S1 E24 "Secret caché"
Marinette
Dans l'entrée, le bruit de la porte retend, des pas puis une voix qui résonne.
— Je suis rentrée, annonce Émilie.
Penchée au-dessus de mon sac, j'enfonce le cadeau d'Adrien à l'intérieur. Je me retourne et tombe sur Émilie qui me regarde. Elle sourit.
— Bonjour, j'ai quelques minutes de retard je suis désolée. Tout s'est bien passé ? Demande-t-elle.
Le moment où Adrien a terminé à l'hôpital surgit dans mon esprit. Je suis assaillis par une incertitude qui me pousse à me requestionner. Le doute plane dans mon esprit. Si je ne lui raconte pas ce qu'il s'est passé, ce serait lui mentir. Mais si quelqu'un doit en parler, c'est à Adrien de le faire. Pas moi. Des fragments de ma conversation avec Félix remontent subitement, je me souviens de ce qu'il m'a dit au sujet des baby-sitter qui m'ont précédé et un frisson m'arrache l'échine.
— Oui, réponds-je, Félix a été adorable.
— Tu me vois rassuré d'habitude ce petit donne du fil à retordre, soupire-t-elle et elle lève son bras pour poser lourdement son sac sur le canapé.
J'esquisse un faible sourire en baissant les yeux. J'aimerai contrôle l'amas qui se forme dans ma gorge pour former une boule. Mais les mots ne passent pas, je suis incapable de prononcer un seul mot. Émilie me regard, ses yeux brûlant ma peau. Elle doit se douter de quelque chose, elle n'est pas bête et je suis une piètre menteuse.
— Est-ce que tout va bien ? Me demande-t-elle et je lève aussitôt la tête.
Elle fronce les sourcils.
— Oui je suis juste un peu fatiguée, mens-je et j'esquisse un faible sourire. Le week-end n'a pas été de tout repos, avoué-je.
— Il s'est passé quelque chose...
La voix d'Adrien l'interrompt dans son élan. Alléluia.
— Maman, je sors, dit-il.
En entrant dans le salon, il me lance un regard furtif.
— Pour aller où ? Je viens de rentrer et je pensais qu'on passerait une soirée en famille ce soir, remarque Émilie.
— Désolée mam, j'ai d'autres projets mais content que tu sois de retour.
Il l'embrasse sur la joue, sa veste dans les bras et se retourne. Ses yeux capturent les miens une fraction de secondes mais c'est suffisant pour que mon cœur loupe un battement et s'emballe violemment dans ma poitrine. Je perds très vite le fil conducteur de mes pensées. Éperdue de son regard. Troublée par sa manière de me regarder. Les souvenirs de notre baiser refont surface et des papillons s'envolent dans mon ventre. Me procurant comme des picotements.
Il claque la porte derrière lui. Je prends la lanière de mon sac et la pose sur mon épaule.
— Je vais rentrée mes parents m'attendent. Ça été un vrai plaisir.
— Attends, je vais te donner ce que je te dois pour tout ce que tu as fait tu mérites bien ça, fait-elle et elle sort de son porte monnaie une liasse de billet de vingt.
J'écarquille les yeux.
— C'est beaucoup trop vous ne me devez pas autant, madame Agreste ! M'exclamé-je surprise.
— J'insiste tu es restée tout le week-end. Et tu as laissé tous tes engagements pour t'occuper de Félix c'est pour les dommages et intérêt, rétorque-t-elle d'une voix douce sans vaciller.
— Mais je ne peux pas accepter... c'est beaucoup trop, je... bafouillé-je et elle interrompt toute ma confusion.
Elle prend ma main et referme mes doigts sur la liasse. Une boule dans mon ventre se forme. Je suis à la fois embarrassée et extrêmement reconnaissante.
— Par rapport à ce que tu as fait c'est dix fois rien, dit-elle.
— Merci beaucoup. Je... je ne sais pas quoi vous dire ni comment vous remercier, avoué-je.
— Merci convient très bien, rit-elle amusée.
