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Chapitre 7

— Le Disco Blue

Clémentine

Comme nous n'avions pas cours cet après-midi, j'en ai profité pour faire une grosse sieste. Je dois avouer que ça fait un bien fou, de pouvoir mettre son cerveau sur pause et son corps, sur le bouton « repos complet ». Je me suis endormie grâce aux voix douces du groupe VICTON. Sans doute mon groupe préféré parmi les idoles qui peuplent le monde de la K-pop.

Quand je vous dis que je suis entrée dans le cercle des auditeurs de ce genre de musique, c'est la stricte vérité. J'y sombre chaque jour. Parce que c'est mon quotidien de baigner dans la musique, même si mon cursus ne se définit pas que par ça. Il y a aussi le jeu d'acteur et l'écriture. Des sujets tout aussi vastes, que j'adore explorer à ma manière.

J'entends qu'on frappe à ma porte. De légers coups. Un rire m'échappe en voyant qu'Athée a retenu la leçon à cause de mon coup qu'elle a pris dans le nez, ce matin. Cependant, elle n'attend pas mon signal pour entrer, pas besoin.

Je relève la tête pour voir qu'elle s'est accoudée contre le cadre de ma porte.

— Regardez-moi cette grosse marmotte.

— Je ne suis pas grosse, arrête ! J'ai absolument tout ce qu'il faut avoir où il faut.

Je me redresse en m'asseyant en tailleur sur ma couette. Athée me tire la langue.

— Je sais bien qu'il n'y a pas d'horaire précis pour le Disco Blue, mais on ne devrait pas tarder. Ça va être une soirée spéciale.

— Tu as bien choisi ton soir ?

Elle joue avec ses sourcils, un air de suspense. Je croise les bras sur ma poitrine, prête à en découdre pour qu'elle me balance toutes les infos. Le silence s'étire et vient ce qui devait arriver : une bataille d'oreiller. Chacune de nous arrive à toucher l'autre, au moins trois fois et je dois dire qu'un oreiller, ça déséquilibre vite.

Heureusement, j'arrive à la mettre à terre, l'oreiller plaqué contre sa jolie joue. À l'aide de sa main droite, elle tape sur le sol pour mettre fin à notre combat. Essoufflée, je me lève, pour ensuite lui tendre une main amicale.

— Tu te souviens de ROSES, le groupe que certains des dernières années avant nous, avaient monté ?

Je secoue la tête, un sourire se dessinant sur mes lèvres. La chanteuse, Anémone — avec sa peau mate, ses dreadlocks et son timbre de voix très atypique — ne passait pas inaperçue dans les couloirs de l'école. Elle m'a donné toutes sortes de frissons en chantant de nombreuses fois.

— Ils se produisent ce soir.

J'écarquille les yeux, soudainement prise de frénésie.

— Au Disco Blue ?

— Quelle question ! Tu peux y répondre toute seule, se moque Athée.

Je saute sur mes pieds et entame une petite danse de la joie. Comme vient de le dire ma meilleure amie, je sens que ça va être une soirée mémorable et très spéciale. Après l'obtention de leurs diplômes, on a plus entendu parler des cinq membres de ROSES parce que chacun avait eu la chance d'être repéré, soit par un producteur, ou alors par des musiciens professionnels. Mais il faut croire qu'ils ont levé haut le poing, et ont décidé de vivre leur propre aventure, tous ensemble. C'est hyper audacieux.

— On se prépare ?

Pas besoin que je lui réponde, je file sous la douche. L'eau chaude sur ma peau me réveille un peu plus, et me réchauffe d'une manière miraculeuse. Après m'être séchée, j'enfile mon jean mom déchiré à plusieurs niveaux, mon col roulé blanc et un bandana que je noue dans mes cheveux. Mes converses sont les prochaines à compléter mon look, en plus de mes créoles en or. J'applique une fine couche d'eye-liner et me voilà fin prête. En plus, ma voix est assez échauffée pour ce que je vais crier pendant la soirée.

Athée me tape dans la main, et quelques minutes plus tard, on démarre sur les chapeaux de roues. Au loin, le ciel est rose et le soleil descend de plus en plus bas. Ça donnerait presque envie de capturer ce moment magnifique qui s'offre à nous.

