Chapitre 63

– Avri, je ne sais pas ce qui te prend mais c'est du n'importe quoi ! Me gronda alors la voix de celui qui me retenait.
Je tournai lentement le visage pour me retrouver confrontée au regard glacé de Zac, qui paraissait vraiment très en colère.

Merde.

Je sentais une certaine déception émaner de lui et même si je n'étais pas très proche de ce garçon je ne pus refréner ma culpabilité : car je comprenais très bien pourquoi il était énervé, j'avais agis d'une façon idiote et méchante.

Je savais que Chloé aimait Jeff, et même si je ne pouvais pas blairer cette fille, je n'avais pas à l'embêter comme je venais de le faire, c'était cruel, c'était me comporter de la même manière qu'elle et donc, c'était devenir quelque chose qui me répugnait.

J'avais toujours pensé selon cette logique : « ne fais pas aux autres ce que tu n'aimerais pas qu'ils te fassent ». Aussi, quand quelqu'un m'énervait, je tentais par tous les moyens de répliquer sans impliquer de sujet vraiment blessant.

C'était donc pour cette raison que j'avais tellement mal pris le fait que j'ai commis un meurtre : en tuant celui qui essayait de faire de même avec moi, j'avais juste reproduit les actes de celui qui me dégoutait, j'avais ainsi été aussi monstrueuse que lui et je ne pouvais alors plus le lui reprocher.

D'ailleurs, pourquoi m'étais-je emportée si vite ? Qu'est-ce qui m'avait pris ? Je savais que j'étais en danger, que je devais impérativement ne pas me faire remarquer et pourtant j'avais sauté sur l'occasion de l'humilier en public.

Oui, elle avait commencé, mais j'en avais l'habitude et le minimum que je puisse faire face à cette situation, c'était l'ignorer ou encore dévier la conversation avec une petite remarque acerbe.

Cependant, ce n'était pas ce que j'avais fait, j'étais allée trop loin... Et c'était très certainement pour cela que Zac était déçu : pas parce qu'il savait que je ne devais pas me faire remarquer, mais plutôt car il me voyait comme un être bien différent de la garce que représentait Chloé et que je venais de foutre en l'air toutes ses belles pensées, j'étais exactement comme elle.

– Chloé... Je suis désolée... murmurai-je d'une petite voix.
Je n'avais pas le courage de lever les yeux, le simple fait de m'excuser était assez humiliant comme ça. Je ne le faisais que pour Sky et Zac – et peut être un peu pour moi-même aussi, pour me prouver que j'étais une meilleure personne que cette pauvre con*e.

Au moment même où je formulai ces simples mots, les bras de mon ami se détendirent autour de moi et j'éprouvai un étrange sentiment de soulagement. Sentiment qui fut rapidement effacé par un :
– Ouais tu fais bien, sinon Jeff t'aurait remis à ta place, il déteste qu'on s'en prenne à moi...

Sans réfléchir je plongeai de nouveau sur elle, la tête la première, prête à lui administrer un joli coup de boule. Malheureusement, Zac tira de nouveau et mes omoplates se collèrent à ses abdominaux sans que je ne puisse rien faire pour me libérer.

Bordel mais c'est qu'il est costaud ce petit bonhomme !

– Mon Dieu, mais retenez la bien celle-la, c'est une petite sauvage ! S'exclama cheveux-rouges d'un ton faussement choqué ;
– On va voir si tu diras toujours ça quand t'auras perdu toutes tes dents, grommelai-je.
Dans une démarche posée, elle se sépara de Sky – qui avait apparemment relâché sa prise – et s'approcha de moi.

– Tu peux répéter pour que tout le monde entende s'il te plaît ? M'enjoignit-elle avec son sourire vicieux.
Tandis que j'ouvrais la bouche, je croisai le regard de Sky, elle semblait profondément paniquée, me faisant comprendre en une expression que si je répétais ma menace, rien qu'une fois, ça irait très mal pour moi. Et elle avait tout-à-fait raison.

Même si Chloé était la plus grande garce que je n'avais jamais connue, elle restait une garce intelligente, et me pousser à bout était son principal objectif. Si j'entrais dans son jeu, alors je tombais dans son piège et s'en était fini de moi. Aussi, je serrai les dents puis répliquai :
– Je m'excuse pour ce qui vient de se passer...