Dans un coin de ma tête, je me souviens qu'elle a dit à Félix qu'elle s'était occupée de tout pour que je ne sois pas une énième proie d'Adrien. Est-ce qu'elle a pu se tromper ? Comment s'y est-elle prise ? Cet aveux a soulevé un bon nombre de questions auxquelles je n'ai jamais trouvé de réponses. A vrai dire, je suis tombée dans un filet et le gros poisson qui m'accompagne s'avère dangereux. Si dangereux parce que c'est lui qui détient du pouvoir sur moi. Pas l'inverse. Adrien met en danger tout ce que je représente et c'est ce sentiment qu'il me fait ressentir à chaque fois qu'il pose ses yeux sur moi qui fait travailler toute l'attraction que j'ai pour lui.
Mais je me demande : Si Émilie a tout fait pour garder son fils éloigné, ne s'y serait-elle pas mal prise ? Au bout du compte, nous nous sommes embrassés. Et c'était... merveilleux, magique. Puissant et si fort. Je n'avais jamais ressentis ça auparavant. Brusquement, prise par les tripes, je me mords l'intérieur de la joue pour faire volte face.
J'étire un sourire. Mon subconscient ne peut plus s'empêcher d'être pris de remords. J'ai embrassé son fils, je me suis mal occupée de Félix et elle me remercie pour tout cela ? Ai-je un aussi mauvais karma ? La douceur des traits de son visage sont d'une force telle que les regrets et les remords qui m'attaquent, me prennent à la gorge. Mon souffle se coupe, il ralentit, s'affaisse. Devient presque inexistant.
— Je dois rentrer, remarqué-je d'une petite voix.
— Bien sûr je te laisse, acquiesce-t-elle et elle se décale sur le côté pour me laisser passer. Rentre bien.
— Merci.
Je marche jusqu'à l'entrée, ouvre la porte et quand j'enclenche un pas vers l'extérieur mais la voix d'Emilie reprend dans mon dos.
— Attends, m'interpelle-t-elle et je me retourne, je peux te poser une dernière question avant que tu partes ?
— Oui, réponds-je d'un ton mal assurée.
Pour être honnête sa question me prends au dépourvue, je ne m'attendais pas à ce qu'elle me retienne. Mais honnêtement, je n'aurais jamais pu prévoir non plus tout ce qu'il s'est passé alors je mets tout sur le compte de l'entrée en jeux du destin.
— Est-ce qu'il se passe quelque chose entre toi et mon fils ? Demande-t-elle.
Sa question me frappe au visage et je la reçois comme une claque. Son regard m'enfonce un gros coup de poing dans le ventre. L'air me manque, mais je reste debout.
— Euh... eh bien... bafouillé-je et je déglutis.
La situation me paraît mal choisis pour parler de ça. Mais si on ne le fait pas aujourd'hui quand le ferons-nous ? Je savais qu'Emilie restait une mère poule malgré tout ce qu'elle montre. Je connais bien, ma mère est pareille. Face à l'hésitation que j'arbore, elle hausse un sourcil. Elle veut que je continue, que je termine ma phrase pour qu'elle connaisse enfin la vérité. Est-ce une bonne idée ? Certains sont secrets sont fait pour être dissimulés et loin de la lumière du jour. Je ne cherche même pas à lui mentir, même si j'avoue y avoir songer très fermement.
— Je ne suis pas en colère si c'est cela qui t'inquiète, dit-elle, mais je connais mon fils et tu as l'air d'être une jeune fille douce et intelligente. Si tu t'approches un peu trop près de ses faiblesses il te fera du mal.
— C... Comment vous pouvez en être sûr ? Demandé-je dissipant quelques vérités dans ma question.
Émilie me regarde et reste silencieuse quelques secondes. Mon ventre doit se retourner plusieurs fois dans mon corps. J'ai mal au cœur tellement il bat vite et tous mes muscles sont crispés. Essayer de dissimuler la vérité n'est qu'une perte de temps à un prix cher. J'ai voulus essayé mais ne l'ai pas fait, parce que tout au fond de moi je savais depuis longtemps qu'elle connaissait la vérité.
On la connaissait tous. Et j'étais la seule à ne pas l'affronter, à la fuir de toutes mes forces, tellement vite, tellement assidûment. Les palpitations de mon cœur se regorgent en énergie quand mon regard voit sa bouche s'ouvrir et souffler :
— Je doute de beaucoup de choses dans ma vie mais je n'ai jamais douté de mon fils. Si tu parviens à l'atteindre là où personne d'autre ne le peut, alors dit adieu à ton cœur car il essayera de te briser. Il fera tout pour que... ton monde s'effondre.
