S1 E18 "Folle inquiétude"
Marinette
— Quand je serai grand, je veux être aussi fort que super man ! Avec la même puissance, et la même force. C'est mon exemple ! Raconte Félix, d'un ton théâtrale.
Assit juste à côté de moi, sur le canapé, Adrien tourne sa tête et nous échangeons un regard avant d'exploser de rire, d'un seul coup. Félix est tellement mignon, et sa manière de nous relater les événements est tendre et juvénile. Cela me fait penser qu'il fut une époque, où moi aussi, j'étais comme lui. Naïve, pleine d'espoir. Et où, la vie n'était pas aussi sombre.
Je rêvais comme lui, de super héros, de princesses, de conte de fées. Et je ne vivais qu'à travers les rêves et les contes de fées. Sauf qu'un jour, la vie m'a rattrapé.
Elle a enchaîné mon imagination. Et brusquement, elle m'a enterré dans un sable mouvant toujours en mouvement. Qui suivant le fil de ce temps toujours éternel et inépuisable, m'a affaiblie, et complètement épuisé.
Être un enfant, c'est merveilleux. Et plus on le reste longtemps, plus perdure notre bonheur.
— Ton imitation est très réussis, le félicitai-je.
Un sourire cramponné à ses lèvres, il cours s'asseoir sur mes genoux, sans oublier d'enrouler ses bras autour de mon cou. Je pose délicatement une main dans son dos et le caresse tendrement en souriant. Je ne suis pas habituée à ce genre d'étreinte. J'ai l'habitude d'être repliée sur moi-même, loin de toute chaleur.
Je m'en prive, parce qu'il n'est plus là.
Aussi, parce qu'il n'y avait qu'avec lui que je faisais ce genre de chose.
— Je confirme, ajoute Adrien calmement.
— La pièce s'est passée comme ça, elle était très drôle, explique-t-il tout émoustillé avec des paillettes dans les yeux.
Je le vois dans ses yeux, Félix revit ce moment dans sa tête, et il est heureux. Très heureux.
Je sens mon coeur se compresser dans ma poitrine, il se réchauffe lorsque mon regard croise les étincelles du regard vert clair du petit blond sur mes genoux.
Cette joie, ce bonheur...
Il possède un émerveillement que je donnerais cher pour le retrouver. Dans un coin de ma tête, je me souffle qu'il a de la chance, et je me promets de tout faire pour qu'il ne perde jamais ce sourire.
— On pourra la revoir si tu veux, mais se sera un autre jour. Il est temps pour toi d'aller au lit, annoncé-je.
Il se lève aussitôt et part se réfugier dans les bras d'Adrien.
— Il est pas encore minuit, et je n'ai pas sommeil ! S'empresse-t-il vivement de répondre.
Décidément, ce petit a l'esprit dégourdie. Il ressemble énormément à Adrien. On dirait son portrait craché en plus jeune physiquement. En parlant du loup, nous nous échangeons un regard l'instant d'après. Il n'attend pas, et attaque Félix de chatouilles. Le petit crie sans retenus en riant de toutes ses forces.
J'adresse un regard compatissant à Félix, une moue sur les lèvres. Pour faire mine de l'aider, je saute sur le dos d'Adrien, j'appuie avec mes mains sur ses épaules.
— Marinette ? Il semble demande, étonné. Toi aussi, tu as décidé de te rebeller ?
Il tourne légèrement son visage, mais je suis proche de lui alors son souffle sabbat sur mes lèvres et son nez effleure ma joue. Il suffit de l'espace de quelques secondes. Pour qu'on soit projeter à des millions de kilomètres, rien que tous les deux. Le temps autour de nous, paraît s'arrêter. Alors, que je sais que c'est impossible. Pourtant, j'y crois. Pour la première fois.
Parce que je suis sure de ne pas rêver.
C'est à un cri plaintif de la part de Félix qui me ramène violemment à la réalité. Je reviens à moi, et lui lèche la joue. Il grimace en se reculant. Je reprends le cours des événements, sans attendre j'ordonne à Félix :
— Félix, maintenant !
Il profite du fait qu'Adrien soit déstabilisé pour se lever du canapé et se défaire de ses griffes. Je me recule et lui attrape la main, nous courrons jusqu'aux escaliers et les montons comme si nos vies en dépendaient. Comme si, le danger était réel.
Félix rigole et je souris, mais en entendant les pas pressant derrière nous, je perds mon sourire. Adrien s'est déjà repris. Et il est à notre poursuite.
En plus, je l'entends, il va vite. Plus vite que nous.
Rapidement, d'un geste vif je jette un coup d'œil et rencontre une demi-seconde le regard vert d'Adrien. La panique se saisit de moi. Je me mets à courir sans réfléchir jusqu'à la chambre de Félix, après tout, c'était l'objectif de base. On atteint sa porte, il entre mais c'est déjà trop tard, des bras musclés m'encerclent et je lui dis :
— Enfuis-toi, il est là !
Il m'adresse toutefois un dernier regard avant de claquer la porte. Une petite voix dans ma tête souffle qu'il est mignon. Que pour un enfant, il est compatissant. Et étonnement, j'apprécie son geste. Plus que je l'aurais pensé.
La prise d'Adrien, puissante, et serrée, finit par disparaître. Je me retourne et me colle à la porte quand je découvre la proximité si soudaine entre nous. Nos souffles saccadées à cause de la course se mélangent. Les pigments de son parfum attaquent ceux du mieux, et se livres une bagarre sans précédent. Essayant tous deux, d'avoir l'ascendant sur l'autre.
Ma poitrine remonte plus vite que la sienne, signe que je suis plus essoufflée. Mais pourquoi je m'étonne ? Adrien est sportif, il fait partie de l'équipe de basket. Alors que moi...
Moi, je ne fais rien. Ni aucun sport mis à part celui en cours, celui que tout le monde fait. C'est à dire, la base. Dès le début, je n'avais aucune chance, mais je persiste dans mon acharnement.
