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OMNISCIENT

Aya n'est pas stupide. Elle sait qu'Ibrahim n'a pas totalement confiance en elle. Pourtant elle doit mener à bien sa mission. L'entraîner jusqu'au point de rendez-vous, afin que le piège se retourne contre lui. Cela fait bien longtemps que sa morale et les remords se sont envolés. Aya n'a jamais vraiment regretté ses actes. Depuis toute petite, elle a appris que son physique pouvait l'aider a obtenir ce qu'elle veut. Lorsqu'elle l'a rencontré lui, elle a su qu'elle pouvait devenir importante à ses yeux en l'aidant à obtenir ce qu'il veut.

Elle se demande parfois s'il est attaché à elle. Il n'y a pas d'amour entre eux, seulement de la solitude et des intérêts réciproques. La première fois qu'elle l'a rencontré, elle a avait quatorze ans, Nadir avait vingt-deux ans. Elle l'a tout de suite trouvé beau, beau mais aussi très dangereux. Le foyer de l'aide sociale à l'enfance qui l'hébergeait n'était plus un lieu pour elle. La plupart des filles du foyer étaient tombées dans la prostitution ou la drogue. Alors un jour, elle est partie le rejoindre. Elle voyait un avenir différend à ses côtés. Nadir c'est en quelque sorte son pilier à elle. Du moins c'est ce qu'elle pensait.

Lorsque Aya le rejoint à l'usine, elle s'attendait à ce qu'ils soient seuls. Elle voulait partager un court moment d'intimité avec lui mais, des employés du réseau était en train d'emballer la marchandise dans des cartons. L'usine, c'est ici que Rabah menait ses affaires. C'est également ici, que Nadir a décidé de tenir une partie des siennes depuis qu'il a succédé à son frère, mort dans des conditions mystérieuses en prison. Aya avait rencontré Rabah, le frère de Nadir. C'est un homme qui lui a tout de suite fait peur mais, pas autant qu'elle craint Nadir. Nadir anime la peur car, ses ennemis savent qu'il est cruel et connaissent ses préférences en matière de torture et de souffrance. Ceux qui ont survécu à sa rage ne sont pas nombreux. Aya se demande ce qu'Ibrahim a pu lui faire pour qu'il lui en veuille autant.

« Alors ? Du nouveau ? Demande Nadir.

- Non, il ne me fait pas assez confiance. Il est marié.

- Tiens donc, c'est maintenant que tu me le dis ?

- Il ne parle pas beaucoup de sa vie privée. Mais je pense que ça ne va pas très bien avec sa femme.

- Alors profite pour te glisser dans son lit.

- Tu veux que je couche avec lui ?

- Pourquoi je t'aurais envoyé sinon ? »

Aya ne voulait pas le reconnaître mais, ça lui faisait toujours de la peine lorsqu'il l'a poussait dans les bras d'un autre. Ce ne serait pas déplaisant d'être auprès d'Ibrahim, c'est un bel homme. Elle a connu pire, comme ce vieux procureur dégoutant. Elle a vomi tout de suite après avoir terminé avec lui.

« Je vais voir ce que je peux faire.

- Dépêche-toi, je n'ai pas beaucoup de temps. Renseigne-toi sur sa femme.

- Il n'aime pas parler d'elle, je vais essayer. Qu'est-ce qu'il t'a fait ?

- Je veux des résultats la prochaine fois qu'on se verra. »

Elle sait qu'elle n'aura pas plus d'informations.

AZHAR

Ce soir, nous allons avoir une discussion. Je suis déterminée à ce que nous arrivons au moins à dialoguer. Ce sera un bon début. Je suis rentrée plus tôt parce que je sais qu'il fini plus tôt le mercredi. Lorsque je passe la porte de notre appartement celui-ci semble vide. Il y a une valise dans le couloir. Ibrahim apparaît alors que j'allais déposer les courses dans la cuisine.

« Tu t'en vas ? demandais-je.

- Oui, une nouvelle agence ouvre à Nice et il n'y aura pas directeur avant la semaine prochaine. Hassan veut que j'aille m'occuper de l'ouverture, ça ne prend que deux jours.

- Tu aurais pu me prévenir.

- Je l'ai su ce matin Azhar, tu penses que ça me fait plaisir de partir du jour au lendemain ?

- Oui je pense que ça te fait plaisir de t'éloigner de moi.

- Qu'est-ce que tu racontes ?!

- Nous aurons cette conversation à ton retour.

- Dis ce que tu as à dire maintenant !

- Ibrahim je n'ai pas envie de t'insulter. Pars maintenant, bon voyage ! »

Il s'approche de moi et dépose un baiser sur ma joue avant de partir.

