Chapitre 8

Après cette nuit, le temps sembla s'accélérer. On passa janvier, puis février et je fus bientôt majeure, tout comme Ellie. Elle adorait Diego, quand je lui avais présenté, elle lui avait fait les yeux doux à un point tel que c'en était devenu gênant. Mais malheureusement, l'agent ne semblait pas s'en soucier une seule seconde.

Il nous soutenait à cent pour cent dans notre démarche et très vite, nous avions amassé assez d'argent pour payer les billets d'avion. Le plus gros problème venait d'Ellie : comme allions-nous la faire entrer dans Schooltime sans l'accord de ses parents ni des professeurs ?

Non pas que ses parents n'acceptaient pas qu'elle vienne avec moi aux États-Unis, ils semblaient plus que ravis par cette idée, mais les élèves de Schooltime n'étaient pas des élèves comme les autres et je doutais que ma mère laisse des parents ignorants inscrire leur enfant dans l'école : elle aurait risqué une plainte ou pire, l'attention des médias sur sa petite organisation.

Cependant, ce problème fut remis encore et encore à plus tard, si bien que j'en vins à la conclusion que nous verrions le moment venu. De toute façon, ma mère ne voulait pas de moi non plus dans l'école, donc j'allais devoir faire pression pour pouvoir réintégrer l'école. De son côté, mon père ne se doutait de rien. Il paraissait content que je sorte de nouveau et que je passe tant de temps avec Ellie, ce dont il n'avait aucune idée, c'est que Diego était toujours présent lors de nos réunions et que nous allions partir dès le premier mars.

Diego d'ailleurs, était d'une aide précieuse. Il s'était fait embaucher dans notre café et travaillait avec nous. Mais je savais que quelque chose se tramait là-dessous : pourquoi était-il si serviable ? Après tout, son rôle était de me tenir écartée de Schooltime un maximum possible et m'aider revenait pour lui à se mettre dans un sacré pétrin !

Je préférais ne pas poser de questions pour autant : mes six mois à Schooltime m'avaient appris que poser des questions mettait en danger et que passer pour une pauvre petite fille naïve et innocente protégeait. Aussi, j'attendais de voir ce qu'il avait derrière la tête et gardais une certaine suspicion dès qu'il s'agissait de lui.

Février arriva si vite à son terme que je ne me rendis compte de ma fugue que quelques heures avant sa réalisation : j'étais dans ma chambre, ma valise prête et mes billets et papiers en mains et mon cœur battait à la chamade alors que j'attendais que Diego vienne me chercher.

J'avais envie de m'enfuir... Je savais que je faisais le bon choix ! Et pourtant... quitter mon père de façon si brutale, prendre l'avion seule et me jeter volontairement dans la gueule du loup me faisaient légèrement appréhender... j'étais assise sur mon lit, les yeux rivés sur mon bagage et je sentais mes doigts trembler en serrant mes papiers d'identité. C'était le moment, le moment où je partais. Le moment où non seulement je retrouverais mes amis et Jeff, mais aussi celui où j'aurais la chance de côtoyer de nouveau tous ces profs qui ne rêvaient que de me voir morte et enterrée. Super...

J'entendis une voiture descendre discrètement la rue et je courus vers la fenêtre : c'était Diego et Ellie qui arrivaient. Ils venaient me chercher. Je devais partir. Je pris une grande inspiration, attrapai ma valise et descendis les escaliers à pas de loup. Arrivée dans l'entrée, j'enfilai mon manteau puis accrochai au frigo un petit mot à l'attention de mon père. J'étais sûre d'une chose en passant le pas de la porte : si je ne mourais pas au Texas, mon père se ferait une joie de s'en charger à mon retour...

La suite se déroula dans une sorte de flou constant, comme pour me préserver de la peur et de l'angoisse, mon corps se mit en veille et je vécus les évènements éloignée, comme à travers une vitre : on regarde, mais on se sent en sécurité, on se sent détaché.

L'air qui m'accueillit dehors était froid et me revigora. Je posai mes papiers sur ma valise le temps de trouver ma clé et de verrouiller la maison. Puis je pris tout et sortis une bonne fois pour toutes dans la rue. Une vieille Clio était garée juste en face, et je pouvais clairement discerner les visages impatients d'Ellie et Diego me scruter à l'intérieur. Je contournai le véhicule pour déposer mon bagage dans le coffre puis m'installai à l'avant, après qu'Ellie m'eut laissé sa place pour se glisser sur la banquette.

