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IBRAHIM

Une semaine depuis notre dernière rencontre. Le manque n'a jamais été aussi difficile à supporter. Je n'ai jamais ressenti un tel sentiment auparavant. Absolument tout chez elle me manque. Son sourit, sa voix, ses caresses, son odeur. Le contact de sa peau contre la mienne. La façon dont elle parle, mange, rit. J'ai envie de la serrer contre moi et de reposer ma tête sur sa poitrine. Là où je me sens en sécurité. De sentir ses doigts délicats me caresser les cheveux, ses lèvres douces sur ma peau et humer son odeur. Me perdre en elle. Recommencer, encore et encore. J'ai envie d'aller la chercher à son travail, la serrer fort dans mes bras après une longue journée sans elle. L'emmener se promener sur les quais de Seine.

La voir sourire et s'émerveiller. La toucher encore et lui murmurer à l'oreille ce que je ferai une fois que nous serons seuls. Est-ce sain d'aimer a se point ? Absolument pas. Le psychologue que je vois ne m'aide pas beaucoup à élaborer. Il me laisse parler et ne fait que très peu de remarques. J'ai envie qu'il me secoue et qu'il trouve une solution à mon problème. Je devrais peut-être en voir un autre. Mais au fond, je sais que le problème persistera. Azhar détenait beaucoup trop de pouvoir sur moi. En l'espace de quelques mois elle m'est devenue vitale. Le pouvoir qu'elle détenait me faisait peur. Parce que cette fois-ci je ne contrôlais plus rien. C'est elle qui était aux commandes. J'avais peur de devenue totalement dépendant d'elle et de son amour.

Chaque nuit après mes cauchemars, je la serrais contre moi et j'oubliais tout. Son odeur me faisait partir loin. Tellement loin, comme si mon corps avait quitté la terre et qu'il planait en orbite quelque part. Je ne voulais pas qu'elle détienne autant de pouvoir. Parce que je ne suis pas digne d'être aimé et qu'un jour, elle serait partie elle aussi. Comme ma mère est partie. Elle m'aurait quitté et je serais resté seul, avec tout cet amour et ne plus savoir quoi en faire.

Je prends un dernier verre sous le regard désapprobateur de Nassim. Depuis un mois, je suis retourné à une période funeste de ma vie. Lorsque j'avais 20 ans, j'étais ce jeune homme perdu et en colère. J'enchaînais les femmes et les problèmes. Ça m'a conduit en prison et je me suis totalement perdu dans les péchés.

« - Tu penses que si elle te voit comme ça elle va revenir avec toi ? Tu fais pitié Ibrahim.

- J'en ai rien à foutre d'elle.

- Tu parles de ta femme. Dit pas de conneries.

- Elle est comme les autres. Elle ne comprend rien.

- Je te raccompagne. »

[...]


Je n'ai pas la tête à travailler. La gestion de la nouvelle agence demande énormément de travail et je n'arrive pas à me concentrer. Mes parents me mettent la pression pour que je trouve une solution avec Azhar. Je sais qu'elle parle encore avec Yousra, surtout au téléphone. Elle s'est beaucoup éloignée du reste de la famille et je sais que c'est de ma faute. Il est 19h00 lorsque je ferme enfin l'agence. La journée n'a pas été très productive. Je perds beaucoup de temps si ça continue comme ça, Hassan risque de ne plus me faire confiance. Je dois absolument me reprendre.

Je fait un détour à l'hypermarché pour acheter quelques cochonneries à grignoter. J'irai bien faire un tour chez Azra. Ma grande sœur me comprend...C'est avec elle que je communique le plus. Je prends mes articles et sort du magasin. En marchant jusqu'à ma voiture, mon regard s'arrête sur la baie vitrée d'un restaurant. Je reconnais cette silhouette familière à travers la baie vitrée. C'est bien elle. Elle est assise à deux tables de la vitre. Elle porte un foulard bleu et une robe blanche. Même de loin, je remarque qu'elle est très fatiguée. En face d'elle, se trouve un homme. Il s'agit d'Halim, le frère de Yousra. Sans perdre de temps, j'entre dans le restaurant.

Je marche jusqu'à leur table. Azhar se trouve dos à moi. Halim est donc le premier à remarquer ma présence. J'ai toujours eu une bonne relation avec lui. Mais le savoir assis ici, dans ce restaurant avec ma femme me rend fou de rage. Il n'a donc aucun respect pour moi ? Pour nos familles respectives. Ce soir, j'appellerai Mounir pour qu'il gère cette situation avec sa femme. Qu'est-ce que Yousra est entrain de faire ?

« - Salam Aleykum, me dit Halim.

- Waleykum Salam, dis-je froidement. Qu'est-ce que vous faites ?

- On est entrain de...

- Pourquoi est-ce que tu lui réponds ? On a pas de comptes à lui rendre. Azhar se tourne vers moi, furieuse. Qu'est-ce que tu veux ?

- Tu veux m'humilier ici, avec lui, devant tout le monde ? Tu veux que je te tue ?!

- Ibrahim, je l'ai juste emmené ici pour qu'elle mange parce qu'elle ne mange plus et qu'elle ne sortait plus. On était très inquiet.

- Tu racontes ma vie comme ça ? Je te faisais confiance.

- Azhar, il comprend pas...

- Ferme tagueule Azhar et lève toi. T'es entrain de me rendre fou. Je vais te massacrer. Lève toi ou je fais un carnage !

