Chapitre 30 - À cœur ouvert (2)

L'immense étoile brillait de son aura brûlante et impassible. Le cri d'une créature aussi insignifiante que Miracle n'aurait jamais su perturber son irrémédiable course.

« Vous m'avez montré la fin du monde, insista la jeune fille. Montrez-moi l'issue de cette bataille. Ou bien je vous arrache moi-même de ma poitrine.  »

Elle savait pertinemment que sa menace n'était pas vaine. À l'instant où elle articulait ces mots, dans une réalité parallèle, elle tenait serrée entre ses doigts la pierre de pouvoir engoncée dans le muscle de son cœur. Il lui suffirait d'un coup sec pour l'extraire. Avec les dommages que cela impliquerait pour son propre organe vital.

Les yeux pleins de colère, elle fixa le soleil pourpre, quitte à s'en brûler la rétine.

Dans le blanc éclatant du centre en fusion, elle crut voir apparaître des taches de couleur, tant et si bien qu'elle s'imagina perdre la vue. Elle poursuivit néanmoins sa défiance et peu à peu il lui sembla que des formes se dessinaient. Et, avec un hoquet de surprise, elle vit.

Le pic solitaire où se trouvait sa caverne, entouré de chasseurs postés à leurs postes stratégiques, les doigts sur les mèches de leurs bombes, sur les pennes de leurs flèches, sur les gâchettes de leurs quelques fusils. Les yeux perçants, les oreilles à l'affût, les gouttes de sueur froide, les larmes honteuse de peur. Soudain, la première alarme, les premières détonations, les cordes qui claquèrent, les rochers basculés en contrebas. Des flots de bêtes enragées qui se déversèrent dans les goulets et les crevasses, à l'assaut des hauteurs. Des griffes qui s'accrochaient aux aspérités, des muscles qui se tendaient pour bondir vers des corniches, des gueules grandes ouvertes et ruisselantes de faim et de rage. Les vagues grouillantes de cette marée bestiale frappèrent la montagne, et montèrent inlassablement. Lorsqu'un monstre tombait, dix autres prenaient sa suite et parvenaient un mètre plus haut, avant de tomber à leur tour. Assaillie par cette mer déchaînée, la montagne rapetissait à vue d'œil. Pourtant, les guerriers résistaient vaillamment. Dans la fureur assourdissante de la tempête, la voix de Marika hurlait des ordres et des encouragements. Les chasseurs manœuvraient, décochaient leurs flèches sur des djabels en position délicate, se repliaient parfois vers un nouveau point de tir. Pendant de longues minutes qui s'étirèrent en heures, ils éliminèrent méthodiquement les ennemis tout en préservant autant que possible leurs précieuses munitions, si bien qu'à ce stade de la bataille il sembla que les assiégés parviendraient à endiguer les flots enragés. Mais la marée vivante ne cessait d'enfler et çà et là les premiers défenseurs furent engloutis. Les vagues de bêtes atteignirent certaines corniches, fondirent sur les guerriers et le corps à corps s'engagea. Rapidement, les hommes et femmes tombèrent, submergés par le nombre et la férocité de leurs assaillants. Certains eurent la force d'allumer les mèches à leurs ceintures. Chaque explosion emportait un groupe de djabels, mais elle soufflait aussi la vie d'un humain. Les voix résonnaient, les ordres ne trouvaient plus d'oreilles pour les suivre. Acculés, Marika et Havel montèrent à eux seuls une dernière ligne devant l'embouchure de la grotte. Les bêtes s'avancèrent et les deux Maîtres de l'Ordre échangèrent un regard entendu, plein de regrets et de honte. Marika posa les mains sur l'arrondi de son ventre et tomba à genoux, le visage baigné de larmes. Havel vint l'enlacer et gratta une allumette. Marika leva la mèche et tous deux regardèrent l'étincelle remonter jusqu'aux sacs de poudre sur les genoux de Havel. Ils se serrèrent l'un contre l'autre et ne prononcèrent pas un mot. L'explosion ébranla la montagne et le pic s'effondra. Un épais nuage de flammes, de cendres et de poussière s'éleva comme une corole autour du sommet. Lentement, les volutes bouillonnantes retombèrent en cascade sur les pentes. Le calme se fit. Lorsque la fumée se dissipa et que la mer grouillante des djabels se retira, il ne restait plus rien qu'un pic décapité, monument silencieux là où l'Ordre avait failli.

