Chapitre 1.
Calliopé
Bip. Bip.
J'éteins mon réveil d'un coup de pied et lâche un soupir : foutue rentrée de terminale ! Je descends à la cuisine pour prendre un petit déjeuner, les cheveux en bataille et les yeux mi-clos. Je ne suis décidément pas du matin !
Quelques instants plus tard, un bol de lait renversé et une brioche dans le ventre, je suis dans la salle de bain en train de terminer mon trait d'eye-liner. Plus que la virgule, et voilà ! Il est enfin parfait au bout de cinq tentatives ratées. J'attache mes longs cheveux blonds en queue de cheval haute et applique une fine couche de gloss sur mes lèvres pour tenter de ressembler à quelque chose.
Je descends les escaliers quatre à quatre. J'attrape vite ma veste car Abygail, ma meilleure amie, m'attend en bas pour m'emmener au lycée en voiture.
J'enfile une basket et sautille à cloche pied pour chercher la deuxième. Ne la trouvant pas, je gueule :
- Ally, où t'as foutu ma deuxième chaussure ?
- Elle doit être sous le meuble !
Je me mets à plat ventre et regarde sous le meuble à chaussures. La voilà ! Il faut absolument que ma petite sœur arrête de me piquer mes affaires !
Cela fait six mois que je ne suis pas retournée au lycée. Après le divorce de mes parents, j'ai fait une longue dépression. Du jour au lendemain, je n'ai plus fait de sorties avec mes amis et j'ai même coupé les ponts avec Abigail, mon amie d'enfance. J'acceptais seulement que Simon, mon copain, puisse me voir, même lorsque j'étais au plus bas.
Jai dû prendre des cours par correspondance et j'ai passé ma 1ère à travailler avec acharnement pour ne plus penser à rien et grace à ça j'ai pu valider mon année. Cette réussite a été un véritable déclic et m'a sortie de ma léthargie. Réalisant que mon comportement n'avait pas été digne de celui d'une meilleure amie, j'ai recontacté Abygail. Elle m'en a fait voir de toutes les couleurs mais on a fini par retrouver notre complicité. Je suis rassurée qu'elle soit avec moi pour la reprise des cours car j'ai un peu peur du regard curieux des autres lycéens qui ont la critique facile.
Les gens disent que je ne me lâche pas assez. C'est vrai, dans un sens. Je ne fume pas, je ne bois pas, je déteste les soirées et je passe mes journées à travailler. Je ne vois pas l'intérêt de danser collé-serré avec une cinquantaine d'ados en folie, plein de sueur ou de se réveiller un matin et de ne pas se rappeler les bêtises qu'on a pu faire la veille.
Je pensais être la seule ado à penser cela jusqu'à ce que je rencontre Simon en 4ème. Lui et moi on a tout de suite été sur la même longueur d'onde. Et à partir du jour où, mettant de côté sa timidité, il m'a défendu contre des garçons qui se moquaient de moi, on ne s'est plus quitté. Même si cela nous vaut la réputation du « couple le plus coincé » du lycée.
Je prends mon sac à main que j'avais préparé hier tout en attrapant mes clés sur le comptoir.
Ma mère est encore en train de dormir. Comme d'habitude. Le divorce l'a complètement détruite et depuis, elle passe ses journées à la maison. La voir dans un tel état, même après tout ce temps, me rend triste. Ally et moi essayons de lui redonner le sourire, mais la tache n'est pas facile. Mon père était l'amour de sa vie mais visiblement ce n'était pas réciproque. J'ai du mal à comprendre qu'il ait pu tromper ma mère. Hop, du jour au lendemain il a plié bagage, prenant le premier vol pour l'Australie pour rejoindre sa copine de dix ans sa cadette. Ma rancœur envers lui est encore bien présente. Il essaye de garder le contact avec moi mais je ne réponds plus à ses appels. Il a même proposé que je vienne le rejoindre en Australie cet été mais il n'en était pas question. Je vérifie une dernière fois que tout est parfait. Coiffure ? OK. Sourcils ? Épilés. Haleine ? Euh... Je prends un chewing-gum dans mon sac puis je sors de chez moi et cours vers la voiture d'Aby. Perdue dans mes pensées, je n'ai pas vu l'heure et on risque d'être en retard, ce qui serait vraiment un mauvais départ pour reprendre les cours !
