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Depuis plusieurs jours, l'idée de retourner en Syrie a émergé dans mon esprit. Je suis venue ici en espérant y trouver une famille, que j'ai trouvé. Je suis tombée amoureuse, je me suis mariée, j'ai même porté un enfant, j'avais un emploi qui me plaisait. La vie me souriait enfin. Pour la première fois, je croyais en l'avenir. Je n'avais plus peur de ce que la vie me réservait. Parce que je n'étais plus seule. Mais tout cela est révolu. Aujourd'hui je suis seule. Je souffre et je n'en peux plus.

Je sais que c'est une idée profondément égoïste. Certains n'ont pas eu la chance de faire le voyage. D'autres l'ont fait, mais ils n'ont pas survécu. Je sais que je dois m'estimer chanceuse de pas vivre au milieu des décombres et des ruines. De plus risquer ma vie à chaque instant du jour et de la nuit. Mais je n'y arrive pas. Mes souffrances sont plus fortes que la lueur d'espoir. Je n'arrive plus a y croire. Si je retourne là-bas, je serai seule et malheureuse. Mais je serai chez moi.

Dans une semaine, je reverrai Ibrahim. Je dois prendre une décision. Donner une nouvelle chance à mon mariage ou tout arrêter maintenant. Je pensais être certaine de mon choix. Divorcer était la meilleure solution. Mais je nage dans l'inconnu. Je pensais qu'après avoir trouvé du travail, mes ruminations prendraient moins de place mais je vais toujours aussi mal.

Hizya me sort de mes pensées. C'est une fille très douce et joviale. Elle voit bien que je suis souvent dans la lune mais elle ne me dit rien. Je fais bien mon travail et même si ce n'est pas passionnant, j'aime ce que je fais. Je n'ai pas beaucoup parlé de moi. J'ai dit que j'étais en France depuis quelques années seulement. Je n'ai pas parlé de ma vie familiale et elle n'a pas insisté. Une cinquième vendeuse a complété notre équipe. Elle s'appelle Hawa. Très discrète mais aussi très gentille. J'aime bien lorsque nous travaillons le même jour. Je ne suis pas obligée de faire la conversation. Elle aussi doit avoir ses problèmes....

Ce soir là avant de rentrer à la maison, j'ai décidé de prendre mon courage à deux mains et d'aller voir mon oncle et ma tante. Ma conversation avec Amine m'a fait beaucoup de mal et j'ai honte d'avoir totalement coupé les liens avec eux. J'ai peur qu'ils me rejettent et je pense que je ne pourrais pas supporter pas le supporter s'ils me rejetaient. Assise dans ma voiture, je ne parviens pas à en sortir. J'ai envie de faire demi tour, mais je ne peux pas. Je dois leur demander pardon. Ils ne méritent pas la souffrance et la peine que j'ai causé. Lorsque je sonne à la porte, je suis tentée de dévaler les marches en courant mais c'est trop tard.

Sofia ouvre la porte et semble surprise de me voir. Mais elle ne dit rien, elle se contente d'un sourire poli. J'ai l'impression de ne pas être revenue ici depuis une éternité.

« - Sofia ? Tu as ouvert ?

- Oui maman. Viens. »

Ma tante apparaît enfin. Nous restons silencieuses et immobiles pendant quelques secondes avant qu'elle me sert dans ses bras. Sofia se joint à nous et nous restons ainsi pendant de longues minutes.

[...]

C'est comme si je n'étais jamais partie. Nous avons passé la soirée à discuter. Kaina et mon oncle sont rentrés. J'ai préparé le repas avec ma tante comme avant. Nous n'avons pas reparlé de ce qu'il s'est passé. Peut-être qu'on le fera à un autre moment. Mais pas maintenant.

« - Et ce nouveau travail, ce n'est pas trop fatiguant ?

- Si, mais j'aime beaucoup. Mes collègues sont gentils et ça payent les factures.

- Tant mieux alors. C'est bien que tu travail. Tu as eu tes papiers ?

- Oui, il y a plusieurs mois.

- Je suis contente pour toi ma fille. On va se relever, ne t'inquiète pas. »

Je ne lui parle pas de mes cauchemars et de mes angoisses. Je ne lui parle pas de mon envie totalement folle de retourner en Syrie. Elle est heureuse alors moi aussi.

