Le téléphone glissé sous l'oreiller de Namjoon vibra, l'éveillant. Un léger sourire sur les lèvres, il entrouvrit les yeux, prenant le temps nécessaire pour se réveiller complètement. Comme d'habitude, ils n'avaient pas fermé les volets avant de se coucher, et le soleil perçait à travers les fins rideaux, se reflétant sur le grand miroir à côté de l'armoire. Le souffle de Seokjin s'échouait dans son cou en le chatouillant. Le chanteur était blotti contre son torse, la tête tournée vers lui et leurs jambes emmêlées.
Leurs regards se croisant, il sourit, déposant un baiser volatile sur l'épaule du blondinet.

«- Salut, beau gosse. »

Namjoon ramena ses bras au-dessus de sa tête et cambra son dos, s'étirant en soupirant d'aise. Seokjin grimaça en entendant ses vertèbres craquer. Enfin, il bailla.

«- Salut. Quelle heure il est?

- Je sais pas. Tu m'apportes le déj'?

- Roh, t'abuses. Je suis pas ta boniche!

- Non, mais j'ai le dos en compote. Et c'est entièrement de ta faute! »

Le plus grand s'extirpa de la chaleur des couvertures en râlant. Ses pieds nus se posèrent sur le parquet gelé. À petits pas, il s'approcha ses fenêtres et tira les rideaux, laissant la lumières grisâtres, à peine filtrée par les nuages couvrant le ciel en ces jours d'hiver, envahir la pièce. Puis, il se baissa et ramassa le gilet de laine qui traînait au pied du lit, se couvrant avec.
Il chantonnait, balançant son fessier moulé par le boxer rouge vif qu'il avait enfilé rapidement après leur douche. Seokjin siffla.

Durant quelques instants, le rosé ne put entendre que les bruits de la vaisselle et les portes des placards qui claquaient. Namjoon cherchait apparemment de quoi faire le petit-déjeuner. Sa voix retentit depuis la cuisine.

«- Tu veux quoi?

- Là, tout de suite? J'aimerai bien te manger tout cru. Ce caleçon te fais un de ces culs!

- Tch. »

Seokjin bondit hors du lit pour le rejoindre. Namjoon se tenait devant le frigo presque vide, l'air profondément dépité. Jin posa ses deux mains chaudes sur ses joues, les pressant pour faire ressortir ses lèvres en une moue rigolote et plaqua une bonne dizaine de bisous sur celles-ci, pouffant de rire.

«- Je dois avoir encore un peu de brioche, et un reste de confiture. On peut se faire un chocolat chaud avec le fond de lait dans le frigo et les quelques carrés de chocolat dans le placard. Ça te va?

- Oui. Ouai, c'est top.

- Il faut bien nourrir tout ça. Seokjin pinça le ventre de Namjoon en ricanant.

- T'es vraiment un petit c- »

Le chanteur l'attira à lui, étouffant le reste de sa phrase dans un long baiser. Les grandes paluches du blondinet, gelées, comme toujours, glissèrent de sa taille à son dos, qu'il massa gentiment. Seokjin glissa ses mains sous le chandail de son amoureux et les posa sur ses pectoraux, effleurant de la pulpe de ses doigts les tétons sensibles de Namjoon.  Il sentait le cœur de l'autre battre sous sa paume. En gloussant, il se détacha finalement de son étreinte, admirant joyeusement les suçons violacés qu'il avait apposé sur le cou de l'étudiant en lettre.

Alors que les garçons s'admiraient amoureusement, son estomac gronda bruyamment, les faisant tout deux sursauter.

«- Hm. J'adore tes massages, mon cœur... mais j'ai super faim, là. Comme quoi, l'amour, ça creuse! »

~

Allongés sous la couette violette, rebondie et douillette, du lit de Seokjin, les deux garçons regardaient un épisode d'une série bien connue, l'ordinateur calé sur les genoux du plus grand. Seokjin s'amusait encore à retracer les tatouages de Namjoon, babillant joyeusement, commentant chacune des actions. Namjoon monta le son. En soupirant, le blondinet attrapa sa tasse de chocolat, sirotant prudemment la boisson bouillante. Le plateau sur lequel ils avaient posé le nécessaire pour leur petit-déjeuner au lit reposait par terre, au pied du lit.

Seokjin gigotait sans arrêt, peu intéressé par l'épisode. Alors qu'un des personnages principaux se faisait violemment poignarder par ses camarades, il fit valser la couverture, s'extirpant d'un bond du lit, galopant jusqu'à la fenêtre.

«- Namjoon!

- Quoi?

- Il neige, il neige! Viens voir un peu. Vite! »

Le rosé trépignait devant la vitre, à moitié nu, grelottant légèrement. Ses yeux pétillaient devant le joli spectacle des flocons s'échouant sur le sol. Séoul revêtait son manteau immaculé. Alors, prit de frénésie, Seokjin enfila une tenue décente, et chaude, et tira Namjoon hors du lit pour qu'il fasse de même. Une fois le blondinet vêtu, il attrapa son écharpe ainsi que son trousseau de clé et claqua la porte derrière eux.

