Chapitre 7
Généralement, je me réveille toute seule le matin, invariablement vers 6h25, juste avant que mon téléphone ne sonne à 6h30, comme si mon cerveau était branché sur l'horloge atomique de Francfort. Comme la pendule murale de ma classe. Comme je n'ai pas encore entendu la sonnerie du portable, je me doute, dans un demi-sommeil, qu'il ne va pas tarder à se mettre en route. Mais les minutes passent, et aucune note du tube de Muse, ma sonnerie du moment, ne semble retentir. Mes yeux sont lourds, je peine à les ouvrir. Dans un ultime effort, j'ouvre mes paupières, mais le décor alentour me plonge dans une perplexité noyée des brumes du sommeil. Merde, ce n'est ni mon lit, ni ma table de chevet, ni même ma chambre. J'essaie de faire le point sur ma situation, à moitié endormie, lorsque je me rends compte qu'un poids pèse sur ma taille. Un petit coup d'œil pour apercevoir avec stupeur qu'il s'agit d'un bras, enroulé autour de moi. Puis je perçois la présence d'un corps collé contre mon dos, ce qui suffit à me réveiller totalement. Et là tout me revient : je suis chez Samuel, dans son lit, et il dort collé à moi.
Situation on ne peut plus embarrassante, surtout lorsque je me rends compte qu'il bande visiblement derrière moi. Dort-il ? Apparemment oui, si j'en crois sa respiration lente et régulière. Merde, j'étais censée attendre trente minutes avant de partir, mais nous avons dû sombrer dans les bras de Morphée bien avant. Crotte. C'est gênant : peut-être qu'en me levant discrètement, je peux filer en douce ? Alors que je tente de me libérer en douceur, Samuel resserre son emprise sur ma taille. Je m'immobilise, dans l'attente. Je refais un essai, peine perdue : Samuel gémit, fourre son visage dans mon cou en soupirant, et sa main gauche, jusqu'à là immobile, se met à remonter vers mon sein droit, pour le prendre en coupe. Ouh là, situation délicate ! Surtout que mon corps, le traitre, a l'air d'apprécier. Ma peau se met à chauffer sous ses caresses. Ma poitrine sensible se gonfle. Ouf, il la délaisse enfin pour redescendre. Ah mais non, mais où va-t-il là ? La descente ne semble plus s'arrêter : il passe mon nombril, s'attarde deux secondes dans ma toison, puis plonge entre mes cuisses. Je tente de les serrer, mais il trouve un passage pour aller titiller mon bouton de plaisir, qu'il se met à malaxer. Je me cambre instinctivement, et me mets à haleter. Non, non, mais qu'est-ce que je fais ? Saleté de corps qui n'en fait qu'à sa tête ! Pas le choix, je fuis. Mais visiblement Samuel en a décidé autrement, puisque j'entends soudain sa voix, lente et endormie :
_ Attends ! Tu vas pas partir tout de suite.
_ Je travaille ce matin, je suis à l'autre bout de la ville, je susurre. Je ne sais même pas quel bus prendre.
_ Je t'emmène en voiture, si tu veux, reprend-il. Tu veux pas mettre toutes les chances de ton côté ? Plus on le fait, plus ça risque de marcher ...Promis, je vais faire vite.