Avec quelques secondes de plus, il n'aurait pas pu nous rattraper. Sportif ou non. Endurant ou non. Et en me répétant ça, j'attise un goût amer à mon subconscient qui se met à ronchonner. Lui aussi déçue, et agacé de ne pas y avoir pensé plus tôt.
C'est toujours quand il est trop tard, qu'on regrette. Qu'on cogite. Puis qu'on s'apitoie.
Il pose son avant bras contre la porte, juste à côté de ma tête, pour me dissuader de tenter de m'enfuir. Il rapproche son visage de quelques centimètres, et soupire :
— Perdu. C'est terminé, tu n'as plus d'issus. Tu es piégée, princesse. Que vas-tu faire, maintenant ? Comment as-tu prévus de t'enfuir, cette fois ?
Je vois ses yeux se baisser sur mes lèvres. En moi, je sens la tentation monter et elle traverse tout mon corps d'un courant électrique. Du haut de ma tête, jusqu'à mes orteils. D'un coup, j'ai le bout des doigts gelés. Une tension que je connais, ressurgit de nulle part. Elle s'attaque une nouvelle fois à cette relation étrange qu'on entretient, mais dont je souhaite me soustraire.
Au point de la voir disparaître ? Me souffle une petite voix dans ma tête.
Si je ressens toujours cette alchimie quand il s'approche près de moi, il faut que j'arrive à le tenir éloigné. C'est nouveau, et l'inconnu n'est pas ma tasse de thé. Plongée dans le noir ne fait pas partie des choses que j'aime faire. Encore moins s'il s'agit de lui.
Surtout s'il s'agit de lui.
D'un simple mouvement, alors que je me pensais incapable de bouger, je pose mes mains sur son torse. Ses muscles durs sous mes paumes, et son coeur que je sens battre dans sa poitrine, pique à vif mes sens.
C'est vrai.
C'est la réalité.
Je ne suis pas en train de rêver.
Je le repousse. Un peu trop fort, peut-être. Le regard légèrement étonné qu'il me lance, est sujet à me le faire comprendre.
— Je ne vais rien faire parce qu'on s'arrête là, lâché-je.
Je ravale difficilement mes émotions, du moins, je tente vainement. Nous nous échangeons un long regard. Mais Adrien respecte ma décision et gardes ses distances. Contre sa volonté, je le vois bien, néanmoins, il n'en montre rien. Quand il détourne les yeux, j'arrête d'essayer de comprendre et me retourne. J'ouvre la porte pour annoncer à Félix que la partie est terminée.
Mais mes yeux tombent sur la fenêtre grande ouverte qui donne sur le toit et une chambre étrangement silencieuse. Je cherche autour de moi, mais ne voyant le minois de Félix, je suspecte soudain le pire.
Est-il passé par la fenêtre ? Mon Dieu, et si, il était tombé du toit et qu'il s'était cassé quelque chose ? Un enfant peut survivre à une chute de cette hauteur ?
Il a pu se tordre le cou, et je n'aurais rien entendus.
Heureusement, quand je me penche par la fenêtre, je ne retrouve pas son corps étalé ni sur le toit, ni sur l'herbe.
— Félix, où es-tu... ? Je l'appelle en me retournant, inquiète.
La porte bouge et se referme violemment sur Adrien qui avait commencé à faire un pas. Felix qui était caché derrière, apparaît soudain.
— Bouh !
Je sursaute en posant une main sur ma poitrine. Je me contorsionne en souriant, désabusée par sa blague d'enfant de quatre ans.
— C'est pas possible... Soufflé-je.
— Hahaha, t'as eu peur !!! Rit-il excité comme une puce.
La porte s'ouvre et Adrien apparaît une main sur son nez. Entre ses doigts, je vois du sang apparaître. De mauvais souvenirs jaillissent brutalement dans ma tête. Mon sourire se volatilise.
— Adrien, est-ce que... Commencé-je mais il s'écroule sur le sol.
— Oh mon Dieu, Adrien ! Paniqué-je en fonçant immédiatement sur lui.
***
— Tu nous as fait peur, idiot. Soufflé-je en le voyant enfin ouvrir les yeux.
Il se redresse difficilement et je l'aide, toujours inquiète pour lui. Quand je l'ai vue s'écrouler sur le sol, du sang coulant de son nez, j'ai eu tellement peur. De mauvais souvenirs ont jaillis.
Du sang.
Un lourd sommeil.
Une pièce sombre.
Aucun bruit.
Jamais.
— J'ai froid..., greloté-je déjà emmitouflée dans trois couvertures épaisses.
Je déteste les hôpitaux. Je déteste celle que je suis. Je déteste être comme ça. Je ne veux plus.
Il pose sa main sur mon front et balaye mes cheveux tendrement. La chaleur de sa peau contre la mienne glaciale, provoque des papillons dans mon ventre. Cette sensation est très réconfortante.
— Ça va aller, la fièvre va descendre, qīn ài de. (亲爱的), il sourit tendrement.
Des larmes apparaissent au bord de mes yeux, en le regardant je lui souris faiblement. L'inquiétude avale son regard. Alors qu'il tente de me rassurer je fais semblant de le croire, pour le rassurer lui.
Mais la réalité est que mon corps entier est gelé par de terribles montées de fièvres. Des tremblements se mettent à secouer mes mains et mes abdos, et j'inspire difficilement. Plus aucun médicament ne pourrait apaiser sa douleur. Nous avions déjà tout essayé.
Les médecins nous ont dit que se serait lents et douloureux. Malgré tout, il a choisis de vivre ainsi je veux que nos derniers instants ensembles soient bons au maximum.
Néanmoins, je peux dormir sur mes deux oreilles. Car il a promis qu'il serait toujours près de moi.
Il me l'a promis.
— Ne part pas, s'il te plaît... soufflé-je le souffle court.
