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CELIA
J'attrape mon manteau après avoir suspendu mon tablier dans mon casier. La journée m'a épuisée. Qui aurait cru que bosser dans un café imposait un rythme aussi acharné ?
L'avantage, c'est que je n'ai pas vu le temps passer. Je n'ai pas non plus vu Max, mon boss. Ce qui est également une bonne chose. Je l'évite comme je peux depuis qu'il s'est mis en tête de me proposer un rendez-vous chaque fois qu'il croise mon regard.
Je claque la porte en métal du meuble et envoie ma veste sur mon bras. Contrairement à ce matin, il fait une chaleur horrible dehors, et d'ici sept secondes, je serai à l'extérieur. Ma journée sera enfin terminée. En deux enjambées, je rejoins la porte de service et pose une paume sur la poignée. Cette saloperie va finir par lâcher, et j'espère que ce ne sera pas dans ma main !
— Celia ! Attends ! j'entends tout à coup.
Merde... Moi qui avais réussi à l'éviter toute la journée ! Max se matérialise brusquement dans mon dos et me pousse discrètement dehors. Sa main s'écrase au bas de mon dos jusqu'à ce qu'on se retrouve en tête à tête dans la ruelle qui mène à la rue principale.
— Tu fais quoi ce soir ? il me demande avant que j'aie le temps de comprendre ce qui se passe.
— Je...
Vite, trouve quelque chose de potable comme excuse ou t'es foutue ! Ce sourire timide qu'il n'affiche que pour moi apparaît sur son visage.
— Je... je passe la soirée chez ma mère. Repas en famille... je finis par répondre avec un air qui dit « aucune chance d'y échapper ! ».
— Ah... Je comprends ! me répond-il. Amuse-toi bien alors, tu me diras quand tu as une soirée de libre, qu'on aille se faire un ciné ou un resto !
Je ne trouve rien d'autre à faire que de hocher bêtement la tête avec une expression gênée, comme chaque fois qu'il me fait une proposition de rapprochement.
— OK... Je te tiens au courant.
Il se permet un clin d'œil avant de me répondre :
— Super, on se voit demain ? Je file, j'ai encore du boulot. Rentre bien, Celia.
Max n'aurait pas pu trouver plus glauque que la ruelle pour me proposer un énième rencard.
Je sais que je ne devrais pas me laisser draguer par mon patron, mais ce n'est pas si facile de dire simplement « Lâche-moi la grappe, boss ! ». Imaginons qu'il le prenne mal et qu'il me vire ! Et puis, en attendant, quand je lui demande une après-midi, il ne dit jamais non. Et en réalité, il n'est pas si désagréable : il a à peine trente ans, est plutôt pas mal et toujours attentionné avec moi. Ça laisse entrevoir le petit ami qu'il pourrait être. Mais c'est un Français, et les Français ont une réputation de connards qui leur colle à la peau. Ça me suffit pour l'éviter. Les connards, j'ai déjà donné !
Je rejoins ma voiture garée un peu plus loin et, mauvaise surprise, j'ai encore une prune.
— Ah... Super ! je lance en l'arrachant de mon pare-brise.
Je la fourre dans mon sac, où elle retrouve ses sœurs d'hier et avant-hier. Le macaron « Je travaille ici » que m'a gentiment prêté Max ne fonctionne apparemment que sur sa voiture.
Quand je monte à bord, l'habitacle est semblable à un sauna. Alors que je me retrouve vite bloquée dans les embouteillages, je commence à suer à grosses gouttes. Je suis à la limite d'essorer mes cheveux, et mon visage prend peu à peu la couleur d'une tomate trop mûre. Ça doit faire un sacré contraste avec mes cheveux bruns désespérément trop épais que j'ai attachés en vrac, comme toujours.
Comme l'âge de ma voiture doit avoisiner le mien, je n'ai pas la clim', et, suite à un petit choc avec un panneau lors d'une tentative de stationnement, ma fenêtre côté passager ne s'ouvre plus. Alors, quand il fait chaud à Chicago, Il faut être motivé pour la conduire. Et, de toute évidence, je le suis. Alors que j'approche du quartier chinois, mon tee-shirt blanc me colle au dos. Mon volant me brûle encore les doigts quand je me gare en double file pour passer prendre ma commande chez Yang, mon resto préféré. Aujourd'hui, c'est mardi, et le mardi, c'est nourriture asiatique au programme pour le repas. Une vingtaine de minutes plus tard, alors que je suis presque cuite, je me gare en bas de chez moi.
