Chapitre 8
Ma nuit a été plutôt bonne. Je pensais ne pas pouvoir fermer l'œil de la nuit, quand je suis rentrée la veille, après ma fuite ridicule. J'étais énervée, bouleversée, chamboulée. Trop d'émotions. Surtout trop d'émotions que je n'aurais jamais dû ressentir. Ça devait rester purement technique, rien d'autre. Je ne sais même pas comment ni pourquoi ça a pu déraper comme ça. Le fait est que Samuel ne devait pas être aussi séduisant, il est là le problème. Ni aussi intéressant ! Je n'aurais pas pu tomber sur un con prétentieux ? Non, il a fallu qu'il soit sympa, drôle et terriblement passionnant. Simple et accessible, doux et tactile. Arf, n'en jetez plus !!
Allez, je n'ai plus besoin d'y penser dorénavant. Fini, je n'ai même plus besoin de le revoir. Enfin j'espère. Parce que si ça n'a pas marché, je vais devoir m'y recoller. Et je ne sais pas du tout si j'aurai la force de recommencer. Pour l'instant, je ne peux absolument rien y faire. Le sort en est jeté, je verrai bien.
J'ai réussi à éviter Mylène toute la journée, évitant la salle des maitres, mangeant à l'extérieur un sandwich à la boulangerie du coin, et revenant en cours à la dernière minute. Mais là, pas le choix, il va bien falloir que je la voie : nous avons rendez-vous pour une répétition de la danse commune de nos deux classes pour la fête de Noël dans le gymnase de l'école. Lorsque j'arrive avec ma classe, elle est déjà là, et ses élèves sont déjà en place. Elle me fixe avec attention, puis me sourit, de ce sourire franc et sincère qui me fait me rappeler pourquoi je l'aime tant. Sans rien me dire, elle tape dans ses mains et appelle mes élèves à prendre leur position.
Alors qu'elle lance la musique, je me cale sur le côté pendant qu'elle rejoint sa place de meneuse devant le groupe, en courant. Les élèves, à son top départ, se mettent à suivre ses mouvements. Qu'est-ce qu'elle est belle ! Ses cheveux brun clair, longs et raides, s'agitent au rythme de la musique. Son sourire est communicatif : tous les élèves, bien que concentrés, se meuvent avec entrain et bonne humeur. N'y tenant plus, je finis par me positionner à côté d'elle et commence la chorégraphie. Nos regards s'arriment et je l'accompagne, calant mes mouvements dans les siens. Cette choré, ça fait deux mois qu'on y travaille. Mylène l'a créée de toutes pièces, sur la musique d'Imagine Dragons, Whatever il takes. Avec toutes les répétitions que nous avons faites avec nos élèves, tout est désormais fluide, cadencé, contrôlé. Même les moins doués sont désormais au point, et elle tient plus du flash mob que de la danse traditionnelle scolaire. C'est un choix osé, loin de ce qui se fait normalement à l'école ... Espérons que les parents vont apprécier ! Ma foi, les enfants se sont éclatés, c'est bien là l'essentiel. Au moment où la musique prend fin, nous éclatons de rire et claquons nos mains ensemble. C'est à ce moment-là qu'un bruit d'applaudissement s'élève près de la porte d'entrée. Mylène ouvre ses yeux en grand, m'invite à regarder, et je me retourne : Samuel se tient sur le seuil, l'épaule contre le chambranle de la porte, les jambes croisées, et tapant des mains.
Merde, qu'est-ce qu'il fait là ? Et beau comme un dieu ! Il porte un pantalon de costume, de coupe slim, avec une chemise bleu clair, sans cravate, avec un par-dessus sublime bleu marine ouvert et des chaussures habillés en cuir noir. Visiblement, plutôt une tenue professionnelle que décontractée.
Mylène a profité de tout le temps que je le détaille pour aller le rejoindre. Il lui fait la bise, en souriant, ce qui me provoque un pincement au cœur : qu'est-ce qui m'arrive ? Je suis ridicule.
Je m'avance également et me poste face à lui, à côté de Mylène. Il détourne son regard vers moi, toujours souriant, fouille dans sa poche et me tend la main :
— Tiens, tu as oublié ton portable chez moi. Il a dû tomber de ton sac hier soir. Je me suis dit que tu devais en avoir besoin.
Je regarde l'objet en question, sans rien dire, puis remonte mes yeux vers son visage.
— Oh, merci. Je n'avais même pas vu que je ne l'avais pas, je murmure en le prenant.
— Je me suis dit que tu ne viendrais pas le rechercher, alors j'ai décidé de te le ramener.
Fait-il référence à ma fuite là ? Je l'observe mais son expression ne reflète que de la sympathie. Je soupire, et finis par lui sourire. Mylène en profite pour aller remettre de l'ordre du côté des élèves, dont le brouhaha commence à prendre de l'ampleur derrière nous, nous laissant seuls.
Je me dandine nerveusement.
— Fallait pas venir exprès. Tu aurais pu le laisser à Mathieu, qui l'aurait passé à Mylène.
— J'aurais pu, oui.
Le sourire de Samuel s'élargit, révélant sa fossette, et je fonds à nouveau. Faut qu'il arrête de faire ça !
— C'était sympa votre choré !
— Euh ouais, c'est Mylène qui fait tout ça.
— Tu es douée aussi.
Je grimace et Samuel se met à rire.
— J'espère que tu n'es pas venu exprès jusqu'à l'école pour ça ?
— Non, t'inquiète, j'avais un client à voir dans le quartier.
— Tu as déjà fini ta journée ?
— Non, je rentre au cabinet là, j'ai encore des rendez-vous jusqu'à 18h00.
— Oh, oui, suis-je bête, il n'est même pas 16h00.
Samuel ne répond pas et baisse la tête en se raclant la gorge.
— Tu serais libre ce soir ?
— On a fini ... ce qu'on avait à faire.
Mon ton est bien plus sec que ce que je voulais. Je me mords la lèvre, honteuse.
— Oui, je sais, murmure-t-il. C'est pas ... Je voulais juste te parler.
— Me parler ? De quoi veux-tu parler ?
— De plein de choses... Et je ne suis pas sûr que ce soit l'endroit ou le moment ... Alors tu veux bien ?
Je me retourne pour regarder mes élèves. Il a raison, mais ai-je envie de parler avec lui ? Je ferme les yeux, soupire, puis les ouvre en sortant du bout des lèvres :
— Ok, juste un café alors. La taverne Amos, tu connais ?
— Oui, je vois très bien. 19h30, ça te va ? Je sais que tu n'aimes pas sortir trop tard en semaine, par rapport au bus.
J'acquiesce d'un mouvement de la tête. Son sourire est revenu, et je me maudis : putain, pourquoi je ne sais pas dire non ?
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