Chapitre 30 | Cyrus

Une branche craque sous la semelle de mes chaussures de randonnée. Je pensais pouvoir échapper à cette corvée en prétendant une fausse maladie, mais Dawn n'est pas dupe. Elle est parvenue à me convaincre, mais cela ne rend pas cette promenade plus agréable pour autant. Ethan me lance des regards interrogateurs, il cherche à entamer la conversation, ce dont je n'ai pas envie. Je me contente de rester en retrait afin de profiter du paysage.

Pour se rendre à cette partie de l'île, il faut payer une certaine somme d'argent. Cet endroit est bien conservé malgré les effets du temps. Je n'ai jamais eu l'occasion de me rendre sur ce coin de l'île alors mes maigres connaissances sur le sujet n'auraient pas aidé le couple. Dawn est parfaite en tant que guide, elle est charmante et parvient à les mettre à l'aise quand il le faut. Il faut croire que je ne suis vraiment pas bon dans ce domaine.

― La tempête ayant touchée Aflium est la seule et unique de l'histoire. Personne n'est en mesure d'expliquer la raison de ce déchaînement élémentaire, mais il a fallu plus de quatre mois pour que la pluie et l'orage cessent de tomber. Comme le guide touristique l'indique, un éclair d'une puissance incroyable a touché une partie de l'île en parvenant à la séparer.

Je n'avais jamais entendu parler de cette histoire avant aujourd'hui. Je connaissais son existence car il est difficile d'ignorer une petite île baignant dans l'océan. Dawn pousse des lianes nous barrant le passage en nous demandant de faire attention. La beauté de ce paysage est indescriptible. La nature a clairement reprit ses droits, il ne reste aucune trace d'un quelconque passage.

― Pourquoi est-elle inaccessible aux touristes ? demande Ethan.

― La direction la trouve trop dangereuse pour l'exploration, mais elle est accessible à ceux qui peuvent se le permettre en signant une décharge. Ils ne peuvent pas vraiment assurer une totale sécurité en raison de la végétation. Certaines plantes proviennent directement de mon royaume et peuvent causer beaucoup de mal.

Elle s'agenouille devant un buisson sur lequel se trouve des petites fleurs blanches et roses.

― Ne sont-elles pas magnifiques ?

― Elles le sont, admet Aylana.

― Ce sont de loin les fleurs les plus toxiques de mon royaume. Nous avons de la chance, il s'agit d'une hybride et non de la véritable plante. Celle-ci se contente d'endormir quiconque ose la toucher alors que la véritable est capable d'arrêter les battements de cœur d'une personne.

Dawn ne s'intéresse pas particulièrement aux plantes car contrairement au reste de ses semblables, elle est incapable de puiser la magie de la nature. Elle ne manque néanmoins pas d'informations à ce sujet. La rousse lance un dernier regard au buisson avant de poursuivre son chemin d'une démarche assurée. Je prends le temps d'observer ces délicates fleurs avant de les suivre. Elle nous montre d'autres variétés de plantes qui ne représentent aucun danger et qui se contentent d'être jolies avec une douce odeur. Au bout d'une heure de marche, nous prenons le temps de nous asseoir pour boire et manger un morceau. Ethan bombarde Dawn de questions pendant que la brune caresse du bout des doigts une fleur bleu.

― Ce sont des lapuzis.

Elle se retourne au son de ma voix.

― Dangereuse ?

― Pas à ma connaissance, mais vous devriez poser la question à Dawn.

― Inutile, je ne compte pas en cueillir.

Elle ne s'attarde pas auprès de moi et retourne auprès de son fiancé. Cette scène me donne la nausée, il vaut mieux prendre mes distances. Je m'éloigne de notre petit campement pour visiter les environs et mettre de la distance entre Aylana et moi. J'évite tout contact avec les plantes pour ne pas me retrouver empoisonné. Le sentier est glissant, je m'accroche à la branche d'un arbre en descendant. Une source d'eau est proche, je peux l'entendre. En cas de problème, j'enverrais un signal pour signaler mon positionnement. Je m'enfonce un peu plus dans la végétation sauvage pour me rapprocher de la source d'eau. Encore quelques mètres et je fais face à une magnifique cascade tombant dans une rivière, je remarque les couleurs changeantes de l'eau. Elle passe de turquoise à un violet profond. Je n'avais jamais rien vu de tel. Encore une magnifique création des fées. Elles sont de loin les plus douées pour utiliser les éléments de la nature et en faire quelque chose de merveilleux.