Après le repas, je sens l'ambiance changer. Je comprends qu'il est tard et qu'Ibrahim va bientôt rentrer. Ils veulent sûrement éviter que l'on se croise. Je salue tout le monde en leur promettant de revenir et m'empresse de rejoindre ma voiture. Il pleut énormément et la route est glissante mais Al hamdulilah j'arrive à la maison saine et sauve.

J'insère la clé dans la serrure mais celle-ci se retrouve coincée. Comme s'il y avait déjà quelqu'un. Soudain, Ibrahim apparaît devant moi, avec un sac de sport dans les mains.

« - Qu'est-ce que tu fais ici ?

- Il y a une fuite chez le voisin d'en haut. Le gardien m'a appelé pour vérifier si c'était pas inondé.

- Quoi ?! C'est inondé ?

- Non, heureusement c'était une petite fuite. L'eau n'est pas arrivée jusqu'ici.

- Tu aurais du m'appeler.

- Tu n'aurais pas répondu...J'avais des affaires à récupérer de toute façon.

- D'accord, mais je suis toujours sur le palier. »

Il me sourit et me laisse entrer. Bizarrement, sa présence ne m'embête pas plus que cela. Je retire mon manteau et mes chaussures trempées. Il fouille dans les tiroirs à la recherche de je ne sais quoi.

« - Tu cherches quelque chose ?

- Mon passeport.

- Il est dans la chambre dans le porte document rouge. »

Je me dirige vers la salle de bain pour prendre une douche. Je me détends et profite du calme qui s'annonce. En sortant de la salle de bain, je me regarde dans le miroir. Je suis de nouveau assez mince. J'ai retrouvé le poids que j'avais avant d'arriver en France. Je me souviens qu'Ibrahim avait fait une remarque sur mon poids au début de notre mariage. Est-ce qu'il me trouve toujours attirante ? Il a toujours dit que son infidélité n'avait rien à voir avec moi...Pourtant, un homme qui est satisfait ne trompe pas sa femme ? Ou alors les hommes sont des éternels insatisfaits ?

Plutôt que mon habituelle robe longue, j'enfile une des tenues que je portais pour dormir lorsque tout allait bien entre nous. Je ne sais pas pourquoi, mais je veux voir sa réaction lorsqu'il me verra dedans. Une combinaison en satin couleur bleu roi. Décolleté et jambes bien apparentes. En me tournant je découvre que l'arrière ne couvre pas énormément les fesses. Je me trouve ridicule pendant un moment. Pourquoi est-ce que tu fais ça Azhar ? Tu n'as plus besoin de lui.

Mais ma détermination refait surface. Je sors de la salle de bain. Ibrahim est dans le salon, rangeant des documents dans son sac. Il lève la tête et me regarde. Je l'ignore et fait semblant de remettre les coussins en ordre sur le canapé. Puis, quelqu'un toqué à la porte. Je me dirige vers celle-ci mais il m'arrête immédiatement.

« - Dans cette tenue ? N'y pense même pas ! Va dans la chambre. »

Ce n'est pas du tout approprié. Je fais donc ce qu'il me dit de faire. C'est le gardien accompagné du voisin qui s'assurent qu'il n'y a pas eu de dégâts à cause de la petite fuite. Lorsqu'ils repartent, j'entends les pas d'Ibrahim se rapprocher de la chambre. Il entre et ferme la porte derrière lui.

« - Tu ouvres la porte à des hommes dans cette tenue ?!

- Non, j'avais oublié.

- Tu n'as pas intérêt Azhar.

- Sinon quoi ? »

Son regard insistant. D'abord sur mon visage, puis sur ma poitrine. Il s'approche et je ne recule pas. J'ignore qui a embrassé l'autre en premier. Je ne sais pas à quel moment les choses ont dérapé. Mais lorsque j'ai pris conscience de ce qu'il se passait, nous étions déjà nus et Ibrahim était déjà en moi. Plusieurs mois sans rapports sexuels. J'ai voulu le repousser mais j'en étais incapable. Avide de ses baisers, de ses caresses. Totalement décomplexée. Je ne me reconnaissais plus. Après l'acte, totalement épuisés, nous sommes restés allongés de longues minutes avant que je ne revienne à la réalité.