Elle me dit tout ça sans soupirer, sans détourner le regard, sans être traversée par la moindre hésitation. Il n'y a qu'une lueur ardente qui vit dans ses yeux comme une flamme. Sa confiance en elle en Adrien me submerge de toute part. Je manque de discernement quand il est question d'affection. J'ai l'impression d'être une autre personne quand il s'agit d'Adrien. Tout le temps, toutes les fois où c'était lui et personne d'autre. Émilie ne cherche pas à m'effrayer, elle veut me mettre en garde pour que je me tienne à l'écart. J'ai confiance en ses mots, je la crois. Pourtant, c'est plus fort que moi, dans mon cœur je suis persuadée du contraire.
Adrien me fera du mal certes. Finalement, n'est-ce pas normal ? Quand on aime, quand on donne, quand on vit vraiment, n'est-il pas normal de prendre des coups ? Ni de goûter à la déception ? Ou d'être sensible ? Émilie soupire.
— Adrien n'est pas aussi brisé qu'il en a l'air. C'est quelqu'un de fort, il est solide parce qu'il a toujours été obligé de l'être. Mais s'il te voit comme une personne sur qui il peut s'appuyer alors il cessera d'être ce qu'il a toujours été. Il pensera qu'il peut se permettre et être négligeant.
J'ai envie de parler. Mais ce que je pense ne sont pas des mots que je peux placer à voix haute. Je dois garder une part de mystère pour survivre à toute cette histoire qui me tombe dessus. Chez chaque être humain, il existe une frayeur, une peur viscérale qui nous cloue au sol. Qui nous fait nous sentir comme si on ne valait rien. Une faiblesse qui fait peur. Un maux dangereux pour notre avenir car il ne repose sur un rien pour tout faire exploser. Et détruire tout sur son passage. Comme une tornade. Les battements de mon cœur ralentissent dans ma poitrine. Ma respiration devient plus régulière.
— Vous savez, madame Agreste, je vous admire beaucoup, avoué-je et je regarde machinalement le sol, les yeux pleins d'espoir et de reconnaissance. Vous élevez votre fils seule et vous devez gérer votre vie personnelle et professionnelle en même temps. Dans un monde aussi macho que le nôtre, c'est dur d'être une femme libre, indépendante et sans mari. Mais Adrien n'est plus un enfant, il saura faire le bon choix. Et puis... parfois c'est rassurant de savoir qu'on peut compter sur quelqu'un, qu'on est pas tout seul, non ?
— Tu as raison. Je... je suis désolée. J'espère que je ne t'ai pas blessé ? Murmure-t-elle inquiète.
Je lève les yeux. Et souris.
— Non pas du tout, au contraire vous venez de me faire ouvrir les yeux.
Elle sourit tendrement. Dans mon cœur, quelque chose de nouveau s'agite quand je pense à Adrien. Ce n'est ni du chagrin ni de la joie mais un profond dévouement. J'ai toujours voulus me protéger en ne pensant qu'à moi et mes problèmes. J'ai centré avec ferveur mon attention sur ce qui m'accable, sur les démons qui vivent en moi, la détournant de tout le reste. J'ai été égoïste et à présent, il est temps d'y remédier.
— On a toujours tendance à nous recroqueviller sur nous-mêmes quand les choses n'avancent pas le sens qu'on espérait. Cela ne veut pas dire pour autant qu'il faut abandonner ni que tout est perdu. Si Adrien doit un jour trop se reposer et faire preuve de négligence, alors je veux que vous sachiez que je serais là pour lui. Je ne le laisserais pas tomber.
— Tu tiens beaucoup à lui, n'est-ce pas ? Sourit-elle tendrement.
— Oui, acquiescé-je en hochant vivement la tête, c'est mon amis et je n'abandonne jamais mes amis.
Soudain, elle s'avance et me prend dans ses bras. J'écarquille les yeux, surprise par son geste. Mes mains sur posent lentement sur son dos. Elle me baigne dans une chaleur maternelle que je n'ai plus ressentis depuis un moment. Sa chaleur est rassurante et apaisas te. Je me sens moins agitée, moins stressée et paniquée.
