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IBRAHIM

Je n'arrive pas à y croire. Je n'arrive pas à comprendre comment elle a pu tomber entre leurs mains. Je n'arrive pas à réaliser que ma femme est entre les mains de mes ennemis. Par ma faute, elle est en danger. Comment est-ce que j'ai pu laisser une telle chose se produire ? Je vais probablement tuer quelqu'un ce soir. Si jamais l'un d'entre eux a osé poser les mains sur elle, il mourra ce soir. Je ne laisserai pas en vie, un homme qui a fait du mal à ma femme. Quitte a passer le reste de ma vie en prison, je le ferai. J'accélère, manquant de percuter une voiture. Nassim me demande de ralentir. Je décide de m'arrêter sur la bande d'arrêt d'urgence et nous changeons de place. Je ne suis pas en capacité de conduire. Assis à l'arrière, Moussa et Mounir sont au téléphone avec des personnes de confiance. Nous aurons surement besoin de soutien si ça dégénère. Ce qui va forcément arriver.

« Je te prévient, si elle a une égratignure je l'accompagnerai prendre un avocat pour le divorce. Je vais m'en charger moi-même, me dit Mounir. »

Je préfère ignorer mon frère. Je suis beaucoup trop tendu pour faire ou dire quoi que ce soit. Plus nous approchons du hangar, plus la tension en moi monte. Je charge l'arme que je tiens dans mes mains. Nous avons pu les localiser grâce au téléphone d'Azhar. Nassim s'arrête à 500 mètres du Hangar. Nous répétons le plan pour être sûr que tout est clair. Je m'avance le premier et longe le mur qui mène jusqu'à l'entrée. Il doit surement y avoir des caméras ou un détecteur de mouvement.

Mounir, Moussa et Nassim me couvrent. J'ouvre la porte et entre, en la fermant derrière moi. La pièce est sombre, les néons aux plafonds n'éclairent presque plus. Le sol est mouillé, il fait très froid. Sur une table au fond de la pièce, quatre doudounes sont entrain de sécher. Il y a probablement quatre personnes. Je dois en éliminer le plus possible avant de faire signe aux autres d'entrer. Soudain, j'entends un rire gras derrière la porte. Je m'empresse de me cacher sous la table. Il s'agit d'un homme, grand et noir. Il est au téléphone. Depuis mon emplacement, je le vois s'approcher de la table. Discrètement, je sors de ma cachette avant de pousser la table. Il se prend le coin de la table dans le tibia et tombe en criant.

Je me précipite vers lui et l'assène de plusieurs coups au visage. Il finit par perdre connaissance. Je déchire son tee-shirt pour un faire un bâillon et l'allonge sur le ventre, les mains dans le dos avant de les attacher. J'attache ses deux jambes. Je sors pour faire signe à Moussa d'entrer. Je lui dit de rester dans l'entrée. Je prends l'escalier qui se trouve à ma droite. Celui-ci donne immédiatement sur le deuxième étage du hangar. Je suis obligé de ramper pour ne pas me faire remarquer. Je détecte trois personnes dans la pièce: Nadir, un deuxième homme et une femme. Il s'agit d'Aya.

Qu'est-ce qu'elle fait ici ? Puis, je comprends tout. Aya a été envoyée par Nadir pour me surveiller. Depuis le début, elle joue un double jeu. Comme ai-je pu être aussi stupide ? J'ai laissé l'ennemi entrer chez moi. Je continue de ramper jusqu'à ce que mon regard rencontre celui d'Azhar. Elle est assise sur une chaise. Pieds et poings liés. Je ne peux retenir un sanglot en la voyant ainsi. Qu'est-ce que j'ai fait ? Qu'est-ce qu'ils lui ont fait ? Elle regarde en l'air mais son regard est vide. Je ne parviens pas à lire dans son regard. Est-elle toujours en vie ? Je ne pourrai jamais me le pardonner. Je ne pourrai plus la regarder dans les yeux sans être couvert de honte. Je n'ai pas respecté ma promesse. J'ai été incapable de la protéger.

