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Deux jours après ma sortie de l'hôpital, j'étais toujours aussi faible et déprimée. Lorsque j'ai passé la porte de mon appartement il y a deux jours, je me suis effondrée dans les bras de Mounir. J'ai du mal a réaliser que je n'ai plus de bébé dans mon ventre et plus de mari. Comment vais-je faire ? Comment vais-je pouvoir surmonter cette épreuve ? Je passe mon temps allongée sur mon lit à pleurer. Le médecin m'a donné des antidépresseurs mais j'ai l'impression qu'ils ne font aucun effet.
Je suis devenue très émotive. Je ne contrôle plus mes émotions. Un rien peut me faire pleurer. A chaque fois que je ferme les yeux, j'ai l'impression d'être de retour dans cette pièce humide et glaciale. La cicatrice sur mon ventre, me rappelle chaque jour ce que je n'ai plus.
Depuis ma sortie, Ibrahim a disparu. Notre dernière rencontre a été décisive. Je lui ai dit des choses, que je ne regrette pas. Je suis fière de lui avoir tenue tête. Même si je me suis effondrée lorsqu'il est reparti. Quelle suite donner à notre relation ? Quelle suite donner à notre mariage ? Pour moi, la seule solution est le divorce. Je ne vois pas comment notre mariage peut survivre à une telle crise. D'ailleurs, ai-je envie de continuer ? Lorsque je fais le bilan de notre relation, les moments de bonheur sont très rares. Je me suis accrochée à une relation qui n'en n'a jamais été une. J'étais la seule à me battre.
Mounir est avec moi. Tous les soirs, il est à mes côtés lorsque je me réveille en hurlant. Il est là lorsque j'ai envie d'ouvrir la fenêtre et de me laisser tomber. Il était là lorsque je tenais ce rasoir entre mes mains et que j'ai pensé à me tailler une veine. Il est là, je ne suis pas seule. Pourtant, sa présence ne me rassure pas. La seule personnes que je voudrais à mes côtés m'a détruite. Il ne reste plus rien de moi. J'ai donné tout ce que j'avais à Ibrahim.
[....]
Ce jour-là, j'étais assise dans le canapé à ne rien faire. Depuis ma sortie de l'hôpital, je ne suis pas allée travailler. Sania était avec sa maman. Ryan m'a appelé à plusieurs reprises pour savoir comment j'allais. J'étais très brève ne voulant pas craquer devant lui. Il souhaitait amener Sania qui me manque beaucoup mais, j'ai refusé. Je ne suis pas d'une bonne compagnie et j'ai peur de faire une crise de panique devant elle. Mounir est rentré chez lui hier. Il a insisté pour continuer à venir le soir mais, j'ai refusé. Je dois apprendre à m'en sortir seule. Je dois faire face à cette épreuve du mieux que je le peux.
J'ai enfilé mes chaussures et je suis sortie prendre l'air. Dans la rue, j'étais hyper vigilante. Je ne me sentais pas en sécurité. J'avais peur que cette femme vienne m'entraîner dans un piège. Ma sortie n'a durée que dix minutes. De retour à la maison, prise d'une crise de larme, je m'effondre au sol. Je suis impossible de me calmer. Je hurle ma détresse et ma douleur. Qu'est-ce que j'ai fait pour mériter une telle souffrance ? Pourquoi est-ce que mon bébé est mort ? Quand vais-je enfin pouvoir goûter au bonheur ? Quand vais-je enfin pouvoir être en paix ?
Tout ce que je veux à cet instant, c'est mourir. Je veux partir rejoindre mon père, ma mère et mon bébé. Je ne veux plus rester ici. Je ne veux plus souffrir. Je réfléchis à une mort douce, sans douleur. Avaler mes antidépresseurs. Ou alors me défenestrer mais je ne suis pas sure de mourir sur le coup. Mon téléphone sonne depuis plusieurs minutes avant de s'éteindre. La sonnerie reprend quelques secondes plus tard, un appel de Youssra. Je rassemble mes dernières forces pour répondre. Youssra me demande comment je vais, mes sanglots m'empêchent de lui répondre.
"- Azhar, j'arrive d'accord.
- Non, je ne veux pas. Je veux être seule.
- Non Azhar, je ne veux pas te laisser seule.
- Je ne serai pas là quand tu viendras.
- Comment ça ?
- Je vais partir Youssra.
- Partir ou ? De quoi tu me parles Azhar ?!"
Je raccroche. Je me relève doucement et me traine jusqu'à la cuisine. Me poignarder ? Beaucoup trop violent. J'ai peur de souffrir. Me pendre ? Hors de question, je déteste la sensation d'étouffement. Le plus judicieux est d'avaler les antidépresseurs. Partir dans mon sommeil, rejoindre papa et maman. Je prépare tout. Les antidépresseurs sont posés sur la table de chevet. Un papier et un stylo. Je veux laisser une lettre pour qu'il sache. Ce soir, je le ferai: Ce soir, je vais mourir. Je quitte ma chambre et retourne dans le salon. Soudain, la porte s'ouvre avant de se claquer violemment.