Mes yeux se ferment sous la fatigue, et je lutte de toutes mes forces pour les garder ouverts. J'ai peur de les fermer. J'ai peur que si je cligne une seule fois les yeux, il disparaisse. Une boule dans mon ventre se forme.
Il va m'abandonner.
Parce que je ne suis pas assez forte.
Terrifiée, je resserre sa main dans la mienne. Ma pression n'est pas forte, parce que je suis terriblement faible. Je le sais. Et je me demande même, si la mort n'est plus aussi proche. Est-ce qu'elle va venir m'emmener aujourd'hui ? La peine se cramponne à mes tripes, elle est viscérale. Je frissonne, encore.
Des spasmes de chaleurs traversent soudain mon corps. Je frémis.
Les battements de mon coeur sont lents. Terriblement lents...
— Non, je reste ici ne t'inquiète pas. Repose-toi, maintenant. Tu es très faible.
J'esquisse un faible sourire. Toutes mes forces s'épuisent peut-être, mon esprit disjoncte aussi et mes pensées ne sont plus aussi clairs qu'elle l'ont été.
Cependant, je place toute ma foi dans ses yeux. Dans ce regard baigné de chaleur et d'amour, qu'il m'a toujours porté. Peu à peu, malgré moi, une larme coule de mon œil alors que la fatigue prend le dessus.
Je me suis battus, je le promets. Mais parfois, j'ai l'impression que se battre n'est pas assez. Que ce n'est pas suffisant.
Je ferme mes yeux et plonge dans le noir. Encore une fois. Je m'éloigne de lui. Je m'enfonce dans un sommeil qu'on espère tous réparateur mais qui n'en est rien.
Parce que je suis malade.
Parce quoiqu'il arrive, mon sort est scellé. Je vais mourir. Je vais mourir... mais il est là.
Avec moi.
— Que s'est-il passé ?! Pourquoi j'ai cette blouse de merde ?! Demande-t-il.
Et il se met à serrer les dents sous la douleur qui le tiraille aussitôt quand il tente de se redresser. Mes pensées me reprennent et la réalité me frappe soudainement de plein fouet, puis je me lève pour m'asseoir délicatement à côté de lui.
Son malaise m'a tellement effrayée que j'ai eu le réflexe immédiat d'appeler les secours. Je pensais que c'était grave, j'étais morte d'inquiétude avant qu'il se réveille.
— Tu as fait un malaise, mais les médecins ont dit qu'avec du repos tu irais mieux.
Adrien a des problèmes d'insomnies d'après ce que je sais. Mais nous n'avons jamais parlé de sa santé tous les deux. Je suppose que ce n'est pas encore le moment pour le faire.
— Où est Félix ? Demande-t-il calmement.
Il réagissait comme si il n'avait pas entendu ce que je lui avais dit. J'ai haussé les sourcils, étonnée.
— C'est important. Adrien-
Une touffe blonde surgit de nulle part dans la chambre et se rut sur lui brusquement.
— ADRIIIIEENNNN ! Hurle Félix, et il resserre ses bras autour du cou de son cousin.
— Comment tu vas, champion ? Demande Adrien, et il lui tapote chaleureusement le dos.
Il n'esquisse pas un tiraillement, ni un sourire qui pourrait trahir sa douleur. Rien. Nada.
Quand Félix se recule, j'aperçois alors des larmes perlées au coin de ses yeux qui me rappellent à quel point il a eu peur lui aussi.
— Je suis désolé d'avoir frappé la porte contre ton nez ! Sanglote-t-il, et il essuie du revers de la manche de son polo à rayure bleu et bleu marine ses yeux rougies.
Mon coeur se serre en le regardant puis mes yeux dérivent sur Adrien. Son visage est impassible, mais ses yeux sont touchés. On dirait que le fond de son coeur transparait et qu'il saigne, à son tour.
Je n'ose pas imaginer ce qu'il ressent.
— C'est rien. Il sourit.
Il ne ment pas, c'est la vérité. Car, ce qui est grave en réalité c'est qu'il ne dorme pas. Ça, c'est quelque chose. Ça, c'est ce qui est le plus important.
Adrien commence à tousser en riant. Je choisis ensuite de me lever pour leur laisser un peu de temps seul à seul.
Félix n'est qu'un enfant. Il a besoin de son cousin. Tout comme Adrien a besoin de lui.
La porte est refermée derrière moi doucement, pour veiller à ce qu'ils ne remarquent pas ma disparition. J'ai un léger sourire aux lèvres lorsque je me mets à déambuler dans le couloir repensant à de quelle manière la mort s'était rapprochée de Félix. Il avait été jusqu'à demander dans ce délais insupportable ou le diagnostique est fait si Adrien allait mourrir.
Heureusement, il existe des cas ou ça finit bien.
— Adrien est courageux et fort, il va se battre, le rassuré-je.
— Et s'il n'arrive pas à gagner ? Est-ce qu'il... meurt ?
— Non, il ne mourra pas. Tu le connais, c'est Adrien. Il trouve toujours un moyen de revenir, fait-lui confiance.
— Et toi... Tu lui fais confiance ? Il me demande d'une petite voix, il me regarde.
Un instant, j'hésite, je m'interroge, je retourne la question. Puis j'arrête de réfléchir et réponds sincèrement ce que je pense :
— Oui, j'ai confiance en lui, lui dis-je droit dans les yeux.
A l'intérieur de mon coeur, quelque chose se bouleverse et change. L'image du visage d'Adrien proche du mien jaillit dans mon esprit, j'ai un olé au cœur.
J'embrasse le front de Félix et le serre contre moi. Contre mon flanc, je sens les tremblements du petit qui sanglote à côté de moi. Il se calme, mais il a peur. Très peur. Je la ressens jusque dans mes tripes. Et c'est horrible. Il crée un vaste vide dans ma poitrine qui ne cesse de s'agrandir en engloutissant tout sur son passage. Je déglutis, les mains tremblantes.
Ça va aller.
Adrien va revenir.
Car il revient toujours, n'est-ce pas ?
