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Je suis réveillée en sursaut par mon téléphone. Je tente de l'attraper avant que la personne ne raccroche, mais il est trop tard. J'émerge difficilement de mon sommeil et me redresse sur le canapé. C'est le numéro de Youssra. Il est vingt-deux heures, pourquoi m'appelle t'elle aussi tard ? Inquiète je la rappelle à nouveau et j'entends un téléphone sonner depuis le palier. Je me rapproche de la porte d'entrée et l'ouvre. Youssra est devant la porte un sac sur l'épaule et son fils dans les bras.

« - Yousra ? Qu'est-ce qui se passe ?

- Je peux entrer ?

- Oui, bien sûr. »

Je me décale pour qu'elle puisse entrer. Yûnes dort dans ses bras. Je la débarrasse de son sac et l'aide à l'installer sur le canapé.

« - Désolée de débarquer comme ça.

- Ne t'excuse pas. Tout va bien ?

- Non, dit-elle en pleurant.

- Qu'est-ce qu'il se passe ? Tu me fais peur. »

J'allume la lampe du salon pour ne pas rester dans le noir. C'est à cet instant que je constate le bleu sur son visage et ses yeux rougis par les larmes.

« - On s'est disputé. Je suis tombée sur des messages de lui avec une fille. Une collègue du travail apparemment. Je l'ai confronté et j'étais très en colère. J'ai dit des choses que je ne pensais pas et il m'a giflée.

- Peu importe ce que tu as pu lui dire, il n'a pas le droit de te frapper.

- Je suis épuisée.

- Je vais vous préparer la chambre, je dormirai ici.

- Non, ne te dérange pas pour nous. Je vais dormir ici sur le canapé avec Yûnes.

- Je ne dors plus dans la chambre depuis un moment. Met toi à l'aise, je reviens. »

Je n'aurai jamais pu penser que Mounir ferait une chose pareille. Je suis en colère contre lui. Je ne peux pas penser qu'il puisse tromper Youssra et encore moins la frapper. Il m'a tellement soutenue depuis la perte de mon bébé et la séparation. Alors que je prépare la chambre pour accueillir Yousra et son bébé, je reçois un appel de Mounir.

« - Qu'est-ce que tu veux ?

- Salam Aleykum Azhar.

- Waleykum Salam.

- Tu vas bien ?

- Oui, je vais bien.

- Est-ce que Youssra est avec toi ? »

Je suis tentée de lui mentir mais il aime sa femme et son fils par dessus tout. Je ne veux pas qu'il soit angoissé.

« - Oui, ils sont ici.

- D'accord, je passe demain.

- Il ne vaut mieux pas.

- Je viens demain. Bonne nuit et prend soin de vous. »

[...]

À mon retour, Youssra est entrain de nourrir son fils. La pauvre n'a pas pris grand choses quand elle est partie.

« - La chambre est prête. Allez vous coucher.

- Je vais déposer Yûnes. »

J'en profite pour aller grignoter dans la cuisine. Je ne mange plus de vrai repas depuis un moment. Moi qui aimait beaucoup cuisiner, je n'ai plus la force et de temps pour ça. Je suis beaucoup trop préoccupée. Les factures s'entassent, je ne sais même pas si le loyer est payé régulièrement. Il faut que je me reprenne en main.

« - Tu veux grignoter quelque chose ?

- Non merci. Je n'ai pas faim.

- Tu peux rester ici autant que tu veux.

- Je ne voulais pas alerter ma famille ou la sienne.

- Tu as bien fait. Ibrahim et moi on a causé assez de problèmes comme ça.

- Tu le vois encore ?

- Pas depuis la semaine dernière.

- Tu vas faire quoi ?

- J'en sais rien.

- Tu as envie de le voir ?

- Non, pas spécialement. »

C'est un mensonge et nous le savons toutes les deux mais, elle se garde de me faire une remarque. Youssra s'est débarbouillée avant d'aller au lit. J'ai retrouvé mon confortable canapé, tentant à mon tour de trouver le sommeil lorsque mon téléphone a de nouveau sonné.

« - On peut pas dormir en paix ?

- Désole, je te dérange.

- Je dormais.

- C'est Ibrahim.

- Je sais, je reconnais encore ta voix.

- Youssra est avec toi ?

- Pourquoi tu me demandes ça ?

- Il y a eu une petite dispute avec Mounir et elle serait partie avec Yûnes.

- Une petite dispute ? Tu rigoles j'espère. Il l'a giflée.

- Donc elle est bien chez toi.

- Ça n'a pas l'air de t'émouvoir plus que ça.

- C'est une dispute de couple Azhar. Ce sont malheureusement des choses qui arrivent. Il ne recommencera pas.

- Oui, après tout c'est qu'une gifle. Comme la tromperie, ce sont des choses qui arrivent. Pas de quoi en faire un drame, dis-je sarcastiquement.

- On passera demain.

- Mounir peut venir mais toi, tu n'entreras pas.

- À demain Azhar. Je t'aime, dit-il avant de raccrocher. »

Là c'est certains, je ne vais pas dormir de la nuit.

[...]

Déterminée, je m'avance vers le centre commercial avec un CV. J'ai laissé Youssra et son bébé se reposer. Ils en ont besoin. Depuis mon arrivée en France, je n'ai pas fait grand choses. Je me suis occupée des autres et très peu de moi. Mais j'espère quand même trouver du travail. Quelque chose qui paye les factures. En vérifiant ce matin, j'ai découvert que je n'avais pas de retard dans les factures et le paiement du loyer. Ibrahim a continué à le faire. Mais si on divorce, il ne sera plus responsable de moi. Je vais devoir subvenir à mes besoins. Comme je l'ai toujours fait.