— Je suis heureuse qu'il soit tombé sur toi, tu es quelqu'un de bien, murmure-t-elle.
A ses mots, je me dis alors que cette fois, tout peut être différent. Je laisse m'échapper l'idée qu'il y est une chance que cette histoire marche. Que entre Adrien et moi, il puisse se passer quelque chose sans que tout dégénère. Je revois le bon côté des choses et abandonne un peu le mauvais. Être pessimiste n'est pas dans ma nature, avant cela ne l'avait jamais été. Après sa mort, j'ai commencé à changer. Quand il m'a quitté, j'ai eu tellement mal. Je saignais à vif. Sans anti-douleur, sans anesthésie. Il n'y a pas eu de détour, ni de retour en arrière.
J'ai été seule pendant longtemps, un lapse de temps dont je me souviens de chaque détail. Son décès a marqué mon âme au fer rouge et je ne parviens pas à tourner la page. C'est impossible pour moi d'accepter ce qu'il s'est passé. Chez Émilie, il y a une part d'émotion, de ressentiment et de vécue qui se reflète en Adrien. Elle est une des raisons du pourquoi je suis autant attirée par lui. Car j'ai l'impression qu'il pourrait comprendre. Et je suis terrifiée à l'idée qu'il devine. Je suis bouleversée rien que d'imaginer que je peux me reposer sur quelqu'un d'autre que moi. Tout comme lui.
Si dur sont les secrets qu'on n'a pas le droit de dire. Si douloureux sont les souvenirs qui tournent en boucle dans notre tête, dans notre chair et notre sang. Ceux qui nous réveillent en sursaut de notre sommeil. A cause de qui, la sueur colle à la peau, les larmes au visage. L'effroi au cœur. Un état de mélancolie à l'attitude. Se forgée dans l'abandon, dans la trahison, dans la déception, dans la solitude, dans l'obscurité. Une drôle de sensation de déjà vue, celle d'avoir déjà trop vécus.
Lorsque je brûle mon âme à coup de chalumeau en m'acharnant à accepter le passé. Je me bats, encore et encore sans avoir la force. Sans avoir le courage. Sans avoir aucun pouvoir. Je n'ai aucune certitude que mes incertitudes plus solides que jamais. On ne me promet aucun avenir. Au final, je ne fais qu'avancer dans le noir.
— Je ne te retiens pas plus longtemps, rentre chez toi tes parents vont s'inquiéter, argue-t-elle et elle se recule.
Elle me lâche.
— Bonne soirée à vous, lui dis-je.
— Merci à toi aussi, elle me répond et je suis déjà de dos.
Elle referme la porte derrière moi. Sur tout le trajet du retour, des pensées m'animent. Je repense à ce qu'elle m'a dit et suis frappée par la similitude des sentiments. Si Emilie dit vrai, Adrien est aussi perdu que moi. Aussi tourmenté que je le suis et contrairement à ce que j'ai pensé : il souffre. Bien plus qu'il ne le montre. Beaucoup plus qu'il ne l'accepte.
Si j'ai raison, notre relation va prendre une toute ampleur. Une direction que je ne peux imaginer, qui m'échappe.
* * *
Adrien
Une heure que je suis assis à mon bureau, en train d'essayer de me concentrer sur un devoir de math sur lequel je ne suis pas concentré. J'ai envie de travailler et de faire des efforts pour obtenir de meilleures notes mais je n'y arrive pas. Le cœur n'y est pas et mon esprit est tourné vers autre chose. Je soupire et rejette la tête en arrière. Je ferme les yeux. Je pourrais dire que je ressens quelque chose au fond de moi qui me démange de l'intérieur et ce n'est pas de la peine ni de la joie, je suis départagé entre un ennuie monstrueux et une déception profonde. Quand je repense à tout ce qui s'est passé dernièrement je devrais être heureux mais je n'éprouve aucune satisfaction, aucun plaisir ni aucune fierté.
