Chapitre 9 | Ayla

― Je m'attendais à ce que tu échoues, mais je sais reconnaître mon erreur. La cérémonie étant passée, la réception reste tout aussi importante surtout si tu veux former de nouvelles alliances. Essaie de faire bonne impression, chère nièce.

― Merci pour le compliment, mon oncle.

Léander s'incline devant moi avant de descendre les marches pour rejoindre les autres invités. De nombreuses familles ont fait le déplacement pour me rencontrer et sceller de nouveaux accords. Mon oncle est connu comme un homme sévère, mais juste alors j'ai conscience que certains tenteront de profiter de ma jeunesse pour me manipuler. Je repère ma cousine Esmée dans une superbe robe en tulle couleur corail. Ses cheveux bouclés tombent en cascade sur ses épaules avec une certaine élégance. Elle ressemble beaucoup à sa mère même au niveau du caractère. Mon cousin Caton est une copie de Léander, il est aussi insupportable que son père. C'est sûrement la raison pour laquelle nous nous entendons mal. Je le repère au niveau du buffet en train de manger les tartelettes à la rose.

Je passe une main sur ma seconde robe de la soirée. Elle ressemble à celle de la cérémonie, mais la couturière et moi avions convenu de faire un modèle plus simple et élégant. Contrairement à la précédente, c'est une robe bustier fabriquée à partir du reste du tissu choisi. Un noeud noir entoure ma taille ajoutant une touche d'élégance.

— Tu étais impressionnante ! Ton discours apporte une vague de fraîcheur pour notre famille. Je n'ai jamais douté de ton talent pour te faire entendre.

Mon frère m'enlace tendrement en me complimentant de nouveau. Je remarque la cravate à son cou, la couleur est identique à celle de ma robe. Je n'aurais jamais cru que mon frère se donnerait autant de mal pour assortir sa tenue à la mienne. Ce geste me touche profondément même si je garde cette information pour moi. Alaric remarque mon trouble, ce qui le pousse à serrer mon épaule.

― Crois-tu que je sois suffisamment forte pour être la représentante ?

― Ne doute jamais de toi.

Il tend le bras en me souriant.

― Besoin d'un coup de main pour descendre ?

― Avec plaisir.

Je m'agrippe au bras de mon frère afin de rejoindre les invités. Mon absence risque de ne pas être appréciée par les invités et je ne veux pas faire honte à la famille. Quelques regards se tournent dans notre direction lorsque nous descendons les marches. Ma tête est haute, j'ignore les tremblements de mes jambes.

Des applaudissements retentissent tandis que je me mêle à la foule. Je connais la plupart des personnes présentes, mais je me sens affreusement gênée d'être au centre de toutes les conversations. Le moindre de mes faits et gestes est surveillé, jugé et surtout répété. Une boule se forme dans ma gorge lorsque je reconnais l'émissaire royal. Il s'incline devant moi en signe de respect bien que je ne sois pas membre de la royauté.

— Mademoiselle Eastwood, c'est un véritable honneur de vous rencontrer. Sa Majesté vous adresse ses félicitations pour la réussite de votre épreuve.

— Je remercie Sa Majesté pour son intérêt. Je lui enverrai sous peu un cadeau de remerciement.

L'émissaire n'est malheureusement que le premier à me saluer. Je me retrouve encerclée par les femmes les plus connues du pays. Elles sont non seulement riches, mais ce sont des commères qui n'hésitent pas à me poser des questions indiscrètes.

— Vous êtes d'une beauté éblouissante, mademoiselle. Il faut absolument que vous me donniez le nom de votre maquilleur ! s'exclame madame Beauvois.

— Nous attendons votre mariage avec impatience, cela sera le plus grand événement de l'année ! Avez-vous une idée pour votre robe ? Je peux vous donner le nom de ma couturière...

Je cesse d'écouter cette énième femme évoquer mon mariage. Nous n'avons pas encore convenu d'une date, le voyage étant la première étape pour ficeler un lien entre nous. Visiblement, la cérémonie n'était pas l'événement le plus incroyable. Tout le monde attend de me voir en jolie robe blanche face à un homme inconnu.

Afin de m'extirper de cette embarrassante conversation, je me dirige vers le buffet afin de boire un verre. Je n'avais pas remarqué à quel point j'étais assoiffée. Un soupir de soulagement s'échappe de mes lèvres. Je ne suis pas mécontente d'avoir un peu de calme.

— Vous devriez prendre une tartelette à la rose avant de ne plus en avoir. Je crains que ce jeune homme ne disparaisse avec le plateau d'une minute à l'autre.

Un homme inconnu dépose différentes préparations dans son assiette en souriant. Il porte un costume très différent des autres convives. La première chose qui me surprends est cette redingote noir avec des dorures. Une telle tenue coûte une véritable fortune. Une ancienne chevalière est à son doigt, mais impossible de discerner ce qui est écrit dessus.

Je m'attarde ensuite sur les traits de son visage. Ses cheveux blonds sont légèrement ondulés et frôlent sa nuque. Une barbe de quelques jours lui donne une apparence plus masculine.

— Merci pour votre recommandation.