Oh le félon ! Que répondre à ça ! Le temps que j'y réfléchisse, Samuel reprend là où je l'avais arrêté. Je n'ai plus les idées très claires ... et je me laisse faire quand il s'enfonce d'un coup de reins. Bon sang, je me mets à l'accompagner, d'abord dans son rythme lent puis au fur et à mesure de son accélération. J'explose rapidement, en tremblant, et il suit quelques secondes plus tard. Je respire fort, et alors qu'il me dépose soudainement un baiser sur la nuque, je me dégage prestement et me précipite vers la salle de bains. C'est n'importe quoi, ça. Je venais pour faire un bébé moi, pas pour prendre du plaisir ! En plus, je n'ai aucune rechange, et je vais devoir aller comme ça à l'école, sans pouvoir passer par chez moi. Nul. Ok, réagis ma grande : au moins prendre une douche. Je colle, c'est hyper désagréable. J'entre dans la douche, sélectionne au mieux la température du système trop sophistiquée pour moi et me savonne avec le gel douche qui traine par là. Il est trop masculin mais tant pis, ça conviendra pour aujourd'hui. Je me sèche avec un des draps de bain de l'étagère, puis j'enfile en faisant la grimace la culotte que j'ai eu le réflexe de ramasser à côté du lit. Je revêts le reste en express, brosse comme je peux mes cheveux avec mes doigts.
Lorsque je sors dans le couloir, Samuel est devant la porte, attendant visiblement ma sortie. Il se faufile derrière moi, nu comme un ver, en me lançant :
_ J'en ai pour cinq minutes chrono ! Fais-toi un café si tu veux !
Un peu abasourdie, je profite de ces quelques instants pour récupérer mon maquillage de secours dans mon sac à main, et tente de me composer un visage humain du mieux que je peux devant le miroir de son entrée. Un peu de fond de teint, un trait d'eyeliner, du mascara. Pas terrible, mais ça passera pour la journée. Un coup d'œil à mon portable pour me rendre compte qu'il est déjà 7h30. J'ai une demi-heure pour arriver dans la cour. Et pas de chance, je suis de surveillance.
Heureusement, Samuel sort de la salle de bain, toujours nu (merde, ça ne le dérange pas ?), fonce dans la chambre en face, et reviens deux petites minutes plus tard habillé et chaussé. Il s'arrête devant moi, penche la tête sur le côté pour me dévisager, puis me scrute de haut en bas, avant de revenir vers mon visage :
_ Ça va ? Tu veux qu'on parte tout de suite ?
_ Ouais, j'aimerais mieux, je dois y être à 8h00.
_Pas de souci, tu y seras. Viens.
J'ai à peine le courage de le regarder ; je baisse la tête, et passe devant lui pendant qu'il se saisit de ses clés de voiture et claque la porte derrière lui. Nous descendons un étage plus bas que le rez de chaussée, pour embarquer dans la voiture garée dans le parking du sous-sol, qui donne sur l'arrière de la rue. Le temps de récupérer la rue de Queuleu, il s'engage sur l'Avenue de Strasbourg, pour rejoindre le centre-ville. Perdue dans ma honte, je ne sais même pas dans quel type de voiture je suis montée. Des sièges en cuir, ok. Une Berline apparemment. Le sigle sur le volant m'apprend qu'il s'agit d'une BMW. Je suis bien loin de ma Yaris toute pourrie. Bon perso, les voitures ne m'ont jamais intéressée. Lui, par contre, vu son état intérieur nickel, il doit la bichonner. Ou alors elle est neuve.
Je me tourne vers le conducteur. Samuel regarde droit devant lui, concentré. Il n'a pas dit un mot depuis notre départ. Sentant mon regard sur lui, il se tourne vers moi, et m'observe, puis reprend sa position initiale, le regard droit et imperturbable. Enfin, pas tant que ça : une lueur est apparue dans ses yeux depuis qu'il a senti que je le regardais. Regret ? Amusement ? Moquerie ? Je ne le connais pas assez pour savoir. Alors je détourne mes yeux et me concentre sur la route moi aussi.
Visiblement, il sait où il va, puisqu'il s'arrête juste devant l'école. Mylène a dû lui en parler. Au moment où je me penche pour ouvrir la portière, il prend soudain la parole, rompant le silence pesant du trajet :
_ Du coup, tu n'as pas ton cartable ? me dit –il doucement.
_ Pas grave, je réponds, j'avais préparé mes cours. J'en ai pas vraiment besoin.
_ Ok, tant mieux.
