XXXXIV



Et rien que pour cette raison, elle ne posa pas plus de questions, laissant la porte se refermer et faire disparaître la silhouette de Jimin qui s'évaporait déjà dans la nuit.


Les portes métalliques s'ouvrirent dans un crissement sonore alors qu'une alarme retentissait dans tout le compartiment. Un bon nombre de personnes affluèrent alors à ce bruit, entrant et sortant des wagons rapidement. Le rouquin fit lui aussi de même, replaçant son sac sur son dos et agrippant fermement la bretelle, il suivit la foule qui s'avançait sur les quais. Le vent frais percuta son visage et il prit une grande inspiration en regardant autour de lui. Immobile au milieu de cette vague humaine bruyante et agitée, il évitait, comme il le pouvait, les coups d'épaules d'individus pressés. Jusqu'à ce que la cohue se calme et que tout se vide, petit à petit. Puis, plus à même d'avancer normalement, il se dirigea vers la sortie, pour prendre de nouveau un autre moyen de transport.

Montant dans le bus, il salua d'un signe de la tête le conducteur avant de lui donner son billet. Ensuite, il alla s'installer dans le fond de ce dernier. Presque entièrement vide, il ne manquait pas de place, il choisit donc un siège près de la fenêtre et appuya sa tête contre cette dernière, fatigué. Poussant un long soupir, il plaça finalement ses écouteurs sur ses oreilles, et s'endormit quelques minutes plus tard. Il dormit jusqu'à la fin du trajet, jusqu'à son arrêt, le dernier arrêt. En entendant le son annonçant l'arrivée imminente, il se réveilla, un peu en sursaut, avant d'observer autour de lui.

Il ne restait plus que trois personnes dans le bus, une vieille dame, un homme d'une quarantaine d'années et lui. Puis, il se tourna vers la vitre. Il faisait désormais nuit, et, à défaut de voir l'extérieur, il observa son reflet à travers la fenêtre. Ses cheveux avaient poussé, il n'avait pas eu le temps de se les couper ni même de les arranger ne serait ce qu'un peu. Balançant ses mèches en arrière comme il le pouvait, il plaqua ensuite une casquette sur son crâne pour les faire tenir. Et ce fût à ce moment là que le trajet prit fin. Laissant descendre les deux autres voyageurs avant lui, il quitta le véhicule en remerciant le chauffeur, avant de pénétrer dans le bâtiment éclairé qui faisait office de gare.

Dans son ensemble, l'endroit était bien plus petit que toutes les gares où il s'était retrouvé ces derniers temps. Mais toutes ces recherches, tous ces déplacements avaient finit par le mener ici. Au bout de plusieurs semaines, plusieurs mois même, il se retrouvait en plein milieu de la campagne, loin de chez lui, et de tout ce à quoi il était habitué. Et, cette fois ci, il espérait que tous ses efforts payent enfin.

Se dirigeant vers le distributeur automatique qui siégeait, abîmé, au milieu de la pièce centrale, il inséra les pièces qui traînait dans la poche de son pantalon, et une canette de café tomba dans le bac en métal dans un cognement sonore. Se baissant difficilement pour le ramasser, il grimaça en sentant son dos lui faire mal. Ça faisait également bien trop de temps qu'il n'avait pas pu dormir confortablement dans un vrai lit, étant quasiment toujours sur la route, il avait rarement l'occasion de se reposer.

Alors, il se dirigea vers le rang de fauteuils plastique. Enlevant son sac à dos, il le posa à côté de lui avant de s'asseoir et d'ouvrir le contenant en aluminium. Portant l'objet à sa bouche sèche, il fit glisser le liquide frais dans son œsophage et soupira, satisfait, en le reposant sur sa cuisse. Son ventre se mit alors à gargouiller, il avait faim, seulement, il ne semblait pas y avoir de distributeur automatique de nourriture ici. Rien que les boissons étaient déjà un luxe pour Jimin alors, il n'allait pas non plus s'en plaindre. Pour ce soir, il allait devoir se contenter de ça.

- Bonsoir jeune homme.

Surpris, il releva la tête devant lui. La grand-mère du bus se tenait devant lui, un foulard sur la tête et un sourire accroché à ses lèvres. Il ne l'avait même pas remarqué, ni même entendu arriver prêt de lui, il avait vraiment la tête ailleurs. Alors, pour ne pas se montrer impoli encore plus longtemps, il inclina légèrement la tête avant de saluer également la vieille dame, qui reprit juste après.

- Excusez ma curiosité, mais est ce que vous avez un endroit pour dormir ce soir ?