Le froid saisissant gifla leur visage. Le chanteur sautillait, s'éloignait en trottinant puis revenait vers Namjoon, pour glisser sa main dans la sienne. Ils ne s'éloignèrent que d'une centaine de mètres de l'immeuble de Seokjin. Quelques passants flânaient, le visage enfoui dans les cols de leurs grands manteaux, laissant les traces de leurs pas sur la couverture blanche qui tapissait les rues. Alors qu'il pianotait sur son téléphone, une boule de neige frappa Namjoon, explosant contre son manteau. Il manqua de lâcher son portable, qu'il finit par ranger dans sa poche. À quelques pas de lui, Seokjin, fier de lui, le narguait.

- Tu cherches à mourir? »

Namjoon se baissa pour ramasser une poignée de neige, ignorant la brûlure du froid sur ses paumes. Les boules de neige, plus ou moins bien façonnées entre leurs doigts nus, pleuvaient. Comme des enfants, ils courraient se cacher derrière les voitures, visant du mieux qu'ils le pouvaient leur adversaire. Ils s'essoufflaient, jouant jusqu'à ce que leurs mains les brûlent et que la luminosité décline. Namjoon avait le bout du nez et les joues bien rouges. Une jeune fille au téléphone passa devant lui.  Alors que le blondinet soufflait sur ses mains glacées pour les réchauffer, elle s'arrêta, hésita, et s'approcha de lui.

- Namjoon? »

Il se redressa, faisant face à celle qui venait de héler son nom. De sa manche, il vint essuyer son nez qui coulait.

«- Min? Qu'est-ce que tu fiches ici?

- Je... Les parents ne t'ont pas dit? Ça fait déjà un moment que je suis sur Séoul, pour mes études.

- Je ne leur parle plus. »

Elle hocha de la tête, gênée. Seokjin, couvert de neige fondue, s'approcha d'eux. D'un geste vif, il attrapa la main de Namjoon, toisant la jeune fille qui faisait face à son petit-ami. Du bout de son pied, elle traçait des ronds dans la neige, silencieuse. Elle jouait avec une petite bouloche de laine sur son manteau, la tête baissée.

«- Et du coup... Tu comptes venir au repas de noël, cette année? Tu leur manque beaucoup, tu sais.  »

Namjoon écarquilla les yeux et rit jaune. Il se redressa et, la mâchoire serrée, il fusilla sa petite-sœur du regard. Sa main se crispa autour de celle de Seokjin. Le jeune fille se recroquevilla sur elle-même. Ses cheveux volèrent autour de son visage, elle humidifia ses lèvres, prête à prendre la parole. Seulement Namjoon, furieux, vociféra.

«- Je leur manque beaucoup? Je leur manque beaucoup, tu dis? Dis leur d'aller ce faire foutre! Ils étaient où, quand j'avais besoin d'eux? Ils étaient où, quand j'en étais presque à dormir sous les pont, tellement j'avais pas de thune? Et toi, tu faisais quoi? Est-ce que, ne serait-ce qu'une seule fois, tu m'as envoyé un message pour savoir si j'étais encore vivant, si j'avais réussi mes études, si j'étais heureux? Arrête donc de jouer les bons samaritains alors que tu es exactement comme eux.»

Sa voix craqua. Namjoon s'éloigna, cavalant presque, traînant Seokjin dans sa course. La jeune fille, dans un sanglot, lui hurlait de revenir.
Il poussa la porte, grimpa les escaliers, déverrouilla l'appartement de Seokjin et courut se jeter sur le lit. Le chanteur s'assit à ses côtés. Ses chaussures humides gouttaient sur le sol. Seokjin caressa longuement les cheveux de son amoureux, dont le visage était enfoui dans les oreillers. Enfin, Namjoon prit la parole. Il ôta d'un geste ses baskets et s'assit en tailleur sur les draps, faisant face au rosé.

«- Ils m'ont tellement étouffé, Seokjin. Même en primaire, ils voulaient... Non! Il leur fallait que je soit premier dans tout. Je n'étais qu'un gosse! C'était pire encore lorsque j'ai grandit. Ils se vantaient sans cesse de leur fils, si parfait à leurs yeux. Et moi, moi... J'étais assez stupide, ou lâche, pour courber l'échine, faire semblant d'être ce qu'ils voulaient que je soit. Mais j'en avais marre, vraiment. Alors, au repas familial de noël, il y a quelques années déjà, j'ai craqué. J'ai hurlé que j'aimais les hommes, que je haïssais profondément l'idée de devenir avocat pour faire comme mon père. Ils étaient tellement honteux, et déçus... Après ça, j'ai emballé mes affaires et je me suis installé à Séoul. Je ne les ai jamais recontacté depuis. Ma... Ma petite sœur est devenue la fierté de la famille. Finalement, c'était sûrement le mieux à faire... »

Namjoon se hâta de chasser la larme qui avait roulé sur sa pommette. Seokjin, les yeux humides, attrapa sa nuque et l'attira contre lui, étouffant les sanglots du blondinet contre sa poitrine, épongeant de sa manche les larmes de son amoureux. Après un long moment, Namjoon cessa de pleurer, ses épaules ne tressautèrent plus, et sa respiration redevint paisible. Le chanteur déposa un baiser sur son cuir chevelu, attrapant son menton pour remonter son visage vers le siens. Il passa ses doigts sous les yeux rougis du plus grand, le fantôme d'un sourire sur les lèvres.

«- Et sinon... Tu l'as encore sur toi, ce joli caleçon rouge?»