Aby m'attend en tapotant sur le volant avec son index. Elle fait ça quand elle est nerveuse. Elle est magnifique. Ses longs cheveux bruns sont rassemblés en un chignon fouillis sur sa tête et elle porte la robe en dentelle blanche que je lui ai offerte pour son anniversaire. Elle a surement fait ça pour me faire plaisir !
Je toque à la vitre pour la prévenir et m'installe sur le côté passager.
- Calli, enfin ! Mon Dieu, j'ai cru qu'on allait être en retard ! Mais, waouh ! Qu'est-ce que tu as fait à tes cheveux ? Ils sont magnifiques ! Et puis ce débardeur bien échancré, et bah dis donc ma belle, tes seins ont bien gross...
- Chut Aby et démarre au lieu de dire n'importe quoi, je lui réponds, ne sachant pas si je dois être amusée ou ennuyée.
Aby peut se demander pendant des heures lequel de ses vernis elle doit mettre avec un haut rose, quel haut assortir avec un vernis prune, ou encore si les jours de sport, elle peut quand même mettre des talons, quitte à prendre des baskets dans son sac. Une vraie icône de la mode !
- C'est bon, j'ai le droit de dire que ma meilleure amie a un corps de rêve, non ? C'est Simon qui en a de la chance ! D'ailleurs, cet été, vous l'avez enfin fait ?
Oh non... Elle aborde LE sujet. Aby a perdu sa virginité quand elle avait quinze ans et depuis, elle n'arrête pas de me répéter à quel point c'est génial et qu'il faut absolument que j'essaie. Mais j'ai peur et même si j'ai confiance en Simon, je ne me sens pas prête. Heureusement, il est compréhensif et ne me met pas la pression par rapport à ça. Néanmoins, j'ai conscience qu'il doit prendre des tas de douches froides à cause de mes réticences et je me sens coupable. J'ai toujours un peu honte de parler de ça avec Aby.
- Elles sont pas mal tes boucles d'oreilles, tu les as achetées où ? je tente, pour esquiver la question.
- Non Calliopé, je rêve ! Vous n'avez encore rien fait ? Je vais aller voir Simon et lui dire de se bouger le cul... cornichon !
J'éclate de rire. Depuis qu'elle a un petit frère, elle ne peut plus dire de gros mots devant lui, et les remplace par tout ce qui lui vient à l'esprit.
Elle me regarde quelques secondes puis s'esclaffe avec moi. Son rire me fait encore plus rire et vice versa. On part dans un fou rire interminable. Après quelques minutes, on se calme mais j'ai horriblement mal au ventre.
- Plus sérieusement, je reprends, j'attends le bon moment. Cet été, en Corse, il a tenté un rapprochement lorsqu'on dormait tous les deux mais je lui ai dit que je ne me sentais pas prête. Il a compris.
- D'accord Calli, en tout cas si tu as besoin d'en parler, tu sais que je suis là !
- Je sais.
Je pose ma tête contre la vitre et observe les alentours. On en a encore pour une dizaine de minutes. J'allume la radio et une de nos chansons préférées démarre. On se regarde immédiatement et on commence à chanter les paroles. Ou plutôt à les crier. Heureusement que personne ne peut nous entendre massacrer ce grand classique des Beatles ! Quel bonheur de retrouver Aby !
- Et toi alors ? Un copain ? demandé-je.
- Non, je suis sortie avec un gars très mignon cet été, mais il ne voulait rien de sérieux, alors on a juste arrêté...
Elle regarde devant elle, la mine songeuse tout à coup. Elle semble triste un moment, puis elle me refait un sourire.