Cette rue de Chicago ne donne pas envie de s'y balader le soir, mais c'est plus calme que ça en a l'air, et j'aime bien vivre ici. Quant à mon immeuble, il tient encore debout, c'est déjà ça. Je déverrouille la porte du hall et grimpe rapidement les escaliers. J'arrive essoufflée au troisième. Il y a deux portes sur le palier, à gauche, la mienne, et à droite, celle de ma voisine, chez qui je vais toquer sans même passer par chez moi.
— Madame Loolis ! j'appelle à travers le battant.
J'attends quelques instants et, soudain, j'entends des bruits de pas de l'autre côté de la porte. Puis celle-ci s'ouvre.
— T'as fini en retard ? me balance la petite vieille en faisant aussitôt demi-tour.
— Oui, un peu, mais il y avait surtout de la circulation. J'ai failli cuir dans ma voiture. Vous avez faim, j'espère !
Elle me tourne le dos et repart d'un pas clopinant vers son salon. Je viens passer mon bras sous le sien pour l'aider à marcher jusqu'à son fauteuil. Je sais que le moindre trajet est difficile pour elle.
— Tu devrais changer ce vieux tas de ferraille. Ou au moins la faire réparer... elle me répète pour la centième fois au moins depuis que je la connais.
— Oui, madame Loolis... je récite alors qu'elle s'assoit dans son fidèle fauteuil.
— Et arrête de m'appeler comme ça !
Un petit rire m'échappe, et je file à la cuisine pour m'occuper de notre repas qui me donne l'eau à la bouche.
— Excuse-moi, je trouve ça tellement classe, Mona Loolis. Mona Loolis, ça roule tout seul comme nom.
Je vide les boîtes en carton dans deux assiettes et j'en place une dans le micro-ondes pour réchauffer notre repas. Je prends deux verres que je remplis d'eau, le pilulier de Mona, et je retourne dans le salon.
— Tiens, Monary. Le reste arrive. C'est quoi, le programme, ce soir ?
Je lui donne un verre d'eau et la télécommande de la télé tandis qu'elle me lance un regard en biais. Elle n'aime pas quand je l'appelle Monary. Un jour, elle m'a expliqué qu'un petit garçon qu'elle a connu quand elle travaillait encore l'appelait comme ça pour la taquiner. J'ai simplement pris le relais. J'ignore sa menace silencieuse et m'apprête à me laisser tomber dans le canapé moelleux qui n'attend que moi, mais le micro-ondes m'appelle déjà. Je râle toute seule en y retournant.
— Il y a un policier sympa ou une émission sur des jeunes qui prennent de la drogue, Mona annonce depuis son fauteuil.
— Ah... Et sinon ?
Je sors l'assiette de Mona du four et reste devant celui-ci en attendant que le contenu de la mienne réchauffe.
De retour dans le salon, j'installe le plateau-repas de ma voisine face à la télé.
— Encore du chinois ? elle s'étonne.
— Oui, on est mardi, Mona ! C'est chinois tous les mardis, de chez Yang.
— Tu dépenses trop chez lui ! Mais c'est tellement bon, comment t'en vouloir ?
L'instant suivant, nous sommes enfin installées toutes les deux devant la télé, et j'ai déjà ma fourchette dans la bouche. Mona avale ses cachets. Je sais que si je n'étais pas là, elle ne les prendrait pas tous les jours. Cette vieille tête de mule me dit qu'elle oublie, mais c'est surtout une mamie rebelle qui ne veut pas les prendre.
— Ça me rappelle quand je rentrais du travail, elle me dit soudain. D'ailleurs, on a quelque chose à fêter !
— Ah oui ? Quoi donc ?
— Aujourd'hui, précisément, ça fait vingt ans que je suis à la retraite, elle m'annonce.
Je fais rapidement le calcul et ouvre de grands yeux.
— Merde, vingt ans... J'avais un an.
— Oui, quand je te dis que tu n'es qu'une gamine ! Raconte-moi donc ta journée, elle enchaîne au moment où je prends une grande bouchée de riz cantonais. Ton bel inconnu est-il encore venu aujourd'hui ?
Cette dernière question manque de me faire tout recracher.