Montrant alors le siège à côté de lui, le rouquin tapota sur le plastique en souriant légèrement.

- Non, je comptais dormir ici.

Aussitôt, la vieille dame fronça les sourcils, avant de continuer, le ton presque moralisateur.

- Mais ce n'est pas vraiment confortable. Vous ne pouvez pas dormir ici.

Un peu gêné, Jimin ne put s'empêcher de rigoler légèrement en haussant les épaules.

- Vous savez, j'y suis habitué en ce moment. Ne vous inquiétez pas.

- Si vous le dites.

Alors, sous ses mots, jugeant que le jeune homme semblait savoir ce qu'il faisait, n'insistant pas vraiment, la vieille dame se retourna avant de se diriger vers la sortie, seulement, comme prise par de vieux remords, elle se stoppa, avant de tourner les talons. Puis, elle planta son regard dans celui de Jimin qui l'observait, interloqué.

- Mais, vous savez, vous pouvez dormir chez moi si vous voulez. J'ai une chambre de libre, celle de mon fils. Il est parti depuis longtemps. C'est à trois kilomètres d'ici, il y a un peu de route à faire avant d'arriver mais c'est le village le plus proche. Tout ce que je vous demande en échange c'est de bien vouloir m'aider à porter mes sacs.

Puis, elle finit alors par sourire en montrant du doigt les deux sacs de provisions qui traînaient à ces pieds.

Laissant planer, pendant quelques secondes le silence, le rouquin finit par se lever, avant d'accepter la proposition, sans oublier de remercier la grand-mère plusieurs fois. Honnêtement, il n'était clairement pas dans l'état de refuser ce genre de proposition. S'il avait l'opportunité de bien dormir cette nuit, il allait la saisir.

Prenant alors les deux sacs en plastique dans chacune de ses mains, il suivit sa bienfaitrice, à son rythme tranquille. Heureusement pour eux, il ne faisait pas vraiment froid ce soir. Seule une petite brise nocturne secouait leurs cheveux et caressait les arbres alentour. Et ce fût au bout d'une bonne vingtaine de minutes que Jimin finit par apercevoir les abords du village, et quelques unes de ses maisons. Très peu de lumières semblaient allumées, mais ce n'était pas si étonnant que ça, dans ce genre d'endroits reculés, la vie nocturne n'est pas ce qu'il y a de plus répandu.

- Regardez, ma maison est juste ici.

Pointant d'un doigt un des premières maisons sur la gauche, la vieille dame sourit de plus belle, avant de presser le pas.

- Je vais nous faire un bon repas avec tout ça. Vous avez faim j'espère ?

Acquiesçant avec le plus grand plaisir, le rouquin remerciait intérieurement sa bonne étoile d'avoir mis cette femme sur son chemin. Ce soir il allait pouvoir manger convenablement et dormir dans un vrai lit. Cela faisait des jours qu'il rêvait de ça.

Et, lorsqu'elle ouvrit finalement la porte en bois, un effluve plus agréable arriva jusqu'aux narines du jeune homme qui salivait presque d'avance. L'invitant à entrer, Jimin s'avança à l'intérieur, un vieil homme se retourna alors et l'observa, surpris, avant que la femme, explique, sûrement à son mari, la raison de la présence d'un troisième invité.

- Ce jeune garçon était dans le bus avec moi, et s'est arrêté ici également.

Elle ôta alors des mains du rouquin les sacs de nourriture avant de les poser sur la table et de continuer.

- J'allais partir lorsque j'ai remarqué qu'il s'apprêtait à dormir là bas. Je ne pouvais décemment pas le laisser faire alors que nous avons une chambre de libre ici.

Hochant la tête de haut en bas, le grand-père, se saisit de plusieurs légumes se trouvant dans les sacs avant de commencer à les éplucher, puis, il prit finalement la parole, après avoir pris le temps de regarder Jimin un peu plus sérieusement.

- Tu as bien fait. À la campagne aussi on sait recevoir des invités.

Puis, il invita le rouquin à s'asseoir en face de lui avant de lui proposer un thé. Et, le vieil homme, alors qu'il s'affairait avec sa femme à préparer le repas, n'arrêtait pas de questionner Jimin. Sur la ville, sur comment était la vie là bas, sur le travail. Et depuis longtemps, le jeune homme prit un véritable plaisir à converser tranquillement de choses banales, oubliant presque la raison de sa venue ici. Profitant seulement de ce genre d'instants paisibles.

