63
63
Pendant mon sommeil, je l'ai senti se rapprocher de moi. Je n'ai pas bougé. Je ne l'ai pas repoussé. Il était derrière. Torse nu. Son corps chaud a emprisonné le mien contre le sien. La chaleur qui se dégage de lui est incroyable, est-ce qu'un être humain peut être aussi chaud ? Ou alors est-ce moi qui ne parvient pas à réguler la température de mon corps ? Ses lèvres sur mon crâne, ses doigts qui se déplacent sur mon dos, lorsqu'ils atteignent ma cicatrice je ne peux m'empêcher de frémir tout contre lui.
Alors il m'embrasse dans la nuque et sa main glisse sous mon débardeur pour se poser sur mon ventre. Là aussi, il y a une cicatrice. Celle de cette lame qui a transpercé mon ventre et qui m'a arraché mon enfant. Notre enfant. Ibrahim passe son doigt sur la cicatrice et j'ouvre les yeux. Je retire sa main. Je ne veux pas qu'il me touche là. Je me retourne pour lui faire face.
« - Je t'ai pourtant dit que je voulais dormir seule.
- Je n'ai pas pu m'en empêcher. Désolé de t'avoir réveillée.
- Je ne veux pas que tu me touches là.
- [...]
- C'est la seule chose que je t'ai demandé Ibrahim.
- Je suis désolé.
- [...] »
Je m'allonge sur le dos, fixant le plafond. Je ne regrette pas son retour mais est-ce que je lui ai totalement pardonné ? Je n'en suis pas certaine. Il y a toujours une forme de rancoeur en moi. Je veux que les choses fonctionnent. Mais, on y arrivera pas si la mort de notre enfant continue à me hanter de cette façon. Je sais que je ne ferai jamais le deuil de cette perte, mais je ne peux pas en vouloir continuellement à Ibrahim.
« - Tu regrettes ta décision ? me demande t-il. »
Quand je tourne la tête pour l'observer, j'ai comme l'impression qu'il a coupé sa respiration. Comme si la reprise de son souffle dépendra de ma réponse. Je ne veux pas lui briser le cœur. Je ne veux plus qu'on se fasse du mal. Je ne veux pas lui dire ce que je ressens, pas aujourd'hui. Je ne veux pas tout gâcher.
« Non, je ne regrette rien. »
Il reprend son souffle. Et je me met sur le côté pour l'observer. Il y a quelques mois, je n'aurais pas eu le courage de lui faire face ainsi. Mais je ne suis plus la même, j'ai changé. Je suis une Azhar différente. Plus confiante et sûre d'elle.
« - Tu sais, je comprendrai si tu veux que je partes.
- Est-ce que je t'ai demandé de partir ?
- Non.
- Très bien, alors arrête.
- Je vois bien qu'il y a quelque chose Azhar. Je sais que tu m'en veux. C'est pour ça que tu ne veux pas que je touche la cicatrice.
- [...]
- Je me rends compte, que je n'aurais pas du te mettre la pression pour que tu reviennes.
- C'est toi qui regrette maintenant ?
- Non, mais je ne sais pas si je pourrai continuer à vivre avec une femme qui me voit comme un meurtrier.
- Je ne te vois pas comme un meurtrier.
- Tu m'as dit que c'était moi qui l'avait tué. Tu le penses toujours ?
- [...]
- Tu sais, les premières semaines quand tu étais hospitalisée, je n'ai pas arrêté de prier. S'il fallait prendre ma vie et te rendre celle de notre enfant je l'aurais fait.
- Ne dit pas des choses pareilles.
- Je ne t'en veux pas de le penser. Parce que tu as raison. Je suis un meurtrier. C'est de ma faute s'il est mort. Et si je te rappelle toujours sa mort alors, je ne veux pas te forcer à rester avec moi.