— Avale, avale... C'est dégoûtant, elle réplique aussitôt avec une grimace.
Je ricane, et quelques grains de riz finissent dans mon assiette.
— Pardon. Ce matin, j'étais à l'heure, je commence.
— Étonnant ! s'exclame Mona.
Elle se fout de moi, en plus...
— Mmh... Et à 11 h 05 ? elle insiste.
— Quoi ? j'interroge, mine de rien.
— Le client de 11 h 05, bon sang ! Il est venu ?
Elle ne va pas me lâcher avec celui-là. Je n'aurais jamais dû lui en parler !
— Mouais, peut-être. J'en sais rien, j'ai pas fait gaffe.
Oups, j'en fais un peu trop, non ? Je ne sais pas mentir. La vérité, c'est qu'il est venu à ma caisse alors que j'avais plus de monde que ma collègue. Et comme tous les jours, j'ai arrêté de respirer durant toute la commande.
— Elle en sait rien... Mon œil, tiens, marmonne la petite vieille dans sa barbe, pas dupe.
— Et sinon, Max était là aujourd'hui, et d'une humeur de chien d'après ma collègue. Mais on a eu tellement de travail que je ne l'ai pas croisé de la journée. Du moins jusqu'à ce soir... je lance, histoire d'orienter la conversation sur un sujet moins gênant.
— Il t'a encore demandé un rendez-vous ? elle me coupe.
Max et ses tentatives de drague avortées passionnent Mona.
— Oui. Au fait, désolée, mais tu es ma mère. Et ce soir, on a une réunion de famille.
— Ta mère ? Grand Dieu, non merci ! Va donc à un rendez-vous avec lui, ça n'engage à rien.
— Oh non ! Ça pue le plan galère. Il ne m'intéresse pas et il pourrait me rendre la vie infernale au travail...
Mona mange, zappe et ne me répond pas. Je la connais assez pour dire qu'elle n'est absolument pas d'accord avec ce que je lui raconte, alors je prends les devants en enchaînant :
— Et puis, merde, j'espère qu'un type qui est capable de se lever de bonne humeur m'attend quelque part. Qu'il est riche, beau, sympa et... drôle aussi, je marmonne. Et qu'il ne retirera pas sur ma paie cinq pauvres minutes de retard !
— Cinq minutes tous les jours depuis un an, Celia... elle réplique.
— Touchée... je soupire avant d'approcher une autre fourchette pleine de mes lèvres entrouvertes.
Elle me regarde du haut de ses 81 ans et hausse un sourcil.
— Quoi ? je lance, la bouche pleine.
— Ça fait combien de temps que l'autre blaireau est parti ? elle me demande.
L'autre blaireau... Je sais déjà de qui elle parle, et c'est un sujet que je m'efforce d'éviter. Peut-être que si je marmonne assez bas pour lui répondre, elle laissera tomber. Elle pensera n'avoir rien entendu à cause de sa vieillesse et passera à autre chose, par gêne. Je tente le coup.
— Je suis vieille mais pas sénile, Celia Fowell, elle réplique à peine ai-je terminé de baragouiner.
— Ça ne fait pas un an... Six mois, peut-être, je reprends.
Elle me lance son regard noir.
— Oui, bon, ça fait plus d'un an ! Mais je suis très bien toute seule, je n'ai pas besoin d'un autre abruti pour me gâcher la vie ! je m'exclame. Encore moins un qui me la pourrit jusqu'à ce que j'aie des bleus au visage !
Mona me regarde, satisfaite. Je crois qu'elle aime me faire dire que je suis seule.
— Je parie que tu n'as toujours pas terminé de rembourser les dettes qu'il t'a laissées !
Comment elle sait ça, bon sang ? Mon silence répond pour moi.
— Ça te ferait le plus grand bien de voir quelqu'un, même pour une nuit, au lieu de passer tes soirées avec une vieille femme fatiguée, elle ajoute.
Oh mon Dieu, elle n'a pas dit un truc pareil ?
— Même pour une nuit ? je m'étonne. Monary ! Je suis choquée d'entendre ça. À ton âge...
— Moi, si j'avais ton énergie, je n'arrêterais pas... elle lâche.
Cette fois, je recrache sans le vouloir la nourriture que je venais de mettre dans ma bouche. Cette vieille aura ma peau ! Je m'essuie et la regarde, stupéfaite.
