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D'abord le choc, puis l'incompréhension. Même dans l'obscurité, je parviens à distinguer les traits du visage de cette femme. Similaires aux miens. C'est d'elle que je tiens mes yeux. Quelques mètres à peine nous sépare, c'est déjà beaucoup trop pour moi. Que fait-elle ici ? J'ai tant de fois voulu ce moment. Enfant, lorsqu'on m'a appris mon adoption, j'ai espéré rencontrer cette femme un jour. Celle qui m'a mise au monde. J'ignore pourquoi, mais je voulais savoir qui elle était.

À l'adolescence, la colère a pris place. Je lui en voulais terriblement mais je voulais toujours la voir. Je voulais qu'elle voit ce que je suis devenu. Je voulais la regarder droit dans les yeux et lui dire que je n'ai pas eu besoin d'elle et que son absence ne m'a pas empêché d'être celui que je suis.

Aujourd'hui, à 29 ans je me retrouve face à elle. Il y a ni colère, ni joie, ni peur. Seulement un vide immense. Elle n'ose pas briser la distance qui nous sépare alors je fais deux pas en avant.

« - Ne m'appelle pas fils.

- [...]

- Que veux-tu ?

- Je...Je voulais simplement te voir.

- Tu m'as vu, maintenant pars.

- Ibrahim, je sais que tu dois m'en vouloir et te poser des questions.

- Je ne t'en veux pas. Je ne te connais pas. Tu m'indiffères totalement. »

Je vois ses yeux briller dans la pénombre. Mon indifférence lui fait mal. Tant mieux. Je fais demi-tour et rejoint notre immeuble sans me retourner. Je ressens sa présence derrière moi. Lorsque la porte se ferme derrière moi, je me tourne enfin, elle n'est plus là.

AZHAR

Il est rentré et n'a rien dit. Il s'est contenté de m'embrasser et de caresser mon ventre avant de s'enfermer dans la salle de bain. Ça fait vingt minutes maintenant et je commence à m'inquiéter. J'éteins le four avant d'aller toquer à la porte de la salle de bain. J'essaye d'ouvrir, elle n'est pas verrouillée. Je décide d'entrer.

Ibrahim est devant le miroir, une serviette autour de la taille. Il a l'air épuisé et il y a autre chose. Je ne veux pas l'assaillir de question. Je veux qu'il me parle. Mais je sais que ce sera difficile.

Je m'approche doucement de lui et l'enlace par la taille, la tête contre son dos. Les battements de son coeur m'apaise.

« - Tu es près pour manger ?

- J'ai un truc à faire, ne m'attends pas.

- Qu'est-ce que tu vas faire ?

- Rien d'important. »

Je le sens se raidir donc je m'écarte de lui. Il quitte la salle de bain pour la chambre. Je n'ai pas envie d'avoir l'air de le suivre alors je le laisse faire. Je commence à mettre la table pour deux personnes. Lorsqu'il réapparaît habillé et prêt à partir.

« - Tu as mis deux assiettes. Je t'ai dit que je devais régler quelque chose.

- Tu as dis que ce n'était pas important donc, ça peut attendre demain.

- Je ne serai pas long. »

Je reprends ses couverts et les range. J'entends la porte claquer derrière mon dos. Je sais que je dois me montrer patiente mais parfois, c'est au dessus de mes forces.

Je suis tellement frustrée et en colère. Je mange debout dans la cuisine. Énervée je décide d'aller me coucher.

[...]

Je suis réveillée en pleine nuit par des mouvements dans la chambre. Je regarde l'heure, 2h40. Plus 5 heures après son départ ce n'est que maintenant qu'il rentre. Il retire ses vêtements et s'allonge à mes côtés.

« - C'est réglé ?

- Quoi ?

- Ce qui te pousse à laisser ta femme enceinte en pleine nuit sans donner d'explication. C'est réglé ?

- [...]

- Ne commence pas.

- Dégage.

- Pardon ?

- Je ne veux pas de toi à mes côtés. Pars.

- C'est mon lit.

- D'accord. »

Je me lève, enfile ma nuisette et rabat la couverture sur le lit. Je prends une couette et un oreiller et m'apprête à sortir lorsqu'il me rattrape.

« - Arrête tes gamineries !

- Non ! Cette fois-ci tu vas arrêter tes gamineries. Pourquoi est-ce que tu ne me parles pas ?! Tu pense toujours être tout seul. Comme si la vie tournait simplement autour de toi. Tu n'est pas seul. Il y a moi et ce bébé. Je suis fatiguée. Je ne peux pas avoir une grossesse tranquille parce que je passe mon temps à m'inquiéter  pour toi.

