Chapitre 16 | Cyrus
La princesse Lorella observe avec le plus grand soin chaque coin de l'île. Elle commente les lieux touristiques dans une langue inconnue. Son assistante note chaque mot prononcé par la princesse sur un calepin tandis que son garde du corps marche quelques pas derrière nous. Je me sens très mal à l'aise, mais j'affiche une expression amicale pour ne pas attirer son attention. Le peuple féerique est différent sur bien des aspects alors je ne souhaite pas chiffonner l'héritière de la couronne.
Nous arrivons à la plage principale sur laquelle nous organisons chaque événement. La plupart des touristes profitent du cadre paradisiaque pour se détendre et facilement accéder aux restaurants du coin. La princesse s'approche des fleurs provenant uniquement de Aflium, elles ont la particularité de dégager une odeur propre pour chaque personne. Elle place ses mains autour de la plus petite fleur avec une extrême délicatesse. Des étincelles vertes virevoltent autour de la plante avant de disparaître.
— Il faut prendre soin des plantes, mais votre magie naturelle est inférieure à la nôtre. Je ne comprends pas la décision de ma mère de ne pas laisser nos semblables s'occuper de ces terres. Que pensez-vous de mon opinion ?
Elle me dévisage avec ses grandes prunelles émeraude dans l'attente d'une réponse. Il est vrai que les meilleures personnes pour s'occuper de l'environnement sont les fées. En tant que sorcier, nous n'avons pas les mêmes connaissances. Elles sont bien plus puissantes pour nourrir la nature et comprendre le besoin des plantes. Je rassemble mes pensées pour donner mon point de vue et ne pas froisser la prochaine souveraine.
― Les jardiniers font de leur mieux pour prendre soin des fleurs, mais ils ne pourront jamais faire aussi bien que le peuple féerique. Cela serait totalement bénéfique pour la nature, cela reste mon point de vue.
― Vous êtes un homme intelligent, mais je crains que le monde ne partage pas votre point de vue. Mes ancêtres ont utilisé une grande puissance magique afin de fabriquer cette île, mais je constate que nos peuples restent divisés. En tant que future souveraine, je souhaite renforcer notre entente et que nous devenions à l'avenir de véritables alliés.
Elle marque une pause afin de contempler l'océan turquoise.
― Pour être tout à fait franche, je souhaite rendre Aflium accessible à chaque royaume. Les guerres opposant nos peuples sont désormais terminées, mais la paix est bien trop fragile. Je me dois de faire le premier pas et rendre Aflium accessible à chaque peuple susceptible d'être intéressé. La présence de notre émissaire était un premier pas afin d'évaluer le terrain, mais j'ai le sentiment qu'il est temps de faire plus.
― Permettez-moi d'être franc avec vous, votre Altesse Royale. La plupart des sorciers considèrent cette île comme un endroit accessible uniquement aux plus riches et méritants. En dehors des employés, ce sont des touristes fortunés qui viennent profiter du beau temps. Beaucoup tenteront de vous mettre des bâtons dans les roues afin de vous empêcher de concrétiser votre projet. Je n'ai pas une place importante en ces lieux, je m'occupe seulement des distractions, mais je suis certain que vos idées apporteraient tellement de bien aux nations.
La princesse semble surprise par ma franchise et durant un instant je crains qu'elle ne s'énerve contre moi, mais elle se contente de hocher la tête. Je frotte mes mains moites sur mon pantacourt en soupirant de soulagement.
― Vous avez un sens de l'observation très pertinent. J'ai rarement rencontré un sorcier aussi honnête surtout lorsque le sujet touche ses semblables. Je ressens un grand ressentiment de votre part, est-ce votre condition de travail ou quelque chose de plus personnel ?
― Je n'aime pas cracher dans le dos de mon peuple, mais la seule chose que je peux dire c'est à quel point la richesse est susceptible de changer une personne. Les légendes racontent que les sorciers sont incapables d'aimer et je me demande si ce n'est pas le cas de ma propre famille.
Je regrette immédiatement mes mots, la princesse est en mesure de se renseigner sur mes racines et je ne souhaite pas avoir de rapport avec les personnes que j'ai laissé dans mon dos. Elle passe une main au pendentif autour de son cou, il ressemble à une petite fiole en forme de fleur.
