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Chapitre 1

— Premier essai

Clémentine

C'est toujours la même chose. Mes battements de cœur gonflent et prennent une ampleur gargantuesque à l'intérieur de ma poitrine. Je ne parle même pas des fourmillements qui chatouillent chacun de mes doigts. La sensation est différente de celle que je ressens quand je joue mes premières notes à l'aide des cordes de ma guitare. Elle est plus impressionnante, tout comme la myriade de mots qui se répète dans ma tête : « Marty Portman, putain qu'est-ce que tu es beau ! » sans cesser de faire un boucan général.

Il vient juste de rentrer dans l'auditorium, et tout recommence. Je vais vraiment devoir y faire quelque chose. Athéna a raison, ça urge et dans tous les sens du terme. Je transpire l'amour transi pour ce mec depuis maintenant presque quatre années et je n'ai pas encore trouvé le courage de lâcher mes quatre vérités dégoulinantes. Oui, c'est ainsi qu'appelle Athéna — ma meilleure amie depuis le primaire — mes lamentations, mes soupirs et tout ce qui s'ensuit quand il s'agit de Marty.

Même son prénom est sexy...

En parlant d'Athéna, elle se retourne immédiatement vers moi, en faisant les gros yeux. Je sens le sermon dans à peine, trois, deux, un...

— Clem, arrête ton obsession. Ton cœur commence déjà ses scénarios alors que tu n'es même pas foutue d'aller le voir et le prendre entre quatre yeux, pour lui faire ta sérénade.

— Quoi ? De quelle sérénade tu parles ?

Elle sourit, en levant les yeux au ciel.

— J'ai lu et observé tous ces textes et ces dessins dans ton cahier, Clem.

Je détourne le regard de Marty, pour fixer Athéna, d'une mine outrée. Bien sûr, je suis bonne actrice, parce que je sais pertinemment que ma meilleure amie a parcouru ce cahier, un nombre incalculable de fois. Souvent pour déchiffrer mon cerveau qui s'amuse à partir en vrille. En vrai, on dirait qu'il est sous ecsta la plupart du temps. Je vous jure, je ne comprends pas.

Bon revenons...

— Et ne fais pas cette tête-là, il faut suivre avec toi.

Qu'est-ce que je disais ? Oui, mon cerveau et moi, sommes des êtres à part.

— Bon, bon, bon.

— Tu vois, je dois systématiquement déchiffrer.

Je fais la grimace.

Alors que j'allais répondre intelligemment à Athée, cette fois, le prof me coupe l'herbe sous le pied, en faisant jouer de sa grosse voix. Tout le monde s'assoit et se tait.

— Il te faut un plan, et cette fois, tu l'appliqueras à la lettre, chuchote Athée.

Intriguée, je fronce les sourcils.

— Je ne plaisante pas, on est parti pour le premier essai. Et j'espère que ça sera le dernier.

— Qu'est-ce que tu as en tête ?

Ma meilleure amie hausse les épaules, tout en ayant ce petit air sournois sur le visage. Ça n'annonce rien de bon, même si ça promet d'être drôle. Eh oui, pour être amie avec moi, il faut quand même être a little bit loufoque.

Le cours se passe sans encombre et je suis passionnée par chaque intervention de notre professeur sur l'histoire de la musique, durant les différentes périodes qui bordent le commencement du monde. J'adore qu'il nous parle des compositeurs de musiques classiques au temps des rois, ou encore de la naissance du rap. Tous les styles me touchent d'une certaine façon, et ça me donne envie d'explorer tous les horizons. On pourrait me comparer à un arc-en-ciel. Une couleur pour un style.

La matinée passe tellement rapidement entre notre cours sur l'histoire de la musique et celui du renforcement théâtral.

« Car il ne faut pas s'y tromper ; ce charme qu'on croit trouver dans les autres, c'est en nous qu'il existe ; et c'est l'amour qui embellit tant l'objet aimé » je récite, la main sur le cœur.

Athée sourit, tout en apposant à son tour, sa main sur sa poitrine.

— J'aime beaucoup l'atmosphère des Liaisons Dangereuses.

— Est-ce qu'un Monsieur Vicomte se cacherait derrière cette admiration ?

— Boh, n'importe quoi. Devis me convient très bien et au moins lui, il ne va pas voir ailleurs.

Devis, c'est le petit cocker d'Athéna, et il vit toujours chez ses parents. Il est tellement mignon avec ses gros yeux. Je vous jure, à chaque fois que je me retrouve face à lui, j'ai envie de lui faire des gros bisous.

— Fais gaffe, on ne sait jamais.

Elle brasse l'air avec sa main, avant de me fusiller du regard.

— Nous devons parler du plan.

En sortant en dehors des bâtiments, je suis Athée, jusqu'à un petit carré d'herbe où on choisit de s'asseoir tranquillement. Il fait beau en cette période de l'année et beaucoup d'étudiants se réunissent sous les rayons du soleil salvateur.

