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IBRAHIM

Après avoir fermé l'agence, je me précipite vers le supermarché avant qu'il ne ferme. Il est presque 21H00 je finis rarement aussi tard mais, les clients exigeants sont en général ceux qui mettent la main au portefeuille. Je compte bien décrocher la prime de l'agence cette année et faire un cadeau à ma femme. J'aimerais l'emmener quelque part, dans un coin tranquille et on pourra passer nos journées au lit. Le programme est plus que tentant. Comme à chaque fois, même si elle m'a répété au moins cinq fois ce qu'elle voulait, je l'appelle en tournant dans les rayons. Elle s'énerve après moi, mais ce sont mes petits défauts qui la font craquer.

« Tu as trouvé ?

- C'est le bocal rouge ou le vert ?

- Le vert Ibrahim !

- Les nerfs sont tendus.

- J'ai l'impression que tu ne m'écoutes jamais. Je t'ai expliqué cinq fois ce matin ce que tu devais acheter.

- Tu portais encore ta nuisette de la veille, j'étais trop occupé à regarder tes fesses.

- [...]

- Je t'ai cloué le bec hein ?

- Appelle-moi quand tu as vraiment besoin de moi !"

Elle raccroche et je ris comme un con, seul en plein milieu d'un rayon. La vieille dame qui arrive se demande surement quel genre de malade je suis. Je finis par rejoindre la caisse où l'hôtesse me fait du charme. Il y a quelques années, je serai rentré dans son jeu mais je n'en éprouve pas l'envie. Une fois dans la voiture, je m'apprête à démarrer lorsque mon téléphone sonne.

« Allô ?

- Ibrahim, c'est Yasmine.

- Yasmine ? Pourquoi est-ce que tu m'appelles ?

- Je sus désolé de te déranger. Tu m'as dis que Rabah est mort, quelqu'un m'a appelé avec son numéro . »

Je n'aime pas du tout la tournure que prend cette conversation, mais je suis curieux et pressé d'en finir.

« Ça doit être une erreur.

- J'ai reçu des menaces Ibrahim, je sais que tu ne me dois rien...Mais j'ai peur.

- Tu as quitté Paris ?

- Je suis à Dunkerque, j'ai plus aucun contact à Paris.

- Si ce n'est pas une erreur, alors quelqu'un veut t'intimider. Il est mort, passe à autre chose.

- D'accord, dit-elle soulagée. Je ne voulais pas te déranger avec ça. Je me suis dis que s'il était de retour, il vaudrait mieux qu'on le sache.

- Arrête de te prendre la tête. Je vais essayer de me renseigner. Je t'appellerai, ne m'appelle pas d'accord.

- D'accord, merci Ibrahim. »


Azhar

Ma tante est arrivée quelques secondes après que j'ai raccroché avec Ibrahim. Elle était chez une amie vivant dans le coin. N'étant venue que deux fois chez nous depuis notre mariage, je l'ai invitée à rester dîner avec nous.

« Il n'est pas encore là ? Demande-t-elle ?

- Je l'ai envoyé faire des courses.

- Il est tard, il devrait être ici avec toi.

- Il vient de quitter le travail et il travaille dur.

- Viens t'asseoir près de moi ma fille. »

Je repose les assiettes et m'installe à ses côtés.

« Il y a quelque chose que je dois te dire à propos d'Ibrahim.

- D'accord, je t'écoute.

- Ibrahim avait un an lorsque ton oncle et moi nous l'avons ramené à la maison. J'étais enceinte d'Azra à cette époque. Nous l'avons adopté, je te dis tout ça parce que je sais que mon fils n'aime pas aborder ce sujet. Tu es sa femme, tu dois le savoir.

- Il m'en a déjà parlé. Je n'ai pas osé lui poser trop de question.

- Je suis surprise qu'il l'ai fait, mais tant mieux. J'espère que vous êtes heureux tous les deux.

- On l'est, ne t'en fait pas. »

Elle m'embrasse sur les mains et je la serre dans mes bras. Je reconnais le moteur de la voiture d'Ibrahim qui se gare dans le parking. Je lui envoie un message pour le prévenir de la présence de sa mère, puisqu'il a l'habitude de rentrer et de se comporter comme un homme des cavernes. Le repas se passe sans encombre. Ibrahim raccompagne sa mère pendant que je range la vaisselle. À son retour, il prie avant de me rejoindre dans la chambre et m'écraser sur le lit.

