❀ Chapitre 11 - Madi' ❀

Je descends timidement les marches et rejoins les deux hommes dans la salle à manger.

Derek redresse la tête dans ma direction. Ça n'est pas le moment de faire ne serait-ce qu'un faux pas. 

Je tente un sourire qui, entre nous, doit davantage ressembler à une abominable grimace. Si des enfants se trouvaient devant moi, ils hurleraient  de terreur à coup sûr face à ma tête effrayante. 

— Qu'est-ce-que tu as ? me demande mon frangin de but en blanc, suspicieux.

— Rien, pourquoi ? le questionné-je à mon tour dans le seul objectif d'éluder sa question.

— T'as les yeux gonflés et le nez rouge, tu avances comme si tu avais avalé un manche à balai et tu n'es pas en pyjama comme tu l'avais dit avant que je ne parte chercher à manger, commence-t-il à me lister, le regard scrutateur.

Sapristi. Je me sens tout d'un coup vraiment idiote. Je suis tellement retournée par ce qui s'est déroulé il y a maintenant un peu plus d'une heure que je ne suis même pas capable d'aller jusqu'au bout de mon mensonge. Il m'aurait simplement suffit de me revêtir de ma tenue de nuit pour ne pas éveiller ses soupçons. 

Je bafouille, incapable de trouver une réponse adéquate à cela. Je risque d'être découverte d'un instant à l'autre si je continue sur ce terrain-là.

Respire Madi'. Tu peux le faire. Ça ne serait pas la première fois que tu inventerais quelque chose à ton frère pour ne pas l'inquiéter et le préserver.

Jordan me fait signe discrètement, m'indiquant que, maintenant, pourrait être le bon moment pour en parler à Derek.

— Bon on mange ? Ça va finir par refroidir, changé-je de sujet en fuyant le regard de ce dernier.

Je suis loin d'être fière de ce que je viens de faire. Je ne me sens juste pas capable d'en parler. Pas maintenant. 

Lâcheté quand tu nous tiens...

— Tu as raison. Bon appétit à tous les deux, dit mon frangin, n'insistant pas.

Nous nous asseyons à nos places respectives. Je n'ai aucun doute sur le fait que la discussion reprendra après le repas. Mon aîné n'est pas du genre à laisser tomber aussi facilement. 

Alors que je prends une énième bouchée, j'entends les garçons rire aux éclats. Je tends l'oreille discrètement et écoute avec attention leur conversation.

J'aimerai moi aussi retrouver cette joie de vivre mais c'est tout le contraire qui se produit. Chaque seconde qui passe me fait sombrer un peu plus dans un océan de ténèbres.

Je suis tel une naufragée, sauvagement éjectée de son navire et entraînée dans les profondeurs tumultueuses et sans fin de l'océan, et dont les chances de survie sont nulles. Je me sens couler et ne tente même pas de maintenir ma tête hors de l'eau, parce que la vérité c'est qu'il n'y a plus d'espoir. Plus aucun.

— Madi' tu m'inquiètes, tu es bien silencieuse ce soir, remarque Derek, me sortant de mes pensées.

Je croise son regard perçant et sens mon coeur s'arrêter de battre le temps de quelques instants. Si seulement il pouvait s'arrêter pour l'éternité... 

Je ressens soudainement une vive douleur à l'endroit où a eu lieu la pénétration. Par automatisme, je porte ma main, en toute discrétion, au niveau de mon intimité. 

Je déteste cette sensation qui s'empare de mon être. 

Mon sang bat à tout rompre dans mes oreilles et je ne perçois plus que des voix lointaines. J'essaie vraiment d'entendre normalement mais me rends compte que je ne peux plus rien faire. Je ne parviens plus à lutter. La douleur est tout simplement insoutenable. Je n'hurle cependant pas. La mâchoire contractée, je tente de garder une certaine contenance, le temps que tout ça passe. Ma vision se trouble. Un retour à la normale s'avère compliqué voire impossible. Je parviens à distinguer difficilement les lèvres de Derek bouger. Ni plus ni moins. J'ai très chaud. Et puis très froid. C'est peut-être la fin. Elle sera arrivée plus vite que je ne le pensais finalement... 


Point de vue de Derek

Madison glisse de sa chaise et s'écroule gracieusement sur le sol.

— Merde ! hurlé-je en me précipitant vers elle.

Jordan ne parvient pas à me stopper. Je me tiens près d'elle quelques secondes plus tard. Son coeur bat encore. Faiblement. Je lui donne quelques claques, espérant la ramener parmi nous. Sans succès.

Mon ami ne me consulte même pas et compose le numéro de Melissa McCall, la maman de Scott, qui est infirmière à l'hôpital de Beacon Hills. Il la prévient que nous arrivons et raccroche aussitôt.

Je soulève le corps de ma cadette, après l'avoir recouverte d'une couverture aux couleurs crèmes.

Je n'entendrais pas son coeur, je pourrais croire qu'elle s'est éteinte. Elle semble si paisible.

Nous nous pressons d'aller à l'extérieur. Jo' m'ouvre la portière arrière de son véhicule pour que je puisse l'y installer. Son coeur, quant à lui, bat à une allure folle. Il s'installe derrière son volant, pianotant nerveusement dessus.