J'envoie un message à Nassim. C'est le moment de faire diversion dehors. Quelques minutes plus tard, une explosion les oblige à se séparer. Nassim demande à l'homme d'aller vérifier ce qu'il se passe dehors. Il se précipite vers Azhar et demande à Aya de l'aider. J'en profite pour sortir de ma cachette. Je charge mon arme et tire dans le genoux d'Aya.

Elle s'effondre en beuglant. Nassim se tourne vers moi et braque son arme sur la tête d'Azhar.

« C'est entre toi et moi. Laisse-la partir.

- Tu as laissé une chance à mon frère ?

- Je ne suis pas responsable de la mort de ton frère.

- C'est toi qui l'a balancé. Mais je me suis bien vengé sur ta pute. »

Azhar à l'air presque morte. Elle est pâle, le visage couvert de sueur et son pantalon est imbibé de sang. Il faut que je la sorte de là.

« Tu as toujours voulu que les gens te voient comme quelqu'un de courageux. Si tu es un homme, réglons ça en un combat. »

Il hésite longuement avant de me faire signe de balancer mon arme. Nous comptons tous les deux jusqu'à trois avant de jeter nos armes. Immédiatement, il se jette sur moi. Mais la haine que je ressens jusqu'au plus profond de moi me donne une force incroyable. Nous tombons, prenons le dessus l'un sur l'autre. Celui qui flanche mourra. Mais Nadir, ne se bat jamais à la loyal. Il sort un couteau et tente de me trancher la carotide. J'évite la première tentative mais il réussi à m'entailler assez profondément la gorge. Allongé au sol, il m'écrase totalement et tente à nouveau d'enfoncer le couteau. Soudain, un coup de feu, puis un deuxième. Nadir reste immobile pendant un moment, avant de tomber sur le côté. Je me redresse et découvre Azhar. L'arme à la main, avant qu'elle ne perde connaissance.

Elle est défigurée. Son visage, ses mains couvertes de sang. Je la porte et l'allonge sur le vieux canapé présent dans la pièce. Mes mains sont entachées par son sang. C'est à ce moment-là, que je vois la plaie à son ventre. Il faut que je la sorte d'ici.

« - Azhar ? Tu m'entends ? C'est moi Azhar, c'est terminé. Je vais t'emmener à l'hôpital. »


[...]

Je tourne en rond dans la salle d'attente des urgences. Ma plaie à la gorge est bien plus grave que ce que je pensais. Une trentaine de points de sutures. Mais mon esprit est totalement avec Azhar. Je ne pourrais pas me calmer, tant qu'elle ne sera pas tirée d'affaire ? Alors que je rumine dans mon coin, une infirmière s'approche de moi.

« - Monsieur, vous devez signer cette feuille. C'est une autorisation pour opérer votre femme.

- L'opérer ? Comment ça l'opérer ? Je veux la voir ! Pourquoi vous devez l'opérer ?!

- Votre femme a fait une hémorragie sévère. Le temps que perdez à me crier dessus, c'est le temps que le médecin peut utiliser pour la sauver. Votre femme est entre la vie et la mort alors signez cette feuille. »


[...]

Cela fait quatre heures qu'elle est là-dedans. Toujours aucune nouvelle, je vais devenir fou. Mounir est revenu après avoir conclu un marché avec le Gitan. Nadir est mort. Azhar l'a tué. Mais, je ne lui dirai jamais. Le Gitan va faire le nettoyage pour nous. On l'a débarrassé de son concurrent directe. Il doit nous rendre ce service. Azhar a tué un homme. Elle l'a fait pour me sauver la vie. Ma femme est une meurtrière, tout ça à cause de moi. Je sais qu'elle ne pourra jamais vivre en sachant ce qu'elle a fait.

Youssra est là. Elle ne m'a pas adressé la parole depuis qu'elle est arrivée. Je vois énormément de haine et de tristesse dans son regard. Je sais que je l'ai perdu. Définitivement perdu. Cette journée signe la fin de mon mariage. Pourra t-elle me pardonner ? Pourra t-elle me considérer à nouveau son mari. J'ai totalement failli à mon devoir.

« - La famille de madame ********? dit le médecin en entrant de la pièce ?

- Je suis son mari, elle va bien ?

- Votre femme a fait une hémorragie. Nous avons pu l'arrêter. La police a été prévenue. C'est la procédure dans ce genre de cas, dit-il en me fixant d'un air grave. Votre femme a été poignardée monsieur. Qu'est-ce qu'il s'est passé ?