Un terrible sentiment d'injustice me tomba sur le cœur : c'était injuste de lui faire mes excuses, injuste de vivre cette humiliation et injuste de me sentir aussi pathétique. Les bras de Zac étaient toujours autour des miens, comme s'il retenait un petit animale hystérique.

J'étais complètement pitoyable. Seulement il fallait que je laisse ces impressions de côté : oui j'étais pitoyable, mais au moins j'étais toujours en vie et j'espérais bien que cela continue ainsi !

Finalement, sentant que je ne me débattais plus du tout et que ma colère était retombée, Zac desserra sa prise. Chloé me toisait de son air hautain, un rictus abominable posé sur les lèvres. Qu'est-ce que j'avais envie de lui donner cette putain de correction qu'elle méritait !

Le simple fait qu'elle réagisse de cette manière face à mes excuses montrait qu'elle n'avait aucune empathie : j'avais baissé ma garde, fait preuve d'une immense maturité – sans vouloir me vanter – et sa seule réaction avait été de me pousser de nouveau à bout pour me ridiculiser.

Cette fille n'avait aucun cœur. Je m'avançai alors vers elle, juste pour pouvoir me placer à sa hauteur et lui murmurer à l'oreille quelques insultes bien senties. Cependant, je ne pus mener cette mission à bien car à peine mon pied droit effleura le sol que tout se mit à tanguer autour de moi jusqu'à ce que ma tête tombe lourdement sur le lino.

Mon cou se tourna pendant que mon crâne roulait, emporté par l'élan de la chute. Mais ce n'était rien comparé à la douleur déchirante qui pulsait dans ma jambe. Une douleur lancinante qui remontait jusque dans ma cuisse.

J'entendis une multitude de petits cris mais le choc de mon effondrement empêcha les pensées cohérentes d'atteindre mon cerveau. Autour de moi, les formes se muèrent en une seule et même chose : un désert blanc. Ma vision s'était entièrement brouillée.

– Dammit ! Avri... What did you do ? What's happened ? S'écria la voix de Sky terrorisée.
J'essayai de lui répondre mais la migraine qui me vrillait la tête rendit cela impossible.
– Sky, regarde, elle saigne ! S'exclama alors Chloé, enfin, je déduis qu'elle s'exclamait car dans mon esprit toute cette scène n'était clamée qu'en murmures.

– Il faut l'emmener à l'infirmerie ! Déclara Zac dans mon dos, je ne sais pas ce qu'elle a fait mais son Jeans est imbibé de sang et ses pieds sont tout égratignés, elle a dû sortir sans chaussures...

Merde, ça c'était une mauvaise nouvelle : comment allais-je expliquer ce phénomène ? Comment allais-je pouvoir justifier le fait que je m'étais enfuie de l'infirmerie pour aller à l'extérieur ?

Merde Avri, quand tu décides d'être idiote, tu fais pas les choses à moitié !

J'avais vraiment honte : trois mois passés dans ce trou à rats et je continuai à faire ce genre d'erreurs ? Tandis que je continuai à me gronder intérieurement, des bras passèrent sous mes épaules et sous mes genoux et je fus soulevée dans les airs. Ma tête se colla contre un torse viril, pourtant, quelque chose me dérangeait...

Ce n'était pas le torse de celui avec qui je voulais être, ce n'était pas son odeur musquée non plus. C'était Zac, pas Jeff. Cette simple constatation me contraria énormément.

Seulement ce n'était pas vraiment le moment de faire la fine bouche et s'il pouvait m'aider à aller mieux, alors soit, qu'il me porte. Comme je glissais, il raffermit sa prise sur mes jambes et serra sans le faire exprès ma blessure.

Un hurlement éclata quelque part près de moi et je ne compris que c'était le mien que lorsque Sky me demanda ce que j'avais. Je ne réussis pas à dire quoi que ce soit et je me contentai donc d'attendre qu'on m'amène là où j'avais besoin d'aller au plus vite.

Le trajet fut brumeux, moins perturbant que quand j'avais tué mon prof d'arts plastiques mais assez étrange pour que je ne veuille plus jamais revivre cette expérience. On me déposa sur la table d'osculation même où on m'avait déchiré mon Jeans la dernière fois – après m'être tordue la cheville en fuyant Dean.

Je sentis qu'on montait mon pantalon doucement jusqu'à mon genoux et qu'on me retenait le dos. J'avais conscience d'être assise, conscience qu'on me recousait, mais le coup que j'avais pris à la tête en tombant m'avait vraiment atteinte et j'étais complètement sonnée.

