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Ces quelques jours sans lui ont été difficiles. Je me suis levée seule, j'ai mangé seule et je me suis couchée seule. Heureusement que le travail m'occupait l'esprit m'empêchant de céder à la paranoïa. Il m'a envoyé des messages et appelé à plusieurs reprises mais, j'avais pas le cœur à faire la conversation. Et pourtant, il me manque terriblement. Peut-être les hormones de grossesse, ou cette boule qui prend place dans mes tripes. Je me rends compte que ma confiance en lui est réellement ébranlée. Je ne vais pas lui dire car nous faisons des efforts pour sauver notre mariage et nous attendons un enfant. Cependant, je ne suis pas sereine à l'idée qu'il soit seul dans une ville avec des femmes autours. Je suis si tête en l'air que je me trompe dans mes étiquetages. Heureusement, Hyzia me fait confiance. Ce n'est pas le genre de patronne à surveiller mes faits et gestes. Je me dépêche de corriger mes erreurs afin de ne pas prendre trop de retard.
Ibrahim n'est pas ma seule préoccupation, ma grossesse commence à se faire ressentir. Je suis épuisée. Il va être difficile de tenir le rythme. Je ne suis pas sure de pouvoir rester debout toute la journée. Je vais devoir en discuter avec Hyzia et le reste de l'équipe. En rentrant ce soir-là, je m'active dans le ménage parce que j'ai laissé le bazar s'accumulé. Je veux qu'il rentre dans un foyer propre et accueillant. Je veux que lorsqu'il se sente étranger dehors et apaisé lorsqu'il passe la porte de notre appartement. Il rentre demain et je sais qu'il a été perturbé par mon comportement de la veille.
Avant de me mettre au lit, je rallume mon téléphone pour lire mes messages. Il me confirme rentrer demain en début de soirée et me souhaite une bonne nuit. Je commence à taper la réponse lorsque mon reflet dans le miroir m'interpelle. Je suis épuisée et ça se voit. Je m'examine longuement lorsque mon regard s'attarde sur ma silhouette. Mon ventre forme une petite bosse. Pas visible pour des inconnus. Mais ayant toujours été mince avec un ventre plat, ce détail ne m'échappe pas.
Je me place de profil et tire le tee-shirt rendant la bosse encore plus visible. Je caresse mon ventre, chose que je fais très rarement. Mon téléphone dans la main, je me place correctement devant le miroir et prend une photo. J'hésite avant de lui envoyer. Moins d'une minute plus tard, mon téléphone sonne.
« C'est déjà aussi gros, dit-il lorsque je décroche.
- Ce n'est pas vraiment gros mais comme je suis maigre, il ressort beaucoup.
- Attend, je fais une vidéo. »
Nous nous retrouvons face à face. Il est allongé torse-nu dans son lit. Je donnerai tout pour l'avoir ici avec moi.
« Soulève le tee-shirt et montre-moi. »
Je fais ce qu'il me dit. Il a l'air fasciné pour l'image. Mon nombril est légèrement gonflé et le bas de mon ventre également. Mais aucun mouvement de bébé pour le moment.
« J'ai hâte de rentrer, dit-il en soupirant. Il bouge ?
- Non, c'est beaucoup trop tôt. Je vais gonfler comme un ballon.
- J'ai aussi hâte de voir ça. Tu me manques.
- Toi aussi tu me manques.
- Ah bon ?
- Bien sûr !
- Tu étais bizarre hier. J'avais l'impression de te déranger. »
Je ne sais pas quoi lui répondre alors je me contente de m'allonger à mon tour sur notre lit.
« Je suis stressée et fatiguée. J'ai passé la journée dans les rayons.
- Tu n'as pas encore annoncé ta grossesse.
- Je le ferai demain si j'ai l'occasion.
- Ne force pas Azhar. Tu sais que tu n'as pas besoin de ce travail. Je prendrai toujours soin de vous. Si t'es trop fatiguée laisse tomber.
- Je verrai demain, d'accord ?
- Humm baisse un peu la caméra ?
- Comment ça ?
- Baisse.
- Ibrahim !
- Bah quoi ? Je veux voir si y'a eu du changement par là.
- Je vais raccrocher, dis-je en baillant. À demain.
- À demain, je t'aime.
- Je t'aime aussi. »
[...]
« Tu aurais du me le dire Azhar ! Tu as passé la semaine dans les rayons.
- On manque encore d'effectif, je ne voulais pas faire des caprices.
- Donc, tu vas être maman.
- Oui, je suis désolée. Je sais que tu as besoins de l'équipe au complet avec l'ampleur que ça prend.
- Mais qu'est-ce que tu racontes ?! C'est une super nouvelle. Félicitation c'est le futur papa qui doit être content !
