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Ibrahim ne dit rien. Son regard reste rivé sur moi. J'ai comme l'impression que l'information n'est pas montée jusqu'à son cerveau. Pourtant, ce n'est pas la première fois que j'évoque le sujet du divorce. Il est inévitable pour moi. Je me suis trompée sur lui et sur moi. J'ai cru en nous, j'ai cru que ça pouvait marcher malgré les signes qui démontraient le contraire. J'ai ignoré nos différences. Je pensais que c'est ce qui nous rendait si unique. J'ai été portée par une passion aveugle et j'en ai complémente oublié la raison. Un mariage ça ne repose pas uniquement sur l'amour et encore moins un amour à sens unique. Il faut du respect mais surtout de la loyauté. J'ai toujours été loyale envers lui. J'aurai fait n'importe quoi pour le protéger, pour nous protéger. Lui en est incapable.
« Tu as besoin de te reposer, me dit-il. »
Il se rend dans la cuisine et commence à vider le sac de course m'ignorant ouvertement. Mais je ne suis plus la même. Je ne suis plus cette gamine éperdument amoureuse, à la recherche d'affection. J'ai perdu mon intégrité, ma dignité, mais encore plus douloureux, j'ai perdu un enfant. Tout cela par sa faute.
« Je veux que tu partes et que tu me rendes les clés. Tu es chez moi.
- Ne soit pas stupide Azhar, je suis très calme parce que ce que tu as vécu a dû être traumatisant.
- Tu te moques de moi ? On m'a arraché mon bébé de mon ventre ! De mon ventre ! Il a planté ce couteau et je l'ai senti se détacher de moi !
- Cet enfant était aussi le mien. Moi aussi j'ai perdu un enfant.
- Mais c'est de ta faute. C'est toi qui a tué mon enfant.
- [...]
- Je ne veux plus de toi dans ma vie. Tu n'es pas quelqu'un de bien. Tu n'es pas quelqu'un en qui on peut avoir confiance. Je ne t'aime plus. »
Son visage se décompose à l'entente de ces mots. Je veux lui faire mal. Je veux qu'il souffre autant que je souffre.
« - Tu sais pourquoi tu t'es toujours senti différent des autres ? C'est parce que tu es un psychopathe. Un handicapé des sentiments. Tu es incapable d'aimer. Tu as la chance d'avoir une famille, des gens biens qui ont pris soin de toi mais ce n'était pas suffisant pour toi. Tu es un égoïste, tu veux prendre mais tu ne donnes jamais en retour. Tu ne mérites pas la vie que tu as. Tu ne mérites pas d'avoir des parents aussi merveilleux, tu ne mérites pas d'avoir des frères et sœurs qui feraient n'importe quoi pour toi. Tu ne mérite pas notre enfant, c'est pour ça qu'il est mort. J'ai été punie à travers toi. Je subis les conséquences de tout le mal que tu as fait autour de toi, dis-je brisée.
- Pourtant tu le savais. Je t'avais prévenu. Je t'ai dit qui j'étais et tu es quand même restée. Tu as fait le choix d'être ma femme. C'était ta décision.
- La pire décision de ma vie.
- Tant pis pour toi. Tu vas devoir l'assumer, dit-il en se rapprochant de moi. Tu crois que tu peux me rendre fou de toi et vouloir le divorce ? Tu penses que tu peux te débarrasser de moi après tout ça ? C'est toi qui a voulu de moi. Tu vas assumer ce choix jusqu'au bout Azhar parce que je ne divorcerai pas. Je ne signerai aucun document.
- Tu ne peux pas faire ça.
- Si je le peux. Aucun juge sur cette terre ne me forcera à signer. Maintenant tu vas arrêter de raconter tes conneries et tu vas faire attention à ce que tu me dis. J'ai été plus que patient avec toi.
- Plus que patient ?! Je ne veux plus jamais croiser ta route.
- Tu l'as déjà dit et je suis encore là. Fait attention à ce que tu dis.
- Sors de chez moi. Je te déteste.
- Tu vas fermer tagueule maintenant, dit-il en balançant une assiette sur le mur. »
Le projectile s'écrase en mille morceaux au dessus de mon visage. J'ai des morceaux de verre dans les cheveux, dans les vêtements. Je suis tétanisée par son geste. Je n'arrive plus à bouger, il se tient toujours face à moi, totalement droit. Il commence à déambuler dans l'appartement et à casser tout ce qui se trouve sur son chemin.
Je porte ma main à mes cheveux et me coupe avec un morceau de verre. J'essaye de marcher jusqu'à la salle de bain et sens une douleur aiguë sur la plante de mes pieds. Ibrahim qui s'est arrêté de tout casser prend enfin conscience de son geste. Il s'approche de moi mais je le repousse. Il tente de me porter mais je me débats. Nous nous lançons dans une lutte. L'un tente d'avoir le dessus sur l'autre. Je le frappe de toutes mes forces. Je ne pensais pour avoir autant de force. Je me bats comme une lionne. Je veux le briser physiquement. Il parvient à me ceinturer par derrière. Maintenant fermement mes bras et serrant mes jambes entre les siennes.