Il marque une pause, puis se tourne enfin vers moi :
_ A ce soir ? Même heure ?
Je déglutis.
_ Visiblement, c'était un peu tard. Plutôt 19h00 ? Je compte rentrer chez moi ce soir...
_ Bien sûr, oui, d'accord, 19h00. Bonne journée ?
_Ouais, à toi aussi !
Je descends vite fait de la voiture, claque la portière et sans attendre me précipite dans la cour au moment où la cloche sonne. Au moment où je me retourne, je l'aperçois encore une fois qui m'observe. Il redémarre alors, et disparait.
_Dis donc, je rêve ou c'est Samuel qui t'a amenée à l'école ?
Je sursaute au son de la voix de Mylène, qui s'est glissée derrière moi. Je me retourne : elle sourit, d'un air narquois, le sourcil levé, semblant attendre une explication que je tarde à lui donner. Du coup, elle continue son interrogatoire.
_ T'as dormi chez lui ? Vous avez ... ?
_ Joker !, je lance.
_ Certainement pas ! En fait, t'as pas besoin de répondre, cocotte, c'est évident.
Elle marque une pause. Puis reprend :
_ Alors ? Vous avez accroché ? C'était bien ?
Je plisse les yeux, puis soupire.
_ Merde, Mylène, c'était pas un rendez-vous galant. Et c'était assez difficile comme ça sans que t'en rajoutes une couche.
_Oh, murmure-t-elle. J'avais pas vu ça comme ça. Désolée.
_ Laisse-moi reprendre mes esprits, et promis, je te raconterai ... un peu. Mais pas tout de suite.
La deuxième sonnerie retentit, me sauvant provisoirement. Raconter ok, mais j'ai même moi-même encore du mal à faire le point sur cette soirée surréaliste. Mylène va devoir attendre.
Ma journée se passe un peu comme elle a commencé : dans une sorte de brouillard mental. J'enchaine les activités avec les élèves, mais sans vraiment être là. J'aime bien mon travail : je m'y investis, je prépare mes cours avec beaucoup de joie et d'intérêt. Mais là, pour la première fois de ma carrière, je n'y suis pas vraiment. A l'issue de la matinée, je suis incapable de dire qui est allé au tableau, qui m'a donné les bonnes réponses, qui a accroché à l'activité, et qui n'a pas compris les notions abordées. Bon sang, voilà qui n'est guère professionnel. Aujourd'hui, j'ai de la chance néanmoins : Mylène est en sortie toute la journée avec ses élèves, Carole, Valérie et Fred, le nouveau, ont visiblement d'autres plans pour le déjeuner. Je me retrouve seule dans la salle des maitres, et ça fait un bien fou de ne pas avoir à entretenir une conversation. J'attrape un plat préparé dans l'armoire (on en a toujours quelques-uns au cas où), le place au micro-ondes, sors des couverts et m'installe.
Mon esprit dérive évidemment vers un appartement du quartier de Queuleu. J'ai l'impression d'avoir rêvé tout ça. Mais mes vêtements de la veille sont là pour me prouver le contraire. Merde, que penser de tout ça ? Je dois avouer que Samuel n'a pas profité de la situation. Il a été réglo dès le début. J'avais peur de tomber sur un profiteur. Ce n'est pas le cas. Il ne m'a pas brusquée, n'a pas tenté quoi que ce soit de choquant ; il a été doux, à l'écoute, et patient. Avec le recul, je me demande même comment il a pu se motiver suffisamment pour aller jusqu'au bout : on ne peut pas dire que j'aie été très entreprenante. Enfin au début, parce que la suite a de quoi me faire rougir : j'ai l'impression d'avoir été on ne peut réactive à ses quelques caresses. J'ai réagi au quart de tour : est-ce dû à lui ou à mon manque ? Je n'en sais absolument rien, mais je me demande bien ce qu'il a pu en penser ... Me prend-il pour une pauvre fille en manque ? Ou une nympho ? Oh la honte !!