— Bon Derek, dépêche-toi un peu pour une fois ! s'impatiente-t-il.

Je referme la portière et m'installe sur le siège passager, sans un mot. Je sais qu'il est aussi stressé que moi, sinon plus. Je ne comprends pas vraiment sa réaction mais décide ne pas lui demander des explications dans l'immédiat. Cela peut attendre.

Ces quelques minutes de route me paraissent interminables. C'est à mon tour de perdre mon calme.

— Mais accélère ! Fais quelque chose enfin ! lui hurlé-je dessus.

J'espère que Madison ne m'entend pas de là où elle est. Une chose est sûre, si c'est le cas, une fois réveillée elle me remontera forcément les bretelles en me disant qu'il y a des manières pour parler aux gens qui comptent pour nous. Elle me manque déjà. Son rire, son sourire, sa voix.

Des milliers de pensées se bousculent dans mon esprit. Je prie pour que sa perte de connaissance ne cache rien de plus grave.

Jordan finit par se garer en épi devant les portes des urgences. J'ouvre ma portière à la volée et bondis hors du véhicule de fonction dans lequel j'étais assis. Je reprends Madison dans mes bras. Ses jambes retombent mollement dans le vide. La voir ainsi me fait mal. Pauvre bichette.

Lorsque nous arrivons à l'accueil, Melissa nous attend déjà, un brancard à côté d'elle.

— Je te laisse l'allonger doucement afin d'éviter tout traumatisme supplémentaire. Je vais m'occuper d'elle Derek, elle va s'en sortir, m'informe-t-elle d'une voix qui se veut rassurante.

Je ne me sens pas capable d'articuler quoi que ce soit, bien trop rongé par l'inquiétude. Je me contente de la déposer avec précaution en adressant un regard compréhensif à la maman de Scott. Elle sait ce qu'elle fait. Tout devrait finir par s'arranger...

— Vous pouvez patienter juste ici, reprend-elle en nous présentant d'un geste de la main une rangée de siège en bois clair, vides.

Je la regarde s'éloigner avec ma petite soeur, toujours plongée dans un profond sommeil. Ma belle au bois dormant. Ma petite princesse.

Je ne peux m'empêcher de me remémorer tous ces souvenirs en sa compagnie. Ma gorge se noue. Ma petite Madi...

— Tu devrais prévenir le reste de ta famille, me conseille Jordan qui parvient à garder les pieds sur terre malgré ce moment d'inquiétude intense.

Je suis surpris de le voir encore à mes côtés. J'en avais oublié sa présence. Il m'est agréable d'une certaine façon de savoir qu'il est là. Je ne me sens plus seul à devoir affronter ce drame.

— Tu as raison, je vais les appeler, le prévins-je avant de me lever pour les contacter à l'extérieur de l'établissement.

J'avais raison d'appréhender cet appel. Peter et Kieran arrivent quelques minutes plus tard, les yeux balayants l'horizon, à ma recherche.

Lorsqu'ils m'aperçoivent, ils courent dans ma direction.

— Comment va-t-elle ? s'empresse de demander notre oncle.

— Pour le moment je n'en sais pas plus. Melissa est en train de lui faire passer des examens. leur expliqué-je d'une voix méconnaissable.

Kieran a le visage fermé. Je sais à quel point il est proche de Madi'. 

Cette attente me ronge de l'intérieur. J'aimerais tellement apprendre que tout va bien, que ça n'était rien de grave et qu'il y a eu plus de peur que de mal.

Madison est forte. Elle peut lutter et s'en sortir. Elle n'est pas une Hale pour rien. Nous sommes une famille de survivants et surtout de battants. Peu importe la situation, nous arrivons à l'appréhender de la meilleure des façons qui soit.

— Nous ferions mieux de patienter près de Jordan, nous suggère mon cadet, en apercevant son ami.

Peter et moi hochons la tête. J'ouvre la marche, même si le coeur n'y est plus. Être dans cet hôpital me rapproche d'une certaine façon de Madi' et je sais qu'elle a besoin de soutien. Il est essentiel pour elle que l'on croit en elle et en ses capacités de batailler, d'affronter la vie. Mais d'un autre côté, je me fais du mouron et ça me rend fou. Je n'arrive pas à contrôler la situation. Pas cette fois. Me sentir impuissant face à ce qu'elle traverse actuellement m'exaspère au plus haut point. Je souhaite tellement l'aider et savoir ce qui se passe.

En nous voyant arriver, Jordan se lève pour nous laisser la place.

— Je ferais mieux de vous laisser en famille, je ne vais pas m'imposer en ce moment où vous avez besoin de vous serrer les coudes tous ensemble, nous prévient-il en arrangeant ses vêtements à contre coeur. 

— Tu fais partie de la famille, tu peux rester, lui répond Kieran, sincère.

— Seulement si je ne dérange pas alors, murmure-t-il, les yeux remplis d'inquiétude.

— Au contraire, ta présence et ton soutien seraient appréciables, intervient Peter, la voix chevrotante.

Nos comportements respectifs en disent long sur notre état émotionnel du moment...  

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top