- Merci, oui nous sommes très heureux.
- Tu es à combien de mois ?
- J'entre dans le troisième mois. »
J'ai passé le reste de l'après-midi dans la réserve, assise, à préparer les commandes. Dès qu'elle avait l'occasion, Hyzia me rejoignait et on discutait de tout et de rien mais surtout de ma grossesse. Elle avait les yeux pleins d'envie. Ce n'était pas de la jalousie, seulement le désir de connaître ce bonheur un jour et je lui souhaite. Hizya est encore célibataire, pourtant c'est une femme magnifique. Je ne comprends pas, si j'étais un homme je tenterai ma chance sans hésitation.
IBRAHIM
Azhar n'est pas encore rentrée. Je suis parti plus tôt que prévu et par chance, j'ai pu échanger mon billet et prendre le train. Après m'être un reposé, je regarde ce qu'il y a dans le frigo. Je n'ai pas envie qu'elle se précipite dans la cuisine en rentrant du travail. Mais, je suis trop fatigué pour cuisiner. Je décide de réserver une table pour ce soir. Je repense à cet hôtel avec espace privatif donc mon collègue m'avait parlé. Il y a emmené sa femme et elle énormément apprécié. Je lui demande l'adresse par SMS et appel pour réserver. Après quelques minutes de négociations je réserve pour une nuit. La soirée va être parfaite.
Je vais dans la chambre préparer nos sacs lorsque la porte s'ouvre. Les pas se rapprochent et quelques secondes plus tard, elle apparaît enfin. Je ne sais pas lequel de nous deux s'est avancé le premier mais nous nous retrouvons sur le lit pour un très long câlin.
« Ibrahim, tu m'écrases.
- Pardon, dis-je en me relevant rapidement. Montre moi ton ventre. »
Je m'assois sur le lit et elle se tient debout entre mes jambes. Je relève son pull et ne peut plus détacher mes yeux de la petite bosse que forme déjà son ventre. C'est absolument fascinant. J'ai encore du mal à réaliser que c'est notre bébé là-dessous. Je pose mon oreille sur son ventre et j'entends un bruit sourd.
« Bébé et moi avons faim.
- Pardon, tu dois être épuisée.
- Pas trop, j'ai parlé avec Hyzia. Je vais diminuer la cadence.
- Parfait, même si je pense que tu devrais arrêter...Tu as envie de sortir comme ça ?
- Sortir ?
- Oui, on va passer la nuit dehors.
- Où ça ?
- C'est une surprise. Mais j'ai réservé pour 20h30.
- Je prends une douche et je me change. »
[...]
L'ambiance est légère dans la voiture. Nous sommes tellement bien ainsi. Elle a été étrange durant mon absence, j'avais peur qu'elle soit fâchée contre moi et qu'elle soit toujours autant méfiante. Elle me regarde comme au premier jour et ça me retourne l'estomac. Nous nous arrêtons devant le restaurant très prisé à Boulogne. Elle semble appréciée le quartier, elle ne sait pas encore la grosse surprise que je lui prépare.
Nous sommes accompagnés jusqu'à notre table et elle a toujours le sourire aux lèvres. Je ne peux pas être plus heureux qu'à cet instant précis.
« - Tu aimes ?
- C'est magnifique, j'aurai peut-être du mieux m'habiller...
- Tu es parfaite. »
Azhar est une femme naturellement élégante. Grande et élancée. Elle avait pris du poids après notre mariage mais elle a beaucoup maigri après notre séparation...Ses yeux verts, sa peau si douce et si nette, ses longs cils, ses lèvres charnues, ses doigts délicats, sa voix qui peut me faire délirer au moment opportun...
« Ibrahim ! Est-ce que tu m'écoutes.
- Non.
- J'en était sûre.
- Je te regarde c'est pour ça.
- Humm d'accord, je te pardonne pour cette fois.
- Qu'est-ce que tu me disais ?
- Je ne sais pas quoi prendre.
- La souris d'agneau. Tu verras, ça va te plaire.
- D'accord, je te fais confiance. »
AZHAR
Je ne me suis jamais sentie à l'aise en maillot de bain. Mais après le massage Ibrahim a insisté pour qu'on aille dans la piscine. Après le diner, qui fut d'ailleurs délicieux, il m'a emmené dans un château en pleine campagne qui fait office d'hôtel, spa et restaurant tout ça, la nuit. Ce soir-là, seulement trois couples dont nous, avons réservé. Il s'agit d'un lieu assez sélectif et qui limite les réservations à quelques personnes. Nous nous sommes fait masser et ensuite, nous avons profité du sauna et même de la piscine. De retour dans notre chambre, on profite d'un plateau de fruit et de cocktails délicieux. Mais, très vite, l'ambiance devient coquine comme toujours avec lui.