La vision se dissipa.

Miracle garda le silence un moment, la gorge nouée, puis elle serra les poings et hurla vers l'immense soleil.

« Ça ne doit pas se passer comme ça. Aidez-moi ! »

Dans le grondement sourd de la musique des sphères, elle prêta l'oreille à une réponse. Pendant de longues secondes, elle ne discerna rien. Puis enfin elle crut deviner la vibration qu'elle avait déjà ressentie, plus qu'entendue, car il n'y a pas de son dans le vide de l'espace, pas plus qu'il n'y a de vibration. Pourtant elle comprit ces mots.

Ce qui advient ne saurait être défait. Cependant, ce qui est à venir peut être prédit.

« Je dois pouvoir l'empêcher. Les djabels en ont après vous, ils sentent votre présence. Il faut éteindre ce signal. »

Le soleil ne peut que briller. C'est aux créatures de détourner le regard. S'ils ne le peuvent, c'est que des forces les y contraignent.

« Mais quelles forces ? »

Aucune réponse ne lui parvint. Elle se sentit soudain à bout d'énergie et la lumière l'astre rubis s'estompa pour laisser place à un noir d'encre.

Miracle ouvrit les yeux en sursaut et sentit une masse se dégager de sa poitrine. Une douleur lancinante perça sa cage thoracique et elle se pencha en avant pour cracher du sang.

Le museau de Moniyah vint se caler sous son bras et la louve émit un couinement inquiet.

« Ça va aller, t'inquiète, hoqueta Miracle entre deux quintes de toux sanguinolente. Je dois y aller et trouver le moyen de les sauver. »

Elle se releva en titubant et lutta contre un vertige avant de se stabiliser sur ses jambes. Le feu s'était presque éteint et il n'en restait que des braises. Au-dehors, elle devinait les clameurs des chasseurs en embuscade et quelques détonations ponctuaient la rumeur. Il était encore temps. Elle déposa du bois dans le foyer, jeta un regard à Lukas qui dormait sur sa civière, puis se détourna.

La lumière blafarde du jour lui blessa les yeux. Elle se protégea de sa main et avança sur l'étroite corniche qui longeait la paroi. Une silhouette se retourna.

« Oh non, pas toi ! s'écria-t-elle lorsqu'elle le reconnut.

Retourne te mettre à l'abri, lui ordonna Lumir.

— Pourquoi a-t-il fallu que tu sois là ? murmura Miracle pour elle-même.

Tu m'as entendu ? Rentre veiller sur Lukas.

Lumir, tu dois m'aider. Tout le monde court à la catastrophe si je ne fais rien. J'ai besoin de toi.

— Que dois-je faire ? répondit-il sans hésiter.

J'aurais besoin d'un djabel. Vivant.

— Tu veux en capturer un ?

Oui. »

Le Disciple n'en demanda pas plus et se contenta d'aller chercher une longue corde enroulée plus loin parmi les réserves de l'Ordre. Les clameurs de la bataille résonnaient entre les parois rocheuses et le combat semblait gagner en intensité. Lumir revint vers Miracle et lui jeta un regard étrange.

« Je suppose que les Chasseurs ne doivent pas nous remarquer.

— Oui, sinon ils m'empêcheraient d'accomplir ce que je dois faire.

— Suis-moi. »

Lumir entraîna la jeune fille, suivie de la louve, vers la grotte. Il en dépassa l'entrée et se plaqua à la falaise pour continuer à progresser. Arrivé à un pallier, il noua sa corde à un rocher et la lança dans le vide. Un aplomb de quinze mètres avant une plate-forme, puis de nouveau une chute vertigineuse vers le fond du ravin où grouillait la masse des assaillants. Miracle eut un haut-le-cœur de vertige et se cramponna au mur.

« Tout ira bien, la rassura Lumir avec un sourire. Tu peux me faire confiance. »

Elle hocha la tête et se laissa harnacher par les mains expertes du Chasseur. Il la guida délicatement vers le bord de la corniche et tira plusieurs fois sur la corde pour en éprouver la solidité. Avant de lancer la métisse dans le vide, il la fixa un instant dans les yeux, comme s'il hésitait à prononcer certains mots.

« Toi et Lukas, balbutia-t-il. C'est du sérieux ?

— Oui, je... Miracle se sentit rougir jusqu'aux oreilles. Enfin non, je ne sais pas. On est amis, ou peut-être un peu plus... »

Lumir baissa le visage et rétorqua d'une voix inhabituelle.