Ma mère m'a fait promettre de ne pas approcher Marinette et j'aurais dû l'écouter. Je lui ai promis de ne dépasser aucune limite mais on pourrait dire que j'ai mentis. J'ai rompus ma promesse je l'ai détruite et réduis en bouillis. J'en ai jamais rien eu à faire et je crois qu'à présent c'est tout le problème. Je ne peux pas dire des choses auxquels je ne crois pas auxquels je ne ressens rien. J'ai mentis à ma propre mère et j'ai honte. Très honte.
D'un autre côté je me dis que Marinette et moi nous sommes embrassés, rien que ce souvenir fait virevolter des papillons dans mon ventre. Notre baiser, notre étreinte, tout était parfait à mes yeux. Je n'ai jamais vécu pareil moment. Mais je sais que les souvenirs ne sont rien quand ceux avec qui on les partage ne sont plus là. Et si celui-ci est encore vrai dans mon esprit bientôt je sais qu'il disparaîtra ou sera la cause d'une de mes douleurs. Je vais être déçus je pense parce que je l'ai toujours été. Mais une petite partie dans ma tête au fond de mon crâne souffle l'espoir et respire le bonheur.
Un fin sourire esquisse mes lèvres, je relève la tête les yeux ouverts et me lève. Je laisse mon crayon sur ma feuille et me tourne vers la porte, je sors de ma chambre et descends dans le salon. Ça ne sert à rien de se tourmenter et de se poser dix milles questions. Si j'ai bien appris quelque chose c'est que se prendre la tête ne sert à rien. Les actions valent plus que des paroles. Je préfère agir que réfléchir. Et depuis longtemps maintenant...
Je ne sais pas comment vais-je annoncer à ma mère que j'aime Marinette. Le penser me bouleverse et l'imagine m'est impossible sous peine de m'enfoncer dans le sol pour rejoindre les enfers. Elle est ma mère et celle qui a toujours été avec moi. Elle m'a tout donné et je lui ai mentis sans scrupule. Elle finira par le savoir parce qu'elle me connaît trop bien, je le sais et j'ai peur. Je préfère garder pour moi l'appréhension qui me guette et ne rien dire à haute voix.
Quand on en parle tout devient plus concret, dans la tête il reste encore une barrière entre le psychisme et le réel. C'est ma dernière chance de me soustraire à la réalité qui me brûle les parois du cerveau.
J'allume la télé en appuyant sur le bouton rouge en tombant sur le canapé, la télé s'allume et je tombe sur la fin d'une cassette. Je jette un coup d'œil au bas du buffet et trouve le sac des cassettes. Un instant, je suis pris d'une forte hesitation mais elle est de courte durée. Je me lève, et change la cassette par une autre. Le temps de me changer les idées pour reprendre mon devoir, c'est l'occasion parfaite pour penser à autre chose. Elle rentre dans le lecteur cassette et je prends le sac en retournant m'asseoir sur le canapé.
La vidéo se lance, je me crispe en serrant la mâchoire sans lâcher l'écran des yeux. Beaucoup de souvenirs qui ne m'appartiennent pas défilent devant mes yeux, je reconnais mon père et ma mère dansant dans un salon plus heureux que jamais. Ma mère a un sourire sur les lèvres qu'elle n'a plus jamais eu depuis sa mort. Mon père quant à lui, la filme mais le reflet du miroir derrière le fait apparaître. Ça pue la joie, remarqué-je.
Ces images font partis d'un temps où je n'existais pas encore. Me dire que j'ai loupé la personne qu'était mon père est un coup que je n'admets pas ou qu'en silence. Il est heureux et comble ma mère d'un bonheur dont seul lui à la clef. En les regardant j'ai envie de ressentir une nostalgie qui m'est étrangère et pourtant je suis sûr de la connaître. Comme si j'avais été là en même temps qu'eux.
Juste à droite je remarque des cadres posés sur une cheminée, mon regard s'attarde dessus quand un monument qui m'est familié apparaît. Je fronce les sourcils et mets immédiatement l'image sur pause. Mes yeux se focalisent sur la cible et je reconnais la Tour Eiffel. Mon père ainsi que ma mère sont devant et ils souris à l'objectif de toutes leurs dents. Mais ma mère m'a toujours dit que mon père n'était jamais allé à Paris. Je me frotte les yeux et prends après quelques minutes pour constater que je ne rêve pas et que ce que je vois droit dans les yeux est bien réel.