Le parking est plein quand on arrive devant le bar, comme à son habitude. C'est le rendez-vous des musiciens amateurs, mais aussi de toutes les personnes qui raffolent de sensations fortes. Il n'y a pas mieux comme endroit pour recharger ses batteries.

Une fois à l'intérieur, une légère musique de jazz me transporte. Le son familier de l'harmonica fait battre mon cœur d'une façon que seule la musique peut le faire — ou presque : amoureusement. Tout de suite, je suis attirée par le vieux jukebox qui en impose dans la salle et fait l'authenticité du bar. À mon avis, il n'est pas assez exploité selon sa valeur, laissé dans un des coins.

Mes pas s'arrêtent à mi-chemin. Alec est penché dessus, concentré, une pièce entre ses mains. Il joue distraitement avec, en regardant les musiques qui sont proposées. Mes yeux glissent sur son profil, pour venir s'échouer sur le tatouage qui marque sa peau juste en dessous de sa mâchoire. Je n'avais encore jamais vu tous les détails que dégage le dessin. La palette de couleur avec ses pinceaux.

— Tu veux m'aider à choisir ?

Je sursaute. Sa voix est plus douce ce soir, et plus... sauvage ? Un grain plus bas et mon palpitant emprunte un autre rythme que celui de la musique. Plus lent, mais plus fort. Il frappe à m'en faire mal à la poitrine.

En voyant que je ne réponds pas, Alec se retourne vers moi, pour me faire face. Son regard me cloue sur place. Il est sombre et quelque chose cloche sur son visage. Ses traits sont comme figés, et il y a visiblement un truc qui le dérange, qui le démange. Bizarrement, sur le moment, une partie de moi aimerait découvrir le fond de ses pensées. Mais j'arrive à me raisonner, heureusement. Je n'ai aucune envie de m'approcher de lui, on a jamais été comme ça lui et moi : proches et du genre à discuter avec de vrais mots et de vraies intentions.

Alec souffle un bon coup, les veines de son cou se contractant. On dirait qu'il est torturé.

Pourquoi je ne bouge pas ? Je m'en fous.

— Qu'est-ce qui se passe dans cette petite tête ? murmure-t-il.

Je ne m'étais pas rendu compte qu'il s'était rapproché. Que lui, avait osé faire ce pas. Son épaule est tout contre la mienne et ses cheveux caressent mon front d'une façon dangereuse. Malgré moi, je remarque sa fragrance, son shampooing qui sent très bon : un mélange entre le viril et le plus doux. Pareil à un feu d'artifice qui explose en pleine nuit.

— Parfois, j'aimerais savoir si tu y penses aussi.

Je bouge légèrement mon visage. Nos nez se touchent presque et son haleine mentholée remplie l'espace entre nous.

— Penser à quoi ?

Ma voix est à peine audible. Il n'y a que lui et moi.

— Tu te rappelles ?

— Me rappeler quoi ? Sois précis, Alec.

Un léger sourire remonte le côté droit de sa bouche. On dirait presque un ange déchu qui voudrait attirer sa proie vers les Enfers.

Si ce n'était pas lui en face de moi, je me laisserais peut-être tenter.

— Alors comme ça, ce soir, c'est Alec. Hum...

Sa voix dégage un timbre si bas qu'il arrive à faire vibrer mes jambes.

— ... je dois avouer que j'aime ça.

Je rêve où il flirte avec moi ? Ça ne me plaît pas, parce que c'est bien la première fois que je ressens ça, ou que j'ai ce genre de raisonnement vis-à-vis de lui. Je ne sais pas vraiment comment me comporter et mon corps n'est pas mon grand allié dans cette situation.

— Tu ressens ça, toi aussi ?

La vulnérabilité dont transpire sa voix, me touche en plein centre. Des flashs me transpercent de toutes parts. Je me rappelle de mes doigts qui tremblent, tandis que j'écris son prénom malgré moi, du flot de paroles qui se déverse sur le papier pour décrire tout ce que mon corps entier éprouve, et de la détresse qui m'entraîne vers un état léthargique.