Je suis soulagée que les choses aillent mieux, peu à peu tout est en train de rentrer dans l'ordre et l'affreux brouillard de la nuit commence enfin à s'estomper. Le beau temps pointe timidement le bout de son nez, et je peux déjà sentir sa chaleur caresser et apaiser mon coeur. A vrai dire, moi aussi, j'ai eu très peur. Mais Adrien est réveillée, à présent. La pression est moins forte. Presque complètement partie.
Devant le distributeur, juste en face de la chambre d'Adrien, je commande un café à la vanille. Il y a beaucoup de choix, mais je n'ai pas envie d'un café noir. Je n'aime pas ça, et le goût de la vanille est plus doux sur ma langue. Dans ma poche, je sens mon téléphone vibrer. En le prenant, un message de Luka s'affiche sur mon écran. Immédiatement, je me souviens que j'ai oublié de lui envoyer un message pour confirmer notre rendez-vous lundi. Il m'a proposé d'aller au cinéma, et j'ai gentiment accepté. Me disant que ça me changerait les idées. Sur le moment, je voulais oublier Adrien. J'ai sauté sur l'occasion quand Luka me l'a présenté. Mais après mon entrevue avec Adrien, j'ai complètement oublié que Luka attendait toujours.
Le pauvre, je dois m'excuser.
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02:46
Jeudi 23 septembre 2021
Luka >
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Luka
Hey cv?
Moi
Hey ! Désolée, oui tout va bien
Luka
T'es sur ? Il a pas l'air commode Adrien
Moi
Je t'assure, il n'est pas aussi méchant qu'il en a l'air
Luka
Mouais. Et c'est toujours bon, pour lundi ?
Moi
Ouep ! :)
Luka
Génial ! J'ai hâte ;)
Moi
Moi aussi
Luka
Oublie pas, si t'as besoin, je suis là. Fait attention à toi
Moi
T'es vrmnt trop gentil !
Luka
C'est normal. Pk tu dors tjrs pas ?
Moi
J'ai eu quelques imprévus
Luka
Ah ok !
Moi
Et toi ?
Luka
Insomnie 👍🏻
Moi
Ahhh ok xDDDD
Luka
Te moque pas !
Moi
Désolée
Luka
Tkt xD
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Quand j'ai rencontré Luka, la première fois, nous étions encore des enfants. Je m'en rappelle, c'était en primaire. Il était déjà un très bon garçon à cette époque. Il possédait déjà un bon coeur et un bon esprit. Il était déjà incapable de ne pas faire passer le bonheur des autres avant le sien. Enfant, j'étais troublée par ce trait de sa personnalité. M'en souvenir me rappelle à quel point ça fait longtemps. Comme le temps est passé, et qu'il y a beaucoup de choses qui ont changé.
Il était encore vivant à cette période, je me souviens un pincement au cœur.
En rangeant mon portable, la machine se met à biper et j'attrape doucement mon café aux creux de mes mains gelées. Il y a des chaises juste à côté, je m'assois sur l'une d'elles, au même endroit que j'avais quand j'attendais avec Félix que le médecin termine d'ausculter Adrien. La gorge nouée, je déglutis et souffle sur la vapeur chaude de la petite boisson. Je souffle encore une fois, puis pose mes lèvres sur le rebord en plastique et bois une gorgée en faisant attention à ne pas me brûler la langue.
Un jour, je me ferai une raison, mais pas aujourd'hui. Pas maintenant. Je ne suis pas prête. Pas encore prête à l'oublier...
Il y a tant de mots que j'aimerai lui dire. Je suis incapable de passer à autre chose, mais les années sont passées pourtant. Le temps aussi. Et pour autant, rien n'y fait. Rien ne change. Tout est toujours aussi bouleversé que le jour où il est partis. Même si je sais qu'il est encore près de moi, que du haut il me surveille, c'est de ses bras dont j'ai besoin. De sa chaleur. J'ai besoin d'entendre sa voix car rien que d'y penser, et la panique m'envahit.
Ayant peur de l'avoir oublié.
De l'oublier lui.
Parce qu'il n'est plus là pour me rappeler. Parce qu'il n'y a plus rien qui puisse m'aider à me rappeler. Il ne vit plus que dans ma tête et mon coeur et si je tourne la page, je le perds.
— Je ne serai jamais loin, appelle-moi prononce mon nom et je viendrais, qīn ài de.
Il me sourit. Du revers de son pouce il caresse ma joue et vient déposer un baiser sur mon front. Quand il m'appelle avec ce surnom, je suis sur qu'il dit vrai. Il dit tout le temps la vérité, mais c'est plus sincère. C'est honnête. Et tellement réconfortant que ce n'est que quand il m'appelle ainsi que ça me donne envie de le croire.
Pour me ressaisir, je secoue la tête en ravalant mes larmes. Je ne les ai pas vue venir, j'étais trop absorbée par mes souvenirs. Dans ma tête, le prénom d'Adrien résonne et chasse mon mal-être pour le remplacer par une chaleur... étrange. Mais agréable. Pendant des heures, j'ai pensé à lui, je me suis inquiétée. J'ai frôlé la crise cardiaque. Il faut que je prenne une petite pause. Pour reprendre mes esprits, pour souffler. Il aspire toute mon énergie et quand il est là, si près de tous mes maux, je suis complètement déstabilisée. Quand il s'approche aussi près de moi, je perds tous mes remparts, mes barrières s'effondrent et alors, je suis nue. Complètement livrée à lui. Sans plus aucune carapace. Plus de défense pour me protéger.
Je suis faible. Tellement plus que lui. Le combat n'est pas équitable mais il est là, présent, et il fait chavirer mon cœur. Toujours plus que je n'aime l'admettre. Toujours trop.
Une porte s'ouvre, celle de la chambre d'Adrien. Félix en sort et me regarde.
— Tu viens ? Adrien veut te voir, il demande ce que tu fais, annonce-t-il.