- À quoi tu joues ?! Tu m'as poussé à revenir et maintenant tu fais ça ? »
Il se relève et s'assoit dos à moi sur le lit. Je vois son corps trembler et je comprends qu'il pleure. Je ne l'ai jamais vu pleurer ainsi. Vous imaginez, voir votre propre mari pleurer ainsi devant vous. Je me sens honteuse et j'ai tellement mal au coeur. C'est moi qui le rend malheureux. Je lui fait du mal. Je m'approche de lui tout doucement. J'ai peur qu'il me repousse mais il ne le fait pas. Je le sers fort contre moi.
« On va s'en sortir d'accord, lui dis-je. Je ne veux pas que tu partes. Je ne regrette pas mon choix et tu n'es pas un meurtrier. Je ne voulais pas te faire du mal, je suis désolée. »
Il ne dit rien, il ne veut pas me faire face. Alors il se lève et quitte la pièce. Je ne le suis pas car je sais qu'il a besoin d'être seul. Je ne veux pas l'étouffer. Je ne veux pas non plus qu'il ait honte d'avoir pleuré devant moi. Je quitte la chambre à mon tour. Je prends une douche et change le pansement que j'ai à la tête. Il a quitté l'appartement ? Pour aller où ? Je l'ignore totalement. Yousra m'appelle pour prendre de mes nouvelles et je lui annonce le retour d'Ibrahim.
Elle ne dit rien. Je ne sais pas si elle pense que c'est une bonne chose et en réalité, je m'en fiche. C'est ma vie, ma décision. Elle ne peut pas me juger alors qu'elle s'est remise avec Mounir il y a peu de temps. Finalement, je mets fin à la conversation en prétextant un mal de crâne qui n'est pas totalement faux. J'ai également très faim. Mais je veux attendre le retour d'Ibrahim avant de manger.
La journée passe et mon mari est toujours absent. Je l'appelle mais il ne répond pas. J'ai envie d'appeler ses amis mais je ne veux pas les inquiéter et je sais qu'Ibrahim n'aime pas exposer ses problèmes. Alors je l'attends non sans une certaine angoisse. Il est parti depuis ce matin et nous sommes en début de soirée à présent. La nuit commence déjà à tomber. Est-ce qu'il lui ait arrivé quelque chose ? Est-ce que je vais le perdre lui aussi ?
Résignée, je décide de téléphoner à ses sœurs. Kaïna ne l'a pas vu depuis plusieurs jours, il en est de même pour Sofia. Mais elles ne manquent pas de remarquer toutes les deux que je prends de ses nouvelles. Chose que je n'ai pas faite depuis longtemps. Elles devinent que la situation a évolué. Elles aussi ne disent rien, mais je sens qu'elles sont satisfaites de cela.
Je décide donc d'appeler sa mère. Je suis beaucoup plus avares sur les informations que je partage. Je ne veux surtout pas qu'elle commence à s'inquiéter. Mon oncle et ses problèmes cardiaques sont déjà une énorme source de stress pour elle. Elle comprend également qu'il est de retour dans ma vie et elle ne cache pas sa joie contrairement aux autres. Elle remercie Dieu, puis elle dit qu'elle en était sûre. Je glisse dans la conversation qu'il est sorti. Elle ne l'a pas vu depuis la veille avant qu'on aille chez le psychologue. Là je suis vraiment inquiète.
Je raccroche lorsque la porte s'ouvre enfin. J'ai envie de lui crier dessus de m'avoir fait aussi peur. Mais lorsque mon regard rencontre le sien, je n'ai pas le courage. Alors je le serre contre moi. J'ai envie de plus. Je veux presque que nos corps fondent l'un dans l'autre. Je l'emmène jusqu'à notre chambre et commence à le déshabiller. Nous nous retrouvons nus en quelques secondes. Comme si nous avions été séparés durant des années, nous tous les deux pris par nos envies.
[...]
« - Où est-ce que tu étais ? Dis-je alors que ses lèvres continuent à se déplacer sur ma poitrine.
- Au travail.
- Tu aurais pu me le dire ou répondre au téléphone.
- J'ai laissé mon téléphone charger dans mon bureau.