« Oublie ça. Allez, accroche-toi et laisse-toi descendre. »

Malgré sa terreur d'une chute mortelle, Miracle ne put s'empêcher de se sentir rassurée. Par à-coups, Lumir la laissa lentement glisser vers la plate-forme. Lorsqu'elle y prit pied, elle détacha la corde et Lumir répéta l'opération avec Moniyah qu'il saucissona sans vergogne avant de l'emmener rejoindre sa compagne. Puis il descendit à son tour, se libéra et tira du coup brusque sur la corde pour la récupérer.

« Tu sais, hasarda Miracle pendant qu'il l'enroulait autour de son épaule. Les événements se sont précipités et j'ai certainement agi...

— Allons-y. »

Le poids d'un non-dit sur les épaules, la jeune fille se fit violence pour mettre de côté les sentiments contradictoires qui venaient soudain l'envahir. Elle se concentra sur la progression difficile sur ce terrain accidenté où elle dut sauter de roche en replat, négocier des pentes abruptes, et épouser la paroi sur d'étroits sentiers à flanc d'escarpement. Lumir lui tendait la main dans les passages les plus ardus, mais ne prononça plus un mot. Moniyah suivait sans trop de problème. Soudain, le guide s'immobilisa et pointa une direction en contrebas.

Miracle risqua un coup d'œil. Un groupe de djabels progressait à grand peine sur la pente, escaladant les rochers de leurs griffes et sautant les gouffres béants qui les séparaient du chemin vers le sommet. Nombreux étaient ceux qui glissaient, chutaient et allaient se briser sur les contreforts du ravin. Certains parvenaient néanmoins à franchir les obstacles. Une esplanade plus large que les autres s'ouvrait justement entre les bêtes et le groupe de Miracle. Lumir y sauta prestement. Il accueillit Miracle en la tenant par la taille. Un fard écarlate monta à ses joues et il se sépara de la jeune fille.

« Ils vont arriver d'une seconde à l'autre. Je vais tenter d'immobiliser le premier qui se présentera. Attends mon signal pour intervenir. »

Miracle n'eut pas le temps de répondre à ces instructions. Une bête se hissa sur la corniche, à grand renfort de coups de griffes sur le sol. Il s'agissait d'un félin. La tête arrondie et les oreilles courtes et écartées, le pelage brun uniforme et le museau blanchâtre. Les yeux de l'animal semblaient d'un noir absolu et ses babines dégoulinaient de bave mêlée de sang. Il devait mesurer près d'un mètre au garrot et peser le poids d'un homme robuste. Ses membres musclés saillaient de veines gonflées par l'effort. Il prit pied sur la plate-forme et poussa un terrible feulement vers les trois ennemis qui l'attendaient. Lumir entoura la corde dans sa main, tandis que Moniyah arrondissait le dos et hérissait le poil.

Le fauve se jeta vers Miracle, toutes griffes dehors. Lumir s'interposa et bloqua l'attaque avec la corde tendue entre ses mains. Cependant, le poids de la bête lui donna l'avantage et elle referma ses puissantes mâchoires sur l'épaule du jeune Chasseur qui poussa un hurlement de douleur.

Miracle réprima un cri et des larmes lui montèrent aux yeux.

« Pas encore ! » lui ordonna Lumir.

Tandis que son protecteur engageait un corps-à-corps désespéré avec le fauve, d'autres djabels parvinrent à se hisser sur la corniche. Un éclair noir fouetta la joue de Miracle et Moniyah s'élança dans la mêlée. Debout sur ses pattes postérieures, elle dominait les attaquants et les déchirait de ses griffes acérées. Elle en saisissait tantôt un à la gorge pour le faire voltiger en l'air et le précipiter dans le vide, puis elle en agrippait un autre dans sa poigne d'acier et lui écrasait le poitrail sur le sol. Hélas, les monstres affluaient de plus en plus nombreux et la louve géante ne pourrait guère les contenir plus longtemps.

De son côté, Lumir avait chuté au sol avec son adversaire et tous deux roulaient l'un sur l'autre dans une étreinte mortelle. Les armes du jeune homme paraissaient bien dérisoires face aux outils mortels dont la nature avait doté le fauve. Des entailles ensanglantées striaient le torse du Chasseur, mais il avait réussi à entraver une patte avant de la bête. Le félin claqua des mâchoires et rata de peu la tête de son adversaire, mais ce fut suffisant pour lui permettre de basculer par-dessus l'humain. Lumir en profita pour enrouler la deuxième patte dans la corde, puis il agrippa le cou de l'animal et le serra contre lui. Les pattes arrière eurent beau lui labourer le bas-ventre et les jambes, il ne relâcha pas son étreinte. Il saisit la gueule de l'animal et la plaqua contre son épaule.