J'hoche la tête en me levant. Il se recule pour me laisser entrer et ferme la porte derrière moi. Tout à coup, je découvre Adrien de nouveau debout, finissant à peine d'enfiler son jean. Il porte encore la blouse sur lui.
— Mais Adrien, qu'est-ce que tu fais ?! Paniqué-je en donnant mon gobelet à Félix, je vérifie cependant à ce qu'il ne se brûle pas puis accours auprès d'Adrien pour l'empêcher de continuer.
— Je rentre chez moi, lance-t-il, ça se voit pas ?
— Non, non et non, grondé-je, tu ne peux pas faire ça, le médecin a dit que tu devais au moins rester sous surveillance cette nuit.
En suivant son regard, je le vois s'apprêter à prendre son t-shirt et sa veste posée sur le fauteuil, mais je les attrape juste avant. Je l'entends grogner, je serre les affaires contre moi. Son parfum mélangé à celui de la lessive me monte au nez. Un frisson me traverse l'échine mais je serre davantage ce que j'ai entre les bras pour rester de marbre.
— Rends-moi ça. Ordonne-t-il la main tendue.
— Hors de question ! Aboyé-je, d'un ton catégorique en resserrant les vêtements contre moi.
Il étire un sourire malicieux puis retire la blouse qu'il porte. J'écarquille les yeux et me retourne aussitôt, extrêmement gênée d'avoir laissé mon regard rencontrer cette partie de son corps que je n'aurais jamais pensé voir un jour. Mon visage est brûlant et mon coeur bat vite. Ma gorge devint sèche, je me mords la lèvre.
Je soupire en marmonnant, désemparée d'être aussi faible.
— Qu'est-ce qui te prend de te déshabiller ! Tu nous fait un strispstease mais tu as oublié qu'il y avait un enfant, bon sang mais à quoi penses-tu ?! M'exclamé-je.
Je remarque Félix en train de boire mon café à la vanille, il ne semble n'avoir d'yeux que pour lui. Il relève un œil et jette un coup d'œil à Adrien puis à moi. Il n'a pas besoin de se prononcer, son regard me transmet le jugement qu'il se fait et la conclusion qu'il a me fait rougir davantage.
Adrien, je vais te tuer.
— Bon, je vais attendre dehors.
Aussitôt, j'avance dans sa direction en disant :
— Félix attends, c'est pas ce que tu crois...
Trop tard. La porte claque derrière lui.
Il a pris la fuite. Mais j'ignore si c'est pour avoir la voie libre sur mon café ou pour éviter cette situation gênante. Je soupire intérieurement et extérieurement de désespoir en baissant la tête, les vêtements d'Adrien contre ma poitrine.
J'essaye de calmer les battements de mon coeur, mais c'est presque impossible. Je ne cesse de me dire que Félix va penser que je suis une horrible baby-sitter et je vais perdre mon travail. Tout ça à cause d'un gamin pourrit gâté qui ne pense qu'à lui.
Adrien... je vais le tuer.
— Bon, tu me rends mes vêtements ? Parce que c'est pas qu'il fait froid mais c'est que je commence à me les geler ! Fait remarquer Adrien dans mon dos, toujours à moitié nu sans comprendre que je suis dorénavant dans une colère folle.
Je grogne dans ma barbe et serre les dents, il pense tout le temps qu'à lui, sans se soucier des dégâts qu'il cause. Malgré la colère, je parviens à garder un minimum de lucidité pour ne pas faire n'importe quoi et dire des mots que je regretterai par la suite. Pourtant impossible de ravaler la boule en travers de ma gorge. Elle est trop grosse. Trop vivante. Je déglutis.
— J'ai pas entendus, qu'est-ce que t'as dit ?
Sans attendre je me retourne et le pousse sur le lit fortement. Pas préparé à mon assaut, il tombe et je profite de sa faiblesse pour attraper la blouse au sol et balancer la veste et le t-shirt sur le fauteuil. Il reprend à peine ses esprits au moment où je m'assois sur lui. Ses yeux s'écarquillent en me voyant dans une telle position. J'avoue que c'est un peu osé, mais je n'ai rien trouvé d'autre. Et l'effet de surprise était la clef, sans ça, je n'aurais jamais pu prendre le dessus.
Au-dessus de lui, c'est moi qui est le contrôle. Je suis la dominante et il est le dominant. Ainsi, c'est moi qui donne les ordres. Et lui qui écoute. Je plante mon regard dans le sien et dis d'un ton ferme en tendant sa blouse :
— Enfile-la. Ou je le fais pour toi, compris ?
Il étire un sourire narquois. Ma menace ne semble pas l'effrayer, bien au contraire. Quelque part au fond de moi, cela me dérange et j'en suis presque vexée. Néanmoins, je ne montre rien.
— Essaye toujours pour voir, lance-t-il une lueur de défi dans les yeux.
Il me donne envie de lui arracher les yeux, de m'énerver. Son attitude réussit toujours à me faire sortir de mes gonds. Un peu comme s'il me connaissait bien. Il a ce pouvoir sur moi. Et je déteste ça. Son assurance fait louper un battement à mon coeur, ma main serre la blouse et faut me faire violence pour ne pas que je l'étouffe avec. Adrien agrippe mes hanches, et sans prévenir il me renverse sur le côté. Sous la surprise, je lâche un cri effrayé.
Je me retrouve en dessous de lui. Piégée comme un rat. Il a réussis à reprendre le dessus et à présent, je n'ai plus le contrôle. Je suis à nouveau en position de faiblesse.
Merde.
— Tu disais déjà ? A priori, tu as oublié, il s'amuse d'un ton fière.