IBRAHIM

Le train ne va pas tarder à partir. Je rabats le plaid sur mes genoux et sens une présence à mes côtés. Aya est juste à côté de moi. Surpris, je la laisse s'installer avant de lui demander ce qu'elle fait ici.

« J'ai cru que j'allais rater le train, dit-elle.

- Qu'est-ce que tu fais ici ?

- Hassan pense que je peux t'être utile à Nice. Me voilà. J'ai dit à l'agent que nous étions mariés et que je te faisais une surprise pour qu'il me laisse m'asseoir avec toi. Ça ne te dérange pas j'espère ?

- Non.

- Je ne voulais pas voyager seule.

- Ce n'est rien.

- Toi tu as l'air à cran. Tourne-toi.

- Pourquoi ?

- Tourne-toi et laisse-moi faire. »

Je me retourne et je sens ses doigts se déplacer sur mes épaules. Son massage est agréable mais j'avoue préférer celui d'Azhar. En pensant a elle, je ne peux m'empêcher d'éprouver de la culpabilité. Elle a raison, j'aurais pu l'avertir plus tôt dans la journée mais, je ne l'ai pas fais. Je me sens mal à l'aise. Je m'éloigne doucement d'Aya et la remercie. Elle semble gênée par mon refus mais ne dit rien. Je saisis mon téléphone et envoie un message à ma femme je lui dit que je suis dans le train. Elle l'a ouvert mais n'a pas répondu.

« Je vais dormir un peu, me dit Aya avant d'allonger son siège.

- D'accord je te réveille quand on arrive.

- Tu ne dors pas ?

- Non, je vais lire un peu. »

[...]

Nous sommes à Nice depuis une journée, l'ouverture s'est bien passée. Les employés sur place étaient prêts malgré les circonstances. Hassan a eu raison, la présence d'Aya m'a bien aidée. Même si l'avoir dans mes pattes toute la journée m'a aussi épuisé. Elle est agréable à petite dose durant les pauses déjeuners mais toute une journée, c'est éreintant. À la fin de la journée, je suis aller me reposer dans ma chambre d'hôtel. J'ai tenté d'appeler Azhar, sans réponse. Elle doit être très énervée pour m'ignorer. Alors que je m'apprête à commander à manger, la porte de ma chambre s'ouvre.

« Ibrahim, j'ai faim on va manger ?

- J'allais commander, mais oui si tu veux, on peut aller manger.

- D'accord, je vais juste récupérer mon sac. »

Je la rejoint devant la porte de sa chambre, elle porte une jolie robe. Aya est une belle femme, dans le genre beauté superficielle. Nous rejoignons un restaurant et décidons de manger à l'intérieur. Nous sommes à la fin du mois de juillet. Il fait très bon à cette période de l'année mais, je n'aime pas manger dehors le soir.

« Je te sens plus détendu.

- On rentre demain soir. Tout est bouclé, Hassan va nous accueillir comme des rois.

- Vous vous connaissez depuis longtemps ?

- Presque cinq ans. Il m'a donné une chance de reprendre à zéro.

- Tu étais mal partis ?

- On peut dire ça comme ça. »

Je n'aime pas parler de mon passé. Je suis un peu ailleurs, regardant de temps en temps mon téléphone en espérant une réponse d'Azhar au message que je lui ai envoyé avant de partir. Aya veut que je reporte mon attention sur elle. Elle me lance des regards qui feraient tomber beaucoup d'hommes. Je sais ce quel veut à cet instant mais, je ne peux pas. L'homme que j'étais avant aurait accepté sans hésiter mais pas maintenant. Je ne veux pas retourner en arrière.

« J'ai terminé, tu veux prendre un dessert ?

- Plus tard, dit-elle. J'aimerais sortir faire un tour.

- Je suis un peu fatigué.

- Juste un petit tour, insiste-elle.

- Bon d'accord, il y a un glacier au bout de la rue, allons-y. »

Nous marchons en silence, achetons nos glaces et nous installons sur la Promenade des Anglais. Elle me parle de sa famille et de ses sœurs. Je l'écoute parler, elle me parle de son enfance entre la France et l'Italie. Le divorce de ses parents qui l'a beaucoup affecté. Je ne sais pas comment une personne peut se livrer autant, surtout auprès de quelqu'un qu'elle connaît à peine. Nous finissons par rentrer. Chacun retourne dans sa chambre. Je prends une douche et m'apprête à aller me coucher lorsqu'on toque à ma porte.

« Aya ? Qu'est-ce que tu fais là ? dis-je en ouvrant la porte.

