Chapitre 7
- ADRIANA !
Je sursautai à l'entente de cette interpellation furieuse. Je levai la tête vers la fenêtre de la chambre des jumelles, d'où venait le cri. Je bondis hors du transat où je bronzais depuis plus d'une heure et fonçai dans la maison. Je montai les marches quatre à quatre puis déboulai dans la chambre.
Maria se tenait au milieu, les poings sur les hanches, fusillant du regard Adriana qui était recroquevillée dans son lit. Deux semaines s'étaient écoulées depuis l'épisode de la crise de nerf de Maria à la découverte des biscuits. Elle tenait dans une main un emballage doré Twix.
- Tu te fous de ma gueule, s'écria Maria en écrasant la friandise dans son poing.
Elle la jeta dans un coin puis sortit tous les vêtements de son placard jusqu'à trouver, tout au fond, plusieurs barres de Twix.
- Où sont les autres, gueula Maria.
Adriana désigna son lit en tremblant. Sa jumelle bondit dessus et arracha les draps et les couvertures avec une rage non maîtrisée. J'assistais à ce massacre, trop choquée pour prononcer le moindre mot.
Sa sœur continua sa recherche effrénée sous le lit, balançant les baskets et les sacs sans aucune précaution à travers la pièce. Elle finit par dénicher un paquet de cookies au chocolat. Je me disais bien, que quelqu'un l'avait prit ! Ce paquet avait disparu quelques jours plutôt, sans aucune raison.
- Ah bah bravo, s'exclama Maria, tu me déçois énormément ! Toi qui disais que voulais être comme moi, ce n'était que du baratin ! Tu ne seras jamais mince, jamais !
Elle s'en alla, furibonde, le paquet broyé entre ses mains. Elle faillit me bousculer en sortant, et je n'eus même pas le temps de l'arrêter pour discuter de ses méthodes douteuses pour faire un régime. J'entrai doucement dans la chambre. Adriana était montée dans son lit, les mains plaqués sur son visage.
- Adriana...
Je m'assieds à côté d'elle et posai la main sur son épaule. Elle sursauta et me fixa de ses yeux bleus paniqués.
- Ah c'est toi, murmura-t-elle.
Des larmes dévalèrent ses joues et elle se mit à sangloter. Je l'attirai vers moi et la pris dans mes bras. Elle s'accrocha à moi en mettant son visage dans ma poitrine.
- Ça va allez, Ad', ça va allez, lui soufflais-je en la berçant doucement.
Elle finit par se calmer et essuyai son visage avec la manche de son peignoir. Mes yeux s'agrandirent en détaillant son corps. Je ne m'étais pas aperçu qu'elle avait autant maigri. Ses rondeurs féminines s'étaient atténuées, et ses épaules et ses bras étaient plus osseux qu'avant. Je lui caressai le dos et elle finit par lever son visage rougi vers moi.
- Merci d'être là, Inès...
- C'est normal, Ad'. Franchement, ta sœur va beaucoup trop loin.
À ma grande surprise, Adriana secoua la tête frénétiquement.
- Non, non, elle a raison.
- Quoi, mais tu es très bien comme tu es, m'écriais-je les sourcils froncés.
- Tu ne comprends pas, ma petite cousine, soupira-t-elle, mais ce n'est pas grave.
Je la serrai fort dans mes bras, troublée par son comportement.
***
Je frottais mes yeux avec force et les derniers souvenirs s'évaporèrent peu à peu, comme les nuages dans le ciel. Un soleil de plomb rayonnait. Je me levai lentement puis entamai une longue marche pour rentrer chez moi. La plante de mes pieds étaient toute écorchée, mais je n'avais pas vraiment le choix. J'avais laissé mon sac de danse et mes chaussures au studio. Il était hors de question que j'y retourne. Après avoir traversé de nombreux champs, j'arrivai sur une route de terre. Un tracteur fit son apparition et s'arrêta lorsqu'il fut à ma hauteur.