Et je me rappelle que mon genoux n'est pas très loin de ses bijoux de famille. L'idée de donner un coup dedans me tente. Elle est même alléchante. Il rapproche son visage, et soudain, l'idée disparaît. Son souffle chaud et humide soupire contre mes lèvres, je frémis. Adrien n'a pas besoin de faire ou dire grand chose pour que je sois réceptive à ses gestes. Je me hais pour ça, d'ailleurs. Une de ses mains posées à côté de ma tête remonte un peu. Bientôt, nos bouches seront écrasés l'une contre l'autre. Est-ce que c'est ce que je veux? Adrien est tout près de moi. Ce ne serait pas la première fois, ce ne serait pas le premier. La tentation laisse planer un doute qui n'a pas beaucoup de temps devant lui. Je perçois ce baiser comme une bombe.
Belle.
Puissante.
Mais dangereuse.
Les mains le long de mon corps, il me faut deux secondes pour m'agripper au drap et m'y accrocher en glissant contre le matelas sous Adrien. Je lui échappe de peu, et me remets immédiatement debout. Mon coeur bat toujours vite. Ma bouche a toujours l'impression de pouvoir sentir son souffle chaud. L'image d'un baiser jaillit dans mon esprit. Il s'impose violemment d'une manière fulgurante. Un instant, je jurerai que je fais une crise cardiaque. Adrien se retourne et me regarde, accoudé sur le matelas.
— Je suis sérieuse, Adrien, soufflé-je, tu ne peux pas rentrer ce soir. Le médecin est formel, tu as besoin de repos. Tu ne bougeras pas d'ici.
De ses yeux, il tente de me défier encore une fois. Une dernière fois. Face à mon assiduité prenante, il craque et soupire en basculant la tête en arrière. Son mécontentement est fulgurant et je me retiens de soupirer, moi aussi. Cette situation ne devrait pas avoir lieu, mais je comprends qu'elle le soit.
— Allez... j'ai rien à faire ici, en plus je déteste les hôpitaux ! Dit-il soûlé.
— Moi aussi... marmonné-je. Mais pense à ta santé, elle en a besoin. Si tu dors, tu vas reprendre des forces et tu vas pouvoir sortir d'ici.
J'attrape la blouse et la lui lance au visage, il l'attrape et la pose sur son ventre. Je viens m'asseoir et m'allongée à côté de lui dans la même position. Le plafond est blanc, rien d'exceptionnel. Mais vider mon esprit en le regardant m'apaise un peu. Je cogite, le corps chaud d'Adrien à ma gauche. Il bouge, son bras et m'effleure. Je ferme les yeux pour chasser la sensation. Des souvenirs, des larmes, j'ouvre les yeux. Je déteste aussi les hôpitaux, je comprends qu'il ne veuille pas rester.
Autrefois, je n'aurais montré aucun signe de résistance s'il avait voulus s'en aller. Maintenant, c'est différent. Parce que je sais que rien ne rachète la santé quand on la perd. Rien ne peut nous sauver si la mort a décidé de revenir nous prendre. Si la faucheuse doit passer, elle passera. Et je tiens à lui, plus que je ne veux l'admettre. Je ne le dirais jamais à haute voix, mais s'il lui arrivait malheur, je m'en voudrais toute ma vie. J'ai déjà un décès sur la conscience, je n'en veux pas un deuxième.
Certains souvenirs, certaines douleurs, ne sont pas fait pour partir mais pour rester. Ils frappent, ils brisent, ils coupent, ils tuent. Ils m'ont tué. J'ai perdu ce que j'aimais le plus. La seule personne que je n'avais jamais autant aimé. La mort est arrivée, mais elle devait me prendre moi, pas lui. Elle s'est trompée de personne. Elle s'est trompée, bon sang. Je lui en ai voulus. Tellement fort. Tellement longtemps. Qu'aujourd'hui, j'éprouve encore une haine incommensurable pour elle. Je lui en veux de m'avoir pris l'être le plus cher à mes yeux. Je lui en veux d'être venus et repartis aussi vite. Pourquoi ne pas m'avoir pris à sa place ? Pour lui ? Il ne devait pas mourir. Ce n'était pas son heure. C'était la mienne...
J'ai un passé noir. Il n'est pas gris, ni gris foncé. Il est noir. Sombre, dangereux, habité par des voix et des souvenirs douloureux qui ne frappent pas qu'une fois quand je les ressasse. Ils me plantent, m'étripent. Et recommencent à chaque fois nouvelle visite. A chaque fois que j'ai le malheur d'y re songer. Toutes les fois, où je suis forcée de revenir parce qu'il me manque, mais qu'il ne vit plus qu'ici. Parce qu'il est...
Il resterait toujours en moi.
Il l'a dit.
Il a promis.
Mais il avait aussi promis que tout irait bien. Et il a menti parce que je n'ai jamais été bien sans lui. Chaque jour, il me manque. Tout le temps. Inlassablement, je revis le même disque en boucle. Torturée, maltraitée, brisée. La même scène passe dans ma tête, à chaque fois elle est plus vive, plus dure, et moins vraie. Des détails à cause des traumatismes se sont ajoutés. Il y a longtemps que je n'ai plus la version originale. La personne qui l'a ne peut pas me le dire. Elle n'a plus la parole, ou du moins, plus avec moi. Alors qu'elle avait promis de rester avec moi. Disant qu'elle serait toujours dans mon coeur. Qu'on pourrait toujours communiquer.
C'était des mensonges. Une arnaque. La gamine juvénile que j'ai été y avait cru. Beaucoup trop fort.
— C'est vrai que tu t'es vraiment inquiétée pour moi ? Demande Adrien.
Je suis surprise qu'il me pose la question. Il pense à moi en ce moment ? Félix a du lui dire ça, et je ne peux pas dire qu'il ment. Il a raison.
— Oui, j'étais inquiète pour toi. Bien sûr que je l'étais... ajouté-je un peu plus bas.
Difficilement en me redressant j'étire mes bras pour détendre mon dos. Ensuite, je regarde Adrien fixé le plafond. Il est pensif. Dans son regard, je vois qu'il réfléchit beaucoup. Mais à quoi ? C'est la question que je me pose en permanence ces temps-ci. Il tourne ses yeux pour me regarder sans bouger. Un sourire faible apparaît. Malgré moi, je le trouve beau.