« Ibrahim, arrête.
- J'ai encore rien fait.
- Tant mieux dans ce cas, dis-je avec un grand sourire.
- Et tu me nargues en plus, il grogne alors qu'il à la tête enfouit dans mon coup.
- Tu ne t'arrête jamais !
- Quoi encore ?
- On ne peut pas, je suis enceinte.
- Il n'y a pas de risque pour le bébé, laisse moi faire.
- Mais....
- Ne parle plus, tu peux crier si tu veux personne ne viendra te sauver, dit-il en riant après m'avoir retiré mon peignoir.
- Tu vas trop loin parfois !
- Je plaisante, allonge toi et ferme les yeux. »
[...]
Nous sommes allongés l'un contre l'autre, tentant de reprendre nos souffles. Ibrahim s'endort déjà, je suis prise d'un fou rire.
« Qu'est-ce qui te fait rire ?
- Rien, dis-je en riant.
- J'aime te voir comme ça, mais si tu te moques de moi...dit-il d'un ton faussement menaçant.
- Je pense juste à quelque chose.
- Parle.
- Non, c'est un truc de femme.
- J'ai vraiment envie de savoir.
- C'est un truc de fille Ibrahim et en plus, c'est stupide.
- Non, raconte je suis intéressé là.
- Un jour, une de mes voisines s'est mariée, c'était bien avant la guerre. J'avais treize ans à l'époque. Trois jours après son mariage, ma mère m'a emmenée chez le coiffeur, elle devait aller travailler donc elle m'a laissée seule là-bas. Ma voisine qui s'était mariée y était également. C'était en fin de journée il n'y avait qu'elle, moi et la coiffeuse. La coiffeuse lui a demandé comme s'était passée la nuit. J'étais très naïve donc je ne comprenais pas vraiment de quoi il s'agissait. Puis, elles se sont tournées vers moi et m'ont dit de boucher mes oreilles. Ce que j'ai fait mais, pas totalement parce que je voulais entendre.
- Et donc, qu'est-ce qu'elles ont dit ?
- Elle a répondu que son mari faisait ça "comme les vieux" et qu'il s'endormait directement après...Tu t'endors toujours après toi aussi, donc ça me faisait penser à ça, c'est tout. »
Il se redresse immédiatement et je ne peux pas m'empêcher de rire face à sa réaction.
« Qu'est-ce que tu veux dire par "il fait ça comme un vieux" ?!
- Je ne sais pas ce qu'elle voulait dire par là, mais je me suis demandée ce qu'il avait fait comme un vieux pour s'endormir directement après.
- Azhar ?!
- Oui ?
- Arrête de rire, je vais te poser une vraie question !
- D'accord mon amour.
- Tu aimes ce qu'on fait ?
- Tu as des doutes monsieur "je gère laisse moi faire" ?
- Azhar !
- Oui ?
- Tu n'as pas répondu.
- Tu as vraiment besoin que je te le dises ?
- Oui, c'est important pour moi.
- Pourquoi ? C'est important que j'aime ou important que tu sois sur de ne pas faire ça mal ?
- Mais putain qu'est-ce qui t'arrive ?! C'est la grossesse ? Les hormones la c'est ça ?
- rire
- Arrête de rire !
- J'aime beaucoup.
- [...]
- Je voulais juste te taquiner un peu, dis-je en m'installant à califourchon sur ses genoux.
- T'es nulle en blague.
- rire
- Laisse-moi dormir, maintenant que j'ai fait ça comme un vieux.
- Tu fais ça très bien. »
[...]
Nous prenons notre petit déjeuner sur la magnifique terrasse. Ibrahim est grognon, je sais que ce n'est pas à cause d'hier soir car, il est toujours grognon le matin. J'ai voulu piquer un petit peu son égo j'espère juste qu'il n'a pas pris ça au sérieux.
« À quoi tu penses ?
- Rien d'important.
- Tu es dans la lune.
- Je pense au prénom du bébé. Tu as une idée.
- Si c'est une fille j'aimerais bien Hayat et si c'est un garçon j'aimerais bien Idriss. Et Inaya ou Malick. On pourra appeler les autres comme ça ?
- Tu penses déjà aux autres ?
- Oui.
- Il faut pas que je fasse ça comme un vieux alors. »
Nous éclatons de rire tous les deux et je quitte ma place pour m'installer sur ses genoux.
« On va pas s'arrêter ici, je veux une équipe de foot.
- Pas plus de trois.
- Huit.
- Tu es fou, de toute façon c'est Allah qui décide.
- Tu as raison. »
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