— Si tu ressens la même chose, alors c'est que tu te rappelles.

Je serre les poings, déstabilisée. Je n'ai aucune envie d'être vulnérable moi aussi. Je veux être forte et lutter contre tout ce tourbillon de sensations noires qu'Alec me fait ressentir depuis tellement longtemps. Je veux qu'il parte très loin de moi.

« Je ne veux pas que tu aies le cœur brisé... »

Je ferme très fort les yeux pour puiser tout au fond de moi. Je recule d'un pas, pour pouvoir vraiment lui faire face. Son regard paraît désormais froid et il m'envoie des tonnes de piques sur chaque surface de ma peau. Il n'épargne rien.

— On n'a jamais rien eu en commun, Wilson. Et encore moins un moment dont je peux me rappeler. Tout ça n'a aucun sens.

Je voulais que ma voix soit forte et apparemment, elle l'a été un peu trop, puisque beaucoup de clients nous regardent, interdits. Athée, Léo et Kamālia se sont avancés de mon côté, tout comme Jimmy et Liam se trouvent derrière leur ami. J'observe Liam attraper le poignet d'Alec, comme pour lui signifier sa présence et le calmer.

— Tes mots pour me blesser, ce sont des moments que tu as créé toi, mais pour moi, ils ne représentent rien. Je subis, c'est tout et j'en ai marre.

La digue en moi craque.

— On va encore devoir se supporter et se croiser cette année, et plus encore avec ce projet qu'on doit mettre en place. J'aimerais juste que tu arrêtes tout ça.

Je suis à bout de souffle et je n'ai même pas réalisé que je reculais pendant tout le long de ma tirade. C'est Athée qui me retient, ses bras familiers tout contre ma taille. Mon menton tremble et je n'imaginais pas la soirée commencer de cette manière.

Alec garde le silence durant quelques minutes, la mine impassible. L'océan à l'intérieur de ses yeux fait rage, seule preuve de ses émotions.

— Tu as peur.

Je reste bouche bée. Ma meilleure amie me cramponne de crainte que je lui saute dessus. Concrètement, je n'ai plus de force à l'heure qu'il est, donc elle n'a pas d'inquiétude à avoir de ce côté-là.

— Je te souhaite bonne continuation dans les bras de Marty, lance-t-il, un sourire mauvais.

J'ai la sensation amère qu'il est au courant de quelque chose qui fait froid dans le dos, mais que je ne tarderais pas à connaître.

— Tu ne peux juste pas t'imaginer.

Cette fois, je sens un reproche. Je garde la tête haute, même si au fond, je suis épuisée. Sur le moment, tout ce que je voudrais, c'est me rouler dans ma couette, mon casque sur les oreilles. J'ai bien quelques chansons en tête pour m'apaiser. Sauf que je sais que ce n'est pas le comportement à avoir.

Alec sort du bar, la démarche rapide et agressive. Jimmy le suit de près. Liam reste un instant face à nous, immobile. Son regard peiné se pose sur moi, puis sur Athée. Je n'arrive pas à voir ma meilleure amie, mais je sens ses doigts se crisper contre mon haut. Quand il disparaît, elle se détend enfin.

— Il se passe vraiment un truc avec Marty ? me questionne Kam, la voix sérieuse.

— Chéri, laisse-la respirer.

Je remercie silencieusement Léo, d'un léger signe de la tête. C'est là que je me rends compte que Kamālia se sentait plus Kamel, ce soir. J'ai appris au fil des années à reconnaître les deux personnalités et Kamel est plus sensible que Kamālia. Et surtout, plus centré sur les émotions.

— Excuse-moi, Clem.

Je lui envoie un sourire pour qu'il se rassure.

— Tu veux qu'on rentre et qu'on en discute ? me demande Athée.

— Je crois que j'ai envie de danser.

Son sourire n'atteint pas ses yeux, mais elle acquiesce. Je la vois se diriger vers le jukebox et mettre That's Hilarious de Charlie Puth. Tout de suite, je laisse mon corps prendre le contrôle. Ma meilleure amie se joint à moi, et Léo et Kamel en font tout autant. Tous ensemble, nous chantons au-dessus des paroles, une certaine mélancolie dans la voix.