" - Azhar ?!"
Ibrahim. Presque deux semaines sans nouvelles. Comment peut-il se présenter ici ?
"- Je t'ai appelé plusieurs fois. Qu'est ce que tu fais Azhar ?
- Je regarde la télé ça ne se voit pas ?!
- Azhar...la télé est éteinte.
- Alors allume là !
- Est-ce qu'on peut discuter ?
- Je n'ai rien à te dire.
- Il faut qu'on parle Azhar. Mes parents se posent des questions.
- Donc tu es là parce que tu es un gros lâche incapable d'assumer ce que tu as fait ?
- [...]
- Comment j'ai pu tomber aussi bas ? Comment j'ai pu épouser un lâche pareil ? J'ai tellement honte, tout est de ma faute. J'aurais du faire confiance à mon instinct. J'aurais du t'écouter quand tu me disais que tu n'est pas quelqu'un de bien.
- Je suis là parce que je t'aime et que tu me manques. Youssra m'a appelé. Qu'est-ce que tu fais Azhar ?
- Ne dit pas ça. Ces mots ne devraient jamais sortir de ta bouche. On va divorcer, voilà que ce tu vas dire à tes parents.
- Le divorce n'est pas la solution. Tu n'es pas bien Azhar, peut-être qu'on devrait voir un professionnel. Nous avons perdu un enfant, c'est une expérience traumatisante.
- Tu n'as rien perdu. J'ai perdu un enfant. C'est toi qui m'a pris mon bébé. C'est de ta faute !
- [...]
- Je te déteste. Je veux que tu meures.
- Et moi je t'aime et je ne veux pas que tu fasses une bêtise. Je ne supporterai pas de te perdre.
- Tu m'as déjà perdue Ibrahim. C'est terminé !"
Dehors, il pleuvait des cordes. Ibrahim s'assoit sur le canapé. Juste en face de moi. La tête baissée, il n'ose pas me faire face. Moi je n'ai aucune difficulté à le regarder. La haine que je ressens au fond de moi-même me surprend et me fait peur.
IBRAHIM
La honte me submerge à chaque fois que je croise son regard. J'ai tellement honte. Il y a quelques mois, elle me regardait comme si j'étais le dernier homme sur cette terre. Aujourd'hui, elle me regarde comme si j'étais une merde. Comment ai-je pu la laisser tomber ? Depuis qu'elle n'est plus à mes côtés, je me rends compte chaque jour, du bonheur absolu que je vivais à ses côtés. Elle m'a tout donné, sans concession, sans se poser de questions. Elle m'a fait confiance. Elle s'est confiée à moi.
Elle m'a honoré et respecté. J'ai tout détruit. Quand Mounir m'a parlé de ses cauchemars et de ses crises d'angoisses, j'ai eu peur qu'elle commette une bêtise. Elle a refusé de voir un psychologue à l'hôpital. Pourtant, elle en a bien besoin. Il faut qu'elle soit soutenue psychologiquement et je ne peux pas être ce soutien aujourd'hui.
"Je m'inquiète pour toi Azhar. Je suis là parce que je suis toujours ton mari. J'ai failli à mon devoir. Mais aujourd'hui je suis là. J'ai besoin de toi et je ne peux te laisser sombrer. Si tu meurs je meurs l'instant d'après.
- Tais-toi ! Tu n'est plus mon mari !
- Que tu le veuilles ou non Azhar, tu es toujours ma femme. Je voudrais qu'on aille à l'hôpital et que tu parles à un psychiatre.
- Je n'irai nul part avec toi."
Je me lève et me rends dans la chambre pour récupérer son manteau et ses chaussures. Les volets sont fermés et les rideaux sont tirés. J'ouvre la penderie et récupère le manteau. Soudain, la table de chevet attire mon intention. Une dizaine de boites de médicaments, une lettre et un stylo. Choqué, je me précipite jusqu'au salon. Azhar y est toujours assise.
"Qu'est-ce que tu allais faire Azhar ?!
- [...]
- Azhar ! Qu'est-ce que tu allais faire ?!
- [...]
- Parle-moi Azhar, je t'en supplie ne me repousse pas.
- Je vais mourir ce soir.
- [...]
- Je vais aller rejoindre mes parents et mon bébé. Je n'ai plus rien à faire ici."
Son discours, totalement détaché. Il n'y a aucune larme, aucune émotion. Elle est déterminée. Si je n'étais pas arrivé elle serait passée à l'acte.
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