Je jette le reste de mon plat (vraiment pas bon), attrape une pomme et retourne dans ma classe, où je me cache jusqu'à la fin de la journée.
A 16h00, je ne remonte même pas en classe et me faufile dans la rue en même temps que mes élèves. Ça m'évitera de revoir Mylène ; non pas que je n'ai pas envie de la voir, juste que je n'ai pas encore envie de lui raconter. De toute façon, quand je le ferai, ça ne sera pas avant la fin de nos entrevues, à Samuel et à moi, pour que je puisse sortir un peu la tête de l'eau. Pour l'instant, j'ai juste l'impression d'être en pleine mer, attendant patiemment d'être sauvée.
Chez moi, je prends une douche chaude, très chaude, comme je les aime : de celles qui font oublier les soucis, en décontractant totalement les muscles. Tant pis si j'ai vidé le ballon d'eau chaude, une fois n'est pas coutume.
A 18 heures, j'entreprends de m'habiller : j'opte encore une fois pour une chemise un peu longue, sur un legging noir, basique. Un coup d'œil au miroir me fait hésiter : je suis quand même loin du glamour. Dois-je tenter quelque chose de plus habillé ? D'un côté, je n'ai pas à lui plaire, je ne suis pas dans une optique de séduction. D'un autre côté, s'il a besoin d'un peu de motivation, ce n'est pas avec cette tenue que je vais la lui apporter ... Rhôô, je fais quoi ? Je coupe la poire en deux, et au lieu de mes bottes plates, j'enfile mes bottines à talons, et une très belle écharpe Burberry qui me tient chaud depuis presque quinze ans : le luxe est intemporel non ? Au moment de partir, j'attrape une culotte propre dans le tiroir de ma commode et la fourre au fond de mon sac à main. Sait-on jamais ... Chat échaudé craint l'eau froide ...
Lorsque je sonne à 19h00 précises chez Samuel, c'est avec un grand sourire qu'il m'accueille. Il a l'air de bonne humeur, rasé de près, et monstrueusement séduisant : il porte un jean noir, et un t-shirt à manches courtes, très près du corps, noir aussi. Ses cheveux ont l'air d'être encore humides, sans doute a-t-il pris une douche lui aussi. Toujours pieds nus, ça doit être une habitude chez lui. Il est bigrement beau : il le fait exprès ? Ou il n'en a pas conscience ? Je dirais que si : il le sait, impossible autrement. Une odeur délicieuse flotte dans l'air : a-t-il déjà mangé ? Moi je n'ai pas pu, trop tôt, et surtout trop stressée.
_ Tu as dîné ? s'enquiert-il en passant devant moi en se dirigeant vers le plan de travail de sa cuisine. Je suis rentré tard, je n'ai pas eu le temps : tu m'accompagnes ?
_ Euh, oui, pourquoi pas.
Je m'assieds sur le tabouret de bar derrière la console centrale, qu'il me désigne d'un geste du bras. Je me penche pour voir ce qu'il fait : il remue le contenu d'une poêle sur sa plaque à induction dernier cri, attrape les deux assiettes posées juste à côté (il avait prévu que j'accepterais ?) et dépose devant moi une assiette fumante et appétissante.
_ Porc au caramel et riz, ça te convient ?
_ Miam, ça a l'air excellent ! Tu as cuisiné toi-même ?
_ Ouais, j'aime bien cuisiner. En même temps, ça, comme plat, c'est pas bien compliqué ...
Mouais, pas compliqué, s'il le dit ... Nous commençons à manger en silence.
_ C'est très bon, vraiment.
_ Merci. Je n'ai pas pris trop de risques, c'est à peu près le seul plat que je réussis à tous les coups, plaisante-t-il dans un grand sourire.
Bon sang, qu'est-ce qu'il est beau ! Quand il rit, une fossette adorable se forme sur sa joue gauche. Ses yeux pétillent.