« Lumir ! supplia Miracle.

« Main... tenant. »

La jeune métisse se précipita à genoux vers son ami et posa les mains sur la tête du fauve, qui malgré ses soubresauts ne parvenait pas à se dégager. Elle posa délicatement le front contre celui de la bête et plongea dans ses yeux de jais.

Son propre reflet l'y contemplait, et dans ses yeux ceux de l'animal, et ainsi de suite en une série de reflets infinis.

La bête.

Un puma.

Femelle.

Elle avait perdu sa portée, emportée par le froid et la faim. Le dernier fut tué par un homme.

Elle erra pendant des jours, sans but, prête à se laisser mourir d'épuisement. Son chemin la mena par des endroit qu'elle n'aurait jamais pu concevoir. Au bout de sa route, elle trouva un point où s'abreuvaient d'autres animaux égarés comme elle. Elle descendit à la source, parmi des bêtes de toutes espèces, proies et prédateurs confondus, réunis dans la même soif désespérée.

Elle but.

Loin de calmer son tourment, le liquide réveilla en elle la rage, la peur, l'instinct de survie, la haine de l'humain. Celui qui occupait les tanières, brûlait les forêts et tuait les petits.

Une fois son énergie recouvrée, son ventre plein des leçons de la douleur, elle reprit la route et trouva son chemin de retour vers son territoire. Ses semblables ne la reconnaissaient pas et se méfiaient d'elle. C'était sans importance, car elle ne comptait plus porter la vie. Animée d'un feu rageur, elle ne craignait plus les hommes.Elle leur apporta la mort et se reput de leur chair. Mais sa faim était devenue insatiable. De même que les blessures qu'elle subissait ne faisaient que renforcer sa détermination, les vies qu'elle écrasait entre ses mâchoires alimentaient les flammes de sa colère. Il ne lui restait plus que cette force qui occultait tout le reste.

Mais un jour, elle ressentit un appel. Une voix dans la nuit, une odeur enivrante, une lumière qui la guidait vers une dernière proie. Elle se sentit liée à un troupeau, un meute.

« Montre-moi. » demanda Miracle.

La sorcière sonda le cœur de la bête et trouva le lien qui s'y était fiché. Elle aurait pu le trancher, mais elle décida de le suivre. Alors que sa conscience remontait le fil d'argent tressé, elle eut la vision du champ de bataille, avec le pic en son centre et les centaines de flammes qui pullulaient sur ses pentes. La cordelette courait entre chaque individu et formait comme une trame, un filet argenté posé sur la montagne.

Miracle toucha la corde, qui émit une vibration. La note se propagea dans chaque maillon de la trame argentée. Ils l'entendaient. Dans un même temps, elle sentit l'immense dépense d'énergie que lui coûtait ce contact, et le chakra de son cœur s'ouvrir pour laisser passer une vague de puissance.

Elle respira et le son de l'air dans ses poumons résonna à travers toute la montagne. Les larmes coulaient sur ses joues, mais elle se força à contrôler sa voix. D'ailleurs, parlait-elle vraiment ? Ses mots, bien qu'imprimés de son timbre vocal, lui revinrent tel un souffle désincarné.

Animaux, bêtes et oiseaux. Carnivores et herbivores. Rongeurs, canidés et félins. Mammifères et reptiles. Écoutez ma voix. Je vous implore aujourd'hui de vous détourner de votre proie. Abandonnez la traque et retournez à vos foyers. Trop d'entre vous ont trouvé la mort dans cette chasse, il est encore temps d'arrêter ce massacre. Mieux encore, je vous demande de cesser votre guerre contre les hommes. Non parce que je souhaite épargner la race humaine, mais parce que vos espèces doivent continuer de vivre. Je sais que l'espoir vous a désertés, mais vous devez penser à vous-mêmes. Il n'est pas trop tard pour bâtir de nouvelles meutes, avoir de nouveau petits.