— Ce que tu vois est bien vrai... Acquiesce doucement une voix et je tourne la tête pour voir ma mère les bras croisés dans l'entrée du salon.
— Tu m'as toujours dit que papa... n'était jamais allé à Paris. Tu m'as dit qu'il détestait cette ville, remarqué-je perplexe.
— Ce cadre est très ancien... je n'ai jamais pu le récupérer lorsque nous sommes partis. Parfois, je regrette mais c'est un vestige d'une vie que ni moi ni ton père n'avions choisis. Pour notre bien à tous, il était préférable d'enterrer à jamais cette période. Dit-elle en s'avançant, et elle termine par s'asseoir sur le siège à côté.
— Pourquoi tu m'as mentis ?
Dans ma voix une touche de colère est présente mais elle s'efface aussitôt ou un peu. Ma mère me jette un regard calme ou elle seule à le secret. Il est impossible de savoir ce qu'elle pense mais je sais qu'elle réfléchit.
— Tu ne m'as jamais mentis toi non plus ? Remarque-t-elle aussitôt, un sourcil haussé.
Je me renfrogne en serrant les dents et baisse les yeux sur mes doigts.
— Ne change pas de sujet, murmuré-je entre mes doigts frustré d'être coincé.
— Ton père et moi, on s'est rencontré alors que nous étions encore au lycée. Dès le premier regard, j'ai su que c'était le bon. Que ça serait toujours lui et personne d'autre. A cette période, nous vivions à Paris. Explique-t-elle et je lève les yeux pour la regarder mais elle fixe la fenêtre d'un regard nostalgique.
Un sourire tendre étire ses lèvres. Et les traits de son visage sont légèrement tirés sous ses yeux. La fatigue la ronge encore mais elle est moins forte que la mienne. Elle aussi souffre de problème d'insomnies mais avec les années cela s'est apaisé. Contrairement à elle, je n'ai fait qu'empirer. Passant parfois une semaine avec seulement quatre heures de sommeils.
— Plus jeunes, on était très innocent et tout est allé très vite entre nous. Je suis tombée enceinte juste à la fin de ma dernière année de lycée. Ton père n'avait que son bac et moi aussi, nous n'étions pas près à avoir un enfant, on était beaucoup trop jeune. Mais on voulait le garder parce qu'on s'aimait. On pensait pouvoir gérer la situation, avoue-t-elle et elle marque une pause de quelques secondes, on était beaucoup trop jeune, répète-t-elle plus bas les yeux plongés dans le vide.
— La situation ? Tu veux dire de moi ? Pourquoi m'avoir caché ça ? Demandé-je calmement.
Elle cligne des yeux puis me regarde.
— Non..., souffle-t-elle en secouant la tête et elle baisse la tête sur ses doigts, ton père travaillait déjà pour quelqu'un de très dangereux avant qu'on se rencontre. Il ne pouvait pas savoir que j'étais la fille de son patron... Aucun de nous deux n'aurions pu l'imaginer.
— Je ne comprends rien, qu'est-ce que... Bafouillé-je les sourcils froncés.
Ma mère a caché beaucoup de choses toutes ces années, et je ne m'en rends compte que maintenant. Je suis départagé entre l'agacement dur et pur et l'étonnement doux et inconscient. Je crois que je suis tenté de me laisser encore baigner dans l'ignorance mais je crois aussi que ce temps est révolu désormais. L'heure des confessions est arrivé et je n'ai rien vu venir.
— Mon père... ton grand-père, dirige une entreprise... très dangereuse. Confie-t-elle et je vois ses doigts légèrement tremblés.
Il ne m'en faut pas plus. Je comprends immédiatement que quelque chose cloche. Ma mère qui tremble en parlant de mon grand-père ? Je savais que le passé l'effrayait mais à ce point, je n'aurais jamais pu l'imaginer. Cette histoire ne dit rien qui vaille, je sens la bombe à des kilomètres, et elle se rapproche et je ne peux pas l'empêcher. Cette impuissance me rends dingue, elle me pique... encore et encore pour me rendre fou. Je bascule en arrière en soupirant. Mon regard se braque sur le plafond.
