Chapitre 74

Lorsque je m'arrêtai enfin, j'étais devant les marches qui menaient à l'auditorium, prête à monter pour assister à la fin de mon cours qui... devait être terminé depuis quelques minutes déjà.

J'entrouvris les portes mais restai immobile, en bas, hésitante : à tous les coups, il n'y avait plus personne et je n'avais pas très envie de me retrouver toute seule là bas... La dernière fois, j'avais été agressée par ce taré de Dean et je pouvais me passer de revivre cette expérience.

J'allais faire demi-tour, fermer la porte et m'en aller, quand un filet de voix s'insinua dans mes oreilles : ça venait d'en haut. Il y avait encore des gens. Est-ce que c'était la fin du cours ou... Autre chose ?

Mon corps se mis en mode « espion » si bien que je ne contrôlais plus rien : j'avais besoin de monter, besoin de me rapprocher au maximum pour écouter, même si c'était mal.

Comme une envie irrépressible qui m'obligeait à y aller sans me laisser le choix, je DEVAIS savoir ce qui était dit là bas... Je ne sais pas si c'était l'effet Schooltime ou si j'avais toujours été comme ça sans le savoir, mais j'étais vraiment TRÈS curieuse, si ce n'est trop...

Aussi, sur la pointe des pieds, je grimpai les premières marches. Le timbre des voix se fit plus net et je pus en distinguer chaque sonorité ce qui me fit réaliser que j'en connaissais les détenteurs. C'était deux individus. Deux individus masculins.

Mais j'étais encore trop loin pour comprendre la signification des paroles employées. Je montai une marche, puis deux de plus, de façon à me retrouver collée au mur pour ne par être repérée.

Avec soulagement, je constatai que je pouvais enfin comprendre... Derrière moi, Dean et Jeff discutaient. Et ils ne semblaient pas très heureux.

–    Je sais très bien pourquoi. Mais si tu retouches à ne serait-ce qu'un seul de ses cheveux, je te promets que je te tuerais. Et tu sais que ce ne sont pas des menaces en l'air venant de moi. Déclara sèchement le latino.

« si tu Retouches à un seul de ses cheveux » ? Jeff était-il en train de parler de moi ? Il menaçait Dean ? Pour me protéger ?

Tout d'abord, je fus assaillie par un doux sentiment de tendresse et de flatterie : ce magnifique playboy, qui charmait chacune de ces dames voulait me protéger moi, MOI ! Je savais qu'il m'aimait bien, mais j'avais toujours un doute...

Après tout, on ne se connaissait pas si bien, je savais peu de choses sur lui : juste qu'il avait couché avec Chloé et que beaucoup de filles étaient passées dans sa chambre. Ah oui, et que son cousin avait disparu. Pas grand chose quoi...

À qui la faute ?

Oui, bon, il était vrai que c'était en grande partie ma faute, mais pour ma défense, avec tout ce qui se passait dans cet internat, je n'avais pas trop la tête à ça !

Néanmoins, un détail me dérangeait dans toute cette histoire, c'était peut être totalement idiot et cela venait peut être de ma paranoïa aiguë naissante, mais je n'arrivais pas à comprendre pourquoi Jeffrey Flores, le grand tombeur, s'était intéressé tellement à moi, et surtout, si vite.

Chloé avait toujours eut l'air de dire qu'il se foutait pas mal de ses conquêtes, et une fois, Sky m'avait même dit que, pour qu'il remarque une fille, il fallait vraiment que celle-ci se manifeste.

D'après Kelly, il était réellement arrogant et ne faisait jamais le premier pas avec son « fanclub », il préférait attendre, attendre qu'on lui témoigne de l'attention, sentir qu'il était aimé, prisé, désiré.

C'est là qu'un autre problème se posa dans ma tête : c'est-à-dire « tu sais que ce ne sont pas des menaces en l'air venant de moi » ? Pourquoi ce « venant de moi » ? Que voulait-il dire par là ? Un truc clochait...

Était-ce en rapport avec son cousin ? Avait-il déjà agressé un des dirigeant du mouvement terroriste de Schooltime ? Apparemment, il savait pertinemment que Dean faisait partie de cette... « secte », Jeff en savait beaucoup plus qu'il ne le laissait paraître, il m'avait menti.

–    Et pourquoi je ne toucherai à aucun de ses jolies cheveux ? Qu'est-ce que t'en as à faire ? Tu peux toujours te trouver une poupée de rechange ! Cracha Dean, de tout son venin.

J'eus soudain la violente envie de me faire remarquer, juste pour pouvoir venir lui mettre cette bonne gifle bien... "giflante" qu'il méritait. Heureusement, Jeff s'en chargea à ma place :
–    Ce n'est pas une poupée pendejo et si tu lui fais du mal je te défoncerais tellement le crâne que tu ne seras même plus capable d'épeler ton prénom ! S'écria-t-il.

