Chapitre 23

Les rues sont froides, le silence lourd, mais je ne faiblis pas et concentré mon courage pour la quête qu'Azraël m'a sommé de faire.

Caîn, ce nom murmuré sur toutes les lèvres avec appréhension, est dans tous les esprits. Ce dernier tue sans remords, laissant derrière lui le chaos et la désolation. Cependant, je suis là à guetter, plus déterminée que jamais.

Chaque nuit depuis une semaine, je sens sa présence, un souffle glacial qui précède ses crimes. La ville le craint depuis plusieurs jours maintenant, mais moi, je dois le traquer et l'arrêter au plus vite.

Je le cherche depuis des jours, mais ce soir, je sens que tout est différent. L'air est plus pesant, chargé de quelque chose d'inhabituel, comme une tempête sur le point d'éclater.

Caîn n'est pas un simple tueur, il choisit ses victimes avec minutie. Il s'en prend à des criminels semblables à ceux que je traque moi aussi. Pourtant, il y a quelque chose d'incompréhensible dans ses meurtres, une rage incontrôlable qui brûle tout sur son passage. Or, pourquoi lui et moi, qui luttons contre le même mal, sommes-nous si opposés ?

Alors que je me glisse dans l’ombre des immeubles, mes mains tremblent légèrement. Je sens la chaleur monter sous ma peau, un frémissement familier. Le feu. Ce nouveau pouvoir que l'ange de la mort m'a donné. Je ne le contrôle pas tout à fait, mais cette nuit, je suis tout de même prête à l'utiliser si nécessaire.

Soudain, je le vois. Une silhouette au loin, le dos tourné, immobile. C'est lui, Caîn. Mon cœur s'emballe, mes doigts s'embrasent d'une lueur rougeoyante. Celui-ci sait que je suis là, je le sens. Ce n'est pas un simple tueur, il est quelque chose de plus sombre. Mais pourquoi élimine-t-il ceux que je cible également ? À quel jeu joue-t-il ?

Je m'approche, la chaleur dans mes mains affluant doucement, mais avec fébrilité.

– Pourquoi ? Lancé-je, ma voix fendant le silence, presque suppliante. Pourquoi tu t'en prends à ceux que je dois juger ?

Hélas, au lieu de me répondre, il se retourne lentement vers moi. Ses yeux, brillants dans la pénombre, semblent tout savoir, tout comprendre et dans un murmure presque inaudible, il me répond :

– Parce que toi aussi, tu n’es qu’une pièce du puzzle.

Ses mots résonnent en moi comme un coup de tonnerre. Je reste figée, incapable de détourner le regard de ses yeux, ces abysses froids et insondables.

Une pièce du puzzle ? Ce qu’il dit n’a aucun sens… ou peut-être que si, dans un sens.

Depuis que j’ai commencé à traquer les criminels, je me suis sentie poussée par une force plus grande, un besoin irrépressible de rendre justice, de punir tout ceux qui le méritaient. Mais je ne me suis jamais vraiment questionné sur la provenance de cette rage. Car même si j'ai subi la cruauté au point d'accepter le pacte d'Azraël, rien ne me conduis à une telle haine qui me consume de plus en plus chaque jour.

Le feu dans mes mains vacille et se fait hésitant. J'aperçois Caîn faire un pas vers moi, et malgré l’obscurité, je vois enfin son visage clairement. C'est certain qu'il n’est pas humain, ou du moins, pas entièrement. Son aura est noire, presque tangible, comme si les ombres elles-mêmes étaient à son service. Mais ce qui me glace le sang, c’est l’absence de malveillance. Ce n’est pas un monstre assoiffé de sang, c’est un bourreau, tout comme moi.

– Je tue ceux que tu épargnes, murmure-t-il calmement tel un aveu, ceux que tes mains n'ont pas encore consumés. Au sens propre, comme au sens figuré.

Ace moment, je sens la chaleur revenir brusquement envahir mon corps, déchirant le voile de confusion qui m'enveloppe.

– Tu n’as pas le droit ! crié-je, une flamme volant dans un crépitement violent.

Seulement, mon interlocuteur n’affiche aucune once de peur. Il se contente de sourire, un rictus froid et calculateur sur ses lèvres charnues.

– Je ne fais que compléter ce que tu as commencé, Naya. Nous sommes liés. Chaque flamme que tu allumes, je l’éteins. Chaque criminel que tu poursuis, je le tue. Tu crois être libre, mais tu joues le rôle que l’on t’a assigné.

Mes mains tremblent de surcroît, et le feu menace de m’échapper de nouveau.

Non… ce n’est pas possible. Je suis celle qui décide, celle qui choisit. Je suis la justice. Or, une petite voix en moi chuchote que Caîn dit peut-être la vérité. Et si je n’étais qu’un pion ? La marionnette d'Azraël dans un jeu plus vaste que je ne le pense ?

– Qu’est-ce que tu es… réellement ? soufflé-je, tentant de maîtriser le chaos au fond de moi.

Il s'approche encore, jusqu'à être à quelques pas seulement de mon visage.

– Je suis ce que tu deviendras. Ce que ton feu finira par faire de toi. Tu crois contrôler cette puissance, mais elle te contrôle déjà. Bientôt, tu comprendras que la justice que tu poursuis n’est qu’une illusion. Nous ne sommes pas si différents, toi et moi.

Je n'y comprends rien, comme si ses paroles avaient un autre sens, un sous-entendu. Comme s'il fallait que je lise entre les lignes.

À ces mots, il disparaît dans l'obscurité, ne laissant derrière lui que le silence et mes doutes, toujours plus brûlants que les flammes que je tente de maîtriser.

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