Chapitre 3

Une fille aux longs cheveux blonds apparut dans l'encadrement. Et là, première pensée : tous les gens de cette foutue école sortaient de films hollywoodiens. Non, sérieux ! Après avoir rencontré la reine du château, je faisais face à la fée éblouissante. Je me sentais... humaine à côté d'elles. Du genre, avec des cheveux normaux, des couleurs d'yeux normales et des vêtements norm... non, mes vêtements étaient vraiment laids aujourd'hui, je ne pouvais pas le nier.

Enfin bon, ça arrivait à tout le monde de mal s'habiller ! Tout le monde, sauf elles, c'était sûr ! L'une avec son tailleur, l'autre avec sa robe en laine cintrée à la taille qui mettait en valeur son corps de déesse. Voilà, ma colocataire était une déesse : du genre, avec de longs cheveux ondulés, aussi dorés que les blés, des yeux de biches aux iris d'un bleu océan, un nez fin et droit, des lèvres pulpeuse, un visage en cœur. Non mais QUI était aussi parfait ?

La fameuse déesse m'adressa un sourire chaleureux – prouvant que même sa dentition était magnifique – avant de s'exclamer :

- Salut Avril ! Moi c'est Sky ! Bienvenue à Schooltime !

Et de deux bienvenue, deux ! Combien allais-je en recevoir tout au long de cette journée ?

- Salut, merci, tu peux m'appeler Avri si tu veux... bredouillai-je maladroitement.

À vrai dire je n'étais pas spécialement à l'aise sous le regard de mon père et de notre directrice. Je crois que Mme C s'en rendit compte parce que, lorsqu'elle prit la parole elle déclara :

- Nous allons vous laisser, j'ai posé ton emploi du temps sur ton lit Avril et Sky t'accompagnera à ton premier cours de la journée.

J'acquiesçai, rassurée dans un premier temps de savoir qu'ils ne seraient plus là, ces adultes, à nous observer comme s'ils étaient en pleine étude sur le comportement d'adolescents en milieu hostile. Puis, en croisant le regard de mon père, je compris que ce serait un départ définitif et mon soulagement s'évapora.

Une boule se forma dans ma gorge tandis que je sentais mes yeux s'humidifier. Même si j'étais très énervée contre lui, cela ne changeait pas le fait que je l'aimais et que j'avais peur d'être séparée de lui. Après tout, il pouvait se passer beaucoup de choses en un semestre : et s'il avait un accident ? S'il était envoyé à l'hôpital au Japon et que je ne pouvais pas le rejoindre ! Pire ! Si je n'étais même pas mise au courant alors qu'il était à l'article de la mort ?

Je n'avais vraiment pas envie de le quitter si longtemps, et en le regardant, là, avec ses yeux tout doux et son sourire peiné, mon seul souhait était de me blottir dans ses bras et de ne jamais le laisser partir. Mais à quoi cela aurait-il servi ? C'était LUI qui avait décidé de m'abandonner, LUI qui m'avait forcée à partir ! Tout était SA faute ! J'étais tiraillée entre l'envie de le prendre dans mes bras et celle de le snober froidement, amour versus fierté, quel dilemme !

Et alors que je le dévisageais, indécise quant à la façon dont je devais le traiter, il déclara :

- Au revoir petit ange.

Ces quatre petits mots m'achevèrent : mon cœur fondit comme neige au soleil et je me jetai dans ses bras. Il m'appelait toujours comme ça quand j'étais petite. Ce n'était pas spécialement original, mais cela me rappelait tant de souvenirs que j'éclatai en sanglots. J'avais oublié ce surnom au cours de mon adolescence et de nos nombreuses disputes... 

Je le serrai fort contre moi en lui répétant à quel point je l'aimais dans un murmure. Il m'embrassa le haut du crâne et entoura ses gros bras autour de mes épaules tout en me répondant qu'il m'aimait aussi. Les larmes ne s'arrêtaient plus de couler tandis qu'il me frottait vigoureusement le dos pour me consoler.

Après de longues minutes, qui j'espérais ne se termineraient jamais, la directrice se racla la gorge derrière nous, rompant notre précieux lien. Ce simple son sonnait comme l'alarme d'un chronomètre : notre temps imparti était à présent terminé et il était temps de se quitter. Ô joie...

Mon père fut le premier à réagir, m'embrassant une dernière fois avant de me lâcher et de reculer. Il me prit doucement la main, la serra et me dit gentiment :

- Profites bien de ce séjour ! À la prochaine Avri ! 

Puis il avança dans le couloir, rejoignant Mme C. Il se tourna un dernière fois pour me sourire et je lui répondis par un petit signe de main, retenant les nombreuses larmes qui n'avaient pas encore eu le temps de couler. Enfin, il pivota et s'en alla.

Je restai quelques secondes immobile fixant un point dans son dos puis je fermai la porte. Hors de question de m'effondrer encore une fois devant l'autre déesse ! Celle-ci vit mon geste comme une invitation et brisa le silence :

- C'est toujours difficile de quitter ses parents...

