Chapitre 64

Je me contentai de hocher la tête face à cette réplique si gentille puis les remerciai de m'avoir aidée. C'était horrible à constater, mais je préférais que Chloé se comporte comme une sal*pe plutôt que comme l'amie qu'elle n'était pas.

Et pire encore, je me rendis compte, en même temps que cette petite constatation, que la personne en qui j'étais le moins méfiante en ce qui concernait le mystère de Schooltime était cette fille aux cheveux rouges.

Peut être que je ne pouvais cautionner son comportement et qu'elle me sortait par les yeux, mais sans que je ne le réalise, j'avais laissé ma méfiance de côté avec elle : le fait qu'elle n'essaie pas par tous les moyens d'être mon amie, le fait qu'elle se foute complètement de ma vie et le fait qu'elle préfère m'utiliser comme bouc émissaire avaient eus raison de ma méfiance.

Mes amis et Chloé hochèrent la tête et Sky répliqua que c'était tout naturel. Je lui offris un large sourire, attendrie par ses adorables propos.

Si seulement le doute ne persistait-il pas, si seulement je pouvais être sûre que tout ce qu'elle me disait n'était pas que pur mensonge !

Je voulais vraiment l'avoir comme amie, je voulais vraiment croire qu'une personne aussi gentille puisse exister et que ce ne soit pas juste un simple masque, qu'il était facile d'enlever et de jeter aux oubliettes une fois usé.

Malheureusement pour moi, je ne pouvais être sûre de rien et Sky représentant une des plus proches personnes que je côtoyais dans cet internat, il m'était impossible de la considérer comme véritable amie.

C'était d'ailleurs très paradoxal : le simple fait qu'elle soit une de mes meilleures amies ici rendait obligatoirement son amitié douteuse. Quel enfer !

Alors que je cogitais sur cette pensée plus qu'effrayante, la doctoresse accapara tout mon champ de vision puis toute mon attention : dans la main, elle tenait un tube de crème et des cachets :
–    Tu devras prendre un cachet chaque soir, avant de te coucher afin de réduire la douleur.

Elle me tendit le flacon en plastique orange puis :
–    Et je veux que tu appliques cette crème matin et soir autour de ta blessure.

J'allai attraper le tube quand elle serra ma main :
–    Attention toutefois à ne pas en appliquer dessus ! Cette crème est un antidouleur très puissant qui devrait t'aider à supporter le mal que te procure cette blessure mais elle ne doit pas toucher les points de sutures car elle ralentirait la cicatrisation.

J'acquiesçai gentiment face à son conseil puis plaçai les mains de part et d'autre de mes hanches afin de soulever mon corps et de pouvoir me lever sans avoir trop besoin de m'appuyer sur ma jambe douloureuse.

Une fois au sol, je me rendis compte que ma blessure ne me lançait presque plus et tournai la brusquement la tête vers celle qui en était responsable.

–    Qu'y a-t-il? M'interrogea celle-ci, voyant certainement que je la scrutais avec étonnement ;
–    Je n'ai presque plus mal ! M'exclamai-je ;
–    C'est grâce à la crème honey, et si tu avais bu ce gobelet que je te tendais tout-à-l'heure, tu ne sentirais plus rien maintenant.

Wow, eh bien le moins qu'on puisse dire, c'est que cette crème était efficace ! Avec joie, je me mis à sautiller et la doctoresse m'arrêta d'un geste agacé :
–    Il va tout de même falloir être prudente avec ta jambe et ne pas trop forcer donc s'il te plaît, promets moi de te ménager.

Bien que sa phrase soit une demande, elle résonna clairement comme un ordre et je hochai la tête, les yeux honteux, à la façon d'une gamine de 5 ans.

Je rejoignis ensuite mes amis – avec Chloé – et ensemble, nous empruntâmes le chemin de la sortie. C'était une atmosphère légère et agréable qui me gêna sans que je puisse l'empêcher : quelques jours plus tôt j'avais tué quelqu'un et aujourd'hui je marchais tranquillement, toute souriante, comme si de rien n'était.

Oui, j'avais décidé de passer au dessus des évènements qui s'étaient produits récemment, mais ce n'était pas pour ça que j'avais oublié et la gravité de mes actes me forçait à être plus sévère avec moi-même.