- J'ai un problème de volet et je ne peux pas dormir avec les volets ouverts. Tu peux regarder ?

- D'accord, j'arrive. »

Je la rejoins dans sa chambre. Elle porte en peignoir en satin, j'essaye d'ignorer sa tenue et regarde ce que je peux faire avec les volets. Au bout cinq minutes, j'arrive enfin à régler le problème. Soudain, je sens les mains d'Aya autour de mes hanches. Elle se frotte tout doucement contre moi. Je me retourne et la repousse, elle est coriace et s'accroche à moi.

« Aya, arrête.

- Embrasse-moi.

- Je dois y aller.

- Ta femme n'en saura jamais rien. »

Elle pose ses lèvres sur les miennes, je la repousse. Elle m'embrasse à nouveau et caresse mon torse à travers mon tee-shirt. Je la repousse plus violemment et elle tombe sur le lit. Avec un regard coquin elle retire son peignoir. Elle est entièrement nue en dessous. Elle se relève et s'approche de moi tout doucement. Elle baisse mon pantalon de jogging puis mon caleçon et s'agenouille entre mes jambes.

[...]

Aya est dans la salle de bain. Je me rhabille en vitesse et quitte sa chambre. Une fois seul dans ma chambre, l'ampleur de ce que je viens de faire me frappe de plein fouet. Je déteste mon reflet dans le miroir, j'ai la nausée. Je sais qu'il n'y a plus de retour en arrière possible. Comment j'ai pu être aussi faible ? Comment j'ai pu trahir Azhar de la pire des façons ? Si elle l'apprend, elle ne me le pardonnera jamais. Je ne peux pas rester ici, j'envoie un message à Hassan prétextant une urgence et rassemble mes affaires. Une fois ma valise bouclée et mes chaussures au pied, je quitter la chambre et croise Aya dans le couloir.

« Tu t'en vas ?

- Je dois partir.

- Tu prends la fuite ? C'était juste une fellation, pas de quoi en faire tout un plat.

- Je pars, tu restes jusqu'à demain soir.

- Je ne vais pas rester si tu pars.

- Je rentre, toi tu restes ici.

- Tu n'assumes plus ? Tu as peur que ta femme le découvre ?

- Ne parle pas d'elle ! À partir du maintenant, tu fais comme si je n'existe plus. Si tu racontes à quelqu'un ce qui s'est passé ici, je nierai et tu passeras pour une folle. »

[...]

Je viens de me garer au pied de notre immeuble. Il est juste onze heures. La fenêtre de notre chambre est ouverte, Azhar doit être à la maison. J'essaye de paraître le plus normal possible avant de passer la porte. Elle est assise à la table de la cuisine, une tasse de thé entre les mains. Je m'approche d'elle et l'embrasse sur le front, j'ai l'impression de la souiller. Elle est trop pure pour moi, je vais la détruire je le sais. Elle est trop bien pour moi, j'en ai pleinement conscience à cet instant.

« Tu rentres plus tôt.

- Je voudrais qu'on parle, tu vas travailler ?

- Pas aujourd'hui. »

Elle se lève et quitte la pièce. Je la suis jusqu'à notre chambre, elle prépare ses vêtements.

« Viens t'asseoir, lui dis-je. »

Après une courte hésitation, elle s'installe à mes côtés. Je prends sa main dans la mienne parce que j'éprouve le besoin de maintenir un contact physique avec elle. J'ai besoin de savoir qu'elle est encore là.

« Je ne sais pas si je suis prête à discuter, me dit-elle. Je suis trop en colère.

- Je suis désolé d'être parti comme ça.

- Ce n'est pas que ça Ibrahim. J'ai l'impression que tu m'évites, que ma présence te dérange. Tu ne me regarde plus, tu ne me parle plus et tu ne me touche plus. Si tu ne veux plus de moi, tu n'as qu'à me le dire. Je ne ferai pas de scène.

- Je t'aime, n'en doute pas. C'est juste que parfois, j'ai l'impression de ne pas être à la hauteur. Je fais beaucoup d'erreurs et j'en suis conscient. Je te demande de me pardonner. Mais ne me quitte pas Azhar, j'ai besoin de toi.

- Je n'avais pas l'intention de te quitter. On ne peut pas laisser ce genre de problème s'éterniser entre nous. Nous devons en parler et être honnête l'un envers l'autre. »

J'ai tellement honte, mais je ne peux pas lui dire la vérité. Je ne peux pas prendre le risque de la perdre, alors je l'ai serrée contre moi, si fort qu'elle a fini par se tortiller entre mes bras. Nous nous sommes allongés sur le lit. Nous nous sommes enlacés et avons passé le reste de la journée ainsi.

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