Elle posa une main consolatrice dans mon dos. Je hochai la tête, inspirai et me tournai enfin vers elle. Elle m'observait avec attention. Je lui souris, comme pour signifier que je me sentais mieux et elle changea de sujet :

- Bon alors, voilà ta chambre !

Elle fit un grand geste du bras pour la présenter.

- Et tu as de la chance d'arriver en deuxième année : on a droit à une salle de bain maintenant !

Je scrutai les lieux avec curiosité : nous avions de l'espace, environ 30 mètres carrés (en partie occupés par mes nombreux bagages), la chambre était plutôt simple mais cosy, avec des murs blanc cassé, un lit superposé de trois étages en bois beige, même bois beige que l'armoire à côté de l'entrée et que le bureau, en dessous de la fenêtre, face à la porte. La salle de bain se trouvait face au lit, petite, elle avait assez de place pour des toilettes, un lavabo et une cabine de douche. C'était tout ce dont j'avais besoin.

- Nous avons vidé un étage de l'armoire dont tu pourrais te servir, commença Sky et ouvrant celle-ci pour me montrer, et ton lit est celui du milieu, continua-t-elle en me le désignant d'un signe de main.

Évidemment, personne n'aimait dormir sur ce lit. Je m'en approchai et attrapai l'emploi du temps qui avait été posé dessus, l'étudiant d'un œil distrait.

- Bon maintenant que j'ai dit tout ce qui était important, passons aux choses sérieuses. Reprit Sky.

Je levai brusquement la tête, intriguée par ce qu'elle venait de dire :

- Les choses sérieuses ? répétai-je sans comprendre.

Elle me fit un sourire malicieux avant de répondre :

- Tes vêtements. Tu ne peux décemment pas te présenter comme ça en bas.

Oui, c'était vrai. Mais bon, de là à dire que c'était des choses sérieuses...

- T'inquiètes, je vais juste mettre un autre jean et un autre sweat, ça ne va pas prendre longtemps, expliquai-je tout en me penchant vers une de mes valises.

- Ah non ! Pas d'accord, elle intercepta mon bras pour arrêter mon geste, on va t'habiller bien !

Silence.

- Euh... Pourquoi ?

De nouveau ce petit sourire énigmatique :

- Trois raisons, rétorqua-t-elle, déjà parce que tu vas attirer l'attention, t'es nouvelle. Ensuite, parce que ça m'amuse et surtout, on va rencontrer mes amis.

- Ah, cool, et donc ?

- Tu verras ! lança-t-elle.

Pas bon signe.

Elle se tourna donc vers la penderie et commença à fouiller dedans.

- Tu sais Sky, moi aussi j'ai des habits... marmonnai-je, embarrassée.

Pour tout dire, j'étais embarrassée à propos d'un tas de trucs : déjà, parce qu'une fille que je ne connaissais pas du tout avait décidée de jouer à la poupée avec moi, ensuite, parce que j'avais peur que ses vêtements ne m'aillent pas (j'étais plus grande et plus fine, une vraie tige comparée à elle, tout en formes et en sensualité), enfin, parce que, bon sang, quel était le problème avec ses amis ?

Depuis qu'elle m'avait regardée avec son petit sourire en coin, j'étais en train de m'imaginer tous les scénarios possibles et je n'en menais pas large. Je décidai de lui tirer les vers du nez avant de descendre : hors de question de, je ne sais pas moi, me retrouver dans un monde parallèle où il fallait s'habiller d'une certaine façon pour ne pas mourir dans d'atroces souffrances. Étrangement, à chaque fois que je m'imaginais quelque chose, ça finissait toujours dans une mort terrible et sanglante. Peut-être devais-je penser un de ces jours à aller consulter un psy...

- Voilà ! s'écria Sky, la moitié de son corps avalée dans l'armoire.

Je m'approchai pour voir ce qu'elle avait trouvé et haussai un sourcil, une fois face à son butin :

- Tu veux que je porte... ça ?

Elle acquiesça, le visage rayonnant :

- Ça t'ira par-fai-te-ment !

Je regardai ce qu'elle tenait dans ses mains, puis son expression, et de nouveau les habits :

- J'accepterai de porter ces trucs seulement quand tu m'auras dit pour qu'elle raison tu veux que je les mette, déclarai-je, intransigeante ;

- Et moi, j'accepterais de te le dire quand tu les auras mis, répondit-elle du tac au tac, comme si elle s'y attendait.

S'en suivit une sorte de duel visuel, chacune mettant au défi l'autre de baisser les yeux et de perdre la bataille. Malheureusement, ce fut moi la perdante, quand, alors que mon téléphone se mit à vibrer, je fis l'erreur de baisser la tête. C'était un message d'Ellie qui me demandait si j'étais bien arrivée, je répondis puis rangeai mon portable et quand je me tournai de nouveau vers Sky, elle me tendait les vêtements que j'allais devoir mettre. Je soupirai, résignée, et attrapai les habits avant de m'enfermer dans la salle de bain. 

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