— P....Pourquoi tu d...demandes ça ? Le questionné-je en sourcillant. Si je m'inquiète ou non, qu'est-ce que ça peut te faire. Tu n'en as rien à faire de m....
Il se redresse et pose son index sur mes lèvres pour me faire taire.
— Pour toi, tu parles beaucoup pour ne rien dire, dit-il.
Ne sachant pas quoi répondre face à son geste qui éveille une forte panique en moi. Adrien pose son front contre le mien et son doigt glisse. Sa main s'empare de ma joue. Un moment, je ferme les yeux pour profiter de la chaleur de sa peau contre la mienne. Il a la peau chaude. C'est agréable. Je n'aurais jamais pensé que l'on puisse être ainsi tous les deux. Notre relation ne va pas dans ce sens, et pourquoi elle le ferait ? Adrien est tellement différent chez lui et au lycée. Ce n'est pas le même garçon.
— C'est déjà mieux que ce que tu dis toi, murmuré-je.
Ma voix est si basse que je doute qu'il est entendus mes mots. Ne comprenant pas pourquoi j'ai cette impression, je reste persuadée que ma réponse le fait sourire. Le silence dans la pièce ne crée pas de mur entre nous mais semble même nous enveloper. Ça ne ressemble en rien à tout ce qu'on a déjà pu faire. Cette fois, c'est juste lui et moi. Et moi et lui sur ce lit d'hôpital et dans cette chambre.
Une question me démange le bord des lèvres. Lorsque je sens mon coeur partir en vrille après avoir imaginé Adrien un peu trop près de moi, je relève la tête et lui demande :
— Pourquoi... tu ne dors pas ?
Il me regarde quelques secondes, puis sourit doucement. Il se relève légèrement, plante un baiser sur mon front puis se lève. Toujours sans me répondre, il enfile la blouse. Je fixe mes doigts. Le froissement de ses vêtements est le seul bruit dans la pièce. J'ai tellement peur d'avoir fait une erreur que j'arrête de respirer. Je m'aperçois de mon geste que lorsqu'il répond enfin.
— Je suis insomniaque depuis que je suis petit. Normalement, je dois prendre un traitement, mais j'allais mieux ces derniers temps alors je l'ai arrêté.
Je le regarde, mais il fixe son jean qu'il plie et qu'il jette sur le fauteuil avec le reste de ses affaires. Cela veut dire qu'il ne porte qu'un boxer. Mes joues se mettent à brûler. Adrien semble lui aussi avoir des parts d'ombres. Il y a des moments où j'aimerais me confier à lui et qu'il se confie aussi à moi. Qu'on soit plus proche. Je sais qu'il ne serait pas d'accord. C'est la raison pour laquelle je ne lui ai jamais posé trop de questions. Il me parle parce que je garde son cousin. Il me regarde parce que nous ne sommes pas au lycée.
— Je vois..., soufflé-je, et t'as arrêté ton traitement parce que...
— ... je pensais plus en avoir besoin, termine-t-il.
Je hoche la tête. J'avance sur le côté du lit et laisse mes jambes dans le vide. Mes chaussures frôlent le sol, immédiatement je me replace correctement pour que je ne puisse plus toucher le sol. Adrien s'avance et s'allonge. Intriguée je n'ose pas bouger et à peine respirer quand je le vois poser sa tête sur mes cuisses. Les mains à côté de son visage, je l'observe sans savoir quoi dire. Que faut-il que je fasse ? Qu'est-ce que j'ai le droit de faire ? De ne pas faire ? Quelles sont les limites ? Il ne les a jamais fixé.
— D'autres questions ? Questionne-t-il les yeux fermés, bien installé.
— Euh... je...
— Moi, j'en ai. C'est quoi exactement la relation que t'entretient avec Luka ? Lâche-t-il ayant visiblement vue venir ma réponse.
Sa question devrait me surprendre. Mais il a réagis bizarrement tout à l'heure. Et je suis sur que cela a quelque chose à voir avec Luka. Ils ne s'aiment pas tous les deux, je l'ai vue dans le regard qu'ils s'adressaient tout à l'heure. J'ignore pourquoi. Est-ce ma faute ? Ou c'est parce que j'ai été un peu trop longue et ai fait attendre Félix pour la partie de Monopoly ? Quoiqu'il en soit, je suis contente qu'il me pose la question. Je vais pouvoir le rassurer et la prochaine fois, il ne sera plus distant comme il l'a fait plus tôt.
— On est juste amis, réponds-je calmement.
Mes doigts se frayent un chemin d'eux-mêmes jusqu'aux cheveux d'Adrien. D'un mouvement doux, je veille à ne pas lui faire mal en dégageant les mèches sur son front. Ses cheveux sont doux et si beaux. Je me demande quel shampoing il utilise pour avoir un cuir chevelus aussi soigné. Peut-être qu'il est naturellement bien constitué de partout. Les traits de son visage sont d'une douceur ensorcelants. Il est doté d'une beauté désarmante, qui hante l'esprit longtemps. Je me demande combien de filles ont craqué ? Et avec laquelle il est sortis. Ce n'est pas bon pour moi de me demander ce genre de chose car mon coeur ne supporte pas les infimes morceaux de réponses qu'il reçoit. Adrien a un minois d'ange, un piège à charme, à cœur brisé.
Il est indomptable, si parfait en apparence que peu importe ses mauvaises actions il lui suffit d'un regard pour tout effacer. Charmant, et beaucoup trop séducteur, la manipulation c'est son truc. Les mensonges, ils les magnent jusqu'au bout des doigts. Mieux qu'il ne se magne lui-même, je suis sure.
Pas étonnant qu'au lycée il fasse des ravages.
Il est stéréotypé jusqu'à la carotide. C'est le garçon cliché que toutes les filles recherchent.
Comment peut-il réunir autant de défauts et attirer autant de monde ?
— Et entre toi et Alya ? Osé-je l'interroger.