« Tu ne fais pas le poids d'une plume.

- Hum, dit-il en frottant son visage contre ma poitrine.

- Qu'est-ce tu fais si tard au travail ?

- Je multiplie les heures supplémentaires. Bientôt, on pourra se faire un voyage et prendre un appartement plus grand.

- Tu sais que tu n'as pas besoin de travailler plus pour qu'on puisse voyager. On est que deux ici, c'est suffisant.

- Tu me parlais de bébé de l'autre soir. Si ça arrive, où est-ce qu'on le mettra ?

- Dans la chambre, avec nous.

- Non, je ne partage pas mon lit ni ma chambre, sauf avec toi. Je sais que les voyages et les cadeaux ça n'a pas d'importance pour toi, mais ça en a pour moi. Je veux te faire plaisir.

- Il y a des moyens gratuits pour se faire plaisir, il relève la tête et remonte mon tee-shirt un sourire au lèvre. Je ne fais pas allusion à ça !

- Dommage.

- Tu es un peu obsédé.

- Tu aimes ça.

- Je voulais te dire, qu'on n'a pas besoin de payer pour être heureux. Je le suis quand tu rentres du travail et que tu me sautes dessus comme si on ne s'était pas vus depuis des semaines. Je le suis quand tu m'appelles en prétextant des excuses bidons. Je le suis parce que je t'aime. »

Il s'allonge derrière moi et me prend dans ses bras.

« Tu ne veux toujours pas qu'on passe à l'action ?

- Pourquoi tu gâches toujours les moments tendres ?

- J'essaye juste de rendre ça plus intéressant. Mais je suis heureux avec toi, parce que tu es une femme forte et loyale. Je suis tellement fier d'être ton mari. J'ai besoin d'une femme comme toi à mes côtés. Pour toujours. »

[...]

Je sors de la pharmacie et marche jusqu'à la voiture où Ibrahim m'attend. Lorsque j'arrive sur le parking, un homme fonce droit devant moi et me bouscule. Mon sac tombe par terre et j'entends le fracas de la bouteille de sirop de Yûnes que Youssra nous avait demandé d'apporter.

« Terroriste !"

Je n'ai le temps de répondre, qu'il se retrouve au sol à son tour. Ibrahim m'attrape par le bras et me relève avant de se déchaîner sur l'homme qui entre-temps, s'est relevé. Des passants s'arrêtent et s'interposent entre eux. Sous le choc, je regarde l'étendue des dégâts. Mais c'est l'état de mon mari qui m'inquiète le plus. Ibrahim est dans une colère noir, profère des insultes et se débat pour reprendre là où il s'est arrêté.

« Ibrahim arrête, rentrons.

- Que j'arrête ? Que j'arrête quoi ?!

- Écoutez votre femme, ça n'en vaut pas la peine, dit un homme."

L'homme part en titubant nous lançant un regard noir et déblatère sur les arabes, les noirs et les étrangers qui ont détruit ce pays selon-lui.

« Attendons un peu, tu es trop énervé pour conduire, lui dis-je une fois que nous avons regagné la voiture

- Fais voir ta main.

- C'est une égratignure, dis-je pour le rassurer.

- Non, c'est pire que ça. J'aurais du l'emmener dans un coin personne n'aurait pu m'arrêter.

- Ce n'est rien Ibrahim, ce sont des choses qui arrivent.

- Des choses qui arrivent ?! Ces choses ne devraient pas arriver et c'est parce qu'on ferme nos gueules à chaque fois que ça continue.

- Tu veux te battre contre tous les gens qui attaquent des femmes voilées dans la rue ?

- Jusqu'au dernier. Personne ne s'attaque à une femme et encore moins à la mienne.

- Partons, je ne me sens pas bien ici.

- Je n'aime pas ta blessure. Je retourne à la pharmacie, il faut désinfecter et ce fils de pute a cassé le médicament de Yûnes. »

Lorsqu'il me laisse seule sur le parking, j'ai l'impression d'être exposée et vulnérable et ce sentiment m'effraie parce que je me sens si forte et protégée lorsqu'il est là.


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