- Hé, ma petite, qu'est-ce tu fais là, me demanda un vieil homme avec une calvitie très avancée.
Je le reconnaissais, il venait vendre des fruits de saison au marché. Je haussai les épaules en croisant les bras sur ma poitrine.
- Allez viens, je t'avance un peu.
Je grimpai à côté de lui puis il m'amena à la périphérie de la ville. Je lui remerciai puis continuai mon chemin. Une fois en ville, de nombreuses personnes se retournèrent sur mon passage, étonnés par mon accoutrement. Je n'y fis pas attention, et après au moins quinze minutes de marches, j'arrivai enfin devant mon immeuble. Mes pieds me faisaient horriblement mal. Ma mère déboula du salon en entendant la porte claquée.
- Inès ! J'étais folle d'inquiétude et...
- Toi, ne t'avise même pas de me parler, hurlai-je en traçant mon chemin jusqu'à la salle de bain.
Je pris une longue douche pour retirer toute la crasse de mon corps et de mes pieds. Je retirai ensuite les gravillons et autres éclats de pierres de ma peau, ce qui fut une étape assez douloureuse. Mes pauvres pieds étaient encore plus abîmés qu'avant. Les bandages que j'avais fait auparavant tenaient à peu près, la plupart s'étaient déchirés lors de ma marche. Je pris l'antiseptique de l'armoire à pharmacie puis inspirai longuement. Je versai le produit sur mes plaies et je dus me retenir de crier. Je mis ensuite des compresses et des bandages. Marcher était encore douloureux. J'enfilai un simple T-Shirt et un pantalon de jogging puis m'affalai dans mon lit. Épuisée, je ne tardai pas à sombrer dans le sommeil.
Ma mère essaya à plusieurs reprises de me réveiller pour le dîner, mais je restai sans bouger sous mes draps. Elle finit par abandonner, mais seulement pour une demie heure.
- Ma chérie, tu as de la visite, m'informa-t-elle doucement.
Curieuse, je tournai la tête et vis Alice sur le pas de la porte. Ma mère nous laissa tranquille en repartant. Alice s'avança, un sac blanc avec un motif de danseuse dans une main, un paire de New Balance bleu dans l'autre. Je rabattis le couvre lit sur la multitude de fringues qui gisaient sur mon lit, puis l'invitai à s'asseoir à côté de moi.
- Tu as oublié ça, dit-elle en posant mes affaires sur le sol.
- Merci beaucoup. Comment était le cours ?
- Ennuyant. Mme Louvietta nous a fait répéter encore une fois le Bal d'Orphée, soupira-t-elle.
- Le ballet qu'on a fait le mois dernier, l'interrogeais-je.
Elle hocha la tête avec une grimace.
- Tout ça parce que Maëva et Juliette n'arrêtait pas de déconner et de ne pas écouter la prof...
Un petit sourire s'esquissa sur mes lèvres.
- Elles font toujours n'importe quoi, ses deux là... Et le ballet de fin d'année, vous avez avancé ?
- Un peu au début de cours, répondit Alice, d'ailleurs, on peut répéter ensemble, si tu veux.
L'espoir et la surprise me firent écarquiller les yeux.
- Sérieux ? Mais où ?
- J'ai le sous sol de ma maison rien que pour moi, me répondit-elle avec un sourire malicieux, tu peux venir répéter avec moi vendredi soir ou samedi, comme tu veux.
- Vendredi, ça serait bien.
- Ok, bah super alors, dit-elle en se levant, je dois y aller.
Je me levai à mon tour et la guidai jusqu'à la porte d'entrée.
- Merci beaucoup, Alice, la danse compte tellement pour moi, avouais-je.
- Je comprends parfaitement, me rassura-t-elle, on se voit demain en cours, alors ?
Je hochai la tête puis la serrai brièvement dans les bras. Elle s'en alla avec un dernier sourire.
Je la regardai descendre les marches en songeant que cette fille m'avait plus aidé que mes amies qui me connaissaient depuis des années.
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