— Nous ne n'avons jamais eu une bonne relation et quand j'étais jeune c'était toujours très tendus entre nous. Alors tu peux bien t'imaginer... s'il apprenait que je sortais avec un de ses agents, il n'allait pas sauter de joie. Dit-elle en haussant les épaules et elle lâche un rictus plus neveux qu'amusé.
L'atmosphère est tendue, je le sens et je ne sais pas pourquoi mais je redoute la suite qu'elle s'apprête à me dire. Je ferme les yeux en inspirant une forte goulée d'air. Mon système d'alarme à bombe est en alerte rouge dans ma tête mais je ne peux pas me défiler maintenant. Pas alors que je suis aussi près du but, que je le veuille ou non.
Je suis pas prêt à entendre la suite mais je redresse quand même la tête et la regarde. Elle continue :
— Ton grand père est un mafieux, ton père était jeune et ne savait qu'à moitié dans quoi il s'embarquait quand il s'est joint à son groupe. Mais tous ceux qui travaillaient pour lui savaient pertinemment qu'ils ne devaient pas enfreindre une règle qui leur aurait coûté la vie sans préavis : approcher la fille du patron, raconte-t-elle.
— Papa a enfreint la règle, remarqué-je.
Elle hoche la tête consenscieusement.
— Et qu'en est-il advenu ? Poursuivis-je.
— Ton grand-père l'a appris et s'est mis dans une colère folle, il a voulus le tuer et j'ai eu beau lui expliquer, il n'a rien voulus entendre. Il était si... hors de lui. Je ne l'avais jamais vus comme ça. Explique-t-elle.
— Il l'a tué ? Soufflé-je la voix étranglée dans ma gorge, le cœur lourd et la respiration courte.
Cette idée me rend faible, je ne suis pas guéris du décès de mon père et j'ai toujours cherché des réponses à sa mort. Je n'ai jamais voulus admettre qu'il était vraiment partis pour toujours. Mon subconscient me l'a soupiré, soufflé et répéter tant de fois. J'ai finis par me faire une raison sans jamais oublier ni réalisé que j'avais tord d'espérer qu'il n'était pas mort. J'avais tord de croire qu'il était partis mais qu'il reviendrait... un jour.
— La nouvelle que j'étais enceinte est remontée aux oreilles de ton grand-père, mon père. Et il s'est mis en tête que j'avorte, mais j'ai refusé et il a été si en colère qu'il a voulus me retirer le fœtus lui-même... avec un couteau. Ton père est venus me sauver, il a organisé une fuite avec un avion pour qu'on s'enfuit aux états-unis chez une tante à lui. Répond-elle.
— Maman... Murmuré-je.
— Ils l'ont appris et nous ont rattrapé. Il ne restait que très peu de temps mais à quelques minutes je sais... je suis sur que rien de tout ça ne serait arrivé. Je le sais parce que... j'avais tout compté et recompté un millier de fois, explique-t-elle mais sa voix s'affaiblie et la trahis.
Ses yeux se gonflent de larmes et ils se mettent à briller. J'ai envie de la serrer dans mes bras mais l'aveux qu'elle est sur le point de me révéler m'empêche de faire un seul mouvement. Je suis cloué sur le canapé, interdit et complètement aspiré par une vérité qui me ronge désormais le cerveau.
Je vois sa lèvre inférieure tremblée et elle perd une larme, elle dévale rapidement sa joue, je serre les dents.
— Je..., elle déglutit, les hommes de ton grand-père sont arrivés ils nous tirés dessus mais ils étaient de plus en plus proches et si personne ne les ralentissaient, ils allaient nous rattraper. Ton père m'a fait monté dans le petit avion en me disant de ne pas m'inquiéter que nous décollerons ensemble. Il disait que tout irait bien, il allait les ralentir et nous nous envolerons ensembles.
Des paroles, des mots me brûlent la commissure des lèvres. J'ai la gorge nouée et suis incapable de parler. Ma mère semble elle aussi peinée à continuer son récit et je suis effaré par son courage. Elle est tellement forte, pensé-je haut et fort dans ma tête.
— Un homme a réussis à toucher ton père à l'épaule. L'avion avait déjà commencé à prendre de l'altitude et je nous pensais sauver mais quand j'ai vue son corps se pencher dans le vide, je me suis précipitée pour le rattraper. Je ne voulais pas le lâcher mais il m'a dit une chose qui m'a forcé à admettre qu'il avait raison.