« - Tu dois partir, lui dis-je.

- Pardon ?

- Il faut que tu partes.

- Une dernière fois.

- Non, je n'ai plus envie.

- Tu m'as ordonné de te prendre vite et fort. Maintenant j'ai envie de faire ça lentement et de prendre mon temps.

- Je n'ai pas envie. »

Je me redresse et enveloppe mon corps nu du drap. Je prends la bouteille d'eau posée sur la table de chevet et me sert à boire. Ibrahim se lève à son tour. Ne prenant pas la peine de cacher sa nudité. De toute façon, je ne peux rien lui dire après ce qui vient de se passer. Le pire dans tout cela, c'est que je n'ai absolument pas honte et que je ne regrette rien.

« - Tu as changé, dit-il l'air amusé.

- Ravie de l'apprendre. Maintenant, j'aimerais dormir.

- Parce que tu crois que je vais partir ?

- Tu veux me forcer à appeler la police ?

- La police ? Je suis ton mari. Je suis chez moi. On vient de baiser comme jamais auparavant et tu penses que je vais partir ?

- Ne dit pas ces choses-là.

- C'est pourtant ce qui s'est passé.

- C'est toi qui a commencé.

- TU m'as embrassé. Et ensuite TU t'es allongée et TU m'as dit de te rejoindre. Tu crois que j'allais partir ?

- Et pourquoi pas ?

- Tu me prends pour qui ? Quand tu as envie de baiser on baise et après tu me fous dehors ?!

- Ne parle pas comme ça ! »

Je repose le verre à présent vide et je me rends dans la salle de bain. Ibrahim me suit, toujours nu.

« Met quelque chose.

- T'es sérieuse là ?

- Bon tu sais quoi ? Tu as raison. C'est moi qui ait provoqué les choses mais maintenant je veux prendre une douche et dormir et je veux que tu partes !

- Je n'irai nul part ?! Tu penses que tu peux m'utiliser comme ça ?

- La prochaine fois j'irai voir quelqu'un d'autre. Quelqu'un qui comprend qu'une fois que c'est terminé c'est terminé. »

Son regard devient noir. Il prend la serviette accroché au radiateur et se couvre enfin.

« - Qu'est-ce que t'es entrain de me dire ?

- Tu as des problèmes de compréhension ?

- Tu vas coucher avec d'autres hommes ?

- Si tu ne respectes pas ce que je veux...

- Tu es complètement folle. Qu'est-ce que tu as fais de la Azhar que j'ai connu. Aujourd'hui tu me parles à moi d'aller voir d'autres hommes ? Moi ton mari tu me parles d'aller voir d'autres hommes ?! Dit-il en hurlant.

- Ne crie pas ! La Azhar dont tu parles est morte.

- Tu vas vraiment crever le jour où je vais te serrer le coup. Si j'apprends qu'un homme, un seul Azhar a poser un doigt sur toi, je le tue.

- Oui oui c'est ça. Sors je vais prendre une douche. »

Il s'approche de moi même faisait reculer jusqu'au bord du lavabo. Je suis obligée de serrer le drap autour de ma poitrine ne voulant pas risquer d'être de nouveau nu devant lui. Je ne suis pas certaine de pouvoir maîtriser la suite.

« - T'es une sacrée coquine en fait. Mais je l'ai toujours su, dit-il avec un grand sourire.

- Tu as fini tes gamineries ?

- Si je te manquais autant, fallait m'appeler.

- Que ce soit toi ou un autre c'est....

- Me parle pas d'autres tu veux vraiment mourir ? Dit-il d'un ton menaçant.

- C'est étrange que tu réagisses comme ça en sachant ce que tu m'as fait.

- Je n'ai pas couché avec elle Azhar.

- Je m'en fiche de toute façon.

- Je reviens vivre ici.

- Hein ?!

- Tu es ma femme. Deux personnes mariées doivent vivre ensemble. Il n'y aura pas de divorce Azhar. Tu es bloquée avec moi jusqu'à la fin. »





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