— Qu'est-ce que tu as derrière la tête ?

— Alors premièrement..., commence-t-elle, d'une grosse voix.

Je lui fais signe de baisser d'un ton, lorsque Marty et sa bande d'amis passent devant nous. Tout de suite, une chose délicieusement érotique pour moi se produit : Marty me sourit, la fossette sur le côté en prime. Intérieurement, je me liquéfie. Athéna, impuissante, parle dans le vide. Je n'entends rien, c'est comme si le temps s'était arrêté.

Bon, ce n'est pas la première fois qu'il me sourit, mais ça arrive de plus en plus, en ce moment. Et si je lui plaisais aussi ? Ça faciliterait les choses. Seulement, il reste encore ce premier pas à franchir. Et puisqu'il ne semble pas le faire, c'est à moi de m'en charger.

Vous vous demandez si je lui ai souri en retour ? Eh bien non, je suis restée bouche bée devant lui. Heureusement pour moi, son sourire n'a jamais tari et je crois même l'avoir vu rigoler. Attention, d'une façon sympa, comme le font les mecs dans les films quand la fille se retrouve à faire un truc mignon et idiot à la fois.

— Eh oh, tu m'écoutes ?

Athéna précipite une main devant mes yeux. Mon regard est toujours sur Marty et dérive sur son magnifique postérieur, moulé à la perfection dans son chino.

— Pfff, les filles dans ton genre font vraiment pitié, Titi.

Cette voix grave et moqueuse fait éclater tous les cœurs qui volaient au-dessus de mon crâne. Je la connais par cœur malheureusement, et le fait est que je l'ai aussi connu encore toute fluette. Pourquoi ce mec existe ?

Alec Wilson.

Son prénom est tellement basique à lui.

Et ce surnom qu'il me donne, pitiiiiiiiiié !

— Toujours aussi mauvais en répartie, Wilson ?

Je me retourne pour affronter ses yeux bleus, qui d'ordinaire sont assez clairs, mais pour une raison totalement obscure, sont d'une teinte plus foncée, ici. Sans le vouloir, je le relooke. Toujours aussi amoureux de ses boots et de son jean délavé, à ce que je vois.

— Ma répartie est mieux que ton degré de médiocrité.

Ses potes, Jimmy et Liam, poussent des cris en rigolant. Cette petite bande n'a toujours pas implosé durant toutes ces années, pourtant j'aimerais bien leur tordre le cou à chacun.

Je jette un léger coup d'œil à Athée, qui à mon plus grand étonnement, est rouge comme une tomate. On dirait qu'elle ne sait plus où se mettre. Un détail qui ne m'échappe pas, mais qui va devoir attendre.

— Et en quoi je suis médiocre ? Je t'écoute, explique-moi.

— Ça va faire bientôt 4 ans, Titi. Je crois qu'il y a quelque chose de malsain en toi, pour courir aussi désespérément derrière ce mec. Et vu la réputation qu'il se tape, j'ai mal pour toi, d'avance. Mais ça ne m'étonne pas, parce que tu as toujours été névrosé.

Mon souffle s'accélère et un lien pète en moi. Je me lève, furieuse, les poings fermés le long de mon corps. Athée chuchote des trucs pour me calmer, mais je ne l'entends pas. Mon cœur bat brutalement dans mes oreilles, et je dois sûrement pousser une grimace horrible sur mon visage. Celui d'Alec se décompose durant une seconde, où j'arrive à voir une lueur briller à l'intérieur de son regard. Comment l'interpréter ? Je m'en fous complètement. Il va toujours trop loin.

— Tu as des choses à revoir Wilson. Ta réputation n'est pas mieux et je peux ajouter à ça, ton langage fleuri qui ferait fuir n'importe qui ou n'importe quoi. De quel droit, tu trouves à redire sur ma vie ? Si j'ai envie de courir — je reprends tes mots — après ce mec-là, c'est mon problème. Toi aussi, tu es malsain, avec tes remarques sur moi. Dois-je en tirer quelque chose ?

Mon regard noir défit le sien, et je vois sa mâchoire se crisper. Tant mieux, qu'il se mange ça en pleine face. Je déteste son comportement et qu'il me fasse des réflexions à chaque fois qu'on se croise. À croire que je façonne son monde. J'ai quelques souvenirs de l'école primaire qui me reviennent en mémoire comme des flashs, et il paraissait plutôt mignon à cette époque.

C'est révolu maintenant. Paix à son âme.

— Il faut croire que je suis attiré par les cas désespérés.

Je tique sur le mot « attiré » durant une seconde. Celle d'après, moi et ma langue bien pendue répliquons sans plus tarder.

Va te faire foutre Alec Wilson !

— Comme Mère Teresa ? Bouh, je ne te connaissais pas ce côté bon samaritain. Est-ce que tu veux que je te dise un truc Alec ?

