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Azhar n'est pas d'humeur joviale. Elle tente de masquer sa tristesse et ses préoccupations à Youssra mais celle-ci a bien compris que son amie est totalement ailleurs. Youssra sait qu'elle devait déjeuner avec Ibrahim, pourtant Azhar l'a rejoint disant qu'il avait une urgence et qu'il n'a pas pu se libérer pour la voir. Youssra est sceptique quant au comportement d'Ibrahim envers sa femme, elle aimerait avoir une conversation avec lui mais elle ne souhaite plus se mêler des histoires du couple. Pourtant elle a envie que ça marche pour son amie car elle est réellement amoureuse de cet homme mais aussi pour Ibrahim car Youssra en est persuadée, Ibrahim l'aime. Pour une raison qu'elle ignore, Ibrahim est totalement en train de perdre le contrôle.
Elle sait que son amie est très patiente et qu'elle a toujours voulu être auprès de cet homme mais peut-être doit-elle se rendre à l'évidence. Peut-être qu'Ibrahim n'est pas fait pour elle, peut-être qu'elle s'est obstinée à vouloir faire en sorte que ça marche. Azhar n'est pas différente des autres femmes, elle espère pouvoir faire changer un homme, le réformer peut-être même réparer son âme blessé, mais combien sont celles qui ont réussi ? Elles se sont toutes brûlées les ailes, elles y ont laissé un cœur meurtri et en lambeau. Youssra refuse que ce scénario se répète avec son amie.
« Vous devriez venir dîner à la maison avec Ibrahim, propose-t-elle à Azhar.
- Merci mais c'est à nous de vous inviter. Depuis notre mariage on à très peu reçu. C'est juste qu'il travaille tellement et je me vois mal recevoir seul. Venez demain soir, je lui dirais de rentrer plus tôt.
- Peut-être la semaine prochaine, répond Youssra, le temps qu'il puisse s'organiser.
- Non, demain. Il peut bien faire un effort pour sa famille, même s'il n'en fait aucun pour nous. »
Youssra sentie que son amie regrettait d'avoir ouvert son cœur aussi brusquement alors ne répondit rien.
AZHAR
La veille nous nous étions disputés lorsque je l'ai informé que j'avais invité Youssra et Mounir. Il m'a reproché ne pas l'avoir prévenu assez tôt, prétextant un dossier à rendre très rapidement.
« Tu aurais pu considérer le fait que je travaille.
- Moi aussi je travaille Ibrahim !
- Oui, tu passes ton temps à faire des coloriages avec une gamine de cinq ans.
- Si tu ne veux pas venir, reste au travail ! »
J'ai quitté la pièce ne supportant plus sa présence. Je ne sais pas si je suis blessée et lassée de son comportement des derniers jours ou si c'est le fait qu'il ne se soit pas excusé après ce qu'il m'a dit qui me touche particulièrement. Je me suis sentie si humiliée. Moi qui l'ai toujours soutenu dans ses projets, j'ai toujours fait en sorte de l'encourager à aller aussi loin qu'il le pouvait. Je n'arrive plus à y faire face, je ne comprends plus ce qui nous arrive. Je n'arrive pas à voir le bout de ce tunnel.
Qu'est-ce qui nous arrive ? Est-ce qu'Ibrahim s'est rendu compte qu'il ne m'aimait pas ? Est-ce que son ancienne vie lui manque autant au point où il me manque de respect continuellement ? Je ne sais pas combien de temps je vais supporter cela.
Même au travail, je n'arrive pas à me concentrer. Pourtant aujourd'hui est un jour important. Nous fêtons les six ans de Sania et je sais que ce-soir, ses parents vont avoir une discussion. C'est sûrement pour cela que Ryan parait aussi stressé , si ce n'est la présence d'une quinzaine d'enfants dans l'immense jardin de la propriété. Alors que je traverse la vérandas les bras chargés de provisions, il s'approche de moi et m'aide avec les bonbons.
« Vous allez bien Azhar ?
- Oui merci, c'est une belle journée.
- Vous en êtes certaine ?
- Pourquoi me demandez-vous cela ?
- Pour commencer, je pense qu'on devrait se tutoyer maintenant. Ensuite, je sens que tu es très distraite ces derniers jours. Je m'inquiète pour toi.
- Vous...Tu t'inquiètes pour moi ?
- Oui, tu es ce qui se rapproche le plus d'une amie pour moi. Et depuis...Depuis ton mariage je te sens différente. Avant tu était plus légère, plus souriante et plus épanouie. Je n'ai rien contre ton mari mais s'il te maltraite, tu peux venir vivre ici avec nous. Nous t'accueillerons Sania et moi le temps qu'il faudra. Tu n'es pas obligée de subir...
- Ryan, mon mari ne me maltraite pas. Je vais très bien, ça me touche que tu t'inquiètes mais ce n'est pas nécessaire. Tout va bien.
- Bien sache que si tu as besoin je suis là...Tu sais parfois, on se trompe sur la véritable nature d'une personne. Certaines personnes ne sont pas forcément mauvaise. Tout n'est pas noir ou blanc mais, il faut savoir se protéger et s'éloigner des personnes négatives. »
[...]
Épuisée par ma journée, j'ai beaucoup de mal à me mettre au fourneau une fois à la maison. Étant donné que nous recevons Youssra et Mounir, je fais un effort et me traîne jusqu'à la cuisine. Je décide de faire très simple. Un gratin dauphinois avec un moelleux au chocolat et en entrée, salade tomate thon maïs et avocat. Ibrahim entre aux alentours de 19h30 et m'ignore totalement. Nous allons avoir une discussion ce-soir, c'est au-dessus de mes forces. Je ne peux plus continuer à vivre comme ça. Mon cœur est lourd et ma gorge se noue à chaque fois qu'il passe à mes côtés en faisant comme si je n'existe pas.