— Tu as déjà fait ça dans ta jeunesse ? Voir un homme juste pour une nuit ? je lui demande. Je ne pense pas que j'en serais capable.
J'adore qu'elle me raconte sa vie passée. Il lui est arrivé tout un tas d'histoires, plus incroyables les unes que les autres.
— Une fois, oui. Je me suis mariée en mai 1954, et l'année suivante, Charles, qui s'était engagé dans l'armée, a été envoyé au Japon pour je ne sais plus quelle mission pacifiste. Le pays avait retrouvé son indépendance mais des milliers de soldats sont tout de même restés mobilisés sur place. Il est parti trois mois, puis six... J'ai donc commencé à travailler, pour gagner de l'argent mais aussi pour voir du monde... Et puis une de ses missions s'est prolongée. Il était déjà parti depuis plusieurs mois quand j'ai reçu une lettre. C'était notre petit rituel, une lettre par mois. Mais celle-ci marquait la fin d'un livre que je ne me voyais pas refermer si tôt. Il me demandait de profiter de ma vie car, sauf en désertant, il n'aurait aucun moyen de rentrer chez nous avant encore une ou deux années.
Elle s'arrête, boit un coup et reprend :
— Alors, c'est ce que j'ai fait. Enfin, j'ai essayé. Au départ, impossible de regarder les autres hommes. Mon cœur allait vers celui que j'avais épousé...
— Comment tu t'es retrouvée à passer une nuit avec un autre, alors ?
— Je croisais souvent ce type qui travaillait au service de sécurité du bureau. Il était un peu plus vieux que moi. J'osais à peine le regarder tant j'étais timide. À se demander comment j'étais parvenue à séduire mon mari. Il avait des cheveux mi-longs, bruns, et de grands yeux marron. L'homme ténébreux dans toute sa splendeur. Chaque fois qu'on avait l'occasion de se parler, je l'évitais, le regard rivé sur mes escarpins. En fait, je me sentais coupable d'avoir pour lui des pensées déplacées, même avec l'accord de mon Charles.
Elle ne dit plus rien. J'attends, mais elle mange et regarde l'écran de télévision.
— C'est tout ? je m'étonne, presque déçue.
— Non, non, ne sois pas si pressée, bécasse ! Un soir, alors que je m'apprêtais à quitter le bureau,
j'ai entendu un sifflement qui provenait de plus loin dans le hall. Il était là et me faisait signe. J'ai hésité, mais pas longtemps, je l'avoue. Je pense que j'étais bien plus curieuse que timide, tout compte fait, parce que je me suis retrouvée à l'arrière de sa moto trois minutes plus tard.
Nouveau silence.
— Ensuite ? Mona, tu ne peux pas t'arrêter là ! je m'exclame.
— Oh mais quelle impatiente, celle-ci ! elle me lance.
Elle boit une gorgée d'eau et reprend enfin :
— Nous avons fait un bout de route, pas beaucoup. Nous sommes allés à la marina, qui, à l'époque, n'était pas bétonnée comme aujourd'hui, et puis... Eh bien, je te passe les détails, mais je me suis retrouvée dans l'eau, complètement nue, en sa charmante compagnie.
Oh merde, elle est sacrément libérée, Mona !
— Et lui ? Complètement nu aussi ? je demande avec empressement.
— Oui, bien sûr ! Pourquoi aurait-il gardé ses vêtements, espèce de sotte ? elle m'envoie.
— Et alors ? Continue !
— Continue, continue... La suite n'est pas de ton âge ! elle réplique.
— Mona, j'ai 21 ans. Et tu es obligée de finir maintenant que t'as commencé.
Elle me lance un regard en biais.
— Bon, ensuite...
Elle fait un geste incompréhensible de la main.
— Ensuite, de fil en aiguille, nous... Enfin, je suis rentrée deux heures plus tard chez moi, gelée jusqu'aux os, mais plus souriante que jamais. Ce charmant jeune homme m'avait fait l'amour sur le sable après avoir commencé dans l'eau. C'était idyllique. La pleine lune, et lui, beau et jeune. Quand j'y repense... Je me demande ce qu'il est devenu...
— Et tu l'as revu après ?
— Non, je ne l'ai jamais recroisé au travail, ni en ville.
Le silence revient et on finit notre repas dans le calme.
