2. Obscurité

Je reviens à moi. Mais quelque chose ne va pas. Je suis dans le noir, mais ce n'est pas Désiré qui est là. J'ignore qui Il est. Ses mains portent des gants de cuir, Il est vêtu d'un lourd blouson rembourré, d'un jean et de bottes. Il respire au travers d'un masque qui Lui recouvre tout le visage, et Sa tête est enveloppée d'une cagoule.

Il marche dans le noir complet, mais ne ressent pas d'angoisse, bien au contraire. Dans Son esprit règne la confiance calme du chasseur, Il se sait prédateur. Le monstre, c'est Lui. Dans Ses veines coule une adrénaline sous contrôle, Sa respiration est profonde et mesurée. L'excitation de la chasse se mélange au silence du tueur. Il suit lentement le couloir, Ses mains gantées courant le long des murs en moellons bruts, Ses bottes rythmant un faible écho. Il se laisse guider par le simple son d'une voix solitaire. Une moitié de conversation. Et une lumière apparaît plus loin à un embranchement.

Le gamin a donc dit vrai, malgré la peur qui se lisait dans son regard. Ils gardent la marchandise en bas, dans les caves, et ne font monter que ce dont ils ont besoin. Le dosage se fait dans un appartement, mais impossible de savoir à quel étage. Le gosse est parti sans demander son reste, mais a sûrement alerté tout le réseau. Aucune importance. Il sait que le défaut de la cuirasse est découvert, et qu'il ne Lui reste plus qu'à frapper.

Il voit un peu plus loin le garde devant la cave où sont stockés les produits, même s'Il ne perçoit que le bout de sa chaussure et la lumière diffuse de son téléphone. L'individu est en pleine discussion.

« Ouaich, le keumé a fait péfli tous les tipeu. On a plus de chouffe. Il peut être n'importe où le pélo. »

Il s'avance lentement vers le coin et décèle un bruit intriguant. D'où vient ce faible tic-tic ?

« Azy tu vas pas me zehef tu m'envoies des cousins avec des kalash, faut qu'on protège la beuh. »

Le bouton de la minuterie est scotché. Il faut reconnaître que le système est malin, cela permet de garder la lumière dans le couloir. Mais l'interrupteur égraine encore un lent et tranquille tic-tic, comme un battement de cœur insouciant. Il enlève le scotch et force le bouton. Le rythme s'affole, la chasse s'accélère. La proie trop occupée n'a rien entendu.

« Et wallah tu descends. Azy sale hegoun, ta mère la pute. »

L'autre au bout du fil a déjà raccroché, et n'a pas entendu l'insulte. La conversation confirme ce qu'Il soupçonnait : le cerveau reste retranché bien à l'abri dans un appartement à un étage. Plus pour longtemps. L'obscurité surgit.

« Oh wallah qui c'est qui a éteint la lumière ? Nique sa mère la minuterie. »

La faible lumière blanche d'un écran de téléphone danse en direction du croisement. Il se plaque contre le mur, attendant de refermer le piège.

« Nardinam... »

Le garde n'a pas le temps de terminer son juron. Il le saisit et le plaque contre le mur. Au même moment, une grande et vive lumière rouge jaillit de Son masque et inonde la scène, aveuglant la victime. Il maintient l'étranglement contre la gorge, du tranchant de Son avant-bras, pressant tout le poids de Son corps contre la proie, la plaquant au mur, et lui appuie la pointe de Son couteau contre le ventre. Le petit animal tente de crier à l'aide, mais seul un faible filet aigu, un couinement de rongeur, s'échappe de sa bouche. Alors d'une voix grave, impérieuse, déformée par le masque, Il demande:

« Quel étage ?

— Septième, couine le petit rat. »

Sous son masque, Il fait un large sourire. Puis Il relâche sa prise, et laisse partir Sa proie, qui détale sans se retourner, en trébuchant et se heurtant aux parois du couloir. Soudain Lui parvient le son de l'ascenseur qui descend. Des chargeurs sont enclenchés dans des armes. Automatiques, certainement. Des piétinements. Quatre individus, au moins. Ils arriveront trop tard.

Il trouve la porte, y met un coup d'épaule, un deuxième. La porte cède au troisième. Un coup de pied, et elle claque, grande ouverte. Des paquets emballés sont posés sur les étagères. À l'odeur, Il repère le seul qui vaille la peine de s'encombrer, le plus petit, et le fourre dans son sac. Puis Il sort une bouteille avec un chiffon fourré dans le goulot, prend un briquet et, calmement, sans se hâter, allume le linge. Il ne va pas... NON ! Sans la moindre hésitation, sans même flancher à ma tentative d'intervention, Il jette négligemment le molotov dans l'entrebâillement de la porte de la cave. Les étagères en bois crépitent et dégagent une épaisse fumée qui racle Sa gorge.

L'ascenseur atteint le sous-sol et les portes s'ouvrent. Des bruits de courses précipitées se rapprochent. Mais déjà une fumée noire envahit l'espace, qui dissimulera Son passage, et l'incendie fera diversion. Le parfum âcre de la résine de cannabis qui se consume commence à se répandre. Surtout, il reste également l'odeur du rat qui s'est enfui. L'odeur froide de la transpiration et de la terreur. C'est une piste facile à suivre, un effluve bien distinct, plus jouissif encore que toutes les drogues. Les rats trouvent toujours la sortie du labyrinthe.

Une fois dehors, il n'y aura plus qu'à monter débusquer l'autre rat, celui qui se cache dans son terrier au septième étage. Une proie isolée, privée de la protection de sa meute, qui déjà ressent l'approche du prédateur. Cette graine de terreur ne demande qu'à germer, elle lui fera commettre l'erreur de quitter son abri. Une erreur qui s'avérera mortelle. Il vérifie que le couteau glisse bien dans l'étui fixé au creux de Son dos, et se met en marche.

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Voilà, ce chapitre est plus court que les autres, mais je ne voulais pas le ralonger inutilement, au risque d'édulcorer l'action.
J'espère que vous avez ressenti des émotions fortes, parce que c'est le but. Si c'est le cas, n'oubliez pas de voter. 😉👇⭐
Et n'hésitez pas à me laisser des commentaires pour me parler de vos impressions et suggestions.
À bientôt pour le chapitre suivant.

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