Chapitre 8

La journée de jeudi se termina par une note positive : j'avais eu 14 à l'interro de maths. Mon père me félicita chaudement au dîner. Je réussis à avaler un bout de viande, mais pas plus. Je mangeais moins que d'habitude. Toutes ses retours dans mes souvenirs ne m'étaient pas particulièrement bénéfique, surtout que la descende en enfer d'Adriana commençait. Je pris mon mal en patience alors que l'envie de regarder les photos se faisait très insistante.

J'attendis que mes parents aillent se coucher, puis encore dix minutes et je pus m'engager dans le couloir. Je fermai la porte du salon pour être sûr de ne pas être déranger et me perchai sur une chaise pour attraper la boîte en bois. Je m'accrochai à l'étagère alors que ma vision se faisait flou. Les vertiges étaient assez fréquents, en ce moment. Pourvu que je ne tombe pas. Mes doigts agrippaient le bord de l'étagère avec force tandis que je respirai profondément. Une minute s'écoula avant que ma vision ne soit totalement clair. Je descendis et m'installai confortablement sur le canapé. Je me couvris d'un plaid et calai un coussin dans mon dos.

J'ouvris la boîte et retournai une photo qui montrait ma tante de dos, en train de cuisiner, tandis que les rayons du soleil donnait une lumière orangé à la pièce. Je me sentis plonger dans cette cuisine et la réalité s'évanouit peu à peu.

***

Satisfaite de la photo, je rangeai l'appareil dans sa sacoche bleu nuit.

- Inès, Inès, vient voir, s'exclama Adriana.

Je levai la tête vers l'escalier, qui était à ma droite, et aperçus ma cousine sur le palier de l'étage supérieur. Je montai les marches et fis face à Adriana, qui était toute excitée.

- Regarde, elle me va !

Je baissai les yeux et vis qu'elle portait la jupe rose patineuse de Maria. Celle-ci était même un peu large, elle baillait derrière.

- C'est super, lui dis-je avec un peu moins d'enthousiasme.

Elle tourna sur elle-même, ravie.

- Maintenant, plus grand-chose ne me va, dans mon placard, me confia-t-elle, tout est trop large ! J'étais vraiment grosse avant !

Je cillai, pas sûr d'avoir bien entendu.

- Pardon ?

- Bah oui ! Je suis tellement mieux qu'avant, s'exclama-t-elle en retournant dans sa chambre.

- Les filles, on mange, s'écria ma tante en bas.

Je descendis, et comme Maria n'était pas encore là, j'en profitai pour parler ma tante.

- Tata, tu ne trouves pas qu'Adriana a maigri, lui demandais-je.

- Euh oui, c'est grâce au sport, je trouve ça bien qu'elle prenne soin de son corps.

Je l'aidai à mettre la table, et tentai de lui ouvrir les yeux.

- Elle ne mange presque plus, c'est inquiétant tout de même, insistai-je.

- Elle ne mange plus de cochonneries, nuance, Inès. Elle se gavait toujours de biscuits et de bonbons.

Ma tante était définitivement aveugle.

- Mais elle...

- Ah, ça sent bon par ici, me coupa Maria en débarquant dans la cuisine.

Je fus contrainte de me taire. Maria ne tolérait pas du tout que je parle du « régime », comme elle l'appelait, de sa sœur. Elle m'avait dit une fois que, vue mon physique, je n'étais pas apte à donner des conseils de diététique. Quand on l'embêtait, elle pouvait sortir des phrases assez blessante, juste pour te faire taire. Depuis, j'avais arrêter de la raisonner. Ce pourquoi je m'étais tourné vers les parents. Le père, lui n'était au courant de rien, ne pouvait pas m'aider.

Je me mis à table, en face d'Adriana qui venait tout juste d'arriver. Tout le monde se servit du gratin de pomme de terre et de la viande, sauf Adriana, qui salivait sur le plat.

- Tu n'as pas faim, lui demandais-je pour attirer l'attention de ma tante sur son assiette vide.

- Oh euh non, pas vraiment, j'ai pris un petit déjeuner très complet ce matin, expliqua-t-elle.

Elle mentait. Elle avait seulement mangé un quartier de pomme avant d'aller courir avec Maria.

- Ouais, elle a presque vidée le paquet de céréales, intervint sa jumelle.