Je n'arrivais tout simplement pas à effacer cet horrible sentiment de culpabilité qui emprisonnait mon cœur. Qui aurait cru que je serais capable de retirer la vie à quelqu'un ?

* *
*

La fin de la journée fut rapide, je mangeai au réfectoire entourée de Sky, Zac et cheveux rouges puis montai directement dans ma chambre, laissant derrière moi Sky, qui elle préférait passer sa dernière heure avec Adam avant le couvre feu.

Je longeai le corridor, passant devant chaque numéro jusqu'au mien : quand j'arrivai au numéro 73, je toquai à la porte, dans l'espoir que Kelly m'ouvrirait. Malheureusement, après un quart d'heure d'attente je dus me rendre à l'évidence : elle n'était pas là.

Je tâtai ensuite mes poches, à la recherche de mes clés puis me rappelai subitement que ce pantalon ne m'appartenait pas – et heureusement puisqu'il était complètement bousillé par tout le sang qui s'était écoulé de ma plaie.

En gros, je n'avais pas mes clés et je ne pouvais donc pas entrer parce que Mlle Kelly n'était pas foutue d'être dans sa chambre 45 minutes avant le couvre feu.

Mais où pouvait-elle bien se trouver ? Comment se faisait-il qu'elle et Jeff aient disparus si vite après qu'ils soient partis de l'infirmerie ? Que faisaient-ils maintenant ? Un très mauvais pressentiment monta en moi.

Quelque chose clochait, c'était évident et je craignais malgré moi que mes deux amis les plus proches soient ceux en qui je devais le moins me fier...

Je toquai encore une fois, bien que pertinemment consciente que la porte ne se déverrouillerait pas comme par enchantement puis posai la front contre la cloison, fermant les yeux.

J'eus soudainement envie de défoncer cette porte, la colère grimpa en flèche dans mon organisme et je frappai sur la paroi encore et encore avec force. Je ne sais pas d'où sortit cette rage pure, mais j'avais besoin de me défouler.

Depuis que je m'étais réveillée aujourd'hui, je n'avais cessé de me répéter que tout irait bien, que j'étais une battante et que je ne me laisserai pas abattre par ce qui s'était passé. J'avais même tenté d'ignorer ce que les paroles de ma prof avaient provoqué en moi : « tu ne peux faire confiance à personne ».

Pire que ça ! J'avais ignoré le choc qui s'était insinué dans mon sang lorsque j'avais découvert que ma putain de prof de sport n'était rien d'autre que ma mère !

Cela faisait beaucoup de chose mises de côté, j'avais l'impression de les avoir toutes enfermées dans une valise et d'avoir tiré la fermeture éclaire, malheureusement, cet épisode de la clé perdue et de moi, coincée devant ma propre chambre s'ajouta au reste de mes problèmes et blinda la valise au point que celle-ci explosa en un millier de petites étincelles brûlantes de colère.

J'étais véritablement enragée, j'avais besoin de me défouler, de canaliser tout cet accablement qui s'était infiltré dans mon corps. Trop de choses à devoir supporter, trop de choses à devoir accepter, trop de choses tout court !

J'avais beau me répéter encore et encore que j'étais forte et courageuse, je n'étais pas pour autant surhumaine, et toutes ces révélations successives étaient bien dures à gérer pour une adolescente comme moi !

De nouveau, du plat de la main, je martelai la porte. Mais elle restait close, comme pour me narguer.
–    Putain y en a marre ! M'écriai-je toujours aussi acharnée.

J'avais l'impression que rien ne fonctionnait dans ma vie en ce moment, que tout allait de travers. J'en avais tellement raz le bol ! Pourquoi devais-je subir toutes ces merdes ? Qu'est-ce que j'avais bien put faire pour mériter ça ?

–    Hein c'est vrai ça ! Pourquoi tu ne veux pas t'ouvrir bordel ! Continuai-je, la vue voilée par un filtre rouge vif.
Je m'éloignai un peu de ce qui m'empêchait d'atteindre mon but puis balançai mon pied indemne dessus. Le résultat fut pour le moins décevant si ce n'est carrément humiliant. Je réitérai alors l'opération mais rien ne marcha.

Je finis par m'approcher et envoyai mes deux poings dans cette cloison en bois.
–    OUVRE TOI !
Je frappai même avec mes avants-bras. Cependant la porte ne bougea pas d'un centimètre.