Je marmonnai un vague bonjour à mes deux amis et ils me répondirent tout aussi vaguement. L'atmosphère était pesante : tout le monde savait que ce que nous étions en train de faire aurait des répercussions. Et c'était stressant. Mais nous étions déterminés et nous ne changerions pas d'avis. Aussi, quand Diego fit ronronner le moteur et qu'il reprit la route, personne n'intervint. Le silence s'étendit sur l'ensemble du trajet.

Mon cœur ne cessait de battre dans ma poitrine, si fort que j'en avais mal. Mais je me forçai à conserver cette distance par rapport aux choses, je ne voulais pas que les émotions affluent trop vite et risquent de me faire changer d'avis ou agir bêtement. Il m'était impératif de prendre du recul. Et finalement, ce n'était pas bien difficile : il me suffisait de regarder la route défiler par les fenêtres et laisser le sommeil peser sur mes paupières. Après tout, il ne devait pas être plus de quatre heures et demie du matin...

Quand on s'engagea dans le parking de l'aéroport, la température de mon corps chuta de quelques degrés. Tout semblait se passer à la fois vite et lentement. On sortit de la voiture, on prit les bagages et on avança vers l'intérieur d'un pas sûr. Mais en lançant des regards à Ellie, je vis bien qu'elle était aussi effrayée que moi.

Si elle savait ce qui l'attend de l'autre côté de l'Atlantique...

Je fis taire cette voix qui me hantait depuis que ma meilleure amie avait décidé de m'accompagner à Schooltime : je l'avais prévenue et avais tenté de la dissuader maintes et maintes fois de venir. Je n'avais pas hésité à lui avouer les détails les plus scabreux de mon histoire pour la décourager... Mais si Ellie et moi étions si proches, ce n'était pas pour rien : nous étions toutes deux de véritables têtes de mules, et quand on avait une idée derrière la tête, RIEN ne pouvait nous faire changer d'avis.

Nous entrâmes dans le terminal à pas de course, peinant à suivre Diego qui semblait prêt à tracer un sprint jusqu'à la porte d'embarquement. De nouveau, j'eus une avance rapide des événements, j'avais l'impression que quelqu'un avait appuyé sur le bouton « accéléré » de la télécommande qui régissait ma vie, mais dès qu'on se retrouva devant un passage particulièrement désagréable, il changea d'avis et appuya sur « ralenti » : la douane.

Non pas que j'aie des armes sur moi ou quoi que ce soit de ce genre. Mais je savais pertinemment qu'une fois la douane passée, une fois de l'autre côté, je ne pourrais plus faire machine arrière. Je déposai mon sac et mes effets personnels dans la petite bassine en plastique puis passai sous le détecteur. Rien ne sonna.

Encore heureux...

J'attendis Ellie et Diego et nous reprîmes la route vers la fameuse porte d'embarquement que Diego avait l'air si pressé de rejoindre. Le temps fila, nous étions sagement assis dans le hall D, à lancer des regards comateux aux autres passagers tout aussi frais et dispos que nous en ce début de matinée. Bientôt, on nous appela à se rassembler dans une file, cartes d'embarquement en main. Nous nous levâmes et rejoignîmes la queue d'un pas lourd.

C'était dingue, depuis le temps que j'attendais ce moment comment se faisait-il que je sois si angoissée ?

Parce que quelque chose cloche.

Pour la énième fois, j'essayai de faire taire cette conscience paranoïaque qui ne cessait de me répéter cette phrase en boucle depuis que j'avais commencé à faire mes valises. Tout allait bien ! Nous avions réalisé notre plan à la lettre et en plus nous avions réussi à nous procurer un allié pour le voyage ! Quoi de mieux ?

Je lançai un nouveau coup d'œil à Diego dont les jambes frétillaient d'impatience. Bon sang mais c'était quoi son problème ? Diego était gentil, vraiment. Bien qu'un peu brut de décoffrage - mais rien d'étonnant vu ses gênes - il nous avait aidées sans jamais nous faire faux bond. Alors pourquoi, POURQUOI, actuellement, je sentais une méfiance grandissante se déverser dans mes veines ?

Il releva la tête et je n'eus pas le temps de détourner les yeux, il captura mon regard et me lança un de ces sourires qui devait faire fondre plus d'une fille (si ce n'est toutes). J'enfonçai mes ongles dans mes paumes et lui souris en retour, priant pour avoir été crédible.

- Alors, prête pour ton grand retour ? Demanda-t-il les yeux soudain dans le vague ;

- Moi en tout cas je suis prête pour ma grande arrivée de star ! Répliqua Ellie d'un ton exagéré.