« Ça suffit Azhar, tu es entrain de te couper. Il y a du verra partout ! »
Mes cris sont incontrôlables. Son contact me révulse. Lorsqu'il me lâche enfin, je cours jusqu'à la salle de bain et m'enferme dans celle-ci. Mon visage dans le miroir manque de me faire sursauter. Je ressemble à une folle furieuse échappée d'un asile. Je m'assoie sur le rebord de la baignoire. Mes pieds sont totalement écorchés et ensanglantés, couvrant le carrelage blanc d'un rouge écarlate à certains endroits. J'entends ses pas se rapprocher de la salle de bain. Il est là.
« Ouvre la porte Azhar.
- [...]
- Si tu n'ouvres pas je vais la défoncer. »
Je puise dans le peu de force qu'il me reste et marche jusqu'à la porte. J'ai l'impression de pouvoir sentir sa respiration à travers celle-ci. Comme s'il était juste face à moi. Nous avons été bercés par un long silence. Un silence durant lesquels je voyaient les dernières années de ma vie défiler. Mon arrivée en France, ma première rencontre avec Ibrahim. Lorsque je me suis rendue compte que j'étais amoureuse de lui. Les rêves qui me berçaient le soir de notre mariage lorsqu'enfin je suis devenue sa femme. Je nous imaginais voyager, devenir parent, construire, vieillir ensemble.
« Est-ce que tu m'as aimé ne serait-ce qu'un petit peu ? »
Pas de réponse immédiate. Pourquoi est-ce qu'il ne répond pas ? C'est une question simple non ? Ce n'est pas difficile de savoir si oui ou non, on a un jour aimé quelqu'un.
« Je t'aime, je n'ai jamais cessé de t'aimer.
- Même quand tu étais avec elle ?
- Ce n'était pas...Ce n'était rien Azhar. Je suis rentré plus tôt parce que je regrettais et que j'avais honte.
- Mais tu n'as pas eu honte en continuant à me mentir ?
- Si, mais je ne voulais pas prendre le risque de perdre. Je me disais que tu ne peux pas souffrir d'une chose que tu ignores.
- Donc tu ne l'aurai jamais avoué ?
- Non.
- Si tu m'aimes, tu veux que je sois heureuse ?
- Oui. Oui je veux que tu sois heureuse. Je sais ce que tu vas me dire et ça ne fonctionnera pas Azhar. Tu as fait le choix d'entrer dans ma vie je ne te laisserai pas en sortir. Je ne peux pas vivre sans toi. C'est impossible. Je suis désolé, je ne voulais pas te blesser. Ouvre la porte pour que je puisse regarder. Il y a du sang dans le couloir. »
Il dit m'aimer, mais ce qu'il a fait dans le salon. Cet excès de violence, ce n'est pas de l'amour. Il aurait pu me tuer avec cette assiette. J'ai encore des bouts de porcelaine dans les cheveux. Je me lève et boîte jusqu'à la baignoire. Je retire mes vêtements et entre dans la douche. La tête penchée en avant, je laisse couler l'eau pour me débarrasser des morceaux restants. Derrière la porte, Ibrahim est silencieux. Je sais qu'il est toujours là. Lorsqu'enfin je sors de la douche, je tente de soigner les blessures. C'est assez profond et je ne peux m'empêcher de gémir de douleur lorsque le produit désinfectant brûle mes plaies.
« - Ouvre cette porte Azhar. Laisse-moi regarder. Tu dis que tout est à cause de moi alors laisse-moi réparer.
- Je ne sortirai pas de cette pièce tant que tu seras là.
- Tu es ridicule. Ouvre la porte ma chérie, dit-il d'une voix plus douce.
- Va te faire foutre !
- Tu es devenue vulgaire et méchante. Mais je t'aime quand même et je vais défoncer la porte. »
Il commence à mettre des coups dans la porte. Ne voulant pas risquer d'être blessée je me lève et me décide à ouvrir.
« - Tu vois ce que je suis obligé de faire ?
- [...]
- Il y a du sang partout. Laisse-moi regarder tes pieds.
- Ne me touche pas. »
Je retourne m'asseoir sur le rebord de la baignoire et continue à appliquer le désinfectant. C'est beaucoup trop douloureux et je finis par laisser tomber.
« - Tu n'as pas assez désinfecté.
- Si tu n'étais pas un malade qui explose tout je ne serai pas dans cette situation. »
Il quitte son poste d'observation et s'accroupît face à moi. Il tente de prendre mon pied mais je me débat.
« - Tes gamineries commencent sérieusement à m'énerver Azhar. Arrête ça tout de suite, dit-il d'un ton menaçant. Je ne vais plus pouvoir me contrôler très longtemps. N'oublie pas que je suis ton mari, tu penses que c'est un bon comportement à avoir.
- C'est un bon comportement de coucher avec d'autres femmes ?
- Je n'ai couché avec personne. Maintenant laisse-moi faire ! »
Je ne me débat plus. Il applique le produit puis bande mon pied. Je quitte la salle de bain pour aller m'allonger. Je suis épuisée. Depuis la chambre, je l'entends nettoyer le sang et les morceaux de verre. Je ne parviens pas à trouver le sommeil. Je décide de prendre un somnifère.
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