Il hausse les épaules, un rictus sur les lèvres. Raaah, il m'agace et il le sait.

— Dis toujours, Titi.

— Ça te va mal au teint, tu sais. Quelques rides commencent à apparaître alors que tu n'as même pas encore vingt-cinq ans. À ta place, je m'inquiéterais pour ça, au lieu de te mêler de mes affaires. Même si ta vocation s'arrête à devenir un peintre reconnu, ton apparence comptera toujours.

Je lui fais une autre grimace, mais une de celles qui veulent dire : « Sorry not sorry guy » et je m'en délecte au fond de moi.

— Et toi, c'est Portman qui te donnera des rides. Bon décès.

Et sur ces mots, avec sa clique, ils s'en vont vers le bâtiment opposé au nôtre. Je reste une minute de trop à le regarder partir, un goût amer dans la bouche, comme à chaque fois qu'on se cherche et qu'on finit par se trouver, lui et moi. Les étincelles qui jaillissent de nos conversations ne sont jamais belles et parfois, elles sont même fatigantes.

D'après le visage de ma meilleure amie, ça l'a été pour elle aussi. Je fronce les sourcils, en me remémorant ses joues légèrement colorées de tout à l'heure, quand les garçons nous faisaient face.

— Tu vas bien ?

— Moi ? Oui, parfaitement. C'est plutôt à toi que je devrais poser la question. C'est toujours trop avec Alec, soupire-t-elle.

Sa mine contrariée me file un pincement au cœur. Est-ce que ça la pèse ?

— Bon, revenons à mon plan, Clem.

J'aurais aimé lui poser la question, parce qu'Athée compte énormément pour moi, tout comme ses émotions, mais visiblement, elle n'a pas envie de s'y attarder.

— Premièrement, j'ai entendu parler d'une soirée organisée par Emilia et beaucoup de personnes de la fac y seront. Marty aussi, parce qu'il est ami avec elle et qu'il est toujours dans ce genre de truc. Donc, je me suis dit qu'on devrait y aller, non ?

Je fronce les sourcils, tout en me demandant comment les choses pourraient se dérouler. Ce qui me fait me rappeler que la dernière fois où j'ai trop bu, j'ai pris une grosse honte. C'était au bal du lycée et j'ai appris à connaître une facette de moi-même que je n'aurais jamais pensé voir apparaître. Il faut dire que j'ai l'alcool triste et mon cerveau tourne encore plus en bourrique dans ces moments-là.

Pour être honnête, j'avais abusé ce soir-là et Athée était partie aux toilettes. C'est à ce moment précis que le drame s'est produit. Comme par miracle, je me suis retrouvée sur la scène alors que notre proviseur annonçait le roi et la reine du bal. Je lui ai arraché le micro des mains, tout en pleurant à chaudes larmes. Il y a eu un gros silence dans l'assemblée et j'ai lâché en criant d'une voix stridente : « la vie est injuste ! » — pourquoi ? je ne m'en rappelle plus trop bien — pour ensuite me rapprocher un peu trop près du bord de la scène, et je pense que vous connaissez la chute de cette tragédie, que je renomme « Clémentine et les effets néfastes de l'alcool ».

Plus jamais ça.

— Voilà, le deuxième point : je te servirais ton verre et tu tâcheras de garder ta boisson non alcoolisée pour toute la soirée. Pas si difficile !

— OK, défi relevé !

Athée me sourit, avant de respirer un grand coup. On passe à l'étape suivante de son plan, et j'ai peur que ce soit absolument à quoi je pense. Mes mains gigotent. C'est là que j'aimerais avoir mes baguettes et pouvoir les manipuler comme l'envie me dicte.

— Pour l'étape suivante, tu mets le paquet, parce que c'est le moment crucial où tu rentres littéralement en collision avec lui, pour débuter une discussion.

— Oh, tu vas me pousser et je vais le pousser, ce qui fait que je vais m'étaler sur lui. Bonne idée comme technique d'approche !

Je m'imagine la scène dans la tête. C'est plutôt hilarant, mais loin de la réalité, parce que c'est moi qui décide des dialogues, là. Et pour nous deux.

— Non, c'est juste une image pour te faire comprendre que tu vas devoir engager la conversation par tes propres moyens. Finis les soupirs au fond de l'auditorium ou alors les yeux de merlan frit qui ne rencontrent que du vide en échange. Girl power !

Elle lève son poing en signe de triomphe. Après avoir pris une grande inspiration, je l'imite.

— Girl power !

C'est parti mon kiki.

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Coucou tout le monde ! Comment vous allez ? Alors, qu'est-ce que vous avez pensé de ce premier chapitre ? Quelles sont vos prédictions pour le fameux plan de Clémentine pour taper dans l'oeil de Marty ? Mauvaise ou bonne idée ? À votre avis, ça va marcher ? Dites-moi tout.

Rendez-vous pour le prochain chapitre !

Bisous <3


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