Je me dis que ce n'est pas ça, le mariage. Vivre avec sa moitié ce n'est pas vivre comme des inconnus. Le vrai amour ne doit pas faire souffrir. Il peut y avoir des désaccords mais lorsque l'amour est réciproque, les amants arrivent toujours à se retourner l'un vers l'autre. Est-il réellement réciproque ? Pourquoi m'a t-il épousée si c'est pour me traiter ainsi par la suite ? Je suis totalement perdue, mon moral est au plus bas et les gens autour de moi s'aperçoivent de mon mal-être. Comment lui peut-il l'ignorer ? Lui qui est censé être mon mari. La personne qui doit me connaître mieux que quiconque. Comment peut-il ignorer ma détresse ?
« Il n'y a plus rien à boire, me dit-il.
- Je ne sais pas, je n'ai pas vérifié. J'avais prévu d'aller faire des courses demain.
- Je vais aller à l'épicerie acheter quelques bouteilles. »
Encore un moyen de fuir. Je ne lui dit rien, s'il veut partir, qu'il parte. Je suis fatiguée de me rendre malade pour lui. Fatiguée de me battre seule. Pourquoi est-il aussi insensible ? Ne voit-il pas que nous sommes presque deux inconnus sous le même toit ?
IBRAHIM
Mounir et Youssra mènent la conversation, heureusement parce que je ne suis pas dans un bon état d'esprit et Azhar non plus. Ces derniers temps, rien ne va plus et je sais que je suis fautif. Nous n'arrivons plus à communiquer, à rire. Il n'y a plus cette légèreté du début. J'essaye de faire des efforts mais je n'y arrive pas. Je me sens prisonnier, étouffé par sa présence. Pourtant, je sais au fond de moi que je n'aimerais pas qu'elle soit ailleurs. Après le plat principal, Ahzar et Youssra préparent les desserts dans la cuisine pendant que Mounir et moi fumons sur le balcon.
« T'étais pas en train d'arrêter ?
- Si.
- Qu'est-ce qui se passe ?
- Comment ça ?
- Fait pas le con, Azhar ne dit presque rien. Qu'est-ce que t'as encore fait ?
- Comment ça qu'est-ce que j'ai encore fait ?! Pourquoi est-ce que c'est forcément ma faute ?
- T'entends ce que tu dis ?! On dirait un gamin qui parle et évite de me crier dessus petit con ! C'est forcément toi le responsable, ça ne peut pas être Azhar !
- Parce qu'elle est trop bien pour moi ?!
- Écoute, peu importe ce que tu as fait, essaye de régler ça le plus rapidement possible. Ne joue pas au con Ibrahim, parce que tu risques vraiment de tout perdre. Si jamais ça ne marche pas entre Azhar et toi, tu auras papa sur le dos. Déjà qu'il n'était pas trop chaud pour votre mariage, soit prudent. C'est la fille de son frère, si tu merdes...
- J'ai compris ! Rentrons j'ai froid. »
[...]
Cette soirée aurait pu l'être l'occasion pour moi de déstresser mais elle n'a été que source de frustration. Personne ne me croit capable de la rendre heureuse, pas même ma propre famille. Et moi aussi je commence a douter, est-ce que j'en suis réellement capable ? Elle a confiance en moi. Je ne veux pas la décevoir mais, j'ai l'impression de ne rien faire correctement. Quand Mounir et Youssra repartent, je rejoins Azhar dans la cuisine.
« Tu as besoin d'aide ?
- Non, merci.
- Je vais terminer de travailler sur un dossier, ne m'attend pas pour aller te coucher.
- D'accord. »
Encore une soirée passé seul à ruminer jusqu'à ce que mon téléphone vibre, un mail d'Aya. Elle m'a envoyé le devis d'un architecte. Je la remercie et m'apprête à reprendre mon travail quand je reçois un message cette fois-ci.
« Tu ne dors pas, demande-t-elle ?
- Non, je bosse.
- C'est triste. Travailler si tard alors que tu as une femme pour te tenir compagnie.
- C'est un dossier que je dois rendre cette semaine.
- Ta femme ne dit rien quand tu travailles aussi tard.
- Non, elle sait que c'est important.
- Humm.
- Qu'est-ce que tu veux dire ?
- Rien, je me dis simplement qu'un homme heureux en ménage fait en sorte de ne pas travailler aussi tard.
- Je suis très heureux en ménage, tu devrais arrêter de mentionner ma femme à chacune de nos conversations.
- Tu es vexé ? Désolée, je ne pensais pas que ça te dérangeait. Je dis ça pour toi.
- Je ne suis pas vexé, il s'agit de ma vie privée c'est tout. Je ne vois pas ce que tes remarques peuvent m'apporter.
- Une femme délaissée par son mari trouve du réconfort ailleurs, même celles qui paraissent très sage. Je dis ça pour toi, bonne nuit. »
Cette conversation m'a encore plus énervé que je l'étais. Je suis allé me coucher surpris de ne pas voir Azhar en train de dormir. La porte de la salle de bain était fermée, elle devait être en train de prendre une douche. Je me suis couché sans parvenir à trouver le sommeil. Elle n'est arrivée qu'une demi-heure après. Elle s'est assise sur le lit me tournant le dos, pianotant sur son téléphone. Parano comme je suis, les paroles d'Aya me reviennent en tête. Avec qui peut-elle discuter aussi tard ? Elle s'allonge à son tour, en me tournant le dos.
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