Chapitre 5

Je cours depuis un long moment maintenant. Je ne sais pas exactement où je vais. Est-ce vraiment la bonne direction ? Mais même si c'est le cas, il me faudra des mois pour rejoindre le Grand Sorcier. Dans les livres de l'école, j'ai appris que les légendes racontaient qu'il vivait très loin de toute civilisation. Et c'est d'autant plus loin de moi que je n'ai que des jambes pour courir et marcher. Des petites jambes.

Depuis que je suis partie ce matin, le paysage qui m'entoure a bien changé. Les rues et les maisons colorés d'Ottela ont laissé place à d'immense plaine de chaque côté d'une route de pavés. Ce n'est pas le plus bel endroit du pays que je traverse en ce moment. De toute façon, je ne m'intéresse qu'assez peu au paysage. Je tourne la tête de temps en temps mais je me focalise principalement sur où je mets les pieds, tandis que mes pensées dérivent de nouveau vers cette malédiction.

Au bout de plusieurs heures, je commence à ressentir la fatigue liée à l'effort. Je m'arrête, je suis à l'orée d'une forêt. Je regarde derrière moi, vers les immenses plaines dont je sors enfin, Ayan est là, comme toujours. Elle me rejoint. Elle a réussi à suivre mon rythme pendant des heures et des heures. On est parties juste avant que l'horloge de l'école ne sonne la huitième heure, et la nuit commence déjà à tomber. Je ne la pensais pas capable de tenir si longtemps. Mais il semblerait que sa passion pour me suivre soit plus grande que sa fatigue. Je soupire, pourtant une partie de moi est soulagée en la voyant.

Je baisse mon regard vers ma main, qui tient toujours la sphère emplie de fumée noire. Gabel m'a dit que la sphère m'indiquerait où aller. Mais elle ne dit rien. Elle ne s'incruste pas non plus dans ma tête comme le faisait Baye. Je ne sais pas comment je suis supposée comprendre où je vais. Et soudain, la fumée change de couleur. Elle pâlit, devient grisâtre, et continue de blanchir jusqu'à être parfaitement blanche. Blanche comme les cheveux d'Ayan. Comme sa tenue. Comme elle. Je me tourne vers elle et elle me dit :

- C'est par-là, tu es partie au bon endroit.

Est-ce que c'est elle qui va me guider ? Ou est-ce qu'elle me dit ça parce qu'elle est aussi perdue que moi ? Sa voix ne semblait pas vraiment assurée, je plisse les yeux en rebaissant ma tête. La fumée redevient noire...

Je me sens encore plus perdue désormais. Mais je range la sphère dans mon sac. Je crois bien qu'elle ne m'aidera pas plus ce soir. Ayan se tient à mes côtés.

Je me demande si elle sait vraiment où on va. J'ai peur que l'on se perde toutes les deux.

- C'est bien par-là, répète Ayan. Le Grand Sorcier est par-là.

Encore une fois, elle a compris ce que je pensais sans que je n'aie besoin de lui expliquer quoi que ce soit. Je décide de la croire, pourtant une part de moi continue de s'inquiéter.

Je décide que nous dormirons ici cette nuit. Je dresse un campement de fortune avec le peu d'affaires que j'ai. Cela se limite à très peu de choses. Je suis partie avant de songer à réfléchir. En fait, j'ai un sac avec un peu de nourriture et la sphère que m'a donnée Gabel. Ensuite, j'ai mon armure que j'avais enfilée ce matin pour les affectations, l'épée noire. Et... je n'ai rien d'autre. Je m'assieds devant le feu de camp que j'ai réussi à faire démarrer, et je commence à manger. Un morceau de pain et un fruit. Je n'ai pas grand-chose d'autre. De plus je crains bien de ne pas me retrouver dans une ville avant un certain temps. La forêt que je traverserai demain me semble bien grande.

Après avoir mangé, je m'allonge pour la nuit. Il faut bien que je dorme, ne serait-ce que quelques heures, bien que je n'en aie pas l'habitude : ces dernières années, j'ai passé la plupart de mes nuits dans la salle d'entrainement à me battre contre Ayan. Même si on n'avait pas le droit. A bien y repenser, j'ai accompli tout ce travail pour rien. Cette malédiction qui m'empêche d'avoir une affectation brise mon rêve de devenir chevalier. J'en veux à Ayan. Si c'est elle ma malédiction je lui en veux. Je ne demandais rien d'autre que d'avoir cette affectation et parcourir le monde, mais non. Rien de tout cela pour moi. J'ai juste... Ayan.

Je laisse mes pensées de côté, et parvient à trouver le sommeil.

Elle se tourne vers moi. Ses cheveux blancs attirent mon attention. Pendant de longues secondes je ne peux détacher mon regard de la longueur et la blancheur de ses cheveux. Je détourne mes yeux de ses mèches pour me concentrer sur son visage. De ses yeux aussi gris que les miens à chacun de ses traits, elle est magnifique. Magnifiquement magnifique. Elle a mon âge, je dirais.

Elle s'avance, elle me regarde.

- Salut, dit-elle. Je m'appelle Ayan. On partage notre chambre, ajoute-t-elle en désignant l'école derrière moi.

Je hoche la tête, faute de pouvoir parler.

- J'espère qu'on s'entendra bien, continue-t-elle avec un sourire. T'as l'air d'être une fille sympa, Naya.

Elle sait donc mon prénom. Alors que j'ignorai le sien avant qu'elle me le dise.

Je vais entrer à l'école dans quelques jours, c'est étrange qu'elle me connaisse déjà. Mais je ne le montre pas. Elle continue de sourire. Je force mon visage à lui sourire également avant de m'éloigner.

Je me réveille, c'est déjà l'aube. En tournant la tête je vois Ayan, assise à quelques mètres.

Pourquoi ai-je rêvé de notre rencontre ? Qu'est-ce que ça veut dire ? Est-ce que... est-ce qu'elle n'a rien à voir avec ma malédiction au final ? Mais ce sentiment que j'ai... Elle savait tout de suite tout de moi. Alors que j'ignorai tout d'elle. Je l'ai créée. J'en suis encore plus sûre aujourd'hui qu'avant. Mon rêve n'est peut-être qu'un jeu de mon cerveau. Est-ce véritablement un souvenir ? Ou juste mon imagination qui me joue un tour ? Je ne sais plus.

Je regarde Ayan et elle regarde devant elle, à l'opposé de moi. J'ouvre la bouche. Je veux l'appeler. Mais je ne peux pas. Qu'est-ce qui me prend ?

C'est avec une étrange sensation d'être perdue que je me lève. J'attrape mon sac et je pars en courant. J'entre dans la forêt sans même vérifier si Ayan me suit.

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