_ Ta journée s'est bien passée ? Les gamins n'ont pas été trop difficiles ?
_ Oui, pas de souci. En même temps, je dois bien avouer que j'ai de la chance cette année, ils sont plutôt sages.
_ CM1 ? C'est bien ça ? Ils ont quoi ? 9 ans ?
_ 10, pour la plupart.
_ Et tu fais ça depuis dix ans, c'est ça ? Une vocation ?
_ Oui, dix ans. J'ai passé le concours à 22 ans. Une vocation ? Non, pas au départ. Disons que j'y ai été un peu forcée.
_ Forcée ?
_ Ouais. En deuxième année de Fac, j'ai rempli un dossier d'allocation de l'éducation nationale. J'ai été retenue, je me suis vu offrir une bourse jusqu'en licence si j'acceptais de passer le concours d'instit. Ma mère m'élevait seule, j'ai sauté sur l'occasion de lui alléger son budget et j'ai signé. J'ai eu le concours, et j'ai foncé. Un travail stable, garanti à vie... Finalement ça m'a plu. C'est mal payé, mais je m'y sens bien.
_ Licence de lettres j'imagine ?
_ Du tout : biologie des organismes, mention écologie.
Samuel s'arrête de manger, et ouvre de grands yeux :
_ Une scientifique ?
_Bah, oui. C'est quoi ce mythe de l'instit littéraire, qui passe son temps dans les bouquins ?
_J'avoue, rit-il en écartant les bras.
_Un peu comme les avocats ou les médecins qui font du golf, quel cliché !!
Il éclate de rire. Sa fossette réapparait, et je me liquéfie.
_ Et toi ? Avocat ? C'est une vocation ?
_Oui, on va dire ça ; mon grand-père maternel l'était, j'ai suivi la tradition familiale.
_ Etait ?
_ Il est décédé depuis un moment.
_ Je suis désolée, vraiment.
_ Il me reste ma mère. Et toi ?
_ Plus personne.
Samuel s'arrête de manger et me fixe, étonné, une lueur de tristesse dans les yeux :
_ Zut, désolé également. Des frères ou des sœurs ?
_Non.
_ Et tu veux un gamin toute seule, sans personne pour t'aider ?
_ J'y arriverai. Je suis assez forte pour ça. Et ... je ne veux plus être seule. Je veux construire ma propre famille.
_ Mais pourquoi juste un gamin ? Pourquoi ne pas trouver un père et un compagnon ?
Je le fixe sans répondre. Ai-je envie de lui ouvrir mon cœur et mes raisons ? Il doit sentir mon malaise, car son sourire s'estompe.
_ Je ne veux aucun homme dans ma vie. J'ai mes raisons.
Je me lève d'un coup, récupère son assiette et ses couverts et dépose toute la vaisselle dans l'évier. J'ouvre le robinet mais Samuel retient mon bras :
_Laisse, j'ai un lave-vaisselle.
Je ne l'ai pas entendu se lever ; il est juste dans mon dos, penché au-dessus de moi. Je sens son souffle chaud dans ma nuque et je bloque ma respiration. Je deviens nerveuse quand je le sens se rapprocher encore et se coller littéralement à mon dos. Il prend ma main, me tourne vers lui, et m'entraine vers le couloir.
_ Je crois qu'on a encore un peu de travail ce soir. Je t'attends dans la chambre.
Je me retrouve dans la salle de bain, perturbée : comment l'atmosphère a-t-elle pu changer si vite ? Chamboulée par ce rapprochement soudain de nos corps, je me prépare en ne gardant que ma chemise, sors de la salle de bain, puis entre dans la chambre, plongée, comme hier, dans une douce ambiance à peine éclairée.
Il est là, debout à côté du lit. Nu ? Carrément ? Il a dû m'entendre arriver, parce qu'il se tourne vers moi. Ses yeux bleus se posent sur moi, comme deux lacs profonds dans lesquels je pourrais me noyer. Je m'avance lentement, et il passe ses bras autour de ma taille dès que je suis assez près. Je lève la tête vers lui, en silence, et je l'observe.
