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Chapitre 4
— Projet musical
Clémentine
Quelques jours sont passés depuis la soirée chez Emilia, mais je n'arrête pas de penser à ce que Marty m'a dit. Quand est-ce que cette fameuse conversation aura lieu ? Dans ma tête, j'espère que ça sera pour bientôt, parce que si j'ai été plutôt confiante de réussir à l'approcher pendant la fête, à la fac, c'est tout autre chose. Le climat y est plus professionnel et studieux. C'est normal après tout. On apprend à être ce que nous voudrions être plus tard : des adultes responsables et en pleine carrière.
— Arrête de tripoter tes cheveux, Clem, me réprimande Athée.
— En quoi ça te gêne ?
Ma meilleure amie rit, comme si c'était logique.
— Ça m'empêche de me concentrer.
— Te concentrer sur quoi ?
— Tu as avalé ton Moka de travers ce matin, ou quoi ?
— N'essaie pas de faire vriller la conversation.
Je souffle, toujours un peu dans mes pensées.
— J'en ai même pas bu.
Je fais la moue, en me rappelant que je n'ai pas eu le droit à ma dose ce matin, parce que la machine à café a décidé de jouer les difficiles avec moi.
— Tu devrais le savoir parce qu'on vit ensemble.
— Je suis partie un peu plus tôt ce matin, tu ne te rappelles pas ?
Je fronce les sourcils. Non, je ne me rappelle pas du tout de ça. Seulement, que je suis sortie à pied, sous un soleil timide et un froid plus sec. Pourquoi est-elle partie plus tôt ? On part toujours ensemble d'habitude. Je dois vraiment être perturbée pour ne rien avoir remarqué. Vraiment beaucoup. Ou alors est-ce mon désir de solitude qui a pris le dessus ?
Je me tourne vers elle, les idées peu claires, bien décidée à en apprendre plus sur ce qu'elle avait à faire. Manque de pot, notre prof de technique musical arrive dans la salle.
— Bonjour jeunes gens ! En forme ce matin ?
Quelques camarades lui répondent positivement, pendant que je suis en train d'observer Athée sous toutes les coutures.
— Arrête ça aussi.
C'est à mon tour de sourire.
— Vous vous souvenez tous et toutes, qu'il s'agit de votre dernière année ?
J'ouvre grands les oreilles, soudainement très intéressée par le discours que débite notre professeur. Il s'avère qu'il a raison, malheureusement. C'est déjà la fin du cursus, et pour être honnête, je deviens un peu nostalgique. J'aime ma vie comme elle est maintenant, même si j'ai des projets plein la tête et aussi des souhaits.
— Vous vous souvenez également de ce qui se passe à la fin de l'année ?
Le grand concert des dernières années. Un événement toujours tant attendu. Je me souviens encore des frissons et de mes yeux qui brillent, durant les trois concerts de dernières années auxquels j'ai assisté. C'est un sacré show où tous les élèves de la promotion se produisent par petits groupes. C'est souvent un projet qui démarre au début de l'année, parce que ça demande du temps et de la précision. On doit choisir notre chanson — la mélodie — en écrire les paroles, y accorder les différents instruments, et donner vie au tout. Et aussi du groove. C'est le moment pour que les gens se souviennent de toi.
— Les affinités sont faites depuis longtemps, et le talent de chacun et chacune s'est révélé au fur et à mesure des années. Il faut que vous soyez stratèges, mais aussi épanouis en préparant ce pourquoi vous avez travaillé dur pendant ces quatre années. Le grand concert des dernières années est un évènement qui se déroule à WestUSA depuis un bon nombre d'années et à chaque fois, de nombreux producteurs sont là pour repérer les nouveaux talents qui sauront percer dans le monde de la musique et qui deviendront la prochaine vedette de leur maison de disques.
Le silence est général dans la salle. Tout le monde rêve de ce moment.
— Les cours sous le module « Technique musical » seront, à partir de maintenant, un moment précieux pour vous. Ils seront consacrés à vos préparations, à vos créations et à vos choix. Vous pouvez dès à présent commencer à chercher des partenaires et à discuter.
Athée et moi, nous retournons en même temps, un gigantesque sourire sur les lèvres.
— Je vous laisse. Vous êtes désormais autonomes sur ces cours. Bonne chance.
Il quitte la pièce sans un bruit. Dans un premier temps, tout le monde reste silencieux, encore un peu choqué par son discours. Puis, quelques personnes se lèvent pour commencer à former des groupes.
— J'arrive pas à le croire ! Ça approche tellement vite ! jubile Athée.
— Oui. C'est tellement fun !
D'un seul regard, Athée et moi, sortons nos calepins. On fonctionne de la même manière. Tout projet a besoin d'un brainstorming. Comme ça, on va pouvoir noter toutes les idées qui nous passent par la tête, sans pouvoir en louper une.