- Une agression. Elle a été agressée en rentrant du travail. Mais elle va bien ?

- Son état est stable. Elle a perdu beaucoup de sang. Nous avons du la transfuser. Elle a fait un arrêt cardiaque durant l'opération. Elle est en soins intensifs. Son foie a été touché. Si les dommages sont beaucoup trop importants, une greffe de foie sera obligatoire. »

Soins intensifs. Arrêt cardiaque. Complications. Greffe de foie.

« - Et le bébé...Il va bien ? demande Youssra. »

Le bébé ? Quel bébé ?

« - De quoi tu parles ? l'interroge Mounir.

- Azhar est enceinte."

Enceinte ? Impossible. Si Azhar était enceinte, elle me l'aurait dit. Je ne peux pas ignorer la grossesse de sa femme. C'est impossible qu'elle soit enceinte.

« - Malheureusement, le fœtus n'a pas survécu, nous avons procédé à un lavement. »

Je ne peux plus en entendre plus. Enceinte. Elle attendait un enfant. Notre enfant. Un être vivant en devenir, de chair et de sang. Ma chair, mon sang. J'ai détruit ma femme et j'ai tué notre enfant. Comment vivre avec un tel poids sur la conscience ?
Je suis sorti de l'hôpital, sous les menaces et les insultes de Mounir. Je suis monté dans ma voiture et j'ai roulé jusqu'à la cave du Gitan. Je veux tuer moi-même chaque responsable.


[...]


Une semaine après, Azhar avait quitté les soins intensifs. J'ai été obligé d'informer mes parents et le reste de la famille. Je n'ai pas eu le courage de dire la vérité. Je n'ai pas eu le courage d'assumer ma faute. D'assumer que j'ai été lâche. Que je n'ai pas su protéger ma femme alors que j'ai juré devant nos familles et devant Dieu de le faire. Ma mère ne dort plus, elle passe toutes ses journées à l'hôpital.


En une semaine, j'ai pu voir Azhar qu'une seule fois. Mes parents étaient dans la pièce. Elle nous tournait le dos. Elle a refusé de parler, même à Youssra. Elle ne mangeait pas d'après les infirmières. Elle avait perdu six kilos. Ma mère passe ses journées à essayer de la faire manger. Je passe mes journées à l'hôpital mais je n'ose pas lui faire face. J'ai tellement honte. Tellement honte pour tout. Honte de lui avoir menti. Honte de l'avoir trompée. Honte de l'avoir humiliée. Honte de ne pas lui avoir fait confiance.


AZHAR

Je tourne la tête une fois à droite puis une fois à gauche. Je joins mes mains devant mon visage et demande pardon à Allah. Je lui demande de me pardonner pour mon aveuglement. Je lui demande de me pardonner de ne pas avoir épousée un homme pieu. Je lui demande pardon pour ne pas avoir protégé mon bébé. Mon bébé n'est plus là. Je suis toute seule à présent. Je n'ai plus rien. Je n'ai plus de mari, plus d'enfant. Je suis livrée à moi-même. J'essuie mes larmes et range le tapis de prière.

Je marche difficilement jusqu'à mon lit. Une infirmière m'apporte mon traitement et me réprimande. Elle m'aide à m'installer dans le lit et commence ses soins. Je n'arrive pas à répondre à ses sollicitations. Elle tente de faire la conversation mais ses tentatives sont vaines.

Je me souviens de ma réaction quand le médecin m'a annoncé que mon bébé était mort. J'ai cru mourir aussi.

« - Mon bébé...mon bébé comment il va ?

- Vous avez fait une fausse couche. Je suis profondément navré. Nous avons tout fait pour sauver votre utérus. Seul l'avenir nous dire si vous pourrez à nouveau tomber enceinte. »

Je n'ai plus de bébé et peut-être que je ne serai plus jamais mère. Tout cela à cause de lui.

[...]

Lorsque j'émerge de mon sommeil, je sens une présence près du lit. Je reconnais son parfum. Ibrahim, juste devant moi.