— ... qu'est-ce que c'est ? Articulé-je difficilement en essayant de ne rien faire paraître.
Ma difficulté à parler est plus que flagrante, je le sais et je me trouve ridicule. Ma mère tourne enfin ses yeux et les plantent dans les miens.
— Il m'a dit... "Tu dois me lâcher sinon l'avion va perdre en altitude et nous cracherons. Sauve-nous et lâche-moi." Répète-t-elle et dans sa voix je crois entendre en parallèle celle de mon père alors que je ne l'ai jamais entendus.
Quand j'étais petit je me suis toujours demandé pourquoi je n'arrivais pas à me souvenir de lui, ne serait-ce qu'une fois. Mais à présent, j'ai la réponse. C'est parce qu'il n'était jamais venus avec nous. Nous ne nous sommes jamais rencontrés tous les deux. Je n'ai jamais connus mon père tout court.
Ma respiration est courte et je prends conscience de tout ce que j'ignorais jusqu'à maintenant. La douleur est moins vive que je l'aurais cru mais c'est vrai que de relater des événements aussi déchirants n'a rien d'agréable. Je pourrais dire que je suis furieux mais c'est tout le contraire de ce que je ressens. Au contraire, je suis apaisée. J'arrive enfin à trouver une paix que j'avais toujours recherché.
— Eh... maman, murmuré-je et je me lève pour la prendre dans mes bras.
Elle s'effondre brutalement et pleure à chaude larme. Je la cajole dans mes bras jusqu'à ce qu'elle se calme. Entendre ses sanglots est la pire mélodie que j'ai jamais entendue. Cela attise mes larmes et en la serrant mes bras je tourne la tête et une larme m'échappe. C'est dur de réaliser que mon père est mort pour me sauver moi et ma père. Je ne suis même pas sûr de vraiment en prendre complètement conscience. Je n'étais même pas encore né, je n'étais qu'un fœtus et il s'est sacrifié pour moi. Et pour ma mère...
Il a donné sa vie. Et chaque année à chaque anniversaire de sa mort, je ne me rends jamais sur sa tombe... Je me déteste. Plus que jamais. Et j'ai aussi honte, tellement honte que les remord qui me rongent sont violent. Je mérite toute cette douleur, toute cette rage que je ressens en ce moment. Mais aussi, je déteste plus que tout le père de ma mère, j'ai envie de tuer d'une force que je n'avais jamais ressentis auparavant.
J'ai jamais eu autant le démon contre quelqu'un.
Je n'ai jamais eu autant envie de meurtre que maintenant.
Parfois, les liens du sang ça veut rien dire. La preuve est là, mon grand-père a tué mon père à cause de moi. C'est pour que je naisse qu'il a donné sa vie et je ne saurais jamais à quel point il a pu m'aimer parce que je ne le rencontrerais jamais. Et tout comme j'aurais du m'en douter depuis le début, il ne reviendrait jamais...
Ma mère ne m'avait jamais expliqué auparavant les circonstances de la mort de mon père, survolant simplement en disant : il nous a quitté. Est-ce pour cette raison que je me suis imaginé qu'il était toujours vivant mais ailleurs ? Je suis le seul responsable de ma culpabilité. Ne me suis-je pas fait de faux espoirs tout seul ?
Bien sûr que si.
Et je n'aurais jamais dû. Mais pour l'instant tout ce qui compte c'est que ma mère aille mieux, qu'elle apaise sa peine et reprenne le cours de nos vies. Parce qu'il ne reste plus que ça. Continuer d'avancer malgré la tragédie des événements passés, malgré les souvenirs et la souffrance qui les accompagnent. Je le sais et je veux qu'elle sache que je ne serai plus jamais un poids. Je vais l'aider et nous remonterons la pente ensemble. On tournera la page, on se relèvera ensemble, mains dans la main.
Mère & fils.
Fils & mère.
🌐
Quoiqu'il arrive Adrien va garder des séquelles de ce qu'il vient d'apprendre, trop de mensonges trop de secrets. Souvent les douleurs les plus puissantes sont celles que ni on ne voit ni on entend...
La suite prochainement 💋
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