Je suis tellement hypnotisée par mon travail, que je ne vois même pas l'ombre qui se dirige vers nous. La voix de Marty me fait sursauter et me surprend. J'en lâche mon crayon qui tombe à terre. Je me penche pour le ramasser, mais ce sont ses doigts que je rencontre. Sa peau est douce et électrique. J'en ai des frissons.
Nos regards se croisent. J'aimerais disparaître, mais la force d'attraction qui vient de son regard est trop forte. Elle m'attire.
— Excuse-moi, je ne voulais pas te faire peur.
Je déglutis, incapable de faire le moindre geste.
— Tout va bien, je parviens à articuler.
Il me sourit tranquillement, tout en glissant le stylo dans ma main. Je le remercie silencieusement, avant de reprendre place sur ma chaise. À son tour, il attrape une chaise qu'il dépose face à mon bureau. Même sa façon de s'asseoir — à cheval — est à couper le souffle.
— Je me demandais si on pouvait faire un duo, toi et moi ?
Arrêt cardiaque imminent.
Mes yeux s'ouvrent en grand, comme une biche effrayée par les phares d'une voiture. Le temps se fige l'espace de quelques secondes, le moment que je reprenne ma respiration. Marty me fixe avec son éternel sourire de tombeur, une expression sincère sur le visage. Soudain, une petite alerte sonne à l'intérieur de ma tête. J'ai la sensation que tout se découle bien trop vite depuis quelques jours.
Pourquoi Marty s'intéresse à moi, seulement maintenant ?
Ma petite voix me souffle une conversation que j'ai eue avec lui, et l'intérêt qu'il a eu pour ma musique.
Alors c'est donc ça ? Une attirance musicale. Peut-être que grâce à ça, nous pourrions devenir plus proches et il pourrait développer des sentiments à mon encontre. Tout de suite, je reviens à la réalité et jette un coup d'œil vers ma meilleure amie, qui m'envoie un signal tout à fait distinct par son regard. Je lui souris.
— Ça serait avec plaisir.
— Athéna, ça ne te dérange pas ?
Athée répond par la négative et se dirige vers Kamālia et Léo, deux camarades avec qui on s'entend plutôt bien. Parfois, on se fait même des petites sorties tranquilles. Ils habitent dans le même immeuble que nous.
— Je crois que c'est maintenant, me souffle Marty, d'un air conspirateur.
Je plisse les yeux, tout en observant les gens autour de nous. Ils sont si concentrés, tandis que mon cœur explose dans ma poitrine. Je suis inondée sous l'odeur virile de Marty. Un parfum musqué.
— Oui, c'est maintenant.
Il rit doucement. Je le regarde attraper une feuille à Emilia qui tique, et aussi un crayon. Crayon avec lequel il s'amuse, à le faire passer de doigt en doigt. Franchement il est super fort, je n'ai jamais réussi à faire ce genre d'acrobatie.
— Je pourrais t'apprendre si tu veux.
Je relève la tête.
— Hein ?
— Mon tour de magie.
Ses mots m'arrachent un petit rire.
— Donc, Clémentine, c'est quoi ton plan ?
— Hein, quel plan ?
J'ai vraiment l'air de l'amuser parce qu'il rit encore. Ses lèvres s'étirent et j'aimerais réellement les goûter. Immédiatement, je me réprimande d'avoir de telles pensées. Quand je vous disais que mon cerveau est zarbi, vous comprenez maintenant. Bon, après, ce sont des pensées tout à fait normales pour une jeune femme de mon âge, mais trop osées dans notre situation. J'ai envie qu'il me trouve cool et attirante, pas folle ou attardée.
— Je sens qu'on va passer de bons moments, tous les deux. Je suis content de faire ce projet avec toi.
— Moi aussi, et beaucoup trop.
Marty fronce les sourcils, la mine mystérieuse.
— Je t'expose mon plan en premier, si tu veux ?
L'amour de la musique monte en moi et je suis toute ouïe. Tout en gribouillant ses idées sur sa feuille, il m'expose ce qu'il avait en tête et quel type de mélodie et de groove on pourrait intégrer à notre prestation. Concrètement, c'est de la bombe. Je mange ses idées. Un mélange de rap et de style plus simple.
En plus, Marty sait rapper à la perfection. Une partie aussi rythmée en termes de débit, peut apporter beaucoup de valeur au texte et au message qu'un artiste veut faire passer.
— J'ai entendu dire que tu savais jouer de l'harmonica aussi.
— C'est mon tout premier instrument, je confesse. Je me souviens encore quand mes parents me l'ont offert.