Elle tentait de masquer son appréhension sous une bonne couche de vanité mais ça ne marchait pas. J'observai les alentours alors que nous avancions, omettant délibérément de répondre à Diego. Je ne sais pas pourquoi. Je n'avais juste pas envie de lui parler. Si celui-ci s'en rendit compte, il fit mine de rien et nous arrivâmes dans l'avion sans plus avoir ouvert la bouche.

À peine m'installai-je dans mon siège que je fermai les yeux, même si j'étais placée dans la rangée du milieu, même si mon siège était celui du milieu, j'étais trop fatiguée et incapable de passer la totalité du trajet à penser à la réaction de mon père quand il comprendrait que j'étais partie, pour rester éveillée. Je sentis le moteur vrombir et l'avion quitter le sol, mais j'avais déjà repris ma nuit à peine entamée.

- ... Rabattre vos tablettes... Entamons l'atterrissage...

J'avais mal au cou. J'avais mal au cou et la gorge sèche. J'avais mal au cou, la gorge sèche et les cheveux dans les yeux. Quand j'entendis le clic d'une photo qu'on prenait, j'ouvris brusquement les yeux. J'étais affalée sur l'épaule de Diego, la bouche grande ouverte et Ellie brandissait devant moi son téléphone d'un air triomphant.

- Pitié, dis moi que tu n'as pas fait ça... marmonnai-je d'une voix rocailleuse.

Oh merde, depuis combien de temps avais-je la bouche ouverte ?

Au lieu de me répondre, Ellie sourit de plus belle. Je me redressai, étirant mon cou du mieux que je pouvais pour faire passer les courbatures puis me tournai vers l'agent, qui semblait très amusé par la situation lui aussi.

- Pitié, dis moi qu'elle n'a pas fait ça... repris-je, le timbre toujours aussi bas.

En réponse, j'eus droit à un immense sourire puis à un ébouriffage de cheveux en règle.

Super comme arrivée...

- T'inquiète petite, tu n'étais pas dans ta période de la nuit la plus catastrophique ! Ricana-t-il ;

- Attends mais je suis sur toi depuis combien de temps ?

- Le début de vol ! Lança Ellie dans un éclat de rire, tu lui as bavé dessus, ronflé dessus et je crois même que tu lui as parlé à un moment d'une ceinture qui ne s'attachait pas ! Articula-t-elle au milieu d'un fou rire.

J'avais littéralement envie de creuser le sol de l'avion pour disparaître dans le ciel. Je sentis mes joues me brûler et tentai de cacher mon malaise en changeant de sujet :

- Alors comme ça on atterrit ?

- Ouais, et si tu n'avais pas dormi du début à la fin du trajet, tu le saurais ! Renchérit Ellie, les larmes aux yeux.

Si Schooltime ne la tue pas, je m'en occupe.

Je sentis les roues toucher le sol et rouler pour ralentir, coupant ma réplique avant même que je la prononce. Puis nous nous arrêtâmes. Nous étions arrivés. C'était fini. Ou bien ça commençait ? Au choix. Nous sortîmes de l'avion, récupérâmes les bagages, prîmes un taxi et traversâmes le Texas dans un brouillard psychologique. Dans MON brouillard psychologique : je ne pensais qu'à la suite.

Plus nous nous approchions de l'école, plus mon cœur battait fort et ma résolution de me mettre à distance des évènements partait en fumée. Enfin, la forêt qui entourait le domaine s'écarta pour laisser place à une énorme cour de gravier blanc, entourant un magnifique bâtiment reflétant un soleil resplendissant.

Nous étions à Schooltime, J'ÉTAIS à Schooltime et j'eus l'impression de ne jamais avoir quitté l'école. Comme si mon passage à Paris n'avait été qu'un sombre cauchemar et que je m'étais enfin réveillée. Toute mon appréhension, ma peur, mes doutes s'envolèrent et j'ouvris la portière pour sauter dans le gravier qui grésilla sous mes pieds. J'étais chez moi.

___________________________________

Hello tout le monde !

Bonne année ! J'espère que vous avez tous passé de bonnes et heureuses fêtes et que vous commencez l'année au top de votre forme !

Pour ma part, je commence l'année avec le rattrapage de mes partiels repoussés à cause des blocus. Pas terrible terrible...

Heureusement, on commence aussi l'année avec le retour d'Avri à Schooltime ce qui ne peut que nous réjouir !

J'espère que ce retour vous aidera à partir du bon pied en 2019 (même si ce n'est pas grand chose) !

Plein de bonheur à vous tous !

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top