J'entendais même dans mon oreille gauche une sorte de petit sifflement aigu insupportable, un acouphène. J'avais toujours mal à la jambe mais on appliqua sur la plaie quelque chose de froid qui me soulagea presque instantanément, ça brûlait toujours mais c'était bien plus acceptable comme souffrance.

Après cela, la toile du Jeans retomba sur mon mollet et on plaça un verre contre mes lèvres.
– Bois, ça te fera du bien, chuchota une voix.

J'allais le faire, j'allais boire ce breuvage inconnu lorsque je me souvins de ce qu'il était : inconnu. Je ne devais pas faire ça, je ne devais pas ingérer cette substance, même si j'en avais très très envie. Il ne fallait pas que je l'avale sans être sûre que son contenu n'était pas dangereux.

Tu es en danger.

C'était horrible à penser mais c'était la dure vérité : une menace de mort planait au dessus de ma tête, et je n'étais en sécurité avec personne. Cette conclusion me réveilla et peu à peu ma vue redevint nette.

Je pus d'abord distinguer les contours des visages qui m'entouraient, leurs traits fins apparurent lentement, comme quand on sort son appareil photo et qu'il s'ajuste sur l'objectif qu'on lui présente.

Une fois ma vision rétablie, ce furent mes oreilles qui prirent le relais. Les sons, dans un premier temps murmurés commencèrent à prendre une véritable consistance, le timbre des voix se fit plus profond et les bruits alentours, tels que la pendule à côté de moi où le robinet mal fermé à ma gauche se manifestèrent enfin tandis que le sifflement lui s'évaporait.

Mon premier réflexe après avoir repris entièrement connaissance fut d'éloigner mes lèvres du verre qu'on me présentait.
– Avri mais qu'est-ce que tu...
– Je n'ai pas soif.

La doctoresse ramena le gobelet près de ma bouche dans une vaine tentative de me faire accepter cette fois, mais je refusais encore :
– Je ne veux pas boire madame, tout va bien, insistai-je.

Résignée, la jeune femme alla reposer l'objet sur la table, près du lavabo qui gouttait. Je tournai la tête pour suivre son mouvement du regard mais avant d'arriver au plan de travail je fus contrainte de faire une pause : au milieu de le pièce se tenaient Sky, Zac et... Chloé.

Putain de bordel de merde ! Avri ! Tu as bu leur foutu liquide ! Tu fais une hallucination !

Je clignai des yeux, sept fois, puis me les frottai très fort dans l'espoir que la fille aux cheveux cramoisis disparaisse, mais rien ne se passa. Il fallait que je me rende à l'évidence : elle était bel et bien ici, avec moi, dans cette infirmerie... pourquoi ?

– Chloé ? Demandai-je d'une faible voix.
L'interpellée leva les yeux pour m'observer :
– Quoi ?
– Qu'est-ce que tu fous là ? On t'a menacée avec un pistolet en rentrant, ou tu viens de fumer un pétard et tu es totalement shoutée ?

Ma remarque fut accompagnée d'un long silence pendant lequel je les scrutai tous un par un puis ils éclatèrent de rire en cœur.
– Quoi ?
Ma question renforça leur hilarité générale et ils reprirent de plus belle. Super !

Quand ils finirent enfin par se calmer c'est Sky qui répondit :
– Elle nous a aidé à te porter et... mon amie poussa l'autre garce vers moi comme pour l'obliger à faire quelque chose qu'elle n'avait pas envie ; Chloé veut te faire ses excuses.
Effarée, j'ouvris grand les yeux pour fixer la principale concernée. Elle était aussi rouge que ses cheveux et présentait une moue dégoûtée, comme si la prochaine chose qui allait sortir de sa bouche serait du vomi.

– C'est vrai... je... suis désolée d'avoir dit toutes ces horreurs à ton sujet.
Je restai béate, la bouche tellement ouverte qu'on aurait certainement pu croire que ma mâchoire allait se détacher du reste de mon visage.

Miss Cheveux-rouges venait-elle réellement de s'excuser ?

– Mais d'un autre côté ne pense pas que je ne les pensais pas, c'est juste que je n'aurais pas dû le dire devant toi, compléta-t-elle.
À peine cette déclaration faite que Sky lui envoyait un petit coup de pied dans la jambe mais son amie ne réagit pas, elle était bien trop fière de sa répartie.

Ah d'accord, ça va, au moins tu es sûre de ne pas être droguée !

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