–    M'en fous de tes menaces ! Tu peux toujours parler ! Tu ne t'intéresse qu'à toi mec, cette fille, c'est toi qui va la bousiller ! Tu verras, tu vas tout lui prendre, la détruire et quand elle ne sera plus qu'une sale larve, j'entrerai en scène. Elle me suppliera d'en finir et c'est ce que je ferais ! Oh oui, je m'éclaterais !

–    Culero de mierda ! Grogna alors Jeff.
Puis j'entendis un bruit sourd suivi d'un gémissement, un autre bruit sourd et un autre gémissement. Quelque chose cogna fort contre le mur et des dents claquèrent bruyamment.

Putain mais c'est qu'ils étaient prêts à s'entretuer ! Quand l'un d'eux gémit plus fort encore et qu'un son étranglé s'ensuivit, je ne pus me retenir, je glissai hors de ma cachette pour découvrir un Dean agonisant sous les mains de Jeff.

Mon beau latino, si doux et tendre avec moi avait ses doigts serrés autour du cou du petit con de service, celui-ci avait pris une légère teinte violacée, ses pieds battant dans l'air alors qu'il tentait désespérément de se libérer pour pouvoir respirer.

–    Bordel Jeff, mais qu'est-ce que tu fais ? Réussis-je enfin à prononcer, en panique.
Quand il entendit ma voix, l'interpelé lâcha presque instantanément son adversaire qui chuta durement, sa tête percutant le sol avec une violence inouïe.

–    Ce n'est pas ce que tu crois... commença Jeff qui devait voir mon visage apeuré.
Oui, j'avais déjà tué quelqu'un, oui c'était un acte violent, mais ce n'était pas du tout dans les mêmes circonstances ! Je n'avais fait que me défendre, je n'avais fait que survivre !

Jeff... Jeff était prêt à tuer ce mec de sang froid, et même si c'était pour me protéger, ça ne me plaisait pas DU TOUT. Dean avait été pris au dépourvu, il n'était pas armé, tous deux n'étaient pas à forces égales, surtout quand on comparait la carrure du latino avec ce petit surfer sans cervelle !

Mon ami fit un pas dans ma direction mais je reculai, je ne voulais pas qu'il m'approche, pas maintenant.
–    Je t'en supplie Avri, ne t'enfuis pas ! Je te promets de tout t'expliquer mais reste ! Reste avec moi ! Implora Jeff tandis que je faisais un pas de plus en arrière.

C'est alors qu'un rire dément, un rire terrible emplit l'espace. Un rire faible et entrecoupé de toux, mais un rire gras et sale, qui témoignait toute la folie du personnage qui le possédait.

–    J'ai enfin compris ! Tu t'es pris au jeu mec ! S'exclama Dean, hilare sans que je comprenne quoi que ce soit.
–    Ta gueule Brewer ! Aboya le latino d'un air féroce ;
–    Qu'est-ce qu'il raconte ? Demandai-je perdue et méfiante.

Silence.

–    De quoi tu parles Dean ? Hurlai-je.
Celui-ci se remit à rire tandis que Jeff me suppliait de me taire et ordonnait à Dean de la fermer.
–    Ton beau prince charmant sort d'un château hanté ! Chantonna-t-il alors qu'une flaque de sang commençait à se former autour de son visage.

–    Putain mais il saigne !
J'oubliai toutes mes craintes à propos de la proximité de Jeff et plongeai vers ce psychopathe qui avait tenté de me tuer : oui, je le détestais, mais il était hors de question que je le laisse mourir sous mes yeux.

J'avais tué une fois dans ma vie, et c'était déjà beaucoup trop, je ne pouvais pas me résoudre à faire face à la mort une nouvelle fois, je ne m'en relèverais pas. Cependant, alors que j'allais atteindre le corps blessé du garçon, deux bras se nouèrent autour de ma taille et me maintinrent loin de lui.
–    Mais qu'est-ce qui te prend Jeff ? Lâche moi ! Il pisse le sang ! Il faut l'aider ! M'écriai-je dans une crise d'hystérie.

Toutefois mon « ami » ne bougea pas d'un pouce et me força à regarder, impuissante, cet adolescent se vider sous mes yeux. Celui-ci riait toujours aux éclats, sans que je sache si c'était son état ou sa folie qui parlait.

–    Flores est le prince d'un château hanté, ses secrets sont bien cachés, mais les fantômes du passé se sont délivrés et ils viennent lui faire regretter... chanta-t-il avec un grand sourire tâché de dents rougies par le sang.

–    Mais qu'est-ce que tu racontes ? Qu'est-ce qu'il raconte ? Il parle de ton cousin ? Continuai-je à demander tout en gesticulant dans les bras de Jeff.
Il avait perdu toutes ses couleurs et présentait un teint blafard.

–    J'ai dit ta gueule Brewer ! Vociféra-t-il sans me répondre.
–    Non, vas y, parle Brewer ! Dis-je en me retournant vers le fou qui disjonctait vraiment, quels sont ces secrets si intéressants que Jeff veut absolument cacher ? Racontes moi tout !

