Chapitre 1
Je suis assise, adossée contre le tronc d'un grand arbre. Ayan se tient debout, face à moi, souriante. Je soupire. J'aurais bien aimé que pour une fois elle ne reste pas à côté de moi. Mais, elle me suit. Tout le temps. Depuis huit ans, je n'ai jamais eu rien de plus à faire que de tourner la tête pour l'apercevoir.
Je crois qu'Ayan vient de moi. J'ai parfois du mal à m'expliquer cette pensée, mais je ne vois aucune autre explication à sa présence envahissante, à son comportement qui ne me laisse aucun instant de solitude. C'est étrange, je le conçois, mais j'ai vraiment besoin de savoir qui elle est. Je n'ai aucune preuve que je l'ai créée pour le moment, et je ne sais pas vraiment comment le prouver. Car il y a de fortes chances que cela ait à voir avec la magie.
Mais pour le moment, je ne sais pas grand-chose de la magie. Je sais que je ne suis pas une fée, ni une sorcière. Et je n'ai pas reçu de formation pour devenir magicienne. Ce qui d'ailleurs augmente encore le mystère d'Ayan car si je n'ai absolument aucune aptitude pour la magie, comment l'aurais-je créée ?
Et pourtant, malgré le fait que je ne sois qu'une simple humaine, je sais que c'est moi. Je suis la créatrice d'Ayan. C'est à cause de moi qu'elle existe. J'en suis certaine ! Car il n'y a aucune autre explication, n'est-ce pas ?
Cependant, tant que je suis à l'école de chevalerie, je ne pourrais pas savoir qui est Ayan. S'il me faut rencontrer un magicien je dois attendre que les résultats des examens arrivent. Après... après on verra. J'aurais mon affectation, mon nom, je serais chevalier. Et surtout j'aurais le droit de sortir de l'école pour aller voir un magicien. Et lui pourra m'expliquer qui est Ayan et pourquoi elle me suit sans cesse depuis huit années.
Je me réconforte en me disant que bientôt, bientôt j'aurais des réponses. Demain matin, lorsque la cloche sonnera la septième heure, les résultats des examens seront affichés. Et je pourrais enfin partir. A sept heure... il ne me reste que dix longues heures dans cette école avant de connaitre mon affection. Un demi sourire franchit la barrière triste de mon visage. J'ai hâte. Même si Ayan est ma principale source de questionnement, je n'oublie pas ce que je suis venue faire dans cette école. Je rêve depuis toujours d'être chevalier. Alors, le moment où je vais enfin recevoir mon affectation est véritablement ce que j'attends le plus. Et après je pourrais sillonner le monde tel que je l'ai rêvé, en accomplissant mon devoir de chevalier.
Je pose ma tête contre le tronc de l'arbre en soupirant. Beaucoup de choses vont changer demain. Peut-être bien plus que ce que je ne suis prête à voir changer. Cela fait 8 ans que chaque matin je me réveille dans la même chambre, mon quotidien va être bouleversé mais ce n'est pas ce qui m'embête le plus. Je pense à Baye, qui est le seul être avec qui la fille muette que je suis peut discuter. Baye est l'arbre contre lequel je m'adosse. Il communique avec moi par télépathie, ce qui me permet d'avoir une véritable conversation. Cela me manquera de ne plus discuter avec lui. Et les innombrables histoires qu'il aime me raconter me manqueront également. J'ai appris bien des choses avec lui. J'ai découvert le monde à travers ses histoires.
Mais je me dis que le monde mérite plus de moi que je n'écoute des histoires à son sujet. Et maintenant qu'il s'ouvre à moi dans quelques heures, je n'ai plus à hésiter avant de me lancer réellement à sa découverte. Je suis d'une impatience sans limite. J'ai tellement hâte de découvrir mon affectation et les résultats des examens que je voudrais faire disparaitre les heures qui me séparant de ce moment. Et de ce monde qui m'attend : il me tarde d'enfin le parcourir. Sans oublier le mystère qu'est Ayan.
Je sais qu'Ayan ne s'inquiète pas concernant ses examens et son affectation. Chaque année, elle a fait son choix final en fonction de moi, que ce soit pour les options que nous devions suivre, ou pour les armes que nous apprenions à utiliser, elle a toujours attendu que je choisisse pour nous deux.
La plupart des étudiants ont déjà retrouvé leur chambre pour la nuit. Il faut dire qu'avec le couvre-feu des premières années, cela fait déjà un certain nombre d'élèves en moins. Les premières années représentent près de la moitié des étudiants. Ils sont plus d'une centaine, mais les examens en éliminent toujours beaucoup et, en deuxième année, beaucoup ne revienne pas. Au fil des ans, il y a toujours des élèves qui choisissent d'arrêter l'école de chevalerie. Quand je suis arrivée, cent-dix-huit élèves de mon âge était en première année. Aujourd'hui nous ne sommes que sept en dernière année. Dès nos premiers examens, une soixantaine d'élèves avaient dû partir.
La cour de l'école est désormais déserte, à l'exception d'un petit groupe de septième année, et bien sûr d'Ayan et moi.
Il n'est pourtant pas si tard, à peine plus de la neuvième heure. Mais l'arrivée des résultats tôt demain à dû convaincre les autres de se coucher. Moi je ne dors pas. Rarement. Je crois qu'à part en première année, à cause du couvre-feu, je n'ai pas fait une seule nuit complète. Quant à la manière dont j'occupe mes nuits, je dois reconnaitre que je n'avais pas toujours le droit de faire ce que je faisais.
Mes pensées dérivent de nouveau vers les examens. Je n'ai aucun souci à me faire, mais je ne peux pas m'empêcher de penser que je pourrais être recalée. Je ne sais pas ce que je ferais si je n'ai pas d'affectation. Je n'ai jamais eu de plan de secours. Il n'y a jamais eu rien d'autre que la chevalerie dans mon esprit. C'est mon rêve depuis toujours. Je ne peux pas échouer.
Je n'échouerai pas.
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