- [...]

- Tu n'as rien à me dire ?

- Je ne te demande pas de t'inquiéter pour moi.

- Très bien. »

Il ne me retient pas lorsque je pars. J'en ai fini de toujours courir après lui pour avoir des explications. Je m'allonge sur le canapé et commence à m'endormir lorsque je sens qu'il m'observe. Je décide de lui tourner le dos.

Il s'installe à mes côtés sur le canapé.

« - Elle est revenue.

- Qui est revenu Ibrahim ?

- Ma...cette femme. Si tu l'avais vue. Elle va bien. Je n'ai jamais espérer qu'elle aille mal mais...c'est la femme d'un notable. Elle a d'autres enfants avec cet homme. Cette salope...

- Ne dit pas ça.

- Elle a fait ça pour l'argent Azhar. Elle a rencontré un homme qui pouvait lui offrir la vie que mon père ne pouvait pas. Elle ne lui a jamais dit qu'elle avait un fils. Elle m'a laissé au Maroc et elle s'est enfuie avec lui.

Il se lève et commence à tourner en rond dans la pièce. Il avait les yeux qui brillaient. Il allait pleurer je le sentais.

« - Je suis une merde pour que cette salope se  taille pour de l'argent ?

- Bien-sûr que non, dis-je en me levant.

- Pourquoi elle revient maintenant ? Je n'ai pas besoin d'elle ! J'ai été élevé par une reine. Cette pute pense qu'elle peut se pointer du jour au lendemain pour se racheter une conscience. »

Il avait tellement mal. Je le ressentais au plus profond de moi-même. Ça me brisait le coeur. Mais c'est moi qui lui ai demandé de parler. Alors je dois être forte. Je ne peux pas craquer. Je dois lui montrer qu'il peut me faire confiance et me parler.

« - Ne l'insulte pas Ibrahim. Cette femme t'a donné la vie. Elle est partie, aujourd'hui elle est là. Peut-être qu'elle regrette on doit savoir pardonner dans la vie

- Je lui ai pardonné depuis longtemps Azhar. Mais je ne veux pas de cette femme dans notre vie. J'avais besoin d'entendre. J'avais besoin de savoir pourquoi et maintenant que je le sais, je ne veux plus jamais la revoir.

- Je comprends. Je te demanderai pas une telle chose. Tout ce que je veux c'est que tu sois enfin en paix et que tu sois heureux. Mais, est-ce que tu es sûr d'avoir tout compris ? Peut-être que la colère...

- Je te dis, que je ne veux plus jamais revoir cette femme !

- Peut-être que quand tu seras moins en colère...

- Non ! Elle me dégoûte Azhar, je voulais la gifler tu ne sais pas comment je me suis retenu.

- Elle va sûrement chercher à te revoir maintenant.

- Si elle me cherche elle me trouvera. J'ai été bien clair avec elle. Elle se tiendra loin de ma famille. »

Je l'enlace et il me serre fort contre lui. Je ne sais pas combien de temps nous restons ainsi. Mais lorsqu'on se détache enfin et que je vois les larmes couler sur ses joues...C'est beaucoup trop pour moi

« - J'étais une erreur Azhar, elle n'a jamais voulu de moi. Pourquoi elle a pas avorté ?

- Astaghfirullah ne dit pas ça ! Si elle avait  fait ça tu ne serais pas là aujourd'hui. Je pense qu'elle t'aimai Ibrahim et qu'elle t'aime toujours, elle a sûrment cru qu'elle arriverait à gérer mais elle n'a pas réussi.

- Quand on aime, on abandonne pas. Je n'abandonnerais jamais notre enfant. Je ne t'abandonnerais jamais.

- Tu n'as jamais pensé a elle. Tu ne t'es jamais demandé comment elle allait ? Si elle ne manquait de rien ? Si elle était en sécurité ?

- Non. »

Il ment et je le sais. Mais je n'ose pas le contredire. Il a pris sa décision. Il ne veut plus entendre parler de cette femme et je respecte son choix.

« - J'ai une mère. Je ne veux plus en parler. »

Alors je n'en parlerai plus. Il caresse doucement mon ventre puis soulève ma nuisette. Il se met à genoux devant moi et pose ses lèvres sur mon ventre.

« - Toi je ne t'abandonnerais jamais dit-il. »

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