Je vois un petit sourire apparaître sur son visage.
— On est juste amis. Déclare-t-il à son tour et c'est précisément à ce moment que je comprends qu'il a l'intention de me torturer.
Même si beaucoup de questions me trottent dans la tête, j'admets que la fatigue commence à apparaître. Et je ne devrais pas abuser davantage de mes limites.
Pour aujourd'hui, j'en ai assez fait.
Doucement, j'étire un sourire tendre et me baisse pour déposer un baiser sur son front. De toute évidence, l'audace est de sortie ce soir. La folie avec elle. Demain, je regretterai ce que je fais. Mais demain est un autre jour et si c'est la fatigue qui me pousse au bord du gouffre, je suis sure de ne plus répondre de rien tant je suis épuisée.
— On se voit demain, bonne nuit, Adrien, murmuré-je contre son front avec douceur.
Quelques minutes après, je referme la porte derrière moi après avoir éteins la lumière. En me retournant, je découvre Félix assit sur la chaise, endormis. J'avais oublié qu'il était là, le pauvre. Je suis une baby-sitter désastreuse. Il aurait pu lui arriver n'importe quoi, même si je sais qu'à cette heure-ci en général il n'y a pas beaucoup de passages. Ce n'est pas une raison, je dois être plus prudente. Je souris et pars le récupérer dans mes bras.
On rentre à la maison, petit bout de chou, lui dis-je dans ma tête.
Il était épuisé après la journée qu'on a passé. A cette heure, il est sensé dormir depuis longtemps.
Je suis vraiment une mauvaise baby-sitter.
Pour rentrer, je prends un taxi et une fois que nous sommes arrivés je le monte dans sa chambre. Avant de le mettre sous la couette, je le réveille pour qu'il se change car j'ai peur de l'effrayer si je le fais. Je l'aide à enfiler son haut et son bas. Puis le glisse sous la couette et le borde pendant quelques minutes. Il s'endort tout de suite, je reste encore un peu pour veiller à ce qu'il respire correctement et bien.
— Bonne nuit Félix, fait de beaux rêves, chuchoté-je.
Du revers de mon pouce je caresse sa joue à la peau aussi douce que celle d'un bébé. Plus tard, quand il sera plus grand, lui aussi fera des ravages. Il ressemble tellement à Adrien. S'il n'était pas devant moi, je n'en croirais pas mes yeux. Tout ce que j'espère, c'est qu'il saura être plus vigilant avec sa santé qu'Adrien. Je me lève et éteins la lumière en laissant la porte entrouverte derrière moi. En marchant dans le couloir, je lance un coup d'œil à la porte entrouverte de la chambre d'Adrien. Après ce qu'il s'est passé à l'hôpital entre nous, je suis bonne pour une bonne nuit de sommeil afin d'oublier tout ça. Je détourne le regard sans me poser davantage de questions et descends les escaliers en tournant à gauche. Je suis obligée de me tenir à la rambarde à cause de ma vue qui est un peu trouble.
La complexité de cette relation entre moi et Adrien peut s'avérer malsaine. Sur le long terme, je sais que rien n'en écoulerait, nous allons droit dans le mur si on continue à avancer sans poser de limites. Il est toujours trop près et quand il s'éloigne, le froid qui m'envahit existe alors qu'il ne le devrait pas. Je ne dois pas m'attacher à lui. Parce qu'il joue, c'est qu'un jeu pour lui. Pas pour moi. Et là, est tout le problème. Je ne joue pas, je ne veux pas. Chaque moment qu'on passe ensemble est comme moi, une aventure, ou un avantage ou une conséquence. A force d'être aussi tourmentée, mes pensées s'emmêlent et mon esprit ne sait plus faire la part des choses. Tout devient floue, brumeux. Complètement l'inverse de ce qu'ils doivent être.
Des flash back de notre journée, de la soirée ressurgissent. Ils sont tous merveilleux, magiques, beaux, éprouvants. L'image du visage d'Adrien me hante encore. Sa voix tourbillonne et je crois la percevoir dans mes oreilles, quelques secondes. Les fins heureuses n'existent pas. Le dernier film que j'ai vu n'a pas bien finis. C'était une histoire d'amour entre deux personnes qui ne savaient pas comment définir leur relation. L'une d'entre elles est morte, d'un accident de voiture. Renversée. Écrabouillée. Et suis-je superstitieuse ? Pas du tout. Un peu. Beaucoup.
Complètement.
Ainsi, j'entre dans le salon et pose mes fesses sur le canapé le cœur battant la chamade. Je suis seule. Toute seule et perdue dans ma tête. Je ressemble à une folle. Si seulement quelqu'un pouvait lire dans mes pensées... Il serait bouche-bée. Traumatisé aussi, sûrement.
Les contes de fées, les princesses et les princes charmants, ça n'existe pas...
Ce sont des mensonges qu'on raconte aux enfants. Qu'on leur enfonce dans la tête pour qu'ils soient encore plus déçus en grandissant. Une fois qu'ils découvrent que c'est du vent, que reste-t-il ? Des larmes ? Un goût amer ? Celui de la trahison. N'importe quoi.
Il ne reste rien. Rien du tout. Du vent. Du noir. Du froid. Le coeur qui se brise, qui se fracture sous le poids de la peine, la douleur qui s'émane de la cicatrice ouverte. Elle s'émancipe vite. Elle m'a bouleversé, un jour.
Une seule fois.
Mais ça m'a suffit.
Bon sang... mais Adrien qu'est-ce qu'on est en train de faire ?
J'ai tenté de représenter l'écran et les messages entre Luka et Mari d'une autre façon, mais je suis mitigée du rendus. Vous trouvez ça comment ?
On en apprend à un peu plus sur le passé et le secret de Mari... qu'est-ce que vous en pensez ? Lâchez vos hypothèses ! xD
Joyeux Halloween à ceux qui le fête ! 🎃👻
A bientôt pour le prochain chapitre ! ❤️
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