Et évidemment Maria soutenait le mensonge de sa sœur. Ma tante me jeta un regard entendu, l'air de dire que mon inquiétude était futile. Je serrai le poing et continuai de manger, de mauvaise humeur. Je suivis Adriana après le déjeuner, bien décidée à la faire changer d'avis.

Alors que je posai les pieds sur la palier, je vis Adriana basculer sur le côté. Je me précipitai sur elle et l'aidai à se redresser. Je la ramenai dans sa chambre et la fis allonger sur son lit.

- Hé, ça va, m'inquiétais-je.

- Je vais pas y arriver, gémit-elle en roulant sur le côté.

- Mais de quoi tu parles ?

- Être meilleure qu'elle, s'écria-t-elle en se redressant.

Elle se traîna jusqu'à une malle qu'elle ouvrit péniblement. Le meuble contenait les objets d'enfance des jumelles, de vieux libres et des sacs. Adriana sortit un épais livre qu'elle posa bruyamment sur le parquet. Elle l'ouvrit et je m'aperçus qu'il s'agissait d'un album photo. Elle tourna une vingtaine de page d'un bloc, feuilleta l'album puis finit par s'arrêter sur une page avec trois photos. On pouvait y voir les jumelles âgées de dix ans. Maria prenait la pose, habillé d'un short blanc et d'un maillot d'athlétisme. À côté, venait Adriana, vêtu d'une robe d'été. Je plissai les yeux et vis qu'elle était assez enrobée, par rapport à sa sœur toute fine.

- Tu vois, Maria était toujours la plus mince, la plus sportive, bref la meilleur, s'exclama Adriana les larmes aux yeux, pendant que moi, j'étais la fille bouboule. Je voulais faire de l'athlétisme comme Maria, mais on m'a dit que j'avais un physique trop « imposant ».

Elle tourna les pages, avec des photos d'elles adolescentes.

- En grandissant, je me suis amincie, mais jamais je n'ai été du niveau de Maria, dit amèrement Adriana, on me comparait toujours à ma jumelle qui était si sportive, si musclée...

Elle balaya du revers de la main des larmes qui coulaient sur sa joue.

- Alors maintenant que j'ai atteint mon but, je veux lui montrer que je peux être encore plus mince qu'elle ! Elle ne sera plus la numéro un.

- Adriana, commençai-je sidérée, je...

- Arrête ! Maria m'a prévenue, que tu allais vouloir m'empêcher d'être celle que je veux devenir !

La situation commençait à dégénérer. J'essayai de me rattraper, mais Adriana se leva brusquement.

- Pars ! Arrête de me tenter, avec tes pots de glace ! Je n'ai pas envie de redevenir grosse.

Je fus contrainte à partir, face à la détermination sans faille d'Adriana. Je regagnai ma chambre au ralentit. Je n'arrivais pas à croire qu'Adriana ait autant changé.

***

Je reposai la photo dans le boîte, que je remis à sa place. Mes pieds douloureux avaient du mal à soutenir mon poids. Je me couchai sur le canapé, n'ayant pas la motivation pour retourner dans ma chambre. Les souvenirs étaient de plus en plus pénible, ce qui m'épuisaient. Je remontai le plaid jusqu'à mon menton puis m'endormis.

Je me réveillai assez tôt le lendemain, à cause de la lumière et de la circulation bouché en bas de l'appartement. Les klaxons me tirèrent définitivement du sommeil et je me préparai pour les cours. Je dus jeter mes chaussons de danses rose pâle, ainsi que mon short qui était fendu à plusieurs endroits. Je mis le justaucorps à la machine à laver puis remplis mon sac blanc d'un débardeur serré bleu et une jupette foncé. Heureusement, j'avais encore deux autres chaussons de danse. Je partis avec mon sac de cours sur une épaule, et celui de danse dans l'autre.

Alice me parla de nombreuses fois dans la journée, et on alla toutes les deux dans sa vaste maison. Le sous sol avait été aménagé en studio : des larges miroirs recouvraient un mur entier, et des barres en bois avaient été installé ainsi que des enceintes aux quatre coins de la salle.

- C'est génial, chez toi, m'exclamais-je.

Je répétai donc avec Alice, qui m'aida à me perfectionner sur les passages difficiles. Et ça ne manquaient pas : le ballet était une véritable torture pour les pieds, surtout les miens qui étaient en piteux états. Oublier la douleur dans mes pieds lorsque je faisais des pointes étaient presque impossible. Mais je continuais encore et encore, laissant peu à peu le visage osseux aux joues creusés et aux regards ternes d'Adriana disparaître.

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