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Début septembre, tout le monde est de retour. Dans quelques jours, je vais reprendre mon travail auprès de Sania. Il y a un mois j'ai reçu une réponse positive de l'OFRPA m'autorisant à rester sur le territoire français avec un titre de séjour renouvelable. Comme promis, j'ai apporté à Asma la maman de Ryan, une copie de celui-ci. Pour fêter cela, Ibrahim nous a offert une semaine à Cannes. Nous avons été surprise en découvrant qu'il nous laissait partir sans lui. Bien entendu, nous avons eu le droit à toutes sortes de mise en garde jusqu'à arriver sur le quai.

J'ai passé une semaine parfaite avec Sofia et Kaïna. Le retour à la réalité a été très difficile. J'étais tout de même contente de rentrer pour retrouver Sania, elle m'avait beaucoup manquée. L'état de santé de mon oncle s'est amélioré depuis. Il prend un traitement qui lui convient mais reste tout de même prudent. Le temps passe et je patiente. J'attends de voir où cela va me mener. Je suis plus optimiste maintenant que j'ai un titre de séjour. J'ai envie de rêver grand et de croire en des choses auxquelles je n'avais jamais pensé auparavant.

[...]

Après avoir retiré mon titre de séjour à la préfecture, je suis allée saluer la mère de Youssra et Halim. Nous avons pris le thé puis j'ai insisté pour préparer le diner. Elle tenait à ce que je reste manger mais, après avoir reçu plusieurs appels de ma tante j'ai du rentrer précipitamment. J'avais peur qu'il soit arrivé quelque chose à mon oncle.

Lorsque j'ai poussée la porte d'entrée, j'ai été surprise de voir Mounir. D'habitude il est au travail à une heure pareil. Tous les regards étaient rivés vers moi. J'avais l'impression d'avoir fait une bêtise. Pourtant, j'avais beau réfléchir, je ne voyais pas ce que j'avais bien pu faire de mal.

« Viens Azhar, me dit Mounir. »

Je pose mon sac avant de m'avancer et de m'asseoir entre eux. Il y a un silence. Le genre de silence qui n'augure rien de bon. Je les regarde, à tour de rôle avant de comprendre que je n'ai rien fait de mal, au contraire. Très vite je comprends pourquoi je suis là, je sens mon ventre se tordre de douleur. Je suis incapable de prononcer un mot avant que Mounir ne prenne mes mains entre les siennes.

« Qui est mort ? Je demande d'une voix tremblante

Je connais la réponse, mais j'ai besoin de l'entendre. J'ai besoin d'en avoir la confirmation.

« Ta mère est décédée.

- [...]

-  Il y a une semaine. Elle a été blessée à la tête durant une attaque, elle n'a pas survécu allah y rahma. »

Je ne supportais plus leur présence. J'avais l'impression de suffoquer je me sentais oppressée , comme ensevelie sous terre. J'avais besoin de prendre l'air, d'être loin des autres, d'être loin d'eux. Ma mère est morte parce que je suis partie, je l'ai abandonné. Si j'étais restée avec elle, elle serait toujours en vie. Je l'aurais protégé, je l'aurai soigné lorsqu'elle s'est blessée. J'aurais pris soin d'elle. Au lieu de ça, je me retrouve ici à me lamenter pour tout et pour rien. Pour un titre de séjour, pour Ibrahim qui ne me regarde même pas. Tout cela pendant que ma mère était en train de mourir sans médicaments pour soulager sa douleur, sans soutien. Elle a du tellement souffrir avant de mourir.

Je me suis levée et j'ai marché pied-nu jusqu'à attendre la porte. Je voulais absolument quitter cette maison. J'ai marché, j'ai descendu les escaliers comme un robot. J'avais l'impression d'avoir quitté. L'air était plus lourd. Mes pieds étaient recouverts de terre et de sable. Les immeubles étaient pour la plupart détruits, des cris, de l'agitation et du mouvement autour de moi. En regardant droit devant moi, mes yeux ont rencontré les siens. Ma mère était face à moi. Dans sa robe blanche et dorée. Sa robe préférée. Elle a peur, je le sens. Elle va mourir et elle le sait.

Son visage est couvert de sang et son crâne est totalement ouvert. Je veux l'appeler, prononcer « maman » une dernière fois, mais je n'arrive pas à parler. J'ai entendu une personne crier mon nom, mais j'ai continué à avancer avant de me retrouver projetée au sol à mon tour.

[...]

La lumière est beaucoup trop forte pour mes yeux, alors je tente de m'habituer à celle-ci. Je sens une personne à mes côtés. Je reconnais le parfum de Sofia qui se penche vers moi pour s'assurer que je suis bien éveillée. Je tente de tourner la tête vers elle, mais je n'y arrive pas. Quelque chose m'en empêche. J'essaye alors de bouger mes jambes. Un mouvement de quelques centimètres à peine, qui me provoque une vive douleur.

Sofia sort et reviens avec un médecin et une infirmière. Ils me parlent mais leurs voix sont comme un bourdonnement. Il me faut quelques minutes pour assimiler correctement ce qu'ils me disent. C'est un homme assez âgé au regard doux qui vérifie mon état en agitant une lampe devant mes yeux.

« Vous avez eu de la chance. La voiture a pu freiner avant. Ça a diminué le choc de l'impact.

- La voiture ?

- Vous ne souvenez pas ? Vous vous êtes faite percuter par une voiture au pied de votre immeuble. La police va venir vous interroger.

- Ma famille ?

- Vous ne pouvez pas les voir ce soir mademoiselle. L'heure des visites est terminée. Ils savent que vous allez bien. Si votre état reste stable, vous pourrez sortir dans trois jours. Les policiers vont entrer. »

Après l'entretien avec la police, ils classent cela en accident. J'ai décidé de ne pas porter plainte. Ce qui m'est arrivé est ma faute, le conducteur de la voiture n'y est pour rien. Une fois seule dans ma chambre, je suis prise d'une crise de larme tellement intense que je ne parviens pas à me calmer. Alertée par mes cris, une infirmière entre dans la chambre et tente de me rassurer. Elle me donne un sédatif afin que je puisse m'endormir.

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