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Sania m'a beaucoup manquée. Je la regarde courir un peu partout. Elle a tellement grandi. Elle n'est plus la toute petite fille que j'ai rencontré il y a deux ans. Elle est épanouie. Sa maman fait désormais partie de sa vie et aussi de celle de son père. Mélina ne m'a rien dit, mais j'ai senti cette tension entre eux lorsque je suis arrivée. Je suis tellement heureux pour eux. Ils méritent tous les trois d'être enfin réunis. J'aurai souhaité avoir une petite fille aussi. Qui ferait mon bonheur et la fierté de son père. Je ne saurais jamais si c'était une fille ou un garçon. Et ça me déchire le cœur.

« - Comment tu te sens ? Demande Mélina.

- Ça va.

- Tu as accepté de le voir ?

- On a rendez-vous demain.

- Et qu'est-ce que tu attends du rendez-vous ?

- Rien. Ibrahim est têtu. Si je ne fais pas ce qu'il dit, il ne me laissera pas.

- Quoi que tu fasses, il trouvera toujours un moyen de te coincer. Tu devrais profiter de cette conversation pour dire ce que tu as sur le coeur.

- Je n'ai plus rien. Je ne ressens plus rien. J'ai l'impression d'être morte Mélina. D'être une morte vivante. Je ne travaille plus, je ne sors plus, je ne vois plus personne. Je n'ai plus aucune motivation.

- Tu es déprimée Azhar. C'est normal, il faut que tu te soignes et que tu penses à toi. Ne te force pas à aller bien et ne fait pas semblant d'aller bien pour rassurer les gens autour de toi. Tu as le droit d'être triste et malheureuse.
Je vais bientôt reprendre un travail, si tu veux reprendre ta place auprès de Sania ça ne nous pose aucun problème.

- Je te remercie mais j'ai envie de découvrir autre chose. »

[...]

Ibrahim souhait venir me récupérer pour qu'on se rende ensemble au lieu de rendez-vous. Les Buttes Chaumont. Nous avons passé tellement de temps ici. Mais, j'ai préféré y aller seule. Je vais pouvoir me détendre sur la route. Pendant que je gare ma voiture, j'aperçois sa silhouette au loin. Cette démarche assurée, sa façon de se tenir, c'est aussi pour ça que je suis tombée sous son charme. L'impression d'être toujours sûr de lui. De savoir parfaitement ce qu'il veut. Cette arrogance, ce charisme...Enfin garée, je descends de la voiture et le rejoint sur le trottoir d'en face.

La situation est gênante, ni lui ni moi ne savons quoi dire. Il s'approche de moi, peut-être pour m'embrasser mais je recule et le salut. Il ne dit rien et me laisse passer devant. Mon stress monte. Je commence à avoir les mains moites. Je veux quitter cet endroit, je ne me sens pas bien.

« - Tu veux marcher ?

- Non, je ne veux pas m'éloigner. Qu'est-ce que tu veux Ibrahim ?

- Sauver notre couple.

- Je veux divorcer mais tu me forces à venir ici. Tu refuse de signer les papiers du divorce. Et nous ne sommes pas en couple, j'étais seule dans cette relation. »

Ibrahim regarde droit devant lui. Sûrement pour ne pas me gêner car il sait que je n'ai jamais su le regarder droit dans les yeux. Même là, je n'y parviens pas. Je sens qu'il n'abandonnera pas.

« - Je...Je suis en colère. Contre moi, contre toi. Tellement en colère.

- [...]

- Tu m'as abandonné. Tu m'as menti. Tu m'as utilisée et humiliée.

- Je suis désolé. Je n'ai jamais voulu te faire de mal. C'est pour ça que j'ai tout fait pour m'éloigner de toi au début. Autrefois tu me regardai avec beaucoup d'amour et d'admiration. Aujourd'hui, j'ai l'impression d'être un inconnu et ça me fait peur.

- Que s'est il passé ? Qu'est-ce qui nous est arrivé ?

- J'ai été infidèle...Nous avons perdu un enfant par ma faute.

- Mais tu comprends ce que je ressens ? Met toi à ma place !

- Tout ce que je demande c'est de me laisser une chance. Une chance de réparer et je passerai le restant de mes jours à faire en sorte que tu oublies.

- Pourquoi tu m'as trompée ?

- J'ai réfléchi et je crois que...Je ne me suis jamais senti digne de toi. Je t'ai toujours trouvé trop bien pour moi. Tu es une femme intelligente, pieuse, tu es magnifique, tu a tout pour toi. J'ai toujours eu l'impression que notre bonheur sera de courte durée parce qu'un jour tu allais te rendre compte que tu méritais mieux que moi et que tu me quitterais. Comme ma mère biologique.

- Tu avais peur que je t'abandonne ?

- Oui, j'avais besoin de contrôler mon attachement envers toi. Comme ça, si un jour tu pars, je pourrais m'en remettre. Je ne voulais...Je ne voulais pas devenir dépendant de toi. Parce que tu m'es devenue indispensable.

- Pourtant je t'ai toujours rassuré. Est-ce que je t'ai donné des raisons de douter ? Je t'ai toujours verbalisé mes sentiments. Je n'ai jamais été avare quand il s'agissait de te prouver que je t'aimais. Je ne comprends pas comment tu as pu croire que je t'abandonnerais un jour Ibrahim. Ça prouve bien que notre relation est basée sur l'incompréhension depuis le début.

- C'est plus profond que ça Azhar. Je vis avec ça depuis toujours ?

- Pourquoi tu n'as jamais rien dit ?

- Parce que je ne veux pas paraître faible devant toi. Je suis l'homme, c'est moi qui doit te rassurer. »

Je regarde Ibrahim. Son regard est si triste. Je ne peux m'empêcher de pleurer. Doucement il s'approche de moi et essuie mes larmes sur ma joue.

« - Je ne t'en voudrai pas Azhar. Je respecterai ta décision.

- Je peux y réfléchir ? »

L'espoir. Il reprend espoir. Je ne peux pas donner une réponse maintenant. Pas après toutes ces révélations. Je dois réfléchir.

[...]

Lorsque nous sommes de retour sur le parking, la pluie a commencer à s'abattre. Nous marchons tous les deux jusqu'à nos voitures. Je suis garée plus près qu'Ibrahim.

« - Tes pneus sont vieux, tu n'as pas encore changé ?

- Je n'ai pas eu le temps.

- La route est glissante. Fait attention. Envoie moi un message quand tu arrives.

- D'accord, fait attention toi aussi.

- Je t'aime, me dit-il avant de partir. »

Je vois sa silhouette s'éloigner de moi jusqu'à ce qu'il ne soit plus dans mon champ de vision. Lorsqu'enfin j'entre dans ma voiture, je suis épuisée et trempée. Je reste quelques minutes assises a pleurer avant de démarrer enfin.


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