J'ai fait le tour du centre commercial. C'est toujours le même refrain. Ils n'embauchent pas actuellement mais ils gardent mon CV. Pour me consoler, je décide de faire un peu de shopping. Je n'en ai pas les moyens, mais ma garde de robe est totalement à renouveler. J'entre alors dans une grande boutique indépendante, avec des très belles pièces. Je regarde un peu avant de me diriger vers les caisses et de tenter ma chance une dernière fois. Agréablement surprise d'y trouver une femme voilée.

« - Salam Aleykum, vous cherchez des vendeuses actuellement ?

- Waleykum Salam, tu peux me tutoyer. Nous sommes une toute nouvelle entreprise et nous avons ouvert il y a quelques semaines. Les clients affluent. Une vendeuse supplémentaire ne nous fera que du bien !

- C'est possible de déposer un CV ?

- Bien sûr. Tu es libre aujourd'hui ?

- Oui, je n'ai rien prévu.

- Dans ce cas, plutôt que déposer un CV on peut faire un test ?

- Oui, c'est parfait.

- Je m'appelle Hizya.

- Enchantée, moi c'est Azhar. »

J'ai envoyé un message à Yousra pour la prévenir et j'ai suivi Hizya dans la réserve. Elle a créé cette entreprise avec sa sœur il y a sept ans. Elles ont commencé à vendre sur les réseaux sociaux et elles viennent d'ouvrir la première boutique.

La journée a été chargée. Moi qui ne fait plus rien depuis plusieurs mois, j'ai du prendre sur moi pour suivre le rythme. Il me faut absolument ce travail. Elles profitent de publicité de la part d'influenceuses très connues sur les réseaux sociaux donc il y a énormément de monde de l'ouverture à la fermeture. Ça a l'air de très bien marcher et je prends goût à discuter, plaisanter. Les clientes sont plutôt cordiales. J'ai vraiment beaucoup apprécié.

À la fin de la journée j'étais vraiment fatiguée mais ça vallait vraiment le coup. Hizya avait parlé de moi à sa sœur qui voulait me rencontrer, avant de donner son approbation pour le poste. Mais d'après elle, c'était une formalité. Je devais donc revenir le lendemain afin de rencontrer sa sœur et signer le contrat. La journée d'aujourd'hui allait être payée quelque que soit l'issue de la rencontre.

[...]


De retour chez moi, je galère à trouver une place. Mounir a eu la bonne idée de se garer sur la mienne. Après avoir fait le tour pendant plusieurs minutes, je me gare enfin et marche difficilement jusqu'à chez moi. Hors de questions que je remettes des sandales demain. C'est beaucoup trop inconfortable.

Lorsque j'entre, Mounir est avec son fils dans les bras. Je le salue et cherche Youssra du regard. Elle est dans la cuisine.

« - Qu'est-ce que tu fais ?

- Je te préparai à manger avant de partir.

- Tu repars avec lui ?!

- Tu penses que je ne devrais pas ?

- Non, non je n'ai pas dit ça. C'est ton choix Youssra.

- J'ai peur Azhar, mais pour mon fils et aussi pour moi...Parce que je l'aime.

- Tu n'as pas à te justifier auprès de moi. Et tu n'aurais pas dû te fatiguer avec la cuisine. »

Elle me prend dans ses bras et nous serons fort l'une contre l'autre. J'ai beaucoup perdu mais j'ai encore des personnes autour de moi. Et je suis heureuse d'avoir Youssra dans ma vie.
Je suis allée prendre une douche et prier. Elle m'a préparé des lasagnes au saumon et aux épinards. Je vais me régaler. Je réchauffe une assiette lorsque mon téléphone sonne. Un appel d'Amine.

« - Allô ?

- Salam Aleykum, Azhar. Tu vas bien ?

- Al hamdulilah et toi ?

- Al hamdulilah. Je t'appelai parce que ça faisait longtemps qu'on ne s'est pas parlé. Et comme tu as coupé les liens avec mes parents.

- Je...Je n'ai pas coupé les liens avec tes parents.

- Pourtant ça fait plusieurs mois que tu n'es pas allée chez-eux. Même pas un appel téléphonique.

- Tu m'as appelé pour me faire des reproches ?

- Non, je suis juste triste que les choses se passent ainsi. Tes problèmes avec Ibrahim n'auraient pas dû avoir de conséquences sur ta relation avec nous. Moi, Kaina, Sofia et mes parents ont a toujours été là pour toi.

- « Mes problèmes » ? Est-ce que tu as une idée des problèmes dont il s'agit ?!

- Azhar...

- Au revoir, dis-je en raccrochant. »

C'est la première fois que je me dispute avec Amine. Je n'arrive pas à croire qu'il puisse me reprocher d'avoir coupé les liens avec ses parents. Ça n'a jamais été le cas. J'ai traversé une période difficile et j'avais besoin de m'éloigner d'Ibrahim et de tout ce qui me relie à lui. Mais immédiatement après, je me sens mal. Si je m'éloigne de ma seule famille il ne me restera plus rien ici. Pourquoi rester en France ? Pourquoi souffrir ici si je peux souffrir parmi les miens.

Je tente de rappeler Amine mais il ne répond pas. Je lui envoie un message. Il est a l'entraînement, mais il me rappellera demain...J'en veux tellement à Ibrahim. Je lui en veux tellement.


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