Je m'approche du bassin, un sourire aux lèvres afin d'observer cette merveille de plus près. Un hurlement attire mon attention, je me retourne en fronçant les sourcils. Un frisson de terreur m'envahit en voyant Aylana dévaler la pente à toute vitesse. Elle tente de s'agripper à tout ce qui lui tombe sous la main, en vain. Je n'ai pas le temps de m'écarter, elle me percute de plein fouet. Nous tombons lourdement dans le bassin aux milles couleurs. Il me faut un certain temps pour retrouver mes repères et remonter à la surface. Le courant est bien plus fort que je ne l'aurais cru, je n'arrive pas à nager pour remonter sur la rive. Un détail me frappe aux yeux : Aylana n'est pas remontée.

Sans perdre un instant, je plonge sous l'eau à la recherche de cette maladroite sorcière. Je la remarque immédiatement dans cette eau claire dépourvue de créatures aquatiques. Ses paupières sont closes, elle ne semble pas avoir conscience de ce que nous vivons. Je m'empresse d'attraper son bras pour la remonter à la surface. Le courant étant trop puissant, je peine à garder mon emprise. Mes bras s'enroulent autour de sa taille pour la maintenir auprès de moi.

― Ce n'est pas le moment de lâcher, chuchoté-je.

Sa respiration est bien plus faible que je ne le voudrais. Un détail me saute brusquement aux yeux, le courant est différent. Nous nous rapprochons de la cascade alors que nous aurions dû nous éloigner, ce qui est naturellement impossible. Comment allons-nous remonter ? Je serre délicatement Aylana dans mes bras en ignorant ma voix intérieure. Je ferme les yeux lorsque nous passons sous la cascade me préparant mentalement à une certaine douleur. A ma grande surprise, je découvre une espèce de grotte camouflée derrière le torrent.

Le courant étant beaucoup moins fort, je parviens à déposer le corps endormi de la brune sur le sol avec délicatesse puis m'extirpe moi-même de l'eau. Je m'agenouille auprès d'Aylana afin de la réveiller. Elle était sous ma surveillance, je ne peux pas prendre le risque de perdre mon travail en ramenant un cadavre de cette excursion. Je passe une main sur son poignet à la recherche des battements de son cœur. Celui-ci semble battre normalement, c'est une bonne chose. Elle ne présente aucune blessure extérieure, ce qui m'apaise.

La grotte est assez grande et présente même un escalier de pierre menant à un endroit inconnu. Nous ne sommes pas en danger dans cet endroit, je peux la laisser seule quelques minutes pour aller explorer. Ce n'est pas tous les jours que nous tombons sur un endroit tel que celui-ci. Je monte les marches en veillant à ne pas glisser afin de découvrir les secrets de cette vieille grotte.

J'utilise mes pouvoirs pour faire apparaître une faible lumière, cet endroit étant plongé dans l'obscurité. Je marche avec précaution par crainte de casser quelque chose d'important. C'est alors que je remarque des tableaux. Le premier représente une jeune fille aux longs cheveux bruns, un sourire aux lèvres tandis que le second montre un jeune homme à l'allure sombre et fier. Mon regard est attiré par le tableau représentant un petit garçon. Il m'est vaguement familier. Il me faut quelques minutes pour me remémorer le rêve avec le petit garçon dans les bois. C'est lui !

― Quelle horreur ! m'exclamé-je.

Un autre tableau est recouvert par un drap blanc, il s'agit du plus grand. Je m'empresse de le tirer avant de découvrir le visage de ce nouveau portrait. Je recule de quelques pas en la reconnaissant. La pendue. Celle qui est apparue dans cette violente vision à la Cascade aux Milles Cristaux. Elle est très belle et on discerne une profonde gentillesse à travers son regard. Ces détails sont effrayants.

― Tu n'as rien à faire ici, vautour ! s'exclame une voix.

Cela ressemble davantage à un sifflement qu'une voix humaine, mais je garde ce commentaire pour moi-même.

― Vautour ! Vautour !

― Laissez-moi tranquille ! crié-je.

― Les morts méritent la paix, ne cherche pas à trouver la vérité.

Des corbeaux envahissent la grotte et foncent sur moi à toute vitesse en me griffant les bras. Je pousse des cris de douleur en me retenant de pleurer. La douleur est insupportable, je n'aurais jamais dû me montrer aussi curieux. Les rapaces disparaissent en une fumée noire avant que je ne puisse comprendre pourquoi je la vois.

― La femme au cou tordu... murmure-t-elle.

22.11.2023

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