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« Passe le en même temps que moi, je suis sûre que tout ira bien.
- Sofia, je ne me sens pas aussi à l'aise que toi. Je fais encore dix fautes.
- Ce n'est pas grave, essaye quand même. Demain on dit à Lucie que tu veux une passer le code, on va prier et tout ira bien.
- Si tu le dis. »
Nous quittons l'auto-école afin de rentrer il est tard et en décembre le soleil se couche tôt. L'auto-école se situe à cinq minutes à pied de mon ancien quartier mais maintenant que j'ai déménagé j'ai quinze minutes de marche à pied.
« Tu ne viens pas à la maison ?
- Non, je vais rentrer chez moi.
- Viens dormir ce soir.
- Je n'ai pas apporté mes affaires, je viens ce week-end.
- D'accord, à demain. »
Sofia m'embrasse avant de partir de son côté et moi du mien. Je fourre mes mains dans les poches de ma parka et avance la tête baissée. Il y a encore du monde dans les rues ça me rassure. Je m'imagine toujours des histoires sordides d'homme qui sort de nulle part pour me kidnapper ou même me tuer, j'ai surement un problème quelque part.
Une fois chez-moi je ferme la porte à clé, retire mon manteau et me rend dans la cuisine. Un chocolat chaud entre les mains, je m'installe sur le canapé devant des films de noël. Je finis par m'endormir et me réveiller en entendant toquer à la porte. Il est vingt et une heure. Mon voile a glissé jusqu'à mon cou comme une écharpe, je l'attache et m'empresse d'aller ouvrir.
« Ibrahim ? dis-je surprise de le trouver sur le pas de ma porte.
- J'ai cru que tu n'étais pas là, ça fait cinq minutes que je sonne.
- Je dormais Ibrahim, il y a un problème ?
- Non, tout le monde va bien. Tu ne me laisse pas entrer ?
- Ibrahim, ce n'est pas correcte. Je suis seule.
- D'accord, alors retrouve-moi en bas.
- Je suis fatiguée.
- Quelques minutes Azhar, c'est tout ce que je te demande. »
Il part ne me laissant pas le temps de répondre. J'enfile ma doudoune et sort à mon tour. Il fait très froid dehors, je marche rapidement jusqu'à la voiture ou Ibrahim m'attend. Une fois assise, j'attache ma ceinture et il démarre.
«On va où ?
- Dans un lieu public. »
Il s'arrête devant une brasserie je ne suis absolument pas habillée pour ce genre d'endroit et lui non plus. Je le regarde lorsque nous marchons jusqu'à l'entrée. Il porte une parka noire avec un bas de survêtement et une de ces paires de basket.
« Ibrahim, qu'est-ce qu'on fait ici ?
- Tu ne veux pas qu'on reste chez toi, alors viens et arrête de poser des questions.
- Non, ramène-moi.
- Azhar, dit-il exaspéré. Tu ne vas pas rester sur le trottoir on va être gelé.
- Tu ne joueras plus avec moi. Tu débarques quand tu veux tu m'emmènes quelque part, tu me fais espérer et puis deux semaines plus tard je te croise avec une fille ou pire et après tu me dis qu'il ne se passera rien entre nous. Tout ça, c'est terminé, je ne veux plus jouer.
- Ce n'était pas un jeu Azhar.
- Si, c'est un jeu pour toi. Tu peux le faire avec des tas d'autres filles alors pourquoi moi ? Je suis partie pour une bonne raison Ibrahim, parce que je ne veux plus perdre mon temps à t'attendre, à me rendre malade, à pleurer. Je ne veux plus ! Je veux rentrer.
- Azhar, j'ai besoin de te parler. Si tu ne veux pas, je comprends mais j'en ai besoin.
- [...]
- Pourquoi tu ne parles pas avec Yasmine. C'est elle ton amie.
- Non, ma seule amie c'est toi. Yasmine ne représente rien pour moi depuis longtemps. Tu m'as demandé pourquoi j'étais comme ça, je t'ai donné une partie de mon histoire, là je peux t'expliquer la suite et répondre à tes questions. Uniquement si tu le veux.
- [...]
- Viens, tu vas tomber malade. »
Je suis faible, beaucoup trop faible mais comment je peux lui résister ? J'en suis incapable depuis le début. Je suis ridicule mais mon cœur ne peux pas lui tourner le dos c'est comme si tout en moi lui appartenait et ça, depuis toujours. J'ai l'impression d'avoir attendu Ibrahim toute ma vie.
Ibrahim connaît le patron de la brasserie. C'est un client à qui il a fait acheter un appartement dernièrement. L'homme nous conduit jusqu'à un escalier que nous montons avant d'arriver dans une autre pièce. Beaucoup plus intime, avec une déco très travaillée et végétale on se croirait au milieu de la forêt amazonienne.
« Tu aimes ?
- Oui, je n'ai jamais vu un endroit pareil.