- Tu n'étais pas censé travailler, pourquoi tu es allé ?
- J'avais besoin de me changer les idées. Et je ne voulais pas affronter ton regard. »
Surprise par cet aveu, je remonte le drap bloquant l'accès à mon corps. Je ne veux pas qu'il se cache encore une fois. C'est rare qu'il se confie ainsi, je veux en profiter. Je sais qu'il est gêné. Il pense s'être montré faible.
« - Ce n'est pas une honte de pleurer Ibrahim. Il faut que tu arrêtes de t'empoisonner avec ces bêtises qu'on vous met dans la tête. Un homme a le droit d'être triste. Tu ne dois jamais avoir honte de ça devant moi. D'accord ?
- [...]
- D'accord ?
- Tu es devenue autoritaire.
- Et alors ?
- Ça ne me convient pas. Sauf quand tu me dis de te prendre plus fort.
- Je t'ai déjà dit de ne pas dire ce genre de chose !
- C'est bizarre, tu es beaucoup moins timide pendant l'acte.
- Parce que quelqu'un de normal sait qu'une fois que c'est terminé, c'est terminé. Toi tu n'as jamais terminé.
- Je ne suis jamais rassasié de toi.
- Humm. »
Il comprend où je veux en venir et il ne dit rien. Il n'est jamais rassasié mais ça ne l'a pas empêché de se rabattre sur une autre. Il sent que je cogite et il sait à quel sujet.
« - Ne fait pas ça Azhar.
- Quoi donc ?
- Je sais à quoi tu penses. »
Je me relève et remet ma culotte. Comme pour l'autre fois. Nous n'avons pas utilisé de protection et je n'ai aucun contraceptif. Ce n'est pas le moment d'avoir un enfant. Si encore, je peux en avoir. D'après le médecin, le couteau n'a pas endommagé mon utérus. Je pourrais porter des enfants...Un jour.
« Qu'est-ce qui se passe, me demande Ibrahim.
- Il faut qu'on prenne nos précautions. »
Je me rends dans la salle de bain pour prendre une douche. Il me rejoint, nu, pendant que je me lave les mains. Il n'était pas aussi à l'aise avec sa nudité avant.
« - Qu'est-ce que tu as à traîner tout nu ?
- Je vais prendre une douche habillé ?
- Tu pourrais t'habiller et te déshabiller une fois dans la salle de bain ! Tu n'étais pas comme ça avant.
- Tu étais trop timide et pas a l'aise avec la nudité. Je ne voulais pas te choquer.
- C'est aussi pour ça que tu es allé avec cette femme ?
- [...]
- D'accord, je ne dis plus rien.
- Non, il faut qu'on en parle. Tu n'as pas entendu ce que j'ai dit chez le psychologue.
- Non, je ne veux plus en parler.
- On va en parler Azhar. Parce que tu n'arrêtes pas d'y penser.
- Tu sais, j'ai vu une femme à genoux entrain de faire des choses avec sa bouche à mon mari, ce n'est pas le genre d'image qu'on oublie ! Mets toi à ma place. Imagine si c'était moi.
- Je t'ai déjà dit ne pas me parler d'autres hommes !
- Ne me crie pas dessus ! Sort je veux me laver.
- Tu es obsédée par elle alors que je ne la vois plus. Je n'ai même pas couché avec elle !
- Tu ne devais pas avoir assez d'énergie après ce qu'elle faisait par terre !
- [...] »
Je ne veux plus avoir cette conversation. Je me rince et sors de la douche. Il me rejoint pendant que je change les draps.
« - Ce sera toujours comme ça ? Tu me reprocheras éternellement ce qui s'est passé avec Aya ?
- Ne prononce pas son nom chez moi !
- D'accord. Qu'est-ce que tu veux que je fasse Azhar ?
- La vérité.
- Très bien. Pose tes questions. »
Je sens que je vais regretter mais je veux connaître la vérité.
Aimer et Commenter 😘😍❤️
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top