Sans doute prend-il ça pour une invitation, car il se penche vers moi. Au moment où ses lèvres tentent de se poser sur les miennes, je tourne la tête sur le côté, dans un moment furtif de panique. Il marque une pause sur ma joue, où sa bouche a atterri suite à mon mouvement (l'ai-je blessé ?) puis entreprend néanmoins toute une série de baisers en descendant progressivement vers mon cou, de plus en plus bas. Je pousse malgré moi un gémissement. Il se redresse, semble chercher sur mon visage s'il s'agit d'une plainte ou de plaisir, puis, apparemment rassuré, il passe sous ma chemise et remonte sur mon ventre. Il n'est que douceur, et ses mains soyeuses s'aventurent dans mon dos, où il trace des cercles qui me liquéfient.
Il me pousse doucement vers le lit, m'y allonge avant de s'allonger à son tour, en équilibre sur ses avant-bras. Ses lèvres se posent sur mon cou, s'y promènent avant de descendre dans mon décolleté. Ma respiration s'accélère, et il semble m'interroger du regard, comme s'il me demandait une autorisation silencieuse. J'acquiesce d'un furtif mouvement de tête. Il pivote sur le côté gauche, et sa main droite se lève alors pour entreprendre de déboutonner lentement ma chemise. Sa tâche réalisée, il la plonge sous le tissu et en écarte les pans. Il reprend alors sa série de baisers, qui deviennent moins légers, plus passionnés, au fur et à mesure qu'ils descendent. Merde, où va-t-il comme ça ? Il a dû sentir mon agitation, puisqu'il cesse sa descente et remonte vers mon visage. Son regard est braqué sur le mien, alors qu'il écarte soudain mes jambes avec une des siennes. Mon silence doit lui sembler lui donner le feu vert, car il plonge alors en moi, lentement, prenant visiblement le temps d'observer mes réactions. Aucun souci de ce côté-là, je l'accueille en fermant les yeux. Alors que la tension monte au fur et à mesure de ses allers retours qui accélèrent, je sens soudain sa main qui remonte ma jambe gauche vers le haut. Il change d'angle, s'enfonce plus profondément en m'arrachant un gémissement étouffé. Je ne maîtrise plus rien. Il passe alors sa main entre mes jambes, et le simple contact de son pouce sur mon clitoris précipite ma chute : j'explose comme un feu d'artifice, luttant pour ne pas crier. Samuel relève la tête, plante son regard dans le mien et me rejoint dix secondes plus tard dans un râle. Il s'effondre sur moi, haletant. Ses lèvres me picorent mon cou, puis il s'immobilise en posant son front contre mon épaule.
Combien de temps restons-nous ainsi ? Une éternité me semble-t-il. Que s'est-il passé ? Pourquoi cette fois-ci a-t-elle été si différente de la veille ? Je ne comprends plus rien, l'émotion est trop grande. Je finis par le pousser doucement, je me lève, m'habille à la hâte sans même prendre le temps de prendre une douche. Pas le temps, pas envie ; je ne veux plus qu'une chose, sortir vite fait de l'appartement et rentrer chez moi. J'attrape mon sac sur la console de l'entrée, et dans mon agitation, il tombe, répandant son contenu sur le sol de l'entrée. Au fond du couloir, dans la pénombre, j'aperçois le grand corps massif de Samuel, immobile, face à moi. Je ramasse le tout le plus vite possible, ouvre la porte et la claque aussitôt. Je descends les escaliers à la hâte, pousse porte et portail extérieur et me mets à courir sur le trottoir. Par chance, un bus vient d'arriver. Je m'effondre sur un siège et ferme les yeux.
Voilà, je l'ai fait. C'est fini. Et je me mets bêtement à pleurer.
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