- C'est privé, Allan m'a dit que si j'arrivais à lui avoir l'appartement je pouvais en profiter. Il n'y a pas grand monde se soir. On sera tranquille.
- Ibrahim, on aurait pu parler dans la voiture.
- Je sais, mais tu n'as pas mangé et moi non plus.»
Après s'être installés, le serveur prend nos commandes, et nous apporte des cocktails.
« Tu as toujours l'album ?
- Bien sûr.
- Tu peux le garder.
- Ibrahim, il est à toi.
- Plus maintenant, garde le. S'il te plait.
- D'accord. Ta mère enfin je veux dire la femme qui t'as mise au monde, tu ne l'as jamais vu ?
- Pas depuis qu'elle m'a laissé à ma grand-mère au Maroc quand j'avais deux ans. Ma mère et ma génitrice sont cousine. Ma grand-mère était beaucoup trop vieille pour s'occuper de moi. Elle voulait que j'ai une vie meilleure alors ils sont venus me chercher.
- Donc, les autres ne savent pas que tu as été adopté ?
- Mon père n'a jamais voulu en parler. Mais je sais très bien que je ne leur ressemble pas physiquement et eux aussi. Ma mère m'a dit que mon géniteur était métisse c'est pour ça que j'ai un teint plus foncé.
- Tu ne l'as jamais vu ?
- Non, personne n'a jamais su qui c'était. Amina, ma génitrice est tombée enceinte et elle n'a jamais dit à personne qui était le père de son enfant.
- Tu n'as jamais voulu savoir ?
- Pourquoi faire ?
- Pour savoir d'où tu viens.
- Je sais d'où je viens Azhar. Cette femme m'a mise au monde puis elle a délaissé ses obligations de mère. J'ai eu une mère et un père qui se sont occupés de moi. Je n'ai jamais manqué de rien et je ne me souviens même pas de l'année que j'ai passé au Maroc. »
Un an au Maroc, c'est pour ça qu'il n'y a plus de photo entre sa naissance et son deuxième anniversaire. J'ai envie de lui demander s'il a déjà souhaité se rendre au Maroc pour partir à la recherche de sa mère ou de son père, mais je n'ose pas.
« Ibrahim, tu n'as pas à avoir honte. C'est normal de vouloir connaître qui sont les personnes qui t'ont donné la vie.
- Ça n'a plus d'importance maintenant. »
Le serveur nous apporte nos assiettes et nous mangeons. Je ne pose plus de questions j'ai eu assez de révélation pour aujourd'hui. Nous parlons de notre quotidien, l'examen du code, son travail. Je sens qu'il a envie de me dire quelque chose mais il ne va pas plus loin alors je le laisse faire.
« Tu manges beaucoup, me dit-il.
- Tu veux dire que je suis grosse ?
- Tu as pris du poids mais ce n'est pas gênant.
- Même si ça te gêne je m'en fiche je n'essaie pas de te plaire.
- À qui tu veux plaire alors ?
- À moi-même et à mon futur mari. C'est important ça.
- Il a beaucoup de chance si tu te soucies déjà de lui plaire. C'est important, d'être attiré par l'autre sinon ça ne marche pas.
- Ça peut marcher ! Même sans attirance.
- Tu es naïve Azhar. Aucun homme épouse une femme qui ne lui plaît pas physiquement. C'est pareil pour les femmes.
- Ils ne sont pas tous comme toi.
- Peut-être mais j'accorde une importance au physique, je n'ai pas peur de le dire.»
Vexée je repose ma cuillère, moi qui avait si bien entamé mon cheesecake. Ibrahim sourit, il est fier de lui. Hors de question que je laisse gagner. En plus d'avoir fini mon dessert, j'ai également pris le sien.
« Il ne faut surtout pas que je grossisse.
- Je n'ai pas dis que tu étais grosse Azhar. Mais j'aime les femmes grandes et minces je ne vais pas affirmer le contraire pour faire plaisir aux autres.
- Yasmine est une fausse blonde grande et mince. Tu aurais du l'inviter, plutôt que de te retrouver avec Azhar la petite et grosse. Et puis je me fiche que tu préfère les filles grandes et minces parce que je ne vais pas perdre du poids pour toi ou pour qui que ce soit d'autre. Je ne suis pas ta femme alors tu n'as pas à t'en faire.
- Tu dis n'importe quoi.
- Je veux rentrer.
- Tu ne veux pas finir mon dessert ?
- [...]
- C'est juste une question Azhar.
- Ramène-moi. »
Je suis consciente d'avoir cinq ou six kilos en trop mais qu'on me fasse la remarque et surtout venant de la part d'Ibrahim, c'est vexant. Je remercie Allan le patron, Ibrahim lui dit qu'on repassera, ce sera sans moi. C'est la dernière fois que je sors manger avec lui. Pourtant tout avait si bien commencé mais il gâche toujours tout ou alors c'est moi qui suis trop sur les nerfs.
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