La soirée devient plus intéressante quand ROSES fait son entrée et enflamme la scène. Je ne me retiens pas de chanter, crier et sauter si fort que les vibrations de la musique donnent une sensation de lourdeur à mes jambes et mes bras.

— Tu t'amuses bien ? crie une voix près de moi.

Surprise : il s'agit de Marty. L'euphorie s'empare de moi et dicte mes gestes sans trop de difficulté. Je glisse mes mains dans les siennes, et il joue le jeu. Je le regarde sauter à mes côtés et rigoler. Les gens font de même autour de nous, si bien qu'on se retrouve finalement très près l'un de l'autre. La chaleur me fait légèrement transpirer sous mon haut et au niveau de mon front. C'est pareil pour mon compagnon de danse et comme mes yeux sont au niveau de sa peau brillante, je ne vois que ça. Ses clavicules et le haut de son torse m'appellent comme une sirène en pleine nuit. Ma bouche s'ouvre dans un réflexe : il me faut de l'air au plus vite ! bon sang. J'entends Marty rire et soudain, il pose ma main sur sa peau nue. J'arrête de bouger et lui aussi, tandis que son regard se fige à l'intérieur du mien.

— Je sentais que tu en mourrais d'envie, chuchote-t-il, la voix pleine de malice.

Mes paupières sont lourdes et mon bas-ventre vient s'embraser.

— Tu as d'autres envies particulières ? me taquine-t-il.

Je pivote vers ses lèvres et sans rien dire, mon instinct prend les rênes. Je l'embrasse d'abord chastement, histoire de commencer doucement et de pouvoir essuyer un échec si toutefois, il ne veut pas de tout ça.

Marty reste un moment sans rien faire, sûrement surpris. Mais très vite, il se reprend. Je sens ses lèvres bouger contre les miennes, lentement et timides. Sa main gauche se pose sur ma joue et l'autre m'attrape au niveau de mes reins. En sentant sa peau contre la mienne, et son bassin se coller au mien, la chaleur m'inonde et je ne pense plus qu'à ce qui se passe entre nous. La musique s'éteint, la voix d'Anémone n'existe plus, pas plus que celles des gens qui se meuvent tout contre nous.

À la fin de notre baiser, je laisse mon front se reposer contre son cou. Marty est silencieux, et je sens ses doigts jouer avec mes cheveux. Je ne sais pas quoi dire ni comment réagir. Je ne pensais pas qu'on s'embrasserait aussi vite et en même temps, je saute de joie tout à l'intérieur de mon corps. Toute la première partie de soirée où Alec m'a contrarié, s'est envolée et j'espère qu'il tiendra sa promesse.

— Je suis heureux de te connaître comme ça aussi.

Sa voix est légère. Je me risque à le regarder dans les yeux, et j'y sens tellement d'intensité — mais aussi une pointe de douceur — que ça me gêne. Je cache mon visage dans mes mains tout contre son corps. Marty rigole et les vibrations de sa poitrine viennent se loger en moi.

— J'imagine qu'on connaîtra la suite jeudi prochain ?

J'imagine aussi.

Soudain, je sens son portable vibrer entre nous. Il l'attrape dans ses mains et sa mine se fait soucieuse. Tout en le rangeant dans sa poche, il replace une mèche rebelle derrière mon oreille.

— N'aie pas honte, Clémentine. J'ai aimé ça.

Il m'embrasse sur le front, avant de prendre sa veste et de s'en aller. Athée ne tarde pas à me rejoindre en criant comme une folle.

— Tu as embrassé Marty ! C'était tellement sexy !

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Coucou tout le monde ! J'espère que vous allez bien ? Que vous profitez du beau temps ?

Nouveau chapitre sur Bad Crush, et pas des moindres. Il est haut en couleur ! Entre Clémentine qui repousse Alec, et son baiser avec Marty, qu'est-ce que vous pensez de tout ce qui se passe ? N'hésitez pas à me laisser des commentaires !

Rendez-vous au prochain chapitre.

Bisous bisous.

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