Marty s'approche de moi, en s'appuyant sur ses coudes. Mes joues se réchauffent, mais je n'en fais pas de cas sur l'instant, parce que je me rappelle d'un des plus beaux souvenirs de ma vie.
— C'était pour mes 8 ans. Mes parents n'ont jamais eu énormément de moyen, pourtant ils m'ont fait l'honneur de m'offrir un harmonica tout neuf et tout beau. Et pas n'importe lequel. Celui que je regardais, les étoiles dans les yeux, à chaque fois qu'on allait faire un tour au Night Music. Le magasin d'instruments et de musique en bas de notre rue. C'est la première fois que mon cœur s'est emballé comme un fou.
Un sourire nostalgique se dessine sur mes lèvres, lorsque le regard de mon père remplit de larmes, fait écho dans ma tête.
— Des parents à la hauteur.
— Oui, ils m'ont toujours poussé vers ma passion. Encore aujourd'hui.
En constatant le silence de Marty, je vois son visage perdre un peu de sa joie. C'est léger. Simplement l'éclat de son sourire qui se ternit durant quelques secondes. Il a l'air de s'être aperçu de mon regard insistant, puisqu'il se ressaisit immédiatement. J'aimerais l'interroger sur ce qui vient de se passer, mais j'ai la sensation que c'est bien trop intime pour que cette vérité puisse sortir de sa bouche aussi tôt. Après tout, ce sont les premières fois qu'on se parle vraiment tous les deux, en quatre années à étudier ensemble, dans la même promo, quelques rangées et sièges nous séparant.
Je décide de rebondir sur ses mots.
— Tu me parles de l'harmonica, parce que tu penses intégrer l'instrument à notre duo ?
Ses fossettes sont de retour et une émotion non retenue brille dans ses yeux. Il joue avec ses sourcils, laissant le suspens planer entre nous deux.
Je vais vous faire une petite confidence, par moment, je ne suis pas une fille patiente. C'est pour cette raison, que ma main vient agripper la sienne. J'en profite pour pincer sa peau. Quelque chose qui d'habitude ne se manifeste seulement qu'avec Athée. Souvent, quand elle m'énerve à jouer avec ma patience, ou aussi quand elle me fait des clins d'œil sans raison précise. L'air de dire qu'elle détient un secret qui le restera pour moi.
Phase 1 : la taquinerie — check.
— Quoi ? Tu n'aimes pas que je joue avec mes sourcils avec une telle prestance ?
Il continue à les bouger d'une façon, que bientôt, je trouve très indécente. Malheureusement, il se trouve qu'il a raison, il a un super pouvoir : faire fondre les gens rien qu'en bougeant ses sourcils parfaits.
Et pendant tout ce temps, c'est lui qui tient ma main dans la sienne. La douceur de sa peau me provoque des bouffées de chaleur, et je ne peux que m'avouer une seule chose : je ne veux plus jamais qu'il me lâche. Je suis comme toutes ces groupies qui ne se lavent pas la main après avoir effleuré leur idole.
— Bon, d'accord, c'est de la torture, concède-t-il en s'éloignant. Il se trouve que oui, je propose d'intégrer ton précieux harmonica à notre représentation. Qu'est-ce que tu en dis ?
— C'est un oui franc.
— Je sens qu'on va faire un carton, toi et moi.
Je hoche la tête énergiquement.
— Que dis-tu de me rejoindre à ma résidence, un soir dans la semaine ?
Un bonheur immense m'aspire l'âme.
— Bien sûr. Mercredi soir ?
Marty fronce les sourcils, une grimace sur les lèvres, comme si je l'avais contrarié. Je me dépêche de répondre autre chose.
— Ou jeudi, ça sera très bien.
Je regarde Marty se lever de sa chaise, en s'excusant tout bas. Perdue, je le laisse quitter la pièce. C'est comme s'il avait perdu de ses couleurs quand j'ai proposé qu'on se voie mercredi soir. Je n'aime pas ça, j'en ai la chair de poule. Athée me dirait qu'il y a un mystère là-dessous, mais je refuse de trop y penser. C'est pour cette raison que lorsqu'elle me demande comment se sont passées les choses, je lui sers mon plus beau sourire.
— Tu es vraiment mordue toi.
Et encore le mot est faible, je crois. Est-ce que ça s'annonce dangereux finalement ?
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Coucou tout le monde ! J'espère que vous allez bien ? Encore un nouveau chapitre sur BAD CRUSH ! :) Alors, est-ce qu'il vous a plu ? C'est parti, à vos claviers, j'attends avec impatience chacun de vos commentaires ! Ça me fait tellement plaisir ! ;) Que pensez vous du comportement de Marty ? Clem doit-elle se méfier ?
La suite au prochain chapitre !
Bisous.
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