Pendant une seconde, elle décrocha et se trouva face à la femelle puma qui ne se débattait plus et la fixait de son regard profond et sombre, rempli d'une tristesse insondable. Mais elle n'en avait pas fini. Au moment où elle reprit, elle crut entendre une détonation, mais  l'effort de concentration ne lui permit pas de s'en inquiéter.

Les humains sont comme vous, ils souhaitent avant tout vivre et aimer. Je ne peux pas nier que certains agissent mal, ils disent ce qu'ils ne doivent pas, promettent des mensonges, prennent ce dont ils n'ont pas besoin et détruisent pour le plaisir. En cela, vous êtes plus sages que nous. Mais nous ferons des efforts. Au nom de l'espèce humaine, je vous demande pardon pour les torts que nous avons commis à votre égard. Retournons tous auprès de ceux qui nous sont chers et tâchons de trouver le bonheur. Vous y avez droit, tout autant que les hommes. Il suffit de le décider.

Alors qu'elle prononçait ces mots, Miracle sentit un liquide poisseux lui couler sur les mains. Elle revint à elle et contempla la face du puma, dont les yeux se purgeaient du poison noir dont ils étaient remplis. À mesure que la substance gluante se vidait, les fines orbites laissaient apparaître de magnifiques billes vert émeraude.

Le puma cligna des yeux deux fois, comme en signe de reconnaissance, puis se libéra et bondit hors d'atteinte. Alors que le corps de l'animal se dérobait, Miracle s'aperçut qu'une main était jointe à la sienne, dont les doigts sans vie s'ouvrirent. Le bras de Lumir tomba au sol.

« Lumir ! » hurla-t-elle d'une voix suppliante.

Le visage du jeune homme était méconnaissable et tout son côté était à vif. Une bulle de sang éclata à sa narine. Puis une autre. Une autre. Puis plus rien.

« Nooon ! sanglota la jeune fille.

Elle secoua son corps inanimé et lui frappa le torse.

« Réveille-toi ! » pleura-t-elle. En vain. « Au secours ! »

Personne ne vint.

Elle s'aperçut soudain qu'elle n'était plus seule sur la corniche. Un homme était agenouillé sur le corps d'un djabel abattu et s'affairait sur la carcasse. Moniyah observait son manège sans réagir.

« Jocelyn ? » bredouilla-t-elle incrédule.

Le militaire se retourna et lui envoya un sourire carnassier.

« Bien joué, princesse. Tu nous as sauvé la peau, on dirait.

— Qu'est-ce que tu...

— Je t'avais dit que je serais là le jour où une de ces saletés s'attaquerait à toi. Je te dois un double remerciement. Le premier pour m'avoir tiré de ce traquenard, et le deuxième... » Il tira d'un coup sec et délogea de la cage thoracique de l'animal un organe sanguinolent et gluant de matière noire. « ... pour m'avoir fourni mon ticket de sortie de ce monde merdique. » Sous les yeux horrifiés de Miracle, Jocelyn porta le cœur infecté à la bouche et arracha un bout de chair qu'il mâcha avec délectation avant de l'avaler. « C'était un vrai plaisir de te connaître, princesse. »

Tout son corps se mit alors à se secouer et le militaire s'écroula au sol dans de furieuses convulsions.

« Espèce d'enfoiré, comment est-ce que tu oses... »

Mais la réplique rageuse se perdit en cours de route, tandis que les dernières forces de la sorcière épuisée l'abandonnaient. Elle crut entendre des appels au loin, mais sa vision s'obscurcit et elle se sentit chuter de tout son long sur le cadavre de son - quoi ? ami ? Admirateur secret ? Amoureux maladroit ? Le temps des hésitations du cœur s'était envolé et avec lui l'innocence d'une jeune fille.

—————

Il paraît que c'est beau, un homme qui pleure. Si vous m'aviez vu aujourd'hui, pas sûr que vous auriez confirmé l'adage.

Je savais que la mort de Lumir ne serait pas simple à écrire, mais je ne l'anticipais pas à ce point. Pourtant, son destin était prévu de longue date.

Je vous offre ce chapitre juste à temps pour le réveillon de Noël, je ne suis pas certain qu'il corresponde bien à l'ambiance de fête, mais j'espère qu'il saura vous émouvoir au moins autant que moi.

Retenez au moins le message de cette fin d'histoire : chérissez celleux qui vous aiment et rendez-leur toute votre affection, car ces moments sont trop rares et précieux.

Joyeux Noël à tou.te.s 🎄✨

Pensez à m'offrir une petite étoile. 😉👇⭐

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top