Même si Aby papillonne un peu à droite à gauche je sais qu'elle rêve de trouver le grand amour et qu'à chaque fois qu'une de ses relations ne fonctionnent pas ça la rend triste. Je n'insiste pas pour ne pas remuer le couteau dans la plaie.
- On est bientôt arrivées, ça te dérange de sortir nous prendre un petit truc au Cofee-House Il nous reste un peu de temps finalement et je crève la dalle !
- Quel ventre sur pattes ! je dis en riant. Allez, dépose-moi là !
Elle gare la voiture et je sors. Je n'ai pas besoin de lui demander ce qu'elle veut, elle prend tout le temps la même chose. Il n'y a pas beaucoup de monde quand j'arrive dans notre café habituel, juste à côté du lycée. Je demande un muffin à la framboise pour Aby et prends un cappuccino pour me réveiller.
La serveuse me regarde, blasée, et va préparer ma commande. Je la détaille rapidement. Elle est blonde et je remarque que c'est une teinture quand j'aperçois ses racines brunes. Elle a tellement de maquillage qu'on dirait un pot de peinture. Sa robe est si courte que j'ai d'abord cru qu'elle se baladait en t-shirt. Elle a l'air de détester son travail. Elle revient avec mon café et le muffin. Elle fait un sourire aguicheur en regardant derrière moi et se penche de manière à ce que sa poitrine soit bien exposée.
- Salut Evan ! murmure-t-elle d'une voix sulfureuse.
Quelle pétasse !
Enervée, j'attrape la commande et me retourne brusquement.
Grosse erreur. Très grosse erreur. Je n'aurais jamais dû me retourner aussi vite, car mon café percute le torse de la personne derrière moi et mouille tout son t-shirt.
Paniquée, je reste toute droite et ne bouge plus, aucun mot ne sortant de ma bouche.
L'individu relève la tête lentement... Oh mon Dieu ! Il est beau. Vraiment beau. Il a l'air d'avoir mon âge, il est brun, les cheveux en bataille, effet saut du lit, très grand, je lui arrive au menton. Il est aussi très musclé et il a des tatouages sur les deux bras.
Puis je croise ses yeux d'un noir profond... Je reste perdue dans son regard. Il est très en colère. Sa mâchoire est contractée et ses yeux m'envoient des éclairs. Des frissons de peur parcourent tout mon corps. Il me fait carrément flipper. Une veine palpite sur son front et ses poings sont contractés. J'ai un instant l'impression qu'il va me frapper.
-Tu ne peux pas faire attention ? Tu sais combien il coûte ce t-shirt ? Non mais tu te prends pour qui ? Excuse-toi au moins, au lieu de rester là à me fixer ! m'agresse-t-il.
Sa voix rauque me sort de mon immobilité.
- Je... je suis désolée.
A ce moment-là, je suis dégoûtée de ne pas pouvoir contrôler ma voix.
- Allez, dégage maintenant !
Voyant que je ne réagis pas, il prend mon épaule et me pousse fort sur le côté, si bien que je trébuche. Il se retourne et discute tranquillement avec la fausse blonde.
Non mais il se prend pour qui ? Il n'a pas le droit de me traiter de cette manière ! Comme si j'étais une moins que rien ! OK il est beau, mais c'est un connard. Très énervée je me redresse, attrape le café que lui tend la fausse blonde et le verse entièrement sur son t-shirt.
Un silence s'installe alors qu'ils me regardent choqués. Je profite de l'effet de surprise pour me diriger rapidement vers la sortie.
- Arrête-toi immédiatement ! Tu reviens ici ! hurle-t-il.
On dirait qu'il est encore plus énervé maintenant. Je me retourne et je lui fais mon plus beau sourire, suivi d'un très aimable doigt d'honneur.
- Tu vas le regretter... j'entends alors que je franchis la porte.
Je ris doucement. Comme si j'allais avoir peur de lui !
C'est seulement quand je remonte dans la voiture et qu'Aby me demande pourquoi j'ai pris autant de temps que je me rends compte de ce que j'ai fait. Et j'espère ne jamais le recroiser.