« - Je suis désolé Azhar. Je comprendrais si tu me détestes, dit-il en baissant la tête. »

Il me prend dans ses bras et me sert fort contre lui. Toutes les images qui hantent mes nuits depuis une semaine refont surface. Ibrahim est le responsable de tout ce qui m'est arrivé. Il m'a trompé avec cette femme. Ses affaires illicites avec cet homme m'ont mise en danger et cela m'a coûté la vie de mon bébé. Il n'a jamais arrêté de me mentir depuis le début de notre mariage. Il ne m'a jamais respecté.

« - C'est terminé. Je suis là. »

Voyant que je ne réponds pas, il se détache doucement de moi.

« - Tu as raison Ibrahim, c'est terminé. Nous deux, c'est terminé.

- [...]

- Je veux divorcer Ibrahim. Ça fait 1 an que nous sommes mariés. En un an de mariage je n'ai pas été heureuse. Tu n'as pas arête de me mentir. De te moquer de toi. De me considérer comme si j'étais une merde. Tu ne m'as jamais respecté. Tu m'as trompée, tu m'as menti. En moins d'un an tu m'as totalement brisée. Qu'est-ce que je t'ai fait ? Pourquoi Ibrahim ? Hein Pourquoi ?

- Je te demande pardon.

- Ne t'excuse pas. C'est de ma faute. J'ai été naïve. J'ai porté beaucoup d'espoirs en toi. Tu sais, il y a même des jours où je me disais que tu étais trop bien pour moi et que je ne te méritais pas. Je me suis pliée en quatre pour toi. J'ai tout donné pour tout pour rien recevoir en retour. Simplement des mensonges, du mépris. Tu n'es pas quelqu'un de bien Ibrahim. Tu n'es pas quelqu'un en qui on peut avoir confiance. Tu n'es pas un homme.

- [...]

- Tu te caches derrière tes traumatismes d'enfance pour faire du mal aux autres et ne jamais te remettre en question. Tu as eu des parents qui t'ont tout donné, tu les a fait souffrir. Tu m'avais moi, tu aurais pu avoir un nôtre enfant mais tu as tout gâché.

- Ne dit pas ça, je peux l'entendre de n'importe qui mais pas de toi, dit-il les larmes aux yeux.

- Sèche tes larmes. Tu n'arriveras pas à te positionner en victime. Je suis entrée ici avec un bébé dans mon ventre et il m'a été arraché par ta faute. Tu as tué ma fille.

- [...]

- Tu as tué ma fille Ibrahim je ne l'oublierais jamais. Et cette femme ? Tu as passé du bon temps avec elle ? Tu rentrais chez nous. Tu me touchais alors que quelques heures plus tôt t'es mains étaient sur une autre femme. Comment peux-tu être aussi inhumain ? Comment peux-tu être aussi mauvais Ibrahim ?

- [...]

- Comment peux-tu être debout face à moi après tout ce que tu m'as fait. Tu m'a pris mon innocence, tu m'as pris mon insouciance, tu m'as pris ma liberté, tu m'as pris ma vie. Tu m'as tout pris. Il ne me reste plus rien. Qu'elle a été ma faute ? Le fait de t'avoir aimé ? J'aurai préféré mourir avec mes parents que vivre ce que je vis aujourd'hui.

- Arrête Azhar. Ne dit plus rien s'il te plaît.

- Je ne veux plus entendre mon prénom dans ta bouche. Je ne veux plus jamais te revoir. Tu me dégoûtes. Je retire mon alliance et la jette au sol. Tu peux l'offrir à ton amie. Le pire, c'est que je n'arrive pas à te détester. J'ai pitié de toi. Je me demande comment quelqu'un peut être aussi dénué d'amour. Tu ne sais pas ce qu'est l'amour Ibrahim.

- Pardonne moi Azhar. Ne me laisse pas. J'ai besoin de toi.

- Non, tu n'as pas besoin de moi. Je ne dirai jamais rien à personne, je ne veux pas t'humilier davantage. Mais sache qu'à mes yeux tu en représente plus rien. Je veux divorcer et que tu disparaisse de ma vie. Je te rends ta liberté. Tu n'as plus à faire semblant maintenant. Soit heureux Ibrahim et trouve la paix. Je te le souhaite sincèrement. J'espère que ça en valait la peine. »

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