Plus tard, dans la soirée, on arrive à trouver un programme sympa à suivre, et une fois celui-ci fini, je m'extirpe difficilement du canapé pour rentrer chez moi. Je n'ai que le palier à traverser, mais c'est dur de trouver la motivation.
— Attends, ma petite chérie, j'ai un service à te demander, me lance Mona alors que j'arrive vers la porte. Attrape-moi la lettre là-bas, elle ajoute.
Elle me montre l'étagère à côté de sa porte de chambre où je vois une enveloppe carrée, d'un joli beige, ornée d'une bordure dorée imitant la dentelle.
— Qu'est-ce que c'est ? je demande en lui tendant.
Elle l'ouvre et en sort un carton tout aussi élégant. Elle chausse sur ses yeux fatigués ses lunettes trop lourdes pour son nez fripé et lit :
Chère Madame Loolis,
J'ai l'honneur de vous convier à la première cérémonie de récompenses du
personnel de Weiss Corp. Un prix spécial vous y sera décerné au titre de la
plus longue carrière effectuée au sein de notre groupe.
J'espère vous voir le samedi 20 mai à 19 heures au manoir Jilldale.
Monsieur Bartholomé James Weiss,
Président-Directeur-Général de Weiss Corp.
Merci de confirmer votre présence avant le 16 mai.
Mes yeux s'ouvrent en grand, et ma bouche suit le même mouvement.
— Tu as travaillé chez Weiss Corp. ? C'est une des plus grosses boîtes de l'État, je m'étonne.
— Oui, trente-huit ans de bons et loyaux services.
— Et que puis-je pour vous, madame Loolis ? je l'interroge en faisant une courbette respectueuse.
— Arrête donc de faire l'andouille une seconde. Je ne veux pas y aller, je suis trop vieille et trop fatiguée pour supporter leurs mondanités de bourgeois serrés du derrière... Je veux que tu ailles recevoir le prix à ma place, elle m'annonce de but en blanc.
Cette fois, mes paupières battent frénétiquement.
— Mona, les trucs mondains, ce n'est pas vraiment dans mes cordes. Tu sais que je bosse dans une chaîne de cafés, quand même ?
— Mais si, tu seras parfaite ! Tu leur diras que tu es ma petite-fille. Je vais te donner un peu d'argent pour que tu t'achètes une belle tenue.
— Non ! Surtout pas, Mona. Tu n'as déjà pas grand-chose. Je... je peux y aller, mais je vais trouver une robe et...
— Chut ! Donne-moi la boîte là-bas, elle insiste.
J'hésite, et elle me fusille du regard.
— Si je me lève...
Je ne la laisse pas poursuivre et vais lui chercher la boîte en question. Elle en sort quelques billets et me les donne.
— C'est beaucoup trop, Mona.
— Prends ! Il faut que tu sois parfaite pour cette soirée.
J'accepte à reculons. Cette petite vieille ne vit avec presque rien, mais peut-être qu'elle tient à ce prix qu'elle doit recevoir !
— Bon... Je récupère le prix en ton nom et je m'en vais, c'est tout ?
— Oui ! Je compte sur toi, ma chérie. Je sais que tu seras parfaite.
— Je ne peux rien te refuser, Mamie Monary !
Je la prends dans mes bras et je sens qu'elle glisse les billets dans la poche de mon gilet.
— Allez, au lit ! elle s'exclame.
— Attends, je t'accompagne jusqu'à ta chambre, j'ajoute.
Je l'aide à rejoindre son lit, je débarrasse nos assiettes et j'éteins la lumière du salon en partant.
Je rejoins mon appartement et, quelques minutes plus tard, je suis étalée sur mon lit. J'ai posé les billets sur la table de nuit. Je vais aller à une soirée mondaine... C'est bien parce que c'est Mona qui me l'a demandé. Je vais sûrement y croiser des gens qui ne font pas du tout partie de mon monde. Une tension naît dans le creux de mon ventre. Allez, Celia, tu peux le faire ! Qu'est-ce que tu risques, en plus ?
Bon, il faut que je trouve une robe d'ici samedi et que je me prépare mentalement. Je ferme les yeux, prête à enfin dormir, mais les traîtres se rouvrent dans la seconde. Merde, je bosse samedi. Mon corps s'est redressé de lui-même et il retombe mollement quand je comprends que je vais devoir demander à Max si je peux avoir mon après-midi et ma soirée.
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