***
Evan
Ma sonnerie retentit et je tape à côté de moi plusieurs fois avant d'attraper le réveil et de le balancer contre le mur. Il faudra que je demande à Maria de m'en acheter un autre.
Je me lève et je vais prendre une douche rapide, puis je m'habille et me brosse les dents.
Je reste un peu devant le miroir à me regarder. Je suis beau et je le sais. Toutes les filles sont à mes pieds et tous les mecs sont jaloux de moi. J'ai un beau corps et une belle gueule. Je joue avec les filles, je leur fais croire des trucs, passe une nuit avec et pars le lendemain. Je n'ai jamais eu de petite amie. Je n'en ai jamais eu l'envie.
Un coup d'œil à ma montre me fait comprendre que si je ne pars pas maintenant, je vais être en retard. J'attrape les clés de ma moto, balance mon sac sur mon épaule et sors de la maison.
Je mets mon casque et enfourche ma moto au moment où mon ventre gargouille. Merde. Je n'ai pas mangé. Je décide de passer à la cafétéria avant d'aller au lycée.
Arrivé à la cafète, j'attends mon tour derrière une petite blonde. Elle est bien foutue d'ailleurs, du moins, elle a un beau cul. Je profite du spectacle, après tout je suis un mec comme un autre.
La serveuse, que je reconnais, revient avec la commande. Quand elle m'aperçoit, elle me fait un sourire aguicheur. J'ai dû la baiser une ou deux fois et je ne me souviens même pas de son prénom. Brandy... Britney ? Quelque chose comme ça.
- Salut Evan ! me susurre-t-elle, les seins bien en avant.
La petite blonde se retourne brusquement, son café dans les mains. Je ressens un truc chaud au niveau de mon ventre avant de me rendre compte que toute sa boisson s'est renversée sur mon t-shirt.
Je regarde mon torse, puis relève la tête. Je croise son regard paniqué. Je bloque un instant sur ses yeux. Ils sont d'un bleu profond... Mais qu'est-ce que je raconte ? Je ne vais pas commencer à avoir des pensées débiles de ce genre ! Je me reprends et suis très vite énervé. Le fait qu'elle ne réagisse pas me met hors de moi.
- Tu ne peux pas faire attention ? Tu sais combien il coûte ce t-shirt ? Non mais tu te prends pour qui ? Excuse-toi au moins, au lieu de rester là à me fixer ! je lui balance.
Elle semble se reprendre et bégaye de plates excuses.
- Allez, dégage maintenant !
Comme elle ne réagit pas, je la pousse.
- Sers-moi comme d'habitude Brenda ! je lui dis en lui faisant mon plus beau sourire suivi d'un clin d'œil, me souvenant enfin de son prénom.
Elle me fait un petit sourire et part préparer ma commande. Elle revient presque immédiatement avec mon café et alors qu'elle me le tend, la blonde l'attrape. Mais qu'est-ce qu'elle veut encore celle-l...
Argh !
Mais elle est complètement tarée! Elle a versé tout le café sur moi !
Quand je veux l'attraper par le bras, je me rends compte qu'elle est déjà en train de partir rapidement.
- Arrête-toi immédiatement ! Tu reviens ici ! je lui hurle dessus.
Elle se retourne et me fait le plus faux des sourires, suivi d'un doigt d'honneur.
Je vais la tuer. Je vais la tuer. Je vais la tuer...
Je répète cette phrase en boucle dans ma tête.
Tu veux te battre ? Il n'y a pas de problème princesse!
- Tu vas le regretter... je dis assez fort pour qu'elle entende, avant qu'elle ne franchisse la porte.
Brenda repart me faire un café. Et me le donne gratuit. Être beau gosse a ses avantages. Je repasse chez moi pour prendre une douche. Là, c'est sûr que je serai en retard pour la rentrée. Tout ça à cause de cette chieuse.
J'espère qu'elle est dans mon lycée.
Si c'est le cas, l'année ne fait que commencer, princesse.
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