait particulièrement m'appeler ainsi, au même titre que celui de princesse.

Ma réponse ne tarde pas.

À : Brady

D'accord mon kiwi. Je t'attends avec impatience, tu me manques 💟

Je ne sais même plus comment j'en étais venue à le nommer ainsi au cours de notre relation mais il avait tout de suite adoré.

Mon écran s'allume à nouveau.

De : Brady

Ta petite bouille me manque aussi. Hâte de te revoir 💟

Je n'ose pas lui en parler mais ses messages m'apportent beaucoup de réconfort et m'aident à tenir en cette période où rien ne va. Il me soutient à sa façon, sans même savoir ce que je tente de surmonter avec difficultés en ce moment.

La sonnette de l'entrée qui retentit me fait sursauter. Peter se lève du relax et va ouvrir, méfiant, comme à son habitude.

— Je peux entrer ? demande une voix masculine, qui m'est vaguement familière.

— Oh c'est toi. Oui bien sûr. Derek m'a prévenu de ta venue, l'accueille-t-il en se détendant certainement.

La porte se referme, non sans avoir apporté de la fraîcheur dans le salon dans lequel je me trouve. Je frissonne un peu et resserre le plaid aux couleurs lavandes autour de moi. Qui que soit cette personne, elle n'est pas la bienvenue.

 — Elle est dans le salon, l'informe mon oncle.

— Je ne serai pas long, lui explique l'adjoint du shérif en entrant comme s'il était chez lui dans la pièce.

Je joue encore une fois de malchance. Une des seules personnes que je ne voulais surtout pas revoir se trouve sur mon chemin. Je lève les yeux au ciel, agacée.

Le jeune homme saisit le tabouret du piano et prend place face à moi. Je t'en prie, tu ne veux pas venir t'asseoir sur mes genoux non plus ?

— Nous ne nous sommes pas quittés en bons termes la dernière fois, entame-t-il pour poser le décor.

Je sens mon corps se contracter. Je n'ai vraiment pas besoin de contrariétés supplémentaires, surtout en ce moment.

Devant mon absence de réponse, il reprend.

— Tu as mal interprété mes propos lors de notre dernier échange. Vu ce que tu venais de vivre, je ne peux que le comprendre. Il ne s'agit en aucun cas d'un reproche. Cependant, je tiens à rétablir cette situation qui me tracasse depuis plusieurs jours. Ce que je voulais dire par là, c'est que je ne devais pas être le seul à être remercié puisque ta famille ainsi que Melissa s'étaient investis pour toi, tout autant que moi, tente-t-il de m'expliquer calmement.   

Je reste, encore une fois, interdite face à ma mauvaise compréhension. J'avais directement sauté à des conclusions sans comprendre le comment du pourquoi. Je m'agace moi-même.

— Je ne m'attendais pas à ce que tu viennes ici pour arranger les choses suite à ce malentendu, admets-je, agréablement surprise.

— Pour être tout à fait honnête, je ne supporte pas les conflits, et encore moins ceux qui sont basés sur un quiproquo, m'avoue-t-il.

— Il en est de même pour moi. Je me rends compte que c'est moi qui ai mal interprété tes propos et je m'en veux d'avoir été aussi virulente envers toi suite à ça. J'ai eu une réaction vraiment démesurée, j'en ai conscience. me blâmé-je.

Si j'étais Dobby, ce petit elfe si sympathique dans Harry Potter, je me cognerais la tête contre une table en répétant « Méchant Dobby »...

— C'était important pour moi que nous ne restions pas sur de mauvaises bases éternellement, concède-t-il.

Je souris, touchée par sa franchise, et soulagée que cette querelle se soit arrangée aussi promptement. Le dialogue et la communication peuvent vraiment faire des merveilles lorsque deux individus y mettent du leur.

— Je ne vais pas m'attarder ici et te déranger plus longtemps. Tu dois avoir besoin de repos. Je vais retourner au poste avancer sur plusieurs dossiers qui me demandent un investissement quasi-constant, me prévient-il en se relevant gracieusement.

Il s'apprête à remettre en place le siège du piano.

— Laisse, je vais m'en occuper après t'avoir raccompagné, intervins-je précipitamment en me relevant brusquement, tel un pantin à ressorts.

Il sourit et me suis alors jusqu'à l'entrée. Il se revêt de son manteau épais en peau de mouton. Je lui ouvre, le laissant sortir à nouveau dans la fraîcheur hivernale qui m'enveloppe aussitôt.

— À bientôt, le salué-je en agitant ma main alors qu'il rejoint son véhicule de patrouille.

— À très vite Madison, prends soin de toi, me répond-il chaleureusement.

Je le regarde remonter l'allée et referme la lourde porte en chêne massif.

Je me retourne, soulagée que cette histoire soit désormais derrière moi. Mon oncle me fait vite redescendre de mon petit nuage. Il m'observe, adossé au mur du corridor, un sourire radieux sur le visage.

— Qu'est-ce-qu'il y a ? le questionné-je en arquant un sourcil.

— Tu l'aimes bien n'est-ce-pas ? me répond-il, comme s'il connaissait déjà la réponse.

Je lève les yeux au ciel. Ce qu'il peut être agaçant des fois. Il saute la plupart du temps à des conclusions qui n'ont pas lieu d'être, comme moi. Tel oncle telle nièce pourrait-on dire...

— Je le connais à peine ! m'exclamé-je.

— Ça commence toujours comme ça, me glisse-t-il en m'adressant un clin d'oeil, complice.

Je secoue la tête de gauche à droite, amusée. Je connais à peine Jordan et ai dû échanger avec lui, dix minutes tout au plus, sur les deux fois où nous nous sommes vus. C'est loin d'être assez pour envisager de faire ma vie avec lui.

Peter est resté un grand enfant, au fond. 

L'incendie qui avait ravagé notre maison m'avait fait craindre de l'avoir perdu pour toujours.

Il était resté plusieurs mois dans un centre dédié aux grands brûlés, plongé dans un coma qui me paraissait sans fin. Son visage défiguré, abîmé et boursouflé provoquait des sanglots en moi dès que je lui rendais visite. Voir ainsi un être cher me rongeait de l'intérieur. Je priais pour qu'il puisse trouver le moyen de se relever tel un phénix qui renaît de ses cendres.

Quelle n'avait pas été ma surprise lorsque je l'avais vu à la porte de notre habitation en compagnie de ces merveilleux petits chiots.

Jamais, ô grand jamais, je n'avais douté de sa force mentale pour réussir à se remettre jour après jour, semaine après semaine, mois après mois, de cet évènement tragique qui avait failli lui coûter la vie. Cela avait été un réel travail de fourmi mais il avait réussi. Le voir, juste devant moi, m'avait réellement ébranlée. Son visage était redevenu comme celui qu'il arborait fièrement d'antan. Rien ne laissait plus imaginer qu'il avait été brûlé au troisième degré. 

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