Tout en parlant je croisai mes bras et lançai mes coudes en arrière ce qui me libéra de l'emprise du beau gosse. Je cherchai d'abord à atteindre Dean mais il était trop prêt de Jeff et je ne voulais pas risquer qu'il m'attrape une nouvelle fois. Aussi, je préférai reculer de nouveau, me plaçant juste devant les escaliers pour être sûre d'avoir une solution de repli.

–    Dean, je t'ai dit de parler ! Je t'écoute ! Grommelai-je énervée ;
–    Avri, tu ne vas pas croire tout ce qu'il te raconte ! Ce type a essayé de te tuer ! Cria Jeff, essayant certainement de couvrir les paroles du névrosé, mais ce ne fut d'aucune utilité.

–    Jeff s'amusait bien avec toi chérie ! Il s'est pris à son propre jeu !
–    Je sais, ça tu l'as dit, passes à la suite s'il te plaît ! Rétorquai-je de plus en plus en colère ;
–    Il est bien gentil de me dire de ne pas t'approcher ! Parce que ce n'est pas moi ton plus grand danger ma belle, c'est lui !

–    Développe !
–    Jeffrey Flores est un putain d'EMM si c'est ce que tu veux savoir ! C'est lui qui t'espionnait ! Lui qui épiait le moindre de tes faits et gestes ! C'est lui qui devait te surveiller quand je m'amusais avec toi !

Silence.

Vide.

Néant.

C'est tout ce qu'il y avait dans mon esprit.

Silence.

Vide.

Néant.

Rien d'autre, rien que du silence, du vide et du néant.

–    Et attends princesse ! C'est pas fini ! Reprit-il amusé ;
–    DEAN SI TU DIS UN MOT DE PLUS JE TE TUE ! Rugit Jeff à côté de moi ;
–    Non, c'est toi que je vais tuer Jeff, si tu ne le laisses pas terminer ! Déclarai-je haineusement.

Il me lança un regard suppliant qui ne me fit aucun effet, j'étais prête à tout, prête à entendre qu'il avait voulu me tuer, qu'il m'avait droguée ou qu'il voulait me violer, prête à TOUT.

Sauf à ça.
–    Ton preux chevalier couchait régulièrement avec ton amie quand tu es arrivée ! Ton amie EMM ! Qui elle aussi t'espionnait ! Expliqua-t-il en riant ;
–    Chloé n'est pas mon amie du con !
–    Oh mais je ne parle pas de Chloé poulette !

–    S... Sky ? Demandai-je d'une voix tremblotante ;
–    Non plus ! Répondit-il tout fier : Kelly ! La belle, la douce, la tendre Kelly !

Qu'aurais-je pu ajouter à ça ?

« Bravo » ?

« Vous êtes des génies » ?

« Bien joué » ?

Rien ne pouvait exprimer la douleur que je ressentis, et cet abominable sentiment de trahison. Jeff... Jeff était un EMM, Kelly était une EMM et... ils couchaient ensemble ? Putain mais ils s'étaient bien moqués de moi ces deux là !

–    Avri s'il te plaît écoute moi ! C'est n'importe quoi ! Je ne t'aurais jamais fait le moindre mal ! Je ne t'aurai jamais laiss...
–    Ne t'embête pas Jeffrey, tais toi.

Il obtempéra tout en m'observant avec un visage détruit, un visage cassé, sombre et triste. Mais pourquoi jouait-il encore la comédie ? C'était fini ! Sa couverture était levée ! Il n'avait plus besoin de faire semblant maintenant !

Sans que je ne comprenne comment, mes mains se levèrent et applaudirent, applaudirent très fort, si fort que ça me fit mal aux oreilles. Et j'entendis un rire, un rire hystérique, qui je le compris plus tard, était le mien.

–    Bravo ! Bravo ! Bravo ! Clamai-je.
Et je répétai ces mots inlassablement tandis que les traits du latino se décomposaient et que Dean riait de plus belle.

–    Bravo !
Je sentis quelque chose de froid et d'humide glisser sur mes joues, des larmes. Je ne m'étais même pas rendue compte que je pleurais.
–    Bravo !

–    Avri je t'en prie arrête, je...
–    Tais toi j'ai dit ! Criai-je, ne me parles plus jamais, ne me regardes plus jamais et ne prononces plus jamais mon nom ! À partir d'aujourd'hui nous sommes deux inconnus l'un pour l'autre. Non, attends, à partir d'aujourd'hui, nous sommes deux ennemis. C'est la guerre. Et je vais te tuer.

Ce furent les derniers mots que j'adressais à Jeff, les derniers mots avant très longtemps. Je descendis les escaliers en courant et je ne sais pas ce qui se passa ensuite.

Tout ce qui tournait dans ma tête c'étaient les phrases de Dean. Ces phrases qui me ravageaient, se répétant en boucle dans ma tête sans que je puisse l'en empêcher... Et tout ce qu'il y avait dans mon cœur, c'était des morceaux de verre brisé et coupant. Parce que c'est tout ce que j'étais : brisée.

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