— Pardonnez-moi je vous ai gâché votre unique moment de calme. Je vais retourner à mes occupations, navré du dérangement.

Je secoue la tête.

— C'est très aimable, mais tout va bien. Je ne vais pas me montrer grossière avec un homme qui me conseille la meilleure pâtisserie de notre monde.

Ce bel inconnu semble surpris par mon ton amical. Je ne suis pas surprise, on pourrait croire que je suis froide en apparence, ce qui n'est pas le cas. J'aime la compagnie des autres et rencontrer de nouvelles personnes.

— Je ne suis pas certaine de vous connaître. Qui est votre famille ? Au bout de toutes ces années, je pense connaître tout le monde.

— Je m'appelle Ethan Hillmore. Ma famille est notamment connue pour être propriétaire de...

— La plus grande bijouterie du royaume. Oui, j'ai entendu parler de votre famille. Mon oncle souhaitait conclure un contrat, mais ils ont toujours refusé.

Ethan semble amusé par ma remarque.

— Je présume que vous venez pour un contrat ? Malheureusement, toutes les places sont prises pour le moment alors je crains de ne pas pouvoir accepter d'entrevue.

— Il est hors de question d'évoquer le moindre contrat, considérez-moi comme un simple invité. J'apprécie votre compagnie et j'espère que c'est réciproque.

— Nous venons de faire connaissance !

Notre conversation est interrompue par grand-mère. Elle est bien plus joyeuse que la normale, je présume que l'alcool est en train de couler dans ses veines. Un grand sourire illumine son visage.

— Il est temps d'ouvrir la danse, Aylana !

— Maintenant ? Je viens à peine de descendre...

Elle tapote ma joue.

— Tu as un charmant cavalier qui demande une simple danse en ta compagnie. Amuse-toi et profite du moment !

— Je suis terriblement embarrassée, monsieur Hillmore.

Il me lance un nouveau sourire en me tendant la main sous le regard lumineux de ma grand-mère. Je dépose mon verre sur la table la plus proche puis glisse ma main dans celle de mon cavalier. Les premières notes du violon retentissent. Ethan guide mes pas en me chuchotant de le suivre. Il ne me quitte pas du regard, ce qui m'embarrasse durant un premier temps.

Au bout de quelques secondes, je parviens à me détendre et suivre le bon rythme. Ma soeur était bien plus douée pour ces exercices. Elle possédait une élégance que je ne possède malheureusement pas. Je me concentre de nouveau sur la danse afin de ne pas écraser le pied de mon partenaire à cause d'une erreur maladroite. Les regards des invités sont tournés dans notre direction, mais Ethan me pousse à le regarder.

― Ne vous préoccupez pas de la foule.

― Chacun de mes mouvements est surveillé dans l'attente que je fasse une erreur.

― Faites-moi confiance.

Nous nous retournons avant de placer nos mains l'une contre l'autre en tournant. Quelques couples viennent nous rejoindre à mon grand soulagement. Je ne connais pas cet homme, mais il m'inspire une grande confiance. Il s'est montré aimable depuis notre première rencontre.

― Ma grand-mère ne se préoccupe jamais de l'avis des autres, ce qui la pousse à prendre des décisions à leur place. Vous ne devriez pas être contraint de danser avec moi uniquement parce qu'une vieille dame l'a demandé.

― Ce n'est pas une obligation, j'apprécie votre compagnie.

J'ignore la véritable raison pour laquelle cet homme est présent à la soirée, mais j'apprécie sa compagnie. Il ne m'observe pas comme une petite chose à commenter et juger. Ethan Hillmore serre délicatement ma taille avant de me soulever. Nous nous inclinons mutuellement à la fin de la musique. Des applaudissements retentissent à ma grande surprise, mes joues s'empourprent en remarquant que monsieur Hillmore est toujours à mes côtés.

Je retourne rapidement au buffet afin d'avaler quelque chose et ne pas tomber dans les pommes. Je découvre que les tartelettes ne sont malheureusement plus là ! Maudit Caton ! Il n'est pas devenu le représentant de la famille alors il se venge sur mes pâtisseries préférées. A la place de mon encas favori, je me contente d'une autre tartelette à la fleur de pomme. Le goût est semblable au fruit à la grande différence que celui-ci est bien plus sucré. Ethan Hillmore dépose devant moi une tartelette à la rose.

― Rien ne vaut un petit sortilège de dissimulation, déclare-t-il.

― Vous êtes vraiment malin !

Je croque un morceau de la pâtisserie en fermant les yeux. Au diable les bonnes manières ! Grand-mère est trop pompette pour remarquer mon manque de classe et je doute que les autres bonnes femmes disent quoi que ce soit.

― Merci beaucoup, je n'aurais jamais pu survivre à une telle soirée sans cette pâtisserie.

― Il faut toujours s'entraider en cas de besoin.

― Je suis bien d'accord.

Nous passons un moment à discuter tranquillement avant que je ne sois contrainte de rejoindre les autres. Je lui lance un dernier regard avec un sourire aux lèvres. C'est la première personne qui me remarque derrière mon nom. Ce sentiment me fait énormément de bien.

31.05.2023

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