Plus les minutes défilaient, plus l'odeur de nourriture embaumait l'air de la maison et ouvrait l'appétit à Jimin, qui n'arrivait même plus à faire taire son estomac qui criait presque famine, et ça, au plus grand bonheur de la grand-mère, qui se faisait un véritable plaisir de faire goûter ses spécialités à son invité. Aidant alors à mettre la table, les yeux du rouquin s'écarquillèrent quand il vit tout les plats qui vinrent peu à peu remplir la table. Elle avait vu les choses en grand. Et ce n'était pas pour lui déplaire. Ne cachant clairement pas sa satisfaction de manger, il s'en donna alors à cœur joie. Se resservant plusieurs fois sous le regard presque affectueux des grands parents qui semblaient observer leur petit fils manger avec appétit.

- Si je peux me permettre une nouvelle fois d'être curieuse...

La bouche pleine, Jimin releva le visage vers la grand-mère qui venait de l'interpeller.

- ... qu'est ce qu'un jeune homme comme toi fait ici ?

Avalant alors sa bouchée, il prit le temps de s'essuyer avant de répondre, le sérieux se dessinant presque automatiquement sur son faciès.

- Je cherche un ami. Depuis longtemps. Et je crois qu'il est peut être dans le coin.

Interloqué par la réponse du jeune homme, ce fût au tour du vieil homme d'intervenir dans la conversation.

- Un ami ? Ici ?

Parfaitement conscient que cela pouvait paraître un peu étrange, le rouquin s'expliqua un peu plus précisément.

- Oui, ça fait quelque temps que je le cherche. Il est parti de chez nous un peu précipitamment, et j'ai mis du temps à le retrouver.

Avant de finalement, tenter de le décrire. Peut être que ces grands parents allaient pouvoir le conforter sur la piste qu'il avait décidé de suivre.

- Peut être l'avez vous déjà aperçu. Il est un peu plus jeune que moi, assez grand, brun. Attendez, j'ai une ancienne photo.

Fouillant alors dans sa poche arrière, il mit quelques secondes à attraper un morceau de papier un peu froissé. Comme si c'était un véritable trésor, Jimin prit le soin d'aplatir la photo avant de la faire passer aux deux personnes âgées devant lui, en souriant.

- Regardez.

Attirant alors la pellicule vers elle et remontant ses lunettes, la grand-mère se rapprocha lentement de la table, examinant le visage dessiné sur la photographie. Puis, au bout d'une quinzaine de secondes, elle releva le visage vers le rouquin et fronça légèrement les sourcils.

- C'est ce jeune homme que tu cherches ?

Reprenant le morceau de papier que la vieille femme lui tendait de nouveau, il demanda, hésitant, soucieux.

- Vous le connaissez ?

Et, ce fût à la plus grande surprise de Jimin qu'elle hocha la tête positivement avant de faire fleurir un sourire le long de ses lèvres.

- Bien sûr, ce n'est qu'un petit village, alors tout le monde se connaît les uns les autres. Et d'autant plus quand c'est un nouvel arrivant. Et jeune qui plus est.

Tournant son visage vers la fenêtre, elle se mit à pointer du doigt ce qui semblait être le fond de la bourgade, sous le regard bienveillant de son mari.

- Il habite un peu plus loin. En haut de la colline au bout de ce sentier. Il s'est installé dans une petite maison à l'abandon, et à passer des jours entiers à la rénover. Il est d'ailleurs très doué pour cela. Il a aidé beaucoup d'entre nous ici.

Se replaçant face à la table, ses doigts vinrent remettre en position son verre près du centre de la table en continuant son discours, amusé.

- Vous savez, il n'y a plus beaucoup de jeunes dans la région, alors, j'avoue que certains d'entre nous en ont profité en lui demandant de nous faire quelques travaux de rénovation. Et il a gentiment accepté de nous aider.

La vieille dame se mit à sourire de plus belle tandis que le vieil homme appuyait ses propos en acquiesçant.

- Ce n'est pas un garçon comme on en rencontre souvent ton ami tu sais.

Puis, elle releva ses yeux vers ceux du rouquin, qui, tétanisé par la surprise, le soulagement que, finalement, ses efforts payent enfin, buvait ses paroles.

- Vous avez de la chance de l'avoir.

Et ce fût lorsque qu'elle prononça une ultime phrase que Jimin prit pleinement conscience, après des mois de recherches, qu'il avait atteint son but, qu'il avait tenu sa promesse.

- Oui, tu as de la chance d'avoir quelqu'un comme Taehyung.

Qu'il l'avait finalement retrouvé.

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