Fatiguée et blessée dans mon amour propre, je n'abandonnai pas, comprenant pourtant que je ne réussirai pas à faire ce que je désirai tant. Je n'en avais pas la force.

–    Ouvre toi ouvre toi ouvre toi ouvre toi ouvre toi ouvre toi ouvre toi ouvre toi...
Ma voix se brisa et je m'écroulai sur le pas de ma chambre, hors d'atteinte. Je posai une nouvelle fois mon front sur la paroi et tapai, beaucoup plus lentement dessus.

–    Par pitié, fais qu'au moins une chose dans cette journée ne soit pas pourrie...
Et malgré cette supplication, la porte résista.

Je finis par m'affaler devant, laissant mes sanglots prendre le pas sur ma raison et mon agressivité. Je ne savais pas vraiment pourquoi je pleurais : était-ce pour le meurtre que j'avais commis ? Était-ce pour mes amis qui n'étaient peut être pas mes amis ? Était-ce pour la soudaine révélation sur la véritable identité de ma mère ? Était-ce car j'avais appris que mon père m'avait envoyée ici en toute connaissance de cause ? Ou était-ce tout simplement parce que cette putain de porte ne voulait pas s'ouvrir ?

Aucune idée. Mais j'étais là, repliée sur moi-même par terre, comme une ruine. Et j'avais la désagréable impression d'en être une de ruine. Rien n'allait plus dans ma vie, personne ne me comprenait, mes parents se foutaient tous deux de ce que je pouvais bien éprouver et mes amis me manipulaient.

J'étais tellement... seule ! Et je ne pouvais même pas entrer chez moi pour prendre mon portable et appeler Ellie !

Je sanglotai de plus belle en constatant ceci. J'aurais tellement voulu ne jamais mettre les pieds ici, ne jamais savoir toutes ces choses que j'avais apprises, ne jamais voir toutes ces horreurs que j'avais vues. J'avais mal au cœur, mal mal mal.

Et j'étais là, assise contre une porte, la jambe blessée et les yeux boursoufflés, en bonne épave que je cherchais apparemment à représenter.

C'était si difficile d'être courageux, si difficile d'affronter la réalité sans partir en vrille. Les larmes constituaient une sorte de tentation interdite car trop dangereuse : si je me laissais aller à pleurer, alors je m'enfonçais dans un trou noir dépressif.

Le fait de pleurer, bien que par moment libérateur, pouvait certaines fois achever. Quand on sombrait dans les sanglots, on sentait comme un désir ardent de ne pas guérir plonger dans nos veines, on avait l'impression que plus rien ne pourrait nous sauver et qu'il était bien plus facile de se laisser aller à l'effondrement.

Oui, c'était exactement ça : les larmes formaient la solution de facilité, celle de l'abandon. Car, qu'il était dur de se battre, qu'il était dur de se relever après une chute ! Peu à peu, le voile au dessus de mes yeux glissa pour enfin disparaître, laissant la réalité toute crue à mes pupilles.

Et ce que je vis ne m'enchanta pas plus que ça ne me déçu : je ne vis rien d'autre que le monde naturel, sans artifices ni état d'âme. Un monde brut et sauvage, qui pouvait parfois se montrer injuste et violent, et qui pourtant engendrait tant de choses merveilleuses, telles que l'amour ou le bonheur.

Bon sang, bien que je n'en ai pas envie, il fallait que je me ressaisisse ! Si je ne pouvais pas joindre Ellie avec mon téléphone, alors j'irai au CDI pour la joindre via un ordinateur !

Pas de quoi en faire un drame ! Je me relevai, reniflant disgracieusement et me frottant ardemment les yeux.
–    Ellie, j'espère bien que tu vas m'aider, marmonnai-je.

Puis je retraversai le corridor dans l'autre sens pour aller là où je voulais aller. Et même si pleurer n'avait pas été l'acte le plus agréable à réaliser, je dus me rendre à l'évidence : cela m'avait fortement aidée à respirer, m'avait permis de me soulager.

Comme si, en même temps que mes larmes, les problèmes qui accaparaient toute mon attention avaient coulés eux aussi dans les sillons salés qui maculaient mes joues et ça faisait vraiment du bien !

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