― Il y a quelque chose de spécial provenant de votre énergie magique. Elle est similaire à celle des Guideurs. Cela fait des siècles qu'ils ont disparu, mais un grand nombre de légendes racontent que leurs pouvoirs auraient été transmis à différentes créatures. Mon grand-père a connu une fée capable de lire l'avenir.
― Je crains que vous vous trompiez, princesse.
Je suis un excellent menteur alors il est difficile de remarquer mes mensonges. La princesse secoue son pendentif, ce qui fait apparaître une petite fiole en verre. Celle-ci contient de la poussière de fée verte avec quelques touches dorées. Je pourrais me faire une véritable fortune en le vendant dans un marché, mais je sais à quel point la poussière de fée est précieuse et qu'il ne faut certainement pas la donner.
― Les Guideurs avaient beaucoup de mal à trouver un sommeil ordinaire alors si mon instinct ne se trompe pas, il est fort possible que cela soit votre cas. C'est un grand honneur de posséder un tel pouvoir.
Elle dépose la fiole dans ma main avant de s'envoler et disparaître de mon champ de vision. Je me retrouve de nouveau seul, l'esprit complètement confus. Je connaissais l'existence des Guideurs, ils vivaient auprès des Humains et intervenaient pour les guider en cas de besoin. Leurs pouvoirs de prémonitions étaient relativement puissants, ce sont eux qui ont annoncé qu'une grande guerre éclaterait entre les royaumes. Ils ont disparu du jour au lendemain en laissant des parcelles de leurs pouvoirs un peu partout dans le monde. Je n'avais jamais songé que mes visions provenaient d'un cadeau accordé par les Guideurs. Mais pour quelle raison ? Je ne suis rien d'autre que le petit fuyard de la famille Cromwell alors pourquoi me donnerait-on un tel pouvoir ?
Je contemple l'océan durant quelques minutes en soupirant. Je me prends la tête, ce ne sont que des légendes. Les Guideurs ont disparu parce qu'ils ressemblaient trop à des humains alors je doute qu'ils puissent être en mesure de transmettre leurs dons. Je rebrousse chemin pour rentrer chez moi lorsqu'une importante migraine s'impose dans mon esprit. Je perds l'équilibre et tombe la tête la première dans le sable.
― Tu as le choix de le suivre ou de me suivre.
― Je ne peux pas faire ça, Cyrus.
Une main douce comme une pétale de rose tente de prendre la mienne, mais je la repousse. Je ne supporte plus cette comédie, elle me donne la nausée. Tomber amoureux n'est pas anodin, mais elle ressemble davantage à une gamine qu'une jeune femme. Je suis incapable de la regarder droit dans les yeux, les mots se bloquent dans ma gorge.
― Je ne suis pas venue pour te faire souffrir, mais parce que je suis amoureuse de toi. Malheureusement, il m'est impossible de te suivre pour la simple raison que ma destinée est avec un autre homme. Tu trouveras le bonheur, mais certainement pas avec moi.
― Je ne veux personne d'autre que toi !
― J'aimerais te guérir de cette souffrance.
Je recrache le sable de ma bouche en roulant sur le côté. Je contemple le ciel quelques secondes en me remémorant cette voix. Cette femme apparaît de temps en temps dans mes rêves. Ces visions sont brutales, violentes et apparaissent généralement une fois par mois. J'ignore à quoi elle ressemble, mais elle est comme une lumière que je ne peux pas toucher.
Cet amour est malsain, nous nous aimons et ne pouvons pas être ensemble. Je refuse de laisser une relation me faire du mal comme celle avec Ambre. Mon cœur est scellé jusqu'à nouvel ordre.
— Tu risques de brûler en restant au soleil.
Les mains posées sur les hanches, Dawn m'observe avec un certain amusement. Je frotte mes mains sur mon pantacourt recouvert de sable afin de me relever. Elle semble plus détendue que tout à l'heure.
— Je ne peux pas rester longtemps, mais je voulais te remercier pour avoir servi de guide à la princesse. J'ignore ce que tu as dit, mais elle était de bonne humeur en revenant.
— Heureux d'avoir pu aider.
— Elle a évoqué son envie de t'accorder un travail plus important. La réunion va bientôt commencer, il faut que j'y aille. Encore merci Cyrus !
Elle secoue la main avant de se mettre à courir pour rejoindre le lieu du rendez-vous. Je sors de ma poche la fiole en me promettant de l'utiliser pour bloquer mes visions en cas de besoin.
19.07.2023
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