- Pour qui tu te prends pour me parler comme ça ? Tu n'as rien a faire ici. »

C'est beaucoup trop. Je n'ai plus aucune patience. J'attrape son sac qu'elle avait posé sur la chaise libre et je l'attrape par le bras. Sous le regard médusé d'Halim et des clients, je la traîne jusqu'à dehors. Sûrement choquée, elle ne se débat pas jusqu'à ce qu'on arrive devant la voiture.

« - Tu es complètement malade ! Tout le monde nous regarde.

- Azhar, je ne t'ai jamais frappé mais ce que j'ai envie de te faire.

- Frappe moi et je te frapperai aussi ! »

Son air furieux, ses joues rouges, ses lèvres pulpeuses, son regard assassin. Je ne peux pas y résister. Je me fiche qu'on soit dehors et qu'on puisse nous observer. Mes lèvres s'abattent sur les siennes. Je ne lui laisse pas le choix. Coincée entre moi et la portière elle n'a pas de marge de manœuvre. Elle tente de me repousser mais je ne la laisse pas faire. Jusqu'à ce que je sente une douleur puis le goût du sang. Elle m'a mordu.

« - Espèce de pervers dégénéré. Tu me dégoûtes !

- Je suis content de te revoir mon coeur. Monte dans la voiture.

- Je pars en transport. Toi je te déteste et Halim aussi maintenant.

- Tu as perdu combien de kilo ?

- En quoi ça te regarde ?

- Tu es entrain de te rendre malade Azhar. Monte dans la voiture.

- Non !

- Madame, tout va bien ? Demande un agent de police. »

Ils sont trois. Deux hommes et une femme. Les deux hommes sont prêts à intervenir. L'un d'entre eux a déjà la main sur sa matraque. La femme est plus soucieuse d'Azhar.

« - Oui, ça va. Merci.

- Vous en êtes certaine ?

- Oui, c'est mon ex-mari. On discute un peu. C'est tout. »

Ils repartent quelques secondes plus tard sans oublier leur regard menaçant habituel.

« - Dépose-moi chez moi. »

AZHAR

L'antidépresseur ne fait pas grand effet. J'ai rappelé mon médecin traitant pour voir s'il peut augmenter la dose. J'ai tenu bon trois jours ensuite, j'ai encore sombré. J'ai quitté mon travail auprès de Sania. J'ai coupé contact avec tout le monde et je ne sors plus de chez moi. Je suis devenue un légume. Mon appartement ressemble à un dépotoir. Je n'ai plus la force de prendre une douche, de faire le ménage.

Je n'ai plus la force de rien. Je pensais pouvoir me sortir de cet état assez rapidement. J'ai été naïve. Yousra est la seule personne avec qui j'ai un peu maintenu contact. Elle m'appelle souvent mais ça ne dure jamais très longtemps. Cet après-midi là, j'étais seule à la maison lorsque je me décide d'aller ouvrir à la personne qui toque depuis 5 minutes.

« Halim ? Qu'est-ce que tu fais là ?

- Je suis venu voir comment tu allais. Je peux rentrer ? »

Mon appartement n'est pas dans un état à pouvoir recevoir quelqu'un. Je ne veux pas que Halim me prenne pour une crasseuse.

« Non, je vais bien. Tu peux partir.

- Je ne suis pas stupide Azhar, je veux simplement t'aider. Tu m'as ouvert la porte ? Alors laisse-moi entrer. »

J'hésite longuement et il fini par entrer. Il a le tact de ne pas faire de remarque sur la porcherie dans laquelle je vis.

« - Voila ce que je te propose. On fait un grand nettoyage et ensuite je t'invite à manger.

- Je n'ai pas envie de nettoyer et je n'ai pas faim

- Alors on nettoie un peu et tu me tiens compagnie pendant que je mange ? Tu veux t'en sortir Azhar ? Ne t'éloigne pas de ceux qui t'aiment. Laisse-nous t'aider. »

[...]

Je n'arrive pas à croire qu'il a eu le culot de m'embrasser. J'essuie encore la marque de ses lèvres sur ma peau pendant qu'il conduit jusqu'à mon appartement. Il gare sa voiture dans le parking et verrouille les portières.

« - Laisse-moi sortir.

- Tu vas d'abord m'expliquer ce que tu foutais seule avec Halim.

- J'ai décidé de ne plus m'éloigner des gens qui m'aiment. C'est pour ça que je me suis éloignée de toi.

- Halim t'aime ?

- Oui il m'aime.

- Tu veux me pousser à bout Azhar. La façon dont tu m'a parlé devant lui tu trouves ça normal ? Tu trouve ça respectueux ?

- Tu me respectait quand elle avait ton sexe dans la bouche ?

- [...]

- Ouvre cette porte.

- D'accord, je t'ai trompé. Je ne t'ai pas respecté. Je t'ai humilié et je t'ai trahi et je te demande pardon pour tout cela. Mais ça fait des mois qu'on tourne en rond Azhar. Ce que je veux c'est qu'on trouve une solution. Je veux que tout redevienne comme avant.

- Plus rien ne sera plus jamais comme avant Ibrahim. C'est terminé de mon côté. Je ne comprends pas pourquoi tu persistes. C'est voué à l'échec. Je n'ai plus confiance en toi.

- Je te demande juste quelque chose Azhar, une vraie conversation. Je ne veux pas mettre fin à notre mariage parce que je ne veux pas être avec une autre femme que toi. Je ne veux pas vivre en sachant que tu n'es plus là. Accorde nous